Texte intégral
Discours du ministre du travail et des affaires sociales à l’Assemblée nationale - 6 février 1996
Monsieur le président,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames, Messieurs,
La perte de confiance dans l’avenir est pour beaucoup dans les difficultés de l’économie française. Or, ce sentiment diffus repose, pour une partie importante, sur l’insécurité des jeunes, face à l’emploi.
1. Il y a donc urgence, en effet, à donner un nouvel élan à la politique d’insertion professionnelle des jeunes et à l’emploi des jeunes. Ce projet de loi en constitue la première manifestation concrète. En donnant à l’apprentissage les moyens de se développer, le projet de loi entend contribuer à l’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes.
De plus, la filière de l’alternance, perturbée par la restructuration du dispositif de collecte, la création des OPCA de branches, a perdu de son dynamisme en 1995 avec 99 000 contrats de qualification contre 115 000 en 1994 et 95 000 en 1993.
Cependant, ces chiffres ne révèlent pas un phénomène plus profond, un malaise plus insidieux. En effet, l’un des phénomènes les plus marquants, c’est l’allongement des études. Il a sa logique et son intérêt mais il présente aussi un certain caractère artificiel : 40 % de nos jeunes sont encore à l’école à 21 ans. Aucun pays comparable n’a un taux aussi élevé de scolarisation à cet âge ! L’autre phénomène est connexe, il concerne ceux qui ne peuvent continuer des études. Ils sont marginalisés, accèdent difficilement aux emplois qui leur étaient spontanément destinés, occupés par des diplômes. Ces jeunes, sans qualification, se retrouvent parfois dans des situations d’errance ; ce serait le cas, même si cette évaluation est fragile, d’environ 150 000 d’entre eux.
Ces deux phénomènes, les études prolongées et le rejet de ceux qui n’en ont pas fait, ont, au fond, la même origine : l’absence d’une véritable seconde chance. Il nous faut donc réfléchir aux conditions de cette seconde chance pour que les jeunes abordent avec plus de confiance et plus rapidement la vie active. C’est l’une des tâches prioritaires de la mission de réflexion sur la formation professionnelle que j’ai confiée à M. de Virville. Elle devra faire l’objet d’une large concertation au printemps et aboutir cet été à des propositions précises.
Dans l’immédiat, nous allons simplifier les dispositifs en offrant trois voies claires d’accès à l’emploi :
– 1re voie : pour les jeunes en difficulté, le CIE-jeunes, qui fera l’objet d’un décret dans le courant du mois, le contrat d’orientation et les emplois ville (ceux-ci font l’objet d’un amendement au présent projet de loi pour autoriser leur création) ;
– 2e voie : pour apprendre un métier au travail, l’apprentissage et les contrats de qualification (ceux-ci font l’objet d’un amendement au présent projet renouvelant pour 1996 les primes de 5 000 frs ou 7 000 frs à l'emploi de jeunes en qualification) ;
– 3e voie : pour l’emploi des diplômés, le contrat d’adaptation et l’aide au premier emploi.
Nous allons aussi mobiliser les acteurs sur le terrain autour de programmes régionaux pour l’emploi des jeunes associant les conseils régionaux, les élus locaux, Jas partenaires sociaux et les chambres consulaires, de telle sorte que les projets locaux soit valorisés et mieux connus, que les mesures gérées par l’État, les régions, les partenaires sociaux soient mises en synergie, que les réseaux d’accueil des jeunes, d’orientation professionnelle, de démarchage des offres d’emploi, soient étoffés et agissent en bonne entente.
Je réunirai tous les présidents des conseils Régionaux le 21 février prochain pour discuter avec eux du contenu et des modalités de ces programmes régionaux pour l’emploi des jeunes que nous voulons mettre en place, en liaison avec les partenaires sociaux.
L’apprentissage, dans l’ensemble de ce tableau, constitue une référence, l’exemple d’une réussite que le projet de loi entend consolider et élargir.
2. L’apprentissage constitue la forme la plus ancienne et la plus répandue de formation des jeunes sous contrat de travail.
On peut faire remonter ses origines à la loi Astier, en 1919, qui organisa l’enseignement technique et industriel, institua les cours professionnels, ancêtres de nos centres de formation d’apprentis (CFA) et posa les principes d’un enseignement technique et professionnel.
L’apprentissage s’est profondément renouvelé depuis lors. La loi du 23 juillet 1987, a ouvert l’apprentissage à tous les diplômes et titres de l’enseignement technologique, y compris supérieur. La possibilité de conclure des contrats d’apprentissage successifs est alors affirmée, afin de donner à l’apprenti la possibilité de progresser dans son parcours de qualification et de constituer l’apprentissage en filière de formation.
L’apprentissage est ainsi devenu un mode de formation à part entière, autonome par rapport aux formations scolaires de même niveau. Il est garanti par l’État à travers des diplômes nationaux et un contrôle pédagogique sur les centres de formation d’apprentis.
Avec l’apprentissage, l’entreprise est l’acteur principal d’une formation gue le CFA doit compléter ; le jeune est mis en situation d’apprendre le métier dans sa double composante, le diplôme et l’expérience du travail. L’apprentissage permet une insertion professionnelle de qualité grâce à la proximité entre le jeune et l’entreprise que construit l’alternance, dans la tradition des métiers et de l’artisanat qui prédomine encore dans cette filière.
L’apprentissage assure, dans deux cas sur trois, l’emploi futur, ce qui est remarquable, compte tenu de la prédominance de niveaux modestes de diplôme. À tous niveaux, l’apprentissage augmente les chances d’insertion des jeunes dans l’emploi de 10 à 20 points par rapport à la filière classique d’enseignement technique et professionnel.
3. L’apprentissage, c’est aussi un système décentralisé, en partenariat entre l’État, les chambres consulaires, les régions et les branches professionnelles.
Depuis 1983, les régions ont une compétence de droit commun en matière d’apprentissage. Elle s’est traduite par le transfert de la gestion et du financement des CFA vers les conseils régionaux. L’intervention des régions est régulatrice de l’offre de formation à travers la définition d’une carte régionale de l’apprentissage, dans le cadre du plan régional de développement des formations des jeunes, qui commande l’ouverture ou le développement des CFA et des sections d’apprentissage.
