Texte intégral
France Inter : Le chiffre est tombé dimanche en fin de matinée : près de 50 milliards de francs de déficit, en gros, pour la Sécurité sociale à la fin de cette année. Trente milliards de plus que ce que le gouvernement avait prévu, alors est-ce qu’avec le plan Juppé, contre lequel de nombreux Français ont manifesté, on a leurré les Français comme le dit M. Blondel ?
A. Lamassoure : C’est le contraire ! Heureusement que le plan va pouvoir s’appliquer. D’abord, de quoi s’agit-il avec ce chiffre ? Il s’agit d’une prévision qui est faite au milieu de l’année sur les résultats globaux de la Sécurité sociale d’ici la fin de l’année, si la situation économique ne s’améliorait pas. Or, nous avons de bonnes raisons de penser que cette situation va s’améliorer et que les recettes vont recommencer à entrer. Pourquoi cette prévision de déficit ? Uniquement à cause de la baisse d’activité de l’économie qui prive la Sécurité sociale d’une partie de ses recettes, puisque ses recettes proviennent toutes de cotisations calculées sur la base des salaires. Quant au plan Juppé, il commence à s’appliquer maintenant. Et donc, les critiques qui sont faites ont la portée de critiques d’un malade qui serait allé voir son médecin : son médecin lui propose une thérapeutique, son malade va acheter les médicaments en pharmacie, il revient et, avant même d’avoir ouvert la boîte de médicaments, il dit : « ce médecin est nul, je ne vais pas mieux ». Or, en fait, il faut savoir que la Sécurité sociale va mieux, nous avons enregistré l’année dernière un déficit de plus de 70 milliards de francs, la prévision actuelle pour 1996 est inférieure à 50 milliards de francs. C’est encore trop mais c’est un mieux. Et sur les premières dispositions du plan, les seules qui s’appliquent, la maîtrise des dépenses dans la période actuelle, nous constatons qu’au mois d’avril, les dépenses de santé ont baissé de plus de 0,4, % et qu’elles sont, en avril 1996, inférieures au niveau où elles étaient en novembre dernier, au moment où on a lancé le plan.
France Inter : Tout cela est compliqué, on sait quand même qu’elles ont crû de manière un petit peu exponentielle ?
A. Lamassoure : Non, elles ont baissé par rapport à novembre dernier, quand vous comparez avril sur novembre. Donc, le plan Juppé commence à produire ses effets mais l’essentiel du plan n’est pas encore mis en application. Par exemple, les nouvelles caisses de Sécurité sociale n’ont pas encore leur dirigeant, les agences hospitalières qui doivent maîtriser la dépense hospitalière ne sont pas encore en place, les carnets de santé qui seront donnés à tous les assurés ne seront mis en place qu’aux mois d’automne. Donc, appliquons pleinement le plan et nous bénéficierons de tous ses effets.
France Inter : On peut se demander tout de même si c’est suffisant, puisque la Commission des comptes préconise quand même le recours à de nouvelles mesures pour arriver à l’équilibre souhaité en 1997, c’est-à-dire dans six mois ?
A. Lamassoure : L’objectif est d’arriver effectivement à un équilibre en 1997 mais sur l’ensemble de l’année 1997, donc nous avons dix-huit mois. Il y a une chose qui doit être très claire pour nos auditeurs, il n’est pas question d’accroître les cotisations, il n’est pas question non plus de procéder à du déremboursement, c’est-à-dire à rembourser moins bien des dépenses qui auraient eu lieu. Tout l’effort doit porter sur la réduction des dépenses. En outre, nous avons de bonnes raisons de penser qu’avec l’amélioration de la situation économique, les recettes vont recommencer à rentrer. Je rappelle que 1 % de salaire supplémentaire, cela représente 10 milliards de plus pour la Sécurité sociale. Au premier trimestre de cette année, avec un début de reprise d’activité économique, le taux de salaire horaire a augmenté de 1 % et nous avons enregistré pendant deux mois consécutifs la baisse du chômage, donc nous sommes partis pour connaître une amélioration des recettes de la Sécurité sociale.
France Inter : Il y a peut-être une économie que l’on pourrait faire aussi, si on cessait de faire des exonérations sur les charges sociales des salariés. Ces exonérations représentent près de 64 milliards de francs et on sait qu’elles sont, en termes d’emplois, pas tellement efficaces…
A. Lamassoure : Attention aux contre-sens, ces exonérations ne pèsent pas sur la Sécurité sociale, elles sont prises en charge par le budget de l’État.
France Inter : Pas complètement ?
A. Lamassoure : Elles sont prises en charge et compensées par le budget de l’État.
France Inter : Chez vous, à Bercy, on est optimiste, on pense que les déficits publics, d’une manière générale, vont être contenus à 4 % du PIB. Vous venez de nous l’expliquer pour ce qui est de la Sécurité sociale. Tout de même, est-ce qu’on ne s’est pas trompé de remède, est-ce qu’il n’aurait pas fallu doper l’emploi plutôt que de faire de nouveaux prélèvements comme le RDS, ou augmenter les cotisations sociales des retraités et des chômeurs ou encore la TVA pour l’ensemble des Français ?
