Déclaration de Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué chargé de l'emploi, sur la politique de l'emploi, "priorité du gouvernement", les mesures d'aide aux entreprises et PME créatrices d'emplois et la relance de la mobilisation des acteurs locaux, Nantes le 5 avril 1996.

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Circonstance : Réunion du Comité d'expansion économique de Loire-Atlantique sur le thème "le travail en mutation" à Nantes le 5 avril 1996

Texte intégral

Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les députés,
Messieurs les sénateurs,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

Le thème central de votre débat, « Le travail en mutation », s'inscrit parfaitement dans la ligne directrice de la politique gouvernementale menée depuis 10 mois à partir des objectifs fixés par le Président de la République.

1. Développer l'emploi pour assurer la réinsertion de ceux qui sont exclus et retrouver ainsi une cohésion nationale.

2. Redonner une place à la France dans l'Europe et dans le monde.

La situation aujourd'hui exige ces objectifs ambitieux.

Comment les atteindre ?

D'abord il faut rappeler que la France a d'incontestables atouts :

Elle est la quatrième puissance économique de la planète, le 2e exportateur de services, le 3e investisseur international ; notre inflation est jugulée, notre monnaie est solide, ce qui assure la compétitivité de nos produits à l'exportation et contribue à l'enrichissement de notre pays ; la productivité française est enfin une des premières parmi les pays de l'OCDE.

À partir de ce constat favorable, nous avons entrepris d’explorer et d’optimiser les marges de manœuvre possibles.

En premier lieu,

I. - Si l'on veut lutter durablement en faveur de l'emploi, il faut d'abord créer une situation qui permette d'assainir notre économie et de moderniser notre pays.

1.1. Assainir : notre économie car des réformes trop longtemps différées ont conduit à de sérieux déséquilibres financiers. C'est pourquoi le gouvernement d'Alain JUPPÉ s'est attaqué à cette situation dès son installation.

La dette budgétaire représentait à la fin de l'année dernière 300 milliards de francs soit plus de 2 années de dépenses : pour 1 000 francs dépensés, l'État doit aujourd'hui consacrer 115 francs au paiement des intérêts de sa dette.

La sécurité sociale a aujourd'hui accumulé 230 milliards de francs de dettes, soit 4 000 francs par Français ; chaque jour son déficit s'accroît de 165 millions de francs.

Ainsi assainir notre économique c'est d'abord assurer la maîtrise des finances publiques.

La loi de finances pour 1996 a prévu une réduction drastique du déficit budgétaire, le ralentissement de la croissance au 1er semestre 1996 ne remettra pas en cause notre volonté d'assainissement.

Assainir notre économie c’est aussi le sauvetage de la sécurité sociale.

Le gouvernement a pris des mesures, sans doute impopulaires, mais indispensables, pour assurer le retour à l'équilibre de nos comptes sociaux.

Ces mesures financières se sont accompagnées d'indispensables réformes de fond, visant à une plus grande justice de notre système de sécurité sociale, avec la mise en place d'un régime universel d'assurance maladie, et à une plus grande responsabilisation de tous les Français, avec une place restaurée du Parlement dans les choix sociaux et avec la mise en place de mécanismes, de régulation contractuelle avec les acteurs du système de sécurité sociale.

1.2. Ce retour à une gestion sérieuse et responsable s'accompagne d'une politique de modernisation de la société française :
    – c’est la réforme de notre défense nationale, notamment marquée par la fiabilisation de notre arme nucléaire et par le lancement d'une grande réflexion de tous les Français sur le service national ;
    – c’est la nécessaire restructuration de notre industrie de l’armement ;
    – c’est la réforme de l’État.

Cette politique d'assainissement et de modernisation commence déjà à porter ses fruits :
    – le rééquilibrage des comptes publics a conduit à une baisse historique des taux d'intérêt.

Les taux à 10 ans, essentiels pour l'investissement, sont passés de plus de 8 % à la fin de 1994 à un peu plus de 6 % à la fin de 1995 et sont désormais parmi les plus bas des pays industrialisés.
L'image de la France dans le monde est désormais restaurée, notre rôle moteur dans la construction européenne, notre attachement aux valeurs humaines et sociales dans les relations internationales, que nous avons mis en avant lors du dernier G7 qui s'est tenu cette semaine en témoignent

Nous avons en effet affirmé notre volonté de faire mieux respecter les droits des travailleurs, de renforcer la sécurité de l'emploi en particulier par un investissement dans la formation tout au long de la vie professionnelle.

À l'ère de la mondialisation des échanges, du développement des technologies de l'information souvent perçu comme sorte d'insécurité, une gestion adaptée de nos ressources humaines doit permettre à nos concitoyens de recueillir les fruits de cette croissance.

II. - Les politiques d'emploi ce sont aussi trois axes prioritaires qui relèvent de la compétence de l'État

2.1. Il a d'abord été nécessaire de répondre à l'urgence du chômage

Deux formes de chômage sont particulièrement inadmissibles : celui des jeunes, qui démotive toute une génération, qui fait perdre espoir dans l’avenir à ceux qui ont la plus grande capacité d’enthousiasme, d’innovation, d’entreprise de notre pays. Le chômage de longue durée, trop souvent hélas synonyme d'exclusion sociale et de pauvreté.