4. Comme les autres formations d’insertion en alternance, mais de façon encore plus accentuée, l’apprentissage a connu ces dernières années un essor remarquable.
Alors qu’ils avaient chuté de 32 000 apprentis en 4 ans, de 1988 à 1992, les effectifs d’apprentis ont augmenté régulièrement depuis 1993.
L’inversion de tendance observée en 1993 s’est confirmée et accentuée depuis 1994, avec une croissance de 5 % en 1993/94 et de 14 % en 1994/95.
Avec 266 000 inscrits en 1994/95, y compris les apprentis employés dans l’apprentissage agricole et l’enseignement supérieur, et environ 280 000 en 1995/96, les effectifs dépassent désormais nettement le niveau maximum enregistré en 1967/68, date de l’entrée en vigueur effective de l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans. Notre objectif est de les porter au-delà de 300 000 à la rentrée de l’automne prochain.
Cet essor remarquable est dû à l’élévation et à la diversification des formations délivrées. Il est dû aussi à l’importance du soutien accordé aux employeurs. Le nombre d’embauches d’apprentis, autre élément de mesure de cette croissance est passé de 127 900 en 1993 à 173 500 en 1995 (+ 35,5 %). Notre objectif est de le porter à 200 000 dès 1996.
5. L’évolution récente des qualifications préparées dans le cadre de l’apprentissage est marquée par la diversification et l’élévation des qualifications :
a) L’accélération de la hausse des effectifs suivant une formation de niveau Bac (IV) ou du supérieur : le nombre d’apprentis préparant un diplôme de niveau IV a augmenté de près de 70 % depuis trois ans : les effectifs en BTS, qui regroupe 60 % des apprentis du supérieur, ont été multipliés par 2,4 dans la même période. Plus généralement, les filières préparant à des diplômas supérieurs au CAP ont doublé leurs effectifs depuis 1992/1993.
b) L’enrichissement des parcours de formation : les CAP sont de plus en plus souvent préparés par des jeunes ayant atteint le second cycle du second degré scolaire et les apprentis ont une tendance accrue à poursuivre leur formation, en préparant un nouveau diplôme après un premier apprentissage, par exemple, un brevet professionnel, un baccalauréat professionnel ou un BTS.
c) Si l’apprentissage conserve ses racines dans le secteur des métiers, l’industrie se fait plus présente, de même que les services marchands.
Ainsi, l’apprentissage connaît un renouvellement certain de son public qui contribue à en améliorer l’image, à en faire une filière moderne et variée de formation.
Ainsi, l’effort de promotion de cette filière modernisée porte ses fruits grâce à l’action conjuguée :
– de l’État, par de fortes incitations financières et une simplification des procédures administratives pour les entreprises ;
– des régions qui ont mis en place les moyens nécessaires pour le fonctionnement des CFA, l’ouverture de nouvelles sections, et la transformation qualitative des CFA via des chartes qualité ;
– et des branches professionnelles et des chambres consulaires qui ont contribué à cette modernisation et à cette diversification.
6. Mais aujourd’hui, le système de financement de l’apprentissage se révèle inadapté.
Il ne suffit plus pour accompagner le développement et les transformations de l’apprentissage.
En effet, des difficultés croissantes apparaissent pour financer le développement de l’apprentissage :
– insuffisance des ressources provenant de la taxe d’apprentissage pour financer le fonctionnement des centres de formation d’apprentis ;
– inégalité dans les ressources dont disposent les CFA selon leur type de formation, leur organisme gestionnaire, leur implantation géographique… ;
– le produit de la taxe d’apprentissage disponible pour l’appareil de formation est même paradoxalement menacé de diminution par le développement même de l’apprentissage : une plus grande implication des entreprises dans le recrutement d’apprentis conduit en effet, par un mécanisme aberrant, à diminuer le produit du quota d’apprentissage de la taxe d’apprentissage.
Autrement dit, le développement de l’apprentissage atteint à l’heure actuelle un palier. L’apprentissage a besoin d’un nouveau souffle, pour absorber les effets de sa croissance et pour la poursuivre encore. Cela nécessite une clarification des textes et des procédures ainsi qu’une refonte des circuits de financement. Tel est précisément l’objet du projet de loi.
7. Le projet présenté correspond, en effet, à la volonté du gouvernement de créer des conditions d’un développement durable de l’apprentissage.
Il propose :
– de développer l’apprentissage, en garantissant le financement des centres de formations, les CFA et celui des aides accordées aux employeurs des apprentis ;
– de clarifier les responsabilités des acteurs au travers d’une répartition simple et équilibrée des charges de financement de l’apprentissage :
– aux régions et aux entreprises, le financement de la formation des apprentis ;
– à l’État, le financement du système d’incitation au recrutement et à l’accueil des apprentis.
La mise en œuvre de ces principes peut être détaillée à propos de trois sujets :
– le financement des CFA ;
– la répartition de la recette du quota d’apprentissage de la taxe d’apprentissage ;
– le nouveau régime des aides aux employeurs d’apprentis.
8. Le projet prévoit de renforcer les moyens de financement des centres de formation d’apprentis (CFA) et des sections d’apprentissage.
En effet, en 1995, sur une taxe globale supérieure à 6,8 milliards de francs, les centres de formation d’apprentis (CFA) n’ont bénéficié que de 1,4 milliards de francs. Cette source de financement tend même à diminuer.
La taxe d’apprentissage sera donc recentrée sur sa vocation première, à savoir, le financement des CFA et des sections d’apprentissage.
À cet effet, le projet supprime tout d’abord les exonérations sur la taxe d’apprentissage de la moitié du salaire de l’apprenti, pendant sa période en CFA et de 11 % du Smic par apprenti et 1/10 du salaire du maître d’apprentissage. Cette suppression a été souhaitée par plusieurs rapports consacrés ces dernières années à l’apprentissage. Les partenaires sociaux eux-mêmes l’avaient retenue dans leur avenant du 5 juillet 1994. Son produit est d’environ 750 millions de francs. Il est vrai que le système devenait paradoxal, qui faisait que les exonérations tendaient à réduire les recettes des CFA dans la mesure même où les entreprises embauchaient des apprentis !