A. Lamassoure : Ce que vous appelez doper l’emploi, c’est en fait relancer l’activité économique. Et c’est la raison pour laquelle toute la politique économique actuelle est axée sur la réduction de la dépense publique qui permettra à la fois de réduire les déficits et de réduire la pression fiscale, de manière à ce que l’économie recommence à créer des emplois. Quand nous nous comparons à nos grands partenaires, nous constatons que depuis maintenant 25 ans, la France est le seul grand pays qui n’a pas été capable de développer la création de ces emplois dans le secteur privé et dans le secteur marchand. Pourquoi ? Parce que les prélèvements obligatoires sont trop importants. Mais, compte tenu du niveau du déficit, nous ne pouvons baisser les impôts que si nous nous lançons dans une politique forte et durable de réduction des dépenses publiques. C’est tout l’objet de la politique budgétaire que nous allons mettre en œuvre à partir de l’automne prochain.
France Inter : Vous dites réduction de la dépense publique, mais il y a quand même dans les tuyaux, de nombreux projets qui sont des projets coûteux : mettre en place l’assurance maladie universelle – on va encore reparler de la Sécurité sociale – l’allocation dépendance, réformer la politique familiale, faire une loi sur l’exclusion. Tout ça coûte cher, est-ce que c’est vraiment réalisable dans un tel contexte ?
A. Lamassoure : Les projets que vous citez sont inclus dans la réforme de la Sécurité sociale et en fait, à partir de 1997, l’ensemble du régime de Sécurité sociale sera équilibré. D’autre part, nous engageons aussi une politique d’assainissement dans le secteur public. Aujourd’hui même, s’engage une discussion au Parlement sur l’avenir de la SNCF ; à l’heure actuelle, la SNCF coûte pratiquement entre 40 et 50 milliards de francs à l’État, c’est-à-dire aux contribuables, et nous espérons, par une organisation différente et une gestion qui responsabilisera les dirigeants et les salariés de la SNCF, pouvoir réduire assez fortement ce prélèvement.
France Inter : Oui, mais dans le projet qui va être présenté aujourd’hui, qui sépare, en gros, le rail de ce qui est particulièrement commercial, l’État reprend quand même à sa charge 125 milliards de francs de dette de la SNCF. Cela aussi va peser sur le portefeuille des Français ?
A. Lamassoure : Cela va accroître la dette de l’État. Par contre, l’objectif est de réduire les subventions, et donc l’effort des contribuables en faveur de la SNCF. On constate que depuis quatre à cinq ans, le déficit de la SNCF s’est accru de manière vertigineuse, puisque nous avons atteint, l’année dernière, un déficit d’exploitation de l’ordre de 16 milliards de francs. Alors, l’accord qui est proposé à la SNCF consiste à dire : l’État reprend à sa charge une grande partie de la dette passée, notamment celle qui correspond à la mise en place d’infrastructures nouvelles telles que les infrastructures de TGV qui avaient été demandées par l’État. En contrepartie, la SNCF garde à sa charge la dette due à la mauvaise exploitation, à la mauvaise gestion des années passées. Et nous mettons en place une organisation qui distinguera un établissement public qui gère les infrastructures, et qui sera contrôlé par l’État, et la SNCF qui deviendra un exploitant de ces lignes et qui sera dans l’obligation d’équilibrer son compte d’exploitation. Nous aurons donc une organisation beaucoup plus saine du point de vue économique et avec un partage des responsabilités beaucoup plus clarifié, qui permettra de réduire substantiellement les concours que le contribuable est indirectement obligé d’accorder à la SNCF.
France Inter : Je vais vous parler des impôts, notamment des impôts locaux. Il y a une réforme qui est prévue, qui est en cours d’examen. Elle aboutirait à une augmentation des taxes locales pour à peu près 25 % des Français, et de l’autre côté, une réforme fiscale qui vise à les baisser : il y a une cohérence ?
A. Lamassoure : Non, je vous arrête. Il n’y a pas de réforme des impôts locaux en cours. Il n’y a pas de réforme des impôts locaux en cours ! Il y a deux sujets qui sont complètement différents. Un : la grande réforme fiscale annoncée par le Premier ministre dont le but est de réduire les impôts payés par les Français – et les impôts en cause sont l’impôt sur le revenu, les cotisations qui financent la Sécurité sociale et la taxe professionnelle. D’autre part, il y a un second sujet qui n’est pas une réforme, qui est en cours depuis plusieurs années, qui est une mise à jour des évaluations des propriétés – évaluations à partir desquelles on calcule les impôts locaux. Ce n’est pas du tout un projet de réforme, c’est une mise à jour technique. Ce n’est pas un sujet d’opposition entre la droite et la gauche, puisque le principe en avait été décidé du temps de la gauche. Si on le met en œuvre, cela ne se traduira pas par un franc de plus pour les communes, ou un franc de plus pour l’État, ni par un franc de moins ; c’est financièrement complètement neutre. Le gouvernement a saisi le comité des finances locales pour avoir un avis des élus locaux sur le problème de cette mise à jour. Et si on constate qu’il y a la moindre difficulté ou la moindre opposition, eh bien, nous ne procéderons pas à cette mise à jour. Mais cela n’a rien à voir avec le projet de réforme fiscale.
France Inter : Donc, pas de nouveaux prélèvements pour les Français ? Vous nous le promettez ?
A. Lamassoure : En aucun cas. Au contraire, sur cinq ans, les impôts vont baisser.