Texte intégral
M. DENOYAN : Bonsoir.
À mesure que le temps avance, les difficultés du Gouvernement s’accroissent. Difficile en effet, de faire admettre à l’opinion publique que les réformes avancées sont nécessaires quand on a été élu sur un autre discours. Difficile de faire passer les solutions proposées comme les seules possibles alors que de l’intérieur même de la Majorité d’autres idées se font entendre. Difficile, enfin, de mobiliser tous les parlementaires derrière le Gouvernement alors que l’échéance des élections législatives fait trembler plus d’un député.
D’où un sentiment très partagé sur la première année du septennat de Jacques Chirac et paradoxe de l’époque, élu pour changer la vie des Français, Jacques Chirac parvient à faire l’unanimité ou presque sur sa politique étrangère.
Invite d’OBJECTIONS ce soir, Monsieur Nicolas Sarkozy, député-maire RPR de Neuilly.
Nicolas Sarkozy, bonsoir.
M. SARKOZY : Bonsoir.
M. DENOYAN. : Vous voici, si j’ose dire, à nouveau dans le débat politique, dans la Majorité certes, mais avec vos idées, vos solutions qui ne sont pas toujours celles du Gouvernement. Pour y voir clair, nous allons vous interroger avec :
Annette Ardisson. Pierre Le Marc de France-Inter
Fabien-Roland Lévy, Jean-Michel Aphatie du Parisien-Aujourd’hui.
Aujourd’hui, dans le quotidien « Le Monde », on y apprend qu’une majorité de parlementaires RPR souhaiterait un référendum sur les problèmes d’éducation nationale. Y seriez-vous, vous-même, favorable ?
M. SARKOZY : Non, je suis plus réservé sur l’opportunité d’un référendum sur l’éducation nationale. Je crois à la nécessité d’une réforme de l’éducation nationale. Je pense que, d’ailleurs, il est plus facile d’en parler que de la faire, tant le sujet est sensible. Pour vous dire vrai, je crois à la nécessité de plusieurs réformes de l’éducation nationale parce qu’il n’y a pas une seule réforme nécessaire, mais plusieurs réformes selon que l’on s’adresse au primaire, au second cycle, au cycle universitaire ou même à toute la filière professionnelle ou technologique. Et je crains – sans être persuadé d’avoir la vérité, naturellement, je suis tout à fait prêt à en débattre – qu’il soit difficile, en tout cas comme préalable, de répondre par « oui » ou par « non » à la question de la réforme de l’éducation nationale.
En tout état de cause, le référendum ne peut pas être un préalable s’il devait s’avérer que trop d’obstacles se présentent sur la route d’une éventuelle réforme de l’éducation nationale et que la seule solution soit l’appel direct à nos concitoyens – je suis tout à fait prêt à en parler –. Mais je crois qu’avant il y a toute la place pour la discussion, la concertation, l’explication et, alors, pour le coup, Gilbert Denoyan, la pédagogie.
M. APHATIE : Comment expliquez-vous que ce pouvoir qui est en place depuis un an, ce nouveau pouvoir, avec la légitimité que confère une élection présidentielle, comment expliquez-vous que l’on se rend compte encore un an après que ce chantier est toujours à ouvrir ?
M. SARKOZY : Je vous dirai franchement que j’ai l’impression que, pour les années qui viennent, il restera ouvert.
M. APHATIE : Non, mais il est encore à ouvrir. Il n’y a pas encore de réformes annoncées...
M. LE MARC : ... Comprenez-vous la prudence de Monsieur Bayrou ? Partagez-vous l’impatience du Président ?
M. SARKOZY : II y a un équilibre nécessaire à faire attention à ne pas être incompris, à créer une situation de blocage et à avancer. Je crois que maintenant le moment est venu d’avancer.
Je poserai un certain nombre de conditions : d’abord, il faut savoir sur quels sujets ? Je pense que ce qu’il y a de plus important pour la réforme de l’éducation nationale, c’est de définir les priorités. Si j’avais à faire une proposition en la matière, je considère que la priorité aujourd’hui, en matière de réforme de l’éducation nationale, c’est le premier cycle universitaire. L’afflux du nombre d’étudiants, le nombre d’étudiants qui sortent sans formation et sans diplôme, c’est la question centrale et c’est celle-ci, me semble-t-il, que je voudrais voir trancher en priorité. Il est temps maintenant d’agir.
M. ROLAND-LEVY : À propos de cette réforme, le projet du RPR propose une allocation d’études qui serait à peu près de 30 000 francs par an et par étudiant. Que pensez-vous de cette annonce qui vient