Par ailleurs, le projet de loi supprime à terme, le Fonds national inter consulaire de compensation (FNIC) et la fraction de 9 % de la taxe d’apprentissage qui lui était attribuée soit 640 millions de francs. Ce fonds ne pouvait, en effet, plus faire face à sa mission, c’est-à-dire le versement de primes aux artisans et aux petites entreprises employant des apprentis. Il avait épuisé ses réserves. L’État avait dû lui apporter, en 1995, une aide exceptionnelle de 630 millions de francs.
Parallèlement à la suppression de ces dépenses libératoires de la taxe, le taux du « quota » sera doublé, par voie réglementaire, de 20 % à 40 % de la taxe d’apprentissage. Autrement dit, il passera de 0,1 % à 0,2 % de la masse salariale des entreprises redevables de la taxe.
Les ressources des CFA provenant de la taxe d’apprentissage seront ainsi augmentées de 640 millions de francs en 1996 et d’environ 1,4 milliard de francs en 1997, sans que pour autant, soit augmenté le taux global de la taxe d’apprentissage qui restera fixé à 0,5 % de la masse salariale.
9. Le projet de loi vise aussi à parvenir à une répartition plus équilibrée du quota d’apprentissage de la taxe d’apprentissage. Les écarts de ressources en taxe entre les CFA sont en effet considérables et ils risqueraient de s’accroître encore avec les mesures nouvelles dégagées par le projet de loi sur le quota. J’illustre ces écarts avec deux statistiques : le montant moyen de taxe par apprenti et par an s’échelonne de 2 170 à 13 200 francs si l’on s’en tient à des moyennes par région, et de 600 à 120 000 francs par apprenti et par an si l’on se place à l’échelle des CFA eux-mêmes !
Il fallait donc corriger ces effets de la liberté d’affectation de la taxe, si souhaitable qu’elle soit en elle-même.
C’est pourquoi, il est proposé d’instituer un système national de péréquation des ressources de taxe d’apprentissage versées aux CFA par les entreprises, au titre du « quota ». Ce mécanisme, dont les caractéristiques devraient être précisées par une loi de finances, a pour objectif de corriger les inégalités excessives que je mentionnais tout à l’heure.
Ce système de péréquation ne fait bien sûr pas obstacle à la régulation que peuvent opérer, à leur niveau, les conseils régionaux lorsqu’ils passent des conventions d’agrément des CFA. Il suppose également une référence technique, c’est-à-dire la création prévue par le projet de loi d’un barème national du coût des formations selon leur durée et leur contenu.
La répartition des fonds ainsi recueillis tiendra compte, en étroite concertation avec le comité de coordination des organismes régionaux d’apprentissage, actuellement présidé par Mme Geffroy, de la croissance des effectifs régionaux d’apprentis et des efforts supplémentaires des régions.
10. Le projet de loi simplifie enfin le système d’aides à l’apprentissage. Il prévoit de mettre en place un système unique et permanent de primes à l’apprentissage, qui se substituera à quatre types d’aides : la prime conjoncturelle à l’embauche, les aides versées par le FNIC, les exonérations déjà citées sur la taxe d’apprentissage, le crédit d’impôt apprentissage. Cette prime, fixée par voie réglementaire, serait de 26 000 francs pour un contrat de deux ans, soit 6 000 francs d’aide à l’embauche et 20 000 francs d’appui à la formation.
Il a été précisé, lors du sommet social, qu’il serait tenu compte de l’âge de l’apprenti et de l’effort pédagogique. Le débat donnera l’occasion pour le gouvernement de concrétiser cet engagement même s’il s’agit pour l’essentiel, de dispositions de niveau réglementaire.
11. Ce projet dépasse donc le cadre d’un simple réaménagement technique. Son ambition est de consolider réellement l’apprentissage, de lui donner les moyens pérennes de son développement. Quelques indications chiffrées permettent de le mesurer.
En régime de croisière, les CFA devraient pouvoir bénéficier – je l’ai dit – de moyens de financement supplémentaires à hauteur de 1,4 milliard de francs, résultant de la « libération » du quota, pour faire face au développement de l’apprentissage. Pour sa part, l’État augmentera sa contribution de plus de 1 milliard de francs, évitant par là-même, je le répète, tout accroissement du taux (0,5 %) de la taxe d’apprentissage. En régime de croisière, la réforme proposée correspond à un engagement d’environ 8 milliards de francs de la part de l’État : soit 4 milliards pour les primes et autant pour le financement des exonérations de charges sociales.
12. L’objectif du gouvernement est de réaliser 200 000 embauches d’apprentis dès 1996, soit un effectif de 300 000 jeunes en apprentissage.
C’est donc une mobilisation nationale que le gouvernement escompte et à laquelle il s’attache.
L’apprentissage a déjà connu un grand succès. Consolider son développement, c’est valoriser une filière exemplaire, c’est ouvrir la voie au nouvel élan pour l’insertion professionnelle des jeunes, qui doit les réconcilier avec le monde du travail, lui rendre la confiance et l’espoir.
Date : 6 mars 1996
Projet de loi sur l’apprentissage – Discours du ministre du travail et des affaires sociales au Sénat
Monsieur le président,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames, Messieurs,
Alors que nous percevons quelques signes de reprise, une sorte de perte de confiance dans l’avenir n’est pas étrangère aux difficultés de l’économie française. Or, ce sentiment diffus repose pour une partie importante sur l’insécurité des jeunes face à l’emploi.
1. Il y a donc urgence en effet à donner un nouvel élan à la politique d’insertion professionnelle des jeunes.
Le sommet social de Matignon, le 21 décembre dernier, a retenu le principe d’une telle mobilisation. Ce projet de loi sur l’apprentissage constitue un élément majeur de cette action globale. En donnant à l’apprentissage les moyens de se développer, le projet de loi entend contribuer à l’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes.