Le gouvernement, dès les premiers jours, s’est attaqué à ces deux fléaux.

Le contrat initiative emploi a permis, avec succès, d'inverser la tendance à l'augmentation du chômage de longue durée, les mesures prises en faveur des jeunes (extension de l'APEJ) n'ont, elles, malheureusement pas été suffisantes pour contenir l'augmentation du chômage des jeunes depuis l'automne dernier.
Et c'est pourquoi de prochaines mesures vont renforcer ce dispositif.

2.2. Ensuite il s'agit de rendre la croissance créatrice d'emplois.

Trois mots clés caractérisent notre démarche : simplifier, alléger, innover.

La réforme de l'État doit avant tout viser à mettre l'administration au service des usagers.

D'importantes mesures de simplification ont d'ores et déjà été prises.

C'est la mise en place· de la déclaration unique d'embauche, la préparation du contrat d'apprentissage unique et de la déclaration sociale unique.

Quelques 28 millions de formulaires vont ainsi disparaître.

La mise en place du guichet initiative emploi contribue également à cet objectif.

Désormais, tous les départements, les chefs les d'entreprises désireux d'embaucher peuvent disposer en un lieu unique d'une information complète et d'une possibilité de dialogue avec les administrations.

En Loire-Atlantique ce guichet fonctionne sur 3 sites avec l'appui des chambres de commerce et de la chambre des métiers et la participation active d'une douzaine de partenaires.

D'autres mesures de simplification, de soutien à l'activité et de diffusion de l'innovation ont été prises dans le cadre du plan petites et moyennes entreprises et du plan artisanat.

C'est l'amélioration des relations entre l'URSSAF et les entreprises, l'atténuation des effets financiers du franchissement du seuil de 10 salariés, ce sont les mesures visant à renforcer les fonds propres des petites entreprises et à leur faciliter l'accès aux crédits avec notamment la réforme du crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises.

C'est aussi un allègement des charges sur les bas salaires qui, vous le savez, est une raison importante de frein à l'embauche des salariés les moins qualifiés.

Ce sont enfin des mesures en cours de préparation facilitant le développement de formes nouvelles d'activités, telles que les groupements d'employeurs ou la pluriactivité et la simplification des procédures des codes des marchés pour un accès plus facile pour les petites et moyennes entreprises.

Rendre la croissance plus riche en emplois passe aussi par l'aménagement du temps de travail.

L’aménagement et la réduction du temps de travail sont des formules créatrices d’emplois, pour autant que l'on ne se laisse pas séduire par des mesures trop simples ou trop générales. C'est dans le cadre des branches, des entreprises, que des formules créatrices d'emplois peuvent se développer, c'est par la négociation que l'on rentre dans des logiques qui satisfont à la fois les légitimes aspirations des salariés, et la nécessaire amélioration de la productivité des entreprises.

J'ai toujours présent à l'esprit cette grande entreprise qui par l'aménagement du temps de travail et l'augmentation de la durée d'utilisation des équipements a su, en accord avec ses salariés, réduire ses coûts de production en dessous de ceux d'unités équivalentes localisées en Indonésie, ce qui lui a permis de rapatrier les productions en France.

La logique, très décentralisée, des opérations d'aménagement et de réduction du temps de travail supposait de laisser d'abord travailler les partenaires sociaux. C'est ce qu'a fait le gouvernement. Toutes les conséquences seront bien entendu tirées des négociations en cours.

2.3. Conduire une politique d'emploi c'est enfin favoriser le développement de nouveaux gisements d'emplois.

Les nouveaux gisements d'emploi se construisent d'abord autour des avancées de la science et des nouvelles technologies, le soutien à la recherche et aux entreprises innovantes, est à cet égard essentiel.

En particulier favoriser l'accès aux nouvelles technologies de l’information pour les petites et moyennes entreprises qui en sont souvent exclues, constitue une voie de développement qui doit être facilitée.

Des mesures ont ainsi été prises pour élargir les conditions d'intervention de l'agence nationale pour la valorisation de la recherche et des sociétés de capital-risque, des fonds d'investissement ont été mis en place au profit des petites entreprises innovantes.

Les services aux personnes sont insuffisamment développés dans notre pays, malgré des besoins grandissants.

Toute une série de mesures visent à faciliter leur développement.

Une première étape a été franchie grâce à l'élargissement des conditions de recours au chèque emploi service, des tiers payeurs (comités d'entreprise par exemple) pouvant en outre financer une partie du coût à la charge de l'employeur.

Ce sont d'ores et déjà plus de 160 000 emplois qui ont pu être créés grâce au chèque emploi service.

D'autres réformes sont en cours de préparation, autour notamment de la prestation autonomie et des réflexions sur la réforme de la politique familiale.

