Déclaration de Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi, sur l'action gouvernementale pour l'emploi et le développement de l'initiative locale auprès des PME avec le concours des experts comptables, Paris le 25 janvier 1996.

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Circonstance : Réunion de la conférence nationale pour l'emploi du Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables à Paris le 25 janvier 1996

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,

J'ai été d'autant plus sensible à votre invitation, qu'elle est particulièrement chargée de sens à mes yeux.

Votre profession se mobilise spontanément sur un sujet essentiel pour notre société : l'emploi.

C'est un signe de la conscience que vous avez de votre responsabilité d'expert-comptable, auprès des entreprises, auprès des créateurs d'emplois.

C'est un signe de la conscience que vous avez en tant que citoyen, en tant qu'employeurs, de la gravité du chômage.

Dans un contexte où le gouvernement doit sans cesse rappeler à chacun que le développement de l'emploi est affaire de mobilisation, d'initiative, il est particulièrement réconfortant d'être conviée par des professionnels qui ont su se mobiliser eux-mêmes.

Vous l'avez bien compris, l'emploi doit être notre priorité absolue.

Parce que le chômage est la principale cause des difficultés sociales que rencontre la France, du développement de la pauvreté et de l'exclusion.

Parce que le chômage hypothèque l'avenir de notre pays : un pays qui doute, qui perd le goût de l'initiative, qui perd le goût de l'action, un pays dont la jeunesse ne peut plus mettre son espoir dans le travail, dans la participation à une tâche collective, est un pays, qui ne peut à terme, que décliner.

C'est pourquoi l'emploi est depuis l'élection du président de la République, la première priorité de la politique du gouvernement.

Je ne rappellerais que brièvement les mesures qui ont été prises, simplement, pour vous rappeler à quel point l'emploi en est le fil conducteur :

Ce sont d'abord les mesures d'urgence, le contrat initiative emploi, l'allègement des charges sur les bas salaires, qui dès les premières semaines de l'action gouvernementale, ont eu pour ambition de s'attaquer aux deux problèmes majeurs de notre pays : le chômage de longue durée et le poids excessif des charges sociales dans le coût du travail.

Ces mesures d'urgence ont commencé à porter leurs fruits. Plus de 180 000 contrats initiative emploi, neuf branches professionnelles qui se sont d'ores et déjà engagées par des chartes afin d'enrichir le contenu en emplois de la croissance. 4,5 millions de salariés sont aujourd'hui couverts par ces chartes, soit environ le tiers des salariés du secteur privé.

Ces mesures d'urgence qui visaient à s'attaquer aux causes et aux conséquences les plus immédiates du chômage ont été ensuite complétées par toute une série de réformes de fond : c'est la maîtrise des déficits budgétaires.

Vous connaissez leur incidence sur les marchés financiers et donc sur les taux d'intérêt, l'investissement et, dès lors, le développement de l'emploi. Vous savez aussi que l'action du gouvernement en la matière a permis ces derniers mois une baisse significative des taux qui devrait permettre d'enrayer au second semestre le ralentissement de la croissance que nous connaissons à l'heure actuelle.

La réforme de la Sécurité sociale procède aussi d'une logique de priorité donnée à l'emploi. Une plus grande efficacité de notre système social permettra de dégager des marges au profit de l'économie marchande, de la croissance et de l'emploi. La réforme d'une partie de l'assiette des prélèvements sociaux est également un facteur d'abaissement du coût du travail et donc de développement de l'emploi ;

Je pourrais citer d'autres mesures visant toutes au développement de l'emploi que ce soit directement : élargissement des possibilités d'utilisation du chèque emploi service, réformes des circuits de financement de l'apprentissage, ou permettant de relancer l'économie, ce qui a évidemment, un effet sur l'emploi : plan PME/PMI, plan logement, et en particulier mise en place du prêt à taux 0, mesures de soutien à l'activité annoncée à l'issue du sommet social de Matignon...

Comme vous le voyez, l'action du gouvernement est bien polarisée par notre volonté de lutter contre le chômage.

Mais l'emploi, c'est aussi l'affaire de tous :

Je crois qu'on doit se poser deux questions :

Première question : Pourquoi n'embauche-t-on pas ?

La première raison, celle qui est toujours avancée, c'est l'insuffisance du carnet de commandes. Mais il y a également d'autres facteurs qui empêchent le développement de l'emploi. D'abord, la complexité, complexité administrative de l'acte d'embauche, mauvaise connaissance par l'entreprise du coût réel des emplois compte tenu des aides publiques.