602 000 jeunes de moins de 25 ans étaient demandeurs d’emploi en janvier 1996. C’est 46 000 de moins qu’en décembre 1994. On peut espérer, au regard des données les plus récentes, que la hausse du chômage des jeunes depuis la rentrée dernière soit désormais enrayée.
Cependant de ce « léger mieux », nous ne devons pas nous satisfaire, car l’essentiel, qui reste à accomplir, relève de phénomènes plus profonds, plus structurels.
C’est ainsi que nous ne pouvons nous réjouir sans nuances de l’allongement des études chez les jeunes, car il présente parfois un certain caractère artificiel : 40 % de nos jeunes sont encore à l’école à 21 ans. Aucun pays comparable n’a un taux aussi élevé de scolarisation à cet âge !
L’autre phénomène connexe concerne ceux qui ne peuvent continuer des études, qui ne peuvent accéder à un diplôme élevé, souvent considéré comme une sorte d’assurance à vie pour l’emploi. Ils accèdent difficilement aux postes qui leur étaient en principe destinés. Ils se retrouvent même parfois dans des situations d’errance ; ce serait le cas (l’évaluation est difficile !), d’environ 150 000 d’entre eux.
Ces deux phénomènes, les études prolongées et le rejet de ceux qui n’en ont pas fait, ont au fond la même origine : l’absence d’une seconde chance. Il nous faut donc réfléchir aux formations qualifiantes pour adultes afin que les jeunes abordent avec plus de confiance et plus rapidement la vie active. C’est l’une des tâches prioritaires de la mission de réflexion professionnelle que j’ai confiée à M. de Virville. Elle devra faire l’objet d’une large concertation au printemps et aboutir cet été à des propositions précises.
Dans l’immédiat, nous allons simplifier les dispositifs en offrant trois voies d’accès à l’emploi :
1re voie : pour les jeunes en grande difficulté, le CIE sera ouvert directement aux jeunes ainsi que le contrat d’orientation et, dans les quartiers, les emplois ville (ceux-ci ont fait l’objet d’un amendement au présent projet de loi adopté par l’Assemblée nationale) ;
2e voie : pour apprendre un métier en travaillant, l’apprentissage et les contrats d’alternance, en particulier de qualification (celui-ci a également fait l’objet d’un amendement au présent projet, adopté à l’Assemblée nationale pour renouveler en 1996, les primes de 5 000 francs ou 7 000 francs à l’embauche de jeunes en qualification) ;
3e voie : pour l’emploi des diplômés et sous réserve des propositions que pourraient formuler les partenaires sociaux le mois prochain, à la suite de la négociation qu’ils doivent engager, le contrat d’adaptation et l’aide au premier emploi des jeunes.
Nous allons aussi mobiliser les acteurs sur le terrain autour de programmes régionaux pour l’emploi des jeunes, associant les conseils régionaux et les partenaires sociaux. À cette fin, un relevé de conclusions a été adopté avec les présidents des conseils régionaux le 21 février dernier, de telle sorte que les projets locaux soit valorisés et mieux connus, que les mesures gérées par l’État, les régions, les partenaires sociaux soient mises en synergie, que les réseaux d’accueil des jeunes, d’orientation professionnelle, de démarchage des offres d’emploi, soient étoffés et agissent en bonne entente.
L’apprentissage, dans l’ensemble de ce tableau, constitue une référence, l’exemple d’une réussite que le projet de loi doit consolider et élargir.
2. L’apprentissage constitue la forme la plus ancienne et la plus répandue de formation des jeunes sous contrat de travail.
On peut faire remonter ses origines à la loi Astier en 1919, qui organisa l’enseignement technique et industriel, institua les cours professionnels, ancêtres de nos centres de formation d’apprentis (CFA).
L’apprentissage s’est profondément renouvelé depuis lors. La loi du 23 juillet 1987, a ouvert l’apprentissage à tous les diplômes et titres de l’enseignement technologique, y compris supérieur. La possibilité de conclure des contrats d’apprentissage successifs est alors affirmée, afin de donner à l’apprenti la possibilité de progresser dans son parcours de qualification et de constituer l’apprentissage en filière de formation.
L’apprentissage est ainsi devenu un mode de formation à part entière, autonome par rapport aux formations scolaires de même niveau. Il est garanti par l’État à travers des diplômes nationaux et un contrôle pédagogique sur les centres de formation d’apprentis.
Avec l’apprentissage, l’entreprise est l’acteur principal d’une formation que le CFA doit compléter ; le jeune est mis en situation d’apprendre le métier dans sa double composante, le diplôme et l’expérience du travail. L’apprentissage permet une insertion professionnelle de qualité grâce à la proximité entre le jeune et l’entreprise, dans la tradition des métiers de l’artisanat.
L’apprentissage assure dans deux cas sur trois l’emploi futur, ce qui est remarquable, compte tenu de la prédominance de niveaux modestes de diplôme. À tous niveaux, l’apprentissage augmente les chances d’insertion des jeunes dans l’emploi de 10 à 20 points par rapport à la filière classique d’enseignement technique et professionnel.
3. L’apprentissage, c’est aussi un système décentralisé, en partenariat entre l’État, les régions, les chambres consulaires et les branches professionnelles.
Depuis 1983, les régions ont une compétence de droit commun en matière d’apprentissage. Elle s’est traduite par le transfert de la gestion et du financement des CFA vers les conseils régionaux. L’intervention des régions est régulatrice de l’offre de formation à travers la définition d’une carte régionale de l’apprentissage dans le cadre du plan régional de développement des formations des jeunes, qui commande l’ouverture ou le développement des CFA et des sections d’apprentissage.
4. L’apprentissage à connu ces dernières années un essor remarquable.
Alors qu’ils avaient chuté de 32 000 apprentis en 4 ans, de 1988 à 1992, les effectifs d’apprentis ont augmenté régulièrement depuis 1993.
