Conférence de presse de M. Bernard Pons, ministre de l'aménagement du territoire de l'équipement et des transports, sur l'abaissement du seuil d'alcoolémie toléré au volant à 0,5 gramme, Paris le 30 août 1995.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Bernard Pons - ministre de l'aménagement du territoire de l'équipement et des transports

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

En juin dernier, lors de ma communication au Gouvernement puis de ma visite au Centre national d’information routière de Rosny-sous-Bois, j’avais indiqué quelle serait ma politique en matière de sécurité routière : prévenir plutôt que rimer, c’est-à-dire :
     – informer et responsabiliser les conducteurs ;
     – simplifier plutôt qu’alourdir encore la réglementation ;
     – et la faire appliquer sans faiblesse.

Dès mon arrivée dans ce ministère, j’ai pris l’avis des spécialistes, experts et médecins, et j’ai acquis la conviction que si nous voulions lutter efficacement contre le fléau de l’alcool au volant, nous devions abaisser le seuil d’alcoolémie toléré.

Comme je l’ai proposé au gouvernement, ce seuil passera à 0,5 g/I de sang à partir du 15 septembre prochain.

J’ai pris cette décision pour deux raisons :
    – d’abord parce qu’au-delà de 0,5 g le danger est réel. Le risque d’accident est multiplié par 2, il faut le savoir et le faire savoir très largement ;
    – ensuite parce que 0,5 g correspond à une quantité simple de deux verres et que les conducteurs sauront clairement à partir de quel seuil ils ne doivent pas conduire.

Revenons sur le danger. L’alcool au volant est en cause dans 4 accidents mortels sur 10. Il fait 3 000 morts chaque année.

L’alcool entraîne une augmentation extrêmement rapide du risque d’accident : à 0,5 g/l, je vous le disais, le risque est multiplié par deux ; à 0,8 g/l il est multiplié par 10.

Or trop souvent, dans l’esprit du public, l’alcoolémie excessive est assimilée à l’ivresse. C’est une grave erreur. Les troubles du comportement au volant sont sensibles bien avant le seuil de l’ivresse.

La détérioration des facultés commence très vite : des 0,5 g/l, l’électro-encéphalogramme est perturbé le champ visuel se réduit, l’appréciation des distances est modifiée, les phénomènes d’éblouissement sont plus fréquents, et la vigilance est atténuée.

Mais à ce seuil, la plupart des conducteurs sont encore loin de se sentir en état d’ivresse. L’état d’ivresse n’apparaît qu’au-delà.

Je le rappelle, au volant, l’assimilation du risque avec l’état d’ivresse est une des plus dramatiques idées reçues, et trop de conducteurs ne se sentent pas concernés. En réalité, la grande majorité des accidents ou l’alcool intervient, sont le fait de personnes qui, occasionnellement, au cours d’un repas familial, d’un pot ou d’une sortie, ont bu quelques verres de trop et ont pris le risque de conduire.

L’alcoolémie précise varie bien sûr d’une personne à l’autre notamment en fonction de son poids. Mais, en moyenne, pour être sûr d’avoir une alcoolémie inférieure à 0,5 g/l, il suffit de ne pas consommer plus de deux verres d’une boisson alcoolisée, verre de vin, de bière ou d’alcool fort, aux quantités servies dans les débits de boissons.

C’est la deuxième raison pour laquelle j’ai retenu ce seuil de 0,5 g : il correspond à une consommation clairement identifiable.

Pas plus de deux verres quand on sait qu’on va prendre le volant, cela permet de consommer modérément, de s’associer à une occasion conviviale, mais de garder ses facultés intactes.

Chacun d’entre nous, s’il s’apprête à consommer plus, doit prendre de bons réflexes :
     – par exemple, ne pas hésiter à laisser conduire son conjoint ;
     – ou lors des sorties en groupe, désigner à l’avance un conducteur qui restera sobre ;
     – ou encore, prendre les heures de repos nécessaires à l’élimination de l’alcool par l’organisme.