Les services peuvent également être développés dans le secteur non marchand, il s'agit le plus souvent d'emplois proposés à des personnes connaissant des difficultés d'insertion sociale.

Une première étape a été franchie à l'occasion du pacte de relance pour la ville avec la création de 100 000 emplois de ville.

La loi exclusion sera l'occasion de nouvelles réalisations dans ce domaine avec en particulier l'installation de zones franches urbaines ayant pour objectif de rénover l'habitat et d'accueillir les entreprises pour un meilleur équilibre du tissu social et économique.

III. - Une politique d'emploi, c'est aussi la mobilisation de tous

La relance de l'économie, la modernisation du pays, la lutte contre le chômage, dépendent de l'engagement de tous. Le partenariat est nécessaire en la matière :
    – parce que le chômage est multiforme et diffère d'une zone géographique à l'autre ;
    – parce que l'État n'est plus le seul responsable et le seul pilote de la politique de l'emploi. Les collectivités locales les régions en matière de formation, les communes et les départements en matière d'insertion, jouent un rôle majeur dans les politiques d'emploi. De même plus de 3 000 associations interviennent dans ce domaine.

Votre comité d'expansion et les travaux réalisés depuis de nombreuses années dans vos commissions sont la preuve concrète de votre dynamisme local pour favoriser développement et concertation dans votre région.

L'approche partenariale décentralisée favorise l'innovation. Des innovations aussi diverses que les pépinières d'entreprise ou les groupements d'employeurs sont issus d'initiatives associatives ou locales.

Cette politique d'emploi sur le terrain s'articule autour de deux mots-clés mobiliser, coordonner.

Mobiliser, c'est additionner toutes les compétences de façon à ce qu'elles démultiplient leur efficacité, la mobilisation pour l'emploi c'est l'affaire de tous, à tout moment.

Coordonner est également essentiel, car il ne suffit pas de mobiliser si les efforts des uns et des autres ne sont pas mis en harmonie.

C'est pourquoi nous avons demandé à chaque région et département de mettre en place une charte initiative emploi car c'est un instrument privilégié pour contribuer à la réforme de l'État en faisant tomber les barrières entre les différents services de l'Administration et en donnant aux acteurs locaux la responsabilité de définir eux-mêmes les modalités de mise en œuvre des orientations nationales ; elles construisent un cadre favorable au développement des initiatives locales, cadre dans lequel chaque partenaire joue son rôle en s'inscrivant dans un schéma d'ensemble.

Ainsi la charte de votre département, signée en octobre dernier, illustre l'intérêt de cette démarche.

En effet à travers les actions de parrainage, de découverte de la culture de l'entreprise, d'itinéraire d'insertion pour les personnes en difficulté, vous avez fixé des objectifs concrets et réalistes et qui donnent des résultats.

Cependant, compte tenu de l'ampleur des difficultés rencontrées par les jeunes français pour accéder à l'emploi, ces chartes seront complétées par des programmes régionaux pour l'emploi des jeunes qui seront lancés dès la semaine prochaine par Jacques BARROT et moi-même.

Il est de notre devoir de faciliter le passage entre le système éducatif et l'emploi. C'est une condition nécessaire pour que notre jeunesse soit moins inquiète quant à son avenir.

L'emploi des jeunes est un domaine de responsabilité partagée.

Depuis la loi quinquennale, les régions sont responsables de la formation professionnelle des jeunes.

Les partenaires sociaux gèrent quant à eux les dispositifs de l'alternance.

L'État enfin incite les entreprises à embaucher des jeunes.

L'État a décidé de renforcer son effort en réformant le financement de l'apprentissage, en maintenant son aide aux contrats de qualification, en supprimant la condition d'ancienneté de chômage pour l'accès aux CIE des jeunes qui quittent le système éducatif sans formation.

Les conseils régionaux, les partenaires sociaux vont donc être invités à négocier, dans chaque région, un programme régional pour l'emploi des jeunes afin d'apporter une réponse aux attentes de la jeunesse.

Ce matin avec M. le Préfet j’ai pu constater que pour les PAYS de LOIRE la discussion avec les partenaires est déjà bien engagée et que les propositions présentées viennent compléter les objectifs de la charte initiative emploi citée à l'instant.

Ainsi, l'État, les régions et les partenaires sociaux unissent leur force et coordonnent leur action afin d'améliorer leur efficacité, sans remettre en cause le partage des compétences entre les différents acteurs, la région, votre région, est aujourd'hui l'échelon privilégié d'animation des politiques en faveur des jeunes et je m'en réjouis.

Je suis convaincue que la bataille pour l'emploi se gagnera par la convergence des mesures prises par le gouvernement et de la mobilisation de tous sur le terrain. Elle se jouera dans les entreprises, chez les artisans, chez les commerçants, chez tous ceux qui sont porteurs d'initiatives et d'esprit d'entreprise dans notre pays.

Il nous faut communiquer, nous comprendre, travailler ensemble. C'est à cette condition que le gouvernement réussira son ambition qui est de conduire une France pacifiée, modernisée, solidaire à l'aube du 21e siècle.