L’inversion de tendance observée en 1993 s’est confirmée et accentuée depuis 1994, avec une croissance de 5 % pour l’année 1993/94 et de 14 % pour celle de 1994/95.
Avec 300 000 inscrits début 1996, y compris les apprentis employés dans l’apprentissage agricole, les effectifs dépassent désormais nettement le niveau enregistré en 1967/68, date de l’entrée en vigueur effective de l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans, qui fut suivie d’un recul presque continu. Notre objectif est de porter le nombre d’apprentis aux alentours de 325 000 à la rentrée de l’automne prochain.
Le nombre d’embauches de jeunes en apprentissage est un autre élément permettant de mesurer cette croissance. Il est passé de 127 000 en 1993 à 173 500 en 1995, soit + 35,5 %. Notre objectif est de la porter à 200 000 dès 1996. Le chiffre du mois de janvier (+ 8,5 % sur janvier 1995) nous conforte en ce sens.
Enfin, le développement de l’apprentissage s’accompagne d’une diversification (à la hausse) des niveaux de formation : les filières préparant à des diplômes supérieurs au CAP ont doublé leurs effectifs depuis trois ans. Un apprenti sur quatre se situe sur une formation de niveau Bac ou plus.
La diversification est aussi sectorielle. Si l’apprentissage conserve ses racines dans le secteur des métiers, l’industrie se fait plus présente, de même que les services marchands.
Ainsi, l’apprentissage connaît un développement et un renouvellement certain qui contribue à en modifier l’image.
5. Cependant, le système de financement de l’apprentissage se révèle inadapté.
Des difficultés croissantes apparaissent pour financer le développement de l’apprentissage :
c’est d’abord l’insuffisance des ressources provenant de la taxe d’apprentissage pour financer le fonctionnement des centres de formation d’apprentis ;
c’est aussi la disparité des moyens dont disposent les CFA selon leur type de formation, d’organisme gestionnaire, leur implantation géographique… ;
enfin, le produit de la taxe d’apprentissage disponible pour l’appareil de formation est paradoxalement menacé de diminution par le développement même de l’apprentissage : une plus grande implication des grandes entreprises dans le recrutement d’apprentis conduit, par un mécanisme aberrant, à réduire le produit de la taxe d’apprentissage.
6. C’est pourquoi, le projet de loi correspond à la volonté du gouvernement de créer des conditions d’un développement durable de l’apprentissage.
Il propose de développer l’apprentissage, en garantissant le financement des centres de formations, les CFA et celui des aides accordées aux employeurs des apprentis.
Cela suppose de clarifier les responsabilités des acteurs au travers d’une répartition simple et équilibrée des charges de financement de l’apprentissage :
au régions et aux entreprises, le financement de la formation des apprentis ;
à l’État, le financement du système d’incitation au recrutement et à l’accueil des apprentis par les entreprises.
a) Le projet prévoit de renforcer les moyens de financement des centres de formation d’apprentis (CFA) et des sections d’apprentissage.
En effet, en 1995, sur une taxe globale supérieure à 6,8 milliards de francs, dont près de 3 milliards destinés en principe à l’apprentissage, les centres de formation d’apprentis (CFA) n’ont bénéficié que de 1,4 milliard de francs. Cette source de financement tend même, on l’a dit, à diminuer.
Il est donc temps de recentrer la taxe d’apprentissage sur sa vocation première, à savoir le financement des CFA.
À cet effet, le projet dégage les moyens nécessaires au travers de trois opérations :
la suppression de diverses exonérations sur la taxe d’apprentissage. Les partenaires sociaux avaient retenu cette mesure dans leur avenant du 5 juillet 1994 ;
le doublement de la part de la taxe d’apprentissage destinée à l’apprentissage, par voie réglementaire, de 20 % à 40 % de la taxe d’apprentissage. Autrement dit, cette part dite « quota » passera de 0,1 % à 0,2 % de la masse salariale des entreprises redevables de la taxe ;
la suppression, à terme, du Fonds national inter consulaire de compensation (FNIC), bénéficiaire d’une fraction de 9 % de la taxe d’apprentissage. Le fonds versait sur cette ressource des primes aux entreprises de moins de 10 salariés employant des apprentis. Il avait épuisé ses réserves.
Les ressources des CFA provenant de la taxe d’apprentissage, seront par la combinaison de ces mesures, augmentées de 640 millions de francs en 1996 et d’environ 1,4 milliard de francs en 1997. Pour autant, le taux global de la taxe d’apprentissage sera inchangé et restera fixé à 0,5 % de la masse salariale.
b) Le projet de loi vise aussi à parvenir à une répartition plus équilibrée entre les CFA des ressources de la taxe d’apprentissage.
Les écarts de ressources en taxe entre les CFA sont en effet considérables : le montant moyen de taxe par apprenti et par an s’échelonne d’un CFA à l’autre de 600 à 120 000 francs/an, si l’on prend les cas extrêmes.
Il fallait donc corriger ces effets pervers de la liberté d’affectation de la taxe, si souhaitable que cette liberté soit en elle-même.
C’est pourquoi, il est proposé de mettre fin à l’usage, pas si rare, qui veut que l’entreprise finance un CFA et fait former ses apprentis dans un autre, auquel elle ne verse pas un centime !
C’est pourquoi aussi, il est proposé d’instituer un système national de péréquation des ressources de taxe d’apprentissage versées aux CFA par les entreprises.
c) Le projet de loi simplifie enfin le système d’aides à l’apprentissage.
Il prévoit de mettre en place un système unique et permanent de primes à l’apprentissage. Ce système de primes se substituera à quatre types d’aides : la prime conjoncturelle à l’embauche, les aides versées par le FNIC aux artisans, les exonérations déjà citées sur la taxe d’apprentissage, enfin, le crédit d’impôt apprentissage. Cette prime, fixée par voie réglementaire, serait 6 000 francs d’aide à l’embauche et 10 000 francs par an d’appui à la formation (portés à 12 000 francs pour les apprentis de plus de 18 ans), soit par exemple, pour un contrat de deux ans, un total de 26 000 francs (ou 30 000 frs) selon l’âge de l’apprenti.