À partir de novembre, les conducteurs pourront prendre un autre réflexe, celui de l’autotest. J’ai en effet demandé que la sécurité routière favorise la mise à disposition massive de matériels de dépistage qui seront proposés au grand public à un faible coût dans de très nombreux points de vente. Quelques expériences ont déjà été tentées, mais la généralisation n’avait jamais été entreprise, et cette idée rencontre un écho très favorable auprès de beaucoup de nos partenaires.

Je souhaite donc que les conducteurs sachent clairement à quels risques ils ne doivent pas s’exposer.

Les infractions, c’est-à-dire la conduite avec un taux d’alcoolémie compris entre 0,5 et 0,8 g/l, entraîneront désormais une contravention de 4e classe, le retrait de trois points sur le permis de conduire, et une amende forfaitaire.

Cette procédure, qui permet une sanction plus efficace des infractions, est étendue à partir du 1er septembre à toutes les infractions entraînant le retrait de moins de quatre points. Elle permettra d’accélérer le traitement des infractions les plus nombreuses en s’appuyant sur la logique dissuasive du permis points. Bien entendu, la nouvelle procédure ne limite pas les possibilités de recours, et dans tous les cas les contrevenants conservent la possibilité de faire examiner leur situation par la voie judiciaire.

Au-delà de 0,8 g/l, je rappelle que l’infraction est un délit qui donne lieu à des peines d’amende jusqu’à 30 000 francs et dans de très nombreux cas, notamment en cas de récidive, à des peines de prison.

Pour qu’une mesure soit efficace, il faut qu’elle soit expliquée, comprise et contrôlée. 8 millions de dépistages ont été réalisés en 1994 et cet effort sera encore accentué.
Les forces de l’ordre sont aujourd’hui équipées avec de nouveaux éthylotests chimiques adaptés au seuil de 0,5 g/l.

Une nouvelle génération d’appareils de dépistage électronique est en cours de livraison pour la Gendarmerie nationale et la Police nationale. Elle facilitera la mise en œuvre des contrôles.

Ce dispositif simple, ce seuil d’alcoolémie clairement identifiable doivent être connu de tous. Car c’est d’abord en convaincant que nous pourrons agir sur les comportements à risques et réduire l’insécurité routière.

Une campagne de communication précédera l’entrée en application du nouveau seuil d’alcoolémie. Une première phase exclusivement radiophonique débutera dès le 5 septembre afin de faire connaître rapidement cette nouvelle limite. Elle sera déclinée en deux séries de messages, l’une faisant valoir l’augmentation du risque, l’autre l’augmentation des troubles sur le thème « après deux verres tout s’accélère ». Nous écouterons ces messages à l’issue de cette réunion. Une brochure de sensibilisation sera diffusée et des informations seront disponibles sur le service minitel 3615 Route.

Cette nouvelle mesure s’imposait pour attaquer avec détermination une des causes majeures de l’insécurité routière sur les routes. 8 500 morts renvoient a autant de drames individuels et familiaux, et justifient une action déterminée et un appel au civisme.

Au cours d’un comité interministériel courant novembre, le gouvernement dressera un bilan complet de la situation et arrêtera les actions complémentaires nécessaires.

Je rappelle que pour ce qui concerne la vitesse, qui est comme l’alcool la grande cause d’accident et un facteur aggravant, je mène la même politique : information accrue sur la réglementation en vigueur, et renforcement des contrôles. J’ai présenté en juillet sur l’autoroute A10 les nouveaux panneaux de signalisation qui, d’ici la fin de l’année, seront en place sur toutes les autoroutes.

Je tiens pour finir à rappeler le rôle considérable qu’en tant que représentants de la presse vous jouez dans la mobilisation de l’opinion publique en faveur d’une cause incontestable, sauver des vies humaines, et je vous en remercie.