Interview de M. Alain Bocquet, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, à RTL le 11 juin 1996, sur le projet de réforme de la SNCF.

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Intervenant(s) : 
  • Alain Bocquet - président du groupe communiste à l'Assemblée nationale

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

RTL : Êtes-vous satisfait de la réforme présentée par M. Pons ?

A. Bocquet : Ce qui est sûr, c’est que s’il n’y avait pas eu de mouvement des cheminots en novembre-décembre derniers, on serait encore sur le thème du contrat de plan qui nous était vanté à l’automne dernier. Or, je constate qu’il y a un débat à l’Assemblée nationale.

RTL : On ne parle plus de contrat de plan ?

A. Bocquet : Tout à fait. Donc, c’est déjà une victoire, une première victoire des cheminots qu’il y ait eu ce débat. Une première victoire que, pour l’instant, le statut soit préservé, et aussi le fait que la SNCF reste maître du jeu, ça me paraît être important. Cela dit…

RTL : Vous avez plutôt l’air satisfait ?

A. Bocquet : Non, non. Tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir. Cela étant dit, il y a la nécessité de rester vigilant.

RTL : Sur quels points ?

A. Bocquet : Sur le fait que, en définitive, il y a des problèmes de fond qui sont posés avec l’avenir de la SNCF, c’est-à-dire, d’abord les règles impératives de Maastricht qui conduisent à une concurrence effrénée, le fait aussi que le tout routier a été mis en avant. D’ailleurs, un rapport officiel a été évoqué, celui de M. Martinaud, qui montre que si on ne fait pas une réflexion sur la complémentarité nécessaire entre le rail et la route, on va aller vers vraiment des problèmes catastrophiques.

RTL : Vous avez bien suivi à l’Assemblée nationale, M. Pons : ce n’est pas la vocation de l’État, c’est aux cheminots de faire ce chemin ?

A. Bocquet : Oui, mais l’État a une responsabilité publique. Il a une responsabilité publique quant aux problèmes, par exemple, de la complémentarité entre la route et le rail. Or, de ce point de vue, il est à regretter que le fret route-rail n’ait pas été mis en œuvre. Il suffit de prendre les autoroutes. Je prends régulièrement l’autoroute Lille-Paris pour venir à l’Assemblée nationale, c’est effroyable, c’est catastrophique ! Le problème n’est pas de doubler les autoroutes. On peut toujours faire des lois sur la pollution de l’air. La question qui est posée, c’est d’essayer de mettre en œuvre une vraie politique de transport par rail. Or, ce n’est pas le cas. On continue de fermer des lignes secondaires, on continue de fermer des gares, on continue de transférer aux régions le poids et la charge du traitement…

RTL : Vous parlez des régions. Précisément, la région Nord-Pas-de-Calais, Calais était désireuse de prendre en charge la gestion du réseau SNCF ?

A. Bocquet : Disons que la majorité de la région, oui, mais en ce qui me concerne, j’étais très dubitatif. Parce qu’en fait, on a mis le doigt dans un engrenage où, ce sont les contribuables de la région qui supportent de plus en plus la charge de l’entretien du réseau, la charge du fonctionnement. Vous savez comme moi qu’avec l’Europe de Maastricht, ce qu’on souhaite, c’est une Europe des régions, c’est-à-dire qu’on veut faire éclater la gestion nationale des transports ferroviaires. Or, ce que je vois comme intérêt dans ce qui vient d’être dit cet après-midi dans l’Assemblée nationale, c’est qu’on parle de préserver l’unicité de la SNCF. Donc, dans ce débat dans lequel nous participons à l’Assemblée nationale, nous allons surtout exiger des garanties. Et la garantie, c’est d’y associer les cheminots à la gestion de la SNCF, c’est d’y associer les usagers, parce qu’il y a va aussi de leur sécurité.

RTL : Venons à un point qui a posé problème : c’est la dette. C’est l’un des sujets épineux. Le fait qu’il y ait un établissement public pour les infrastructures qui reprendra 125 milliards de dettes à la SNCF, est-ce pour vous suffisant, satisfaisant ?

A. Bocquet : Les infrastructures commandées par l’État – parce que ça a été le cas, il y a 140 milliards de commandes de l’État en ce qui concerne les infrastructures, je pense notamment au TGV – c’est tout à fait naturel que l’établissement public industriel qui est mis en place, qui reste à vocation publique, puisse gérer. Moi, ça me paraît un élément intéressant. On sort par le haut de cette contradiction.

RTL : Il y a quand même une part de satisfaction. Vous êtes quand même dubitatif sur certains points. Au fond, avez-vous la crainte que la réforme du gouvernement porte en germe une future privatisation ?

A. Bocquet : Je crains toujours qu’il y ait une future privatisation. Je pense que le gouvernement a dû reculer sous la pression des cheminots, des usagers. Ça a été net, notamment dans le questionnaire qui a été lancé, y compris par la SNCF. Cela étant dit, vous savez comme moi que parfois, le naturel revient au galop et, de ce point de vue, il faut être très attentif. La volonté de privatiser, elle couve sous la cendre. Il nous faut donc poursuivre la pression. Il ne faudrait pas se satisfaire et être béat après ce débat à l’Assemblée nationale. Il va y avoir forcément des lois qui vont suivre, probablement à l’automne, puisque maintenant, il s’agit d’un débat sans vote, d’un débat sans décision. Il s’agit de volonté gouvernementale, d’orientation.

RTL : C’est voulu par le gouvernement.

A. Bocquet : Oui, voulu par le gouvernement. Il reste maintenant au Parlement, à l’Assemblée nationale en particulier, de pouvoir délibérer. Il y a une première chose qui devrait être décidée, par exemple : on a supprimé 75 000 emplois à la SNCF depuis dix ans. Or, le budget 96, en restriction, porte en lui la suppression de 4 500 emplois. Nous proposons, nous, directement, immédiatement, de revenir sur le budget 96 attribué à la SNCF.

RTL : Dernière question qui n’a rien à voir avec les transports. On a peu entendu le PC dans la passe d’armes qui oppose depuis plusieurs jours la majorité au PS, tant en ce qui concerne l’affaire de la vache folle que sur l’affaire Tiberi. Il y a des raisons ?

A. Bocquet : Oh non, mais sur la vache folle, nous avons déjà dit tout ce que nous pensions. Par exemple, que c’était une abomination de transformer des herbivores en carnivores. C’est ce qui a été fait avec les vaches qu’on a nourries avec la farine animale. C’est absolument scandaleux, et ça au mépris de la santé des gens. On s’est exprimé là-dessus, régulièrement, dans notre presse, dans nos discours, dans nos interventions à l’Assemblée nationale. Quant à l’affaire du logement du maire de Paris, s’il doit y avoir une enquête, il faut qu’elle ait lieu, il faut que la justice fasse son travail. Ça met en exerce surtout qu’il manque beaucoup de logements sociaux dans la capitale et dans notre pays.