Je sais que l’on a reproché à ce système de comporter un « chaînon manquant ». En effet, la suppression des exonérations liées à l’embauche d’apprentis et son remplacement par un système de prime uniforme équivalent à 13 000 frs pourrait avoir pour conséquence d’accroître significativement les charges des grandes entreprises employant des jeunes sous contrat d’apprentissage, pour des formations longues et souvent de haut niveau.
Je rappellerai, tout d’abord, que le projet de loi a retenu le principe de la suppression des exonérations, en conformité avec l’accord des partenaires sociaux de juillet 1994. Ces exonérations avaient pour effet de réduire les ressources des CFA dans la mesure même où les entreprises embauchaient des apprentis. Chacun conviendra que ce système n’était plus viable.
J’ai signalé que le principe d’une modulation de la prime forfaitaire a été retenu, pour les jeunes de plus de 18 ans.
Je voudrais aussi souligner – car on ne le remarque guère – que, pour les entreprises de taille moyenne qui emploient actuellement fort peu d’apprentis, le nouveau régime de primes est sensiblement plus avantageux que la situation antérieure. Il sera assurément plus incitatif pour cette catégorie d’entreprises.
Cependant, en ce qui concerne les formations longues, je vous indiquerai en cours de débat quelles sont les intentions du gouvernement pour répondre à la préoccupation d’une modulation spécifique. Je peux d’ores et déjà vous indiquer mon accord, sur le versement d’un complément à l’heure de formation à compter de la 600e heure annuelle.
Conclusion
L’objectif du gouvernement est de réaliser 200 000 embauches d’apprentis dès 1996.
L’État engage, au travers de ce projet de loi, un effort supplémentaire de plus de 1 milliard de francs évitant par là-même tout accroissement du taux (0,5 %) de la taxe d’apprentissage. En régime de croisière, la réforme proposée correspond à un engagement d’environ 8 milliards de francs de la part de l’État : soit 4 milliards pour les primes et autant pour le financement des exonérations de charges sociales.
C’est une mobilisation nationale qu’il escompte et à laquelle il montre ainsi son attachement.
Conforter le développement de l’apprentissage, c’est valoriser une filière exemplaire, c’est ouvrir la voie au nouvel élan pour l’insertion professionnelle des jeunes pour leur rendre la confiance et l’espoir.
Date : 17 avril 1996
Projet de loi sur l’apprentissage – Discours du ministre du travail et des affaires sociales au Sénat
Monsieur le président,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames, Messieurs,
Il y a urgence, en effet, à donner un nouvel élan à la politique d’insertion professionnelle des jeunes. Le sommet social du 21 décembre dernier a retenu le principe d’une telle mobilisation.
Le projet de loi sur l’apprentissage constitue un élément majeur de cette action globale. En donnant à l’apprentissage les moyens de se développer, le projet de loi entend contribuer à l’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes.
1. Dans l’immédiat, le gouvernement a souhaité simplifier les dispositifs ouverts aux jeunes, en leur offrant trois voies d’accès à l’emploi :
– 1re voie : les mesures réservées aux jeunes en grande difficulté. Le CIE leur sera directement accessible. Pour les quartiers, les « emplois ville » ont fait l’objet d’un amendement au présent projet de loi adopté par l’Assemblée nationale puis, conforme, par le Sénat.
Le projet de décret sur l’ouverture du CIE aux jeunes en grande difficulté a été soumis aux conseils d’administrations des caisses de Sécurité sociale et pourra donc être publié d’ici la fin du mois. Les textes relatifs aux emplois-ville sont également en cours d’élaboration.
L’article 9 du projet de loi comporte des dispositions relatives au financement du tutorat en région, pour soutenir l’insertion de ces jeunes, sur lesquelles subsiste une divergence, me semble-t-il mineure, entre les deux assemblées ;
– 2e voie : l’apprentissage et les contrats d’alternance, en particulier le contrat de qualification ;
– 3e voie : le premier emploi classique. L’aide au premier emploi des jeunes sera unifiée au montant de 2 000 francs/mois, sous réserve du cas de l’emploi à l’étranger, par un décret publié, lui aussi, d’ici à la fin du mois.
De plus, les réseaux d’accueil des jeunes, d’orientation professionnelle, de démarchage des offres d’emploi seront étoffés et mieux articulés. Un accord cadre national a été conclu en ce sens entre les mission locales, l’ANPE, le réseau information jeunesse, celui des CIO, et le réseau agricole.
Nous allons mobiliser les acteurs sur le terrain autour de programmes régionaux pour l’emploi des jeunes (PREJ) associant les conseils régionaux et les partenaires sociaux. Les mesures gérées par l’État, les régions, les partenaires sociaux seront ainsi mises en synergie. Des instructions ont été données récemment aux préfets de région ainsi qu’aux recteurs d’académie afin d’activer ce processus.
2. L’apprentissage, dans l’ensemble de ce tableau, constitue une référence, l’exemple d’une réussite que le projet de loi, dont seuls deux articles restent en discussion, doit consolider et élargir.
L’apprentissage a connu ces dernières années un essor remarquable.
Cependant, le système de financement de l’apprentissage se révèle inadapté.
Des difficultés croissantes apparaissent pour financer le développement de l’apprentissage :
– c’est d’abord l’insuffisance des ressources provenant de la taxe d’apprentissage pour financer le fonctionnement des centres de formation d’apprentis ;
– c’est aussi la disparité des moyens dont disposent les CFA selon leur type de formation, d’organisme gestionnaire, leur implantation géographique… ;
– enfin, le produit de la taxe d’apprentissage disponible pour l’appareil de formation diminue lorsque l’apprentissage se développe : l’implication des grandes entreprises dans le recrutement d’apprentis conduit, en effet, par un mécanisme orienté à rebours, à réduire le produit de la taxe d’apprentissage.
3. C’est pourquoi, le projet de loi correspond à la volonté du gouvernement de créer des conditions d’un développement durable de l’apprentissage.