Les mesures de simplification prises par le gouvernement (déclaration unique d'embauche...) ainsi que la mise en place des guichets initiative emploi apportent des éléments de réponse à ces difficultés.

Mais le développement de l'emploi peut être également freiné, tout simplement, par l'absence d'initiative. Il faut bien avoir conscience que les entreprises qui réussissent sont celles qui développent de nouveaux produits, qui découvrent de nouveaux marchés, qui innovent, c'est-à-dire, qui se créent leur propre carnet de commandes. L'initiative individuelle, la volonté d'entreprendre, sont un des éléments moteurs de l'emploi.

La deuxième question que l'on doit se poser est : qu'est-ce qu'une politique de l'emploi ?

C'est d'abord la mise en place d'un cadre macro-économique sain, de mesures simples et facilement compréhensibles par les entreprises et qui constituent le cadre dans lequel peut se développer l'embauche.

C'est là le rôle du gouvernement. Les mesures que je vous ai citées tout à l'heure concourent à la mise en place de ce cadre macro-économique.

Mais une politique d'emploi, c'est aussi la somme des initiatives individuelles, c'est l'action concrète de telle commune qui met en place une maison de l'emploi, d'une chambre consulaire qui développe un réseau de démarcheurs auprès des entreprises, d'une entreprise qui, pour éviter de licencier du personnel, organisé un système de prêt de main-d'œuvre avec d'autres entreprises de son bassin d'emplois... L'emploi dépend avant tout des initiatives locales, des initiatives de chacun.

Ce double constat sur les raisons qui poussent une entreprise à recruter et sur ce que doit être une politique en faveur du développement de l'emploi a conduit le gouvernement à mettre en place une véritable mobilisation locale pour l'emploi qui a été ma première préoccupation, d'abord comme secrétaire d'État, aujourd'hui comme ministre déléguée.

Nous avons mis en place un réseau de commissaires pour l'emploi dans chaque département, épaulés par des cadres issus du secteur privé.

Leur rôle est d'aider au montage de projets, de rechercher tout ce qui peut empêcher le développement de l'emploi, d'apporter leur concours à toutes les initiatives locales. Elles sont nombreuses, elles sont parfois entravées par certaines rigidités, elles ne sont pas assez connues.

Nous avons également invité les collectivités locales, les organismes consulaires et patronaux à signer des chartes locales initiative emploi pour fédérer et organises les initiatives.

Dans le cadre de la mobilisation locale pour l'emploi, votre démarche m'apparaît essentielle. En effet, les experts comptables sont un relais déterminant auprès notamment des très petites entreprises dont ils constituent souvent le seul conseil.

Vous contribuez à l'appréciation que le chef d'entreprise se fait de sa capacité à embaucher, vous pouvez être un relais pour la connaissance et l'utilisation pertinente des mesures pour l'emploi, vous pouvez également faire circuler l'information entre les entreprises sur telle ou telle initiative ou telle ou telle modalité de gestion porteuse de création d'emplois.

La tenue de cette conférence nationale pour l'emploi est pour moi l'occasion de vous proposer, selon des modalités que votre comité social pourrait préciser, de vous mobiliser en faveur de l'emploi et plus particulièrement en faveur d'une meilleure information des très petites entreprises.

Je sais que le conseil supérieur de l'Ordre a déjà commencé, pour les besoins en recrutement de la profession, à collaborer avec l'Agence nationale pour l'emploi, dans le cadre d'une convention, je pense qu'il sera possible d'aller plus loin.

Nous pourrions, par exemple, organiser une meilleure information des experts comptables sur les mesures en faveur de l'emploi, sur les initiatives locales créatrices d'emplois, informations qui pourraient être ensuite diffusées auprès des entreprises.

Je suis convaincue que cette conférence nationale pour l'emploi est la première étape d'une mobilisation des experts comptables au profit de l'emploi ; votre profession a décidé d'apporter son concours à cette cause nationale, je vous en remercie.

Mais nous devrons aller plus loin. La réglementation du travail est dans certains cas trop complexe. Par exemple, en matière d'aménagement du temps de travail, vous savez qu'il existe trois régimes concurrents d'annualisation qui se sont superposés au fil du temps.

Le Gouvernement s'est engagé, dès lors que les partenaires sociaux auront avancé dans leurs négociations et que les conditions en seront ainsi réunies, à simplifier la législation sur la durée du travail.