Cela suppose de clarifier les responsabilités des acteurs au travers d’une répartition simple et équilibrée :
– aux régions et aux entreprises, le financement de la formation des apprentis (sous réserve –faut-il le préciser ? – des formations à recrutement national et innovantes soutenues par l’État) ;
– à l’État, le financement du système d’incitation au recrutement et à l’accueil des apprentis par les entreprises.
4. Le projet prévoit tout d’abord de renforcer les moyens de financement des centres de formation d’apprentis (CFA) et des sections d’apprentissage.
En 1995, sur une taxe globale supérieure à 6,8 milliards de francs, les centres de formation d’apprentis (CFA) n’ont bénéficié que de 1,4 milliard de francs.
Il était donc temps de recentrer la taxe d’apprentissage sur sa vocation première, à savoir le financement des CFA. On sait, par exemple, les difficultés rencontrées par de nombreux CFA de chambres de métiers.
À cet effet, le projet dégage les moyens nécessaires au travers de trois opérations, sur lesquelles je n’insisterai pas :
– la suppression de diverses exonérations sur la taxe d’apprentissage ;
–le doublement, par voie réglementaire, de la part de la taxe d’apprentissage destinée à l’apprentissage, qui passera de 20 % à 40 % ;
– la suppression, à terme, du Fonds national inter-consulaire de compensation (FNIC), bénéficiaire d’une fraction de 9 % de la taxe d’apprentissage.
Les ressources des CFA provenant de la taxe d’apprentissage seront, par la combinaison de ces mesures, augmentées de 640 millions de francs en 1996 et d’environ 1,4 milliard de francs en 1997. Pour autant, le taux global de la taxe d’apprentissage sera inchangé et restera fixé à 0,5 % de la masse salariale.
5. Le projet de loi vise aussi à parvenir à une répartition plus équilibrée entre les CFA, des ressources de la taxe d’apprentissage.
Les écarts de ressources en taxe entre les CFA sont, en effet considérables, et il fallait « encadrer » la liberté d’affectation de la taxe, si souhaitable qu’elle soit en elle-même.
Sur ce volet, la discussion de l’article 1er du projet de loi est encore ouverte. De quoi s’agit-il ?
Il est proposé que l’entreprise verse une part minimale, par référence au coût des formations, au CFA dans lequel elle fait former ses apprentis. J’estime, comme vous, et à l’encontre de l’option retenue, en l’espèce, par l’Assemblée nationale, que ce dispositif ne doit pas conduire à remettre en cause la collecte par entreprise au profit d’une procédure gérée par établissement.
Il est aussi proposé d’instituer un système national de péréquation des ressources de taxe d’apprentissage versées aux CFA par les entreprises. J’ai précisé devant vous, en première lecture, que ce système serait alimenté par une fraction qui pourrait être comprise entre 10 et 20% du quota de la taxe d’apprentissage.
Ces deux mécanismes sont naturellement complémentaires.
6. Le projet de loi simplifie enfin le système d’aides à l’apprentissage.
La nouvelle prime dispose d’un fondement législatif stabilisé à ce stade. Elle comportera 6 000 francs d’aide à l’embauche et 10 000 francs par an d’appui à la formation. Ces 10 000 francs seront portés à 12 000 frs pour les apprentis âgés de plus de 18 ans. En ce qui concerne les formations longues, je vous ai indiqué en cours du débat, en première lecture, qu’il sera procédé au versement d’un complément de 50 francs à l’heure de formation, à compter de la 600e heure annuelle. Jusqu’à la huit centième pour les formations longues.
Un tel dispositif consolide donc le volume des aides, très diverses, antérieurement servies. Je voudrais surtout appeler votre attention sur le fait que, pour les entreprises de taille moyenne qui emploient actuellement fort peu d’apprentis, le nouveau régime de primes est sensiblement plus avantageux que la situation antérieure.
Conclusion
Grâce à un système puissant et simplifié de soutien à l’apprentissage, l’objectif du gouvernement est de réaliser 200 000 embauches d’apprentis dès 1998. Les textes d’application seront pris dans les meilleurs délais, c’est-à-dire, pour beaucoup d’entre eux, dès l’ouverture de la campagne de recrutement de 1996.
J’attache un grand prix à ce que l’information des responsables locaux et des chefs d’entreprises soit disponible le plus rapidement possible, c’est-à-dire dès le mois de mai.
L’État engage, au travers de ce projet de loi, un effort supplémentaire important, évitant par là-même tout accroissement du taux (0,5 %) de la taxe d’apprentissage.
C’est une mobilisation nationale qu’il escompte en retour.
Conforter le développement de l’apprentissage, c’est valoriser une filière exemplaire dans laquelle le secteur des métiers a joué et doit continuer de jouer un rôle moteur. C’est ouvrir la voie au nouvel élan pour l’insertion professionnelle des jeunes, qui doit leur rendre la confiance et l’espoir.
Date : Juin 1996
Éducation, Économie
La jeunesse est au cœur de notre mobilisation pour l’emploi. C’est d’elle que viendra le déclic psychologique et le mouvement.
Comment lui rendre confiance en lui ouvrant plus grandes les portes de la vie active ? Comment rapprocher les formations des emplois, les diplômes des métiers, les écoles des entreprises ?
Voilà des années que, indépendamment du problème de chômage, les experts s’interrogent sur l’inadéquation entre l’offre et la demande de travail. Aujourd’hui, les mutations technologiques comme les impératifs de cohésion sociale nous amènent à donner un nouvel élan à la formation : la formation des jeunes d’abord, ces jeunes que nous devons accueillir plus tôt dans le monde du travail : à 21 ans, 40 % des jeunes français sont encore à l’école, c’est un record. Plus de 65 % des jeunes d’une classe d’âge parviennent au niveau du baccalauréat, mais seulement 27 % d’entre eux optent pour la voie technologique et 13 % la voie professionnelle. C’est trop peu. Car, à un entretien d’embauche, on ne vous demande pas quel diplôme vous avez, mais ce que vous savez faire. Parallèlement, il nous faut veiller à ne pas pénaliser ceux qui entrent tôt dans l’entreprise. Nous devons leur donner une réelle « seconde chance » et un droit de retour aux études. Car désormais, l’action d’apprendre ne peut plus être l’apanage du seul système éducatif. La vie va trop vite.
La première étape de ce vaste chantier est la réforme de l’apprentissage qui est en cours d’examen par le Parlement et sur laquelle nous fondons de grands espoir.
L’apprentissage est un septuagénaire qui se porte bien. Né en 1919 avec la loi Astier qui institua les cours professionnels, ancêtres de nos centres de formation d’apprentis (CFA), il est au point de départ de notre enseignement technique et professionnel. À tous ceux qui le voient encore sous une couleur un peu vieillotte et réductrice, à usage des jeunes en difficulté ou en rupture de scolarité, il oppose aujourd’hui l’image d’un système parfaitement moderne, conduisant à tous les diplômes de l’enseignement technologique et professionnel, y compris supérieur. L’apprentissage est une filière de formation reconnue. La preuve est dans les chiffres. Les effectifs d’apprentis augmentent régulièrement depuis 1993. 228 000 apprentis fin 93, 250 000 fin 95 et, 300 000 actuellement. Ce développement quantitatif se double d’un accroissement en qualité, par l’élévation et la diversification des formations : le nombre des apprentis préparant un diplôme de niveau Bac a augmenté de près de 70 % depuis trois ans et les titulaires de CAP ou de BEP poursuivent fréquemment vers un baccalauréat ou un brevet professionnels.
Car, si l’apprentissage conserve des racines très artisanales, il se développe dans l’industrie et dans les services marchands. Enfin, dernier indice de succès, l’efficacité de l’apprentissage dans l’insertion professionnelle des jeunes : les embauches d’apprentis ont augmenté de 35,5 % en deux ans : 127 900 en 1993, 173 500 en 1995. Notre objectif est d’atteindre 200 000 embauches dès 1996.
C’est cette dynamique que notre loi a voulu encourager et accélérer.
Comment ? En clarifiant les responsabilités, en simplifiant les procédures et les financements. Désormais, l’argent de l’apprentissage ira directement à l’apprentissage, c’est à dire aux formateurs des apprentis.
Voici le principe, les modalités et l’enjeu de cette réforme.
Dans le principe, le financement du système reste tripartite. Il est réparti entre les entreprises, les régions et l’État, pour un objectif immédiat de 200 000 nouveaux apprentis en 1996. Il est également ciblé sur les centres de formation des apprentis (CFA) qui sont un peu victimes de leur succès, et éprouvent parfois des difficultés financières à accueillir de nouveaux jeunes. Il fallait donc rééquilibrer et simplifier.
Au saupoudrage complexe de primes et exonérations diverses, la réforme substitue un système unique et permanent d’aide aux entreprises employant des apprentis.
La taxe d’apprentissage due par les entreprises, dont le taux est fixé et reste à 0,5 % de la masse salariale, reste le pivot du dispositif. L’État, pour sa part, augmente sa participation supplémentaire de plus de 1 milliard de francs. Soit près de 8 milliards au total en 1996.
Simplicité : l’entreprise percevra une seule prime, versée chaque année, soit 26 000 francs par apprenti pour un contrat de deux ans dont 6 000 francs d’aide à l’embauche et 20 000 francs d’appui à la formation (10 000 francs par année, portés à 12 000 francs pour les apprentis de plus de 18 ans).
Après concertation et réflexions, cette prime, fixée par voie réglementaire, sera également modulée pour les formations longues (plus de 600 heures par an) et prolongée, le cas échéant, pour une 3e année d’apprentissage (50 francs par heure de la 601e heure à la 800e).
Enfin, les formulaires de contrat d’apprentissage seront réduits en nombre (et simplifiés dans leur présentation), dès le printemps prochain.
Proximité : le projet invite les entreprises à verser une fraction de la taxe d’apprentissage aux CFA qui accueillent les jeunes qu’elles emploient. Cela permettra de renforcer les liaisons entre les entreprises et les centres de formation.
Équité : le doublement du quota (de 20 à 40 %), c’est-à-dire le montant de la taxe d’apprentissage consacré aux CFA, signifie que les sommes affectées passeront de 0,1 % à 0,2 % de la masse salariale. Cela représente pour les CFA, une recette supplémentaire d’environ 640 millions de francs en 1996 et 1,4 milliards en 1997.
Mais cette ressource ne sera pas distribuée à l’aveugle. Un système national de péréquation est prévu, dont les caractéristiques seront précisées dans la loi de finances et après consultation des régions.
L’enjeu est d’importance. Car la formation alternée, plus que le diplôme, est le vrai passeport pour un métier. La réforme de l’apprentissage ne doit toutefois pas faire oublier que ce dispositif est parallèle à deux autres actions pour le développement de la filière de l’alternance.
La première, en vigueur depuis plusieurs années, est celle des contrats de qualification, d’adaptation ou d’orientation : un amendement gouvernemental a renouvelé pour 1996, les primes de 5 000 francs et 7 000 francs à l’emploi des jeunes en qualification. Cette filière a été un peu perturbée en 1995 par la modification des dispositifs de collecte (99 000 contrats de qualification au lieu de 115 000 en 1994) mais le mois de novembre inversait déjà la tendance.
La seconde, à venir, est la grande réforme de fond de la formation professionnelle qui, dans le cadre de la mission confiée à M. de Virville, prépare les moyens d’une véritable alternance emploi-formation tout au long de la vie professionnelle et donnera à chacun une véritable seconde chance. Car, c’est souvent en dehors et au-delà du système scolaire que se trouvent, pour un jeune, l’occasion de poursuivre ou de bifurquer par rapport à sa formation de départ.
Le lien entre le niveau de formation de départ, le diplôme et le niveau de qualification dans l’entreprise n’est jamais automatique, il faudra passer d’un système statique formation-emploi-retraite à un mode dynamique formation-emploi-formation-emploi et ainsi de suite, car l’action d’apprendre, volontaire ou contrainte, individuelle ou collective, formelle ou informelle, intègre tous les types d’activités et tous les âges de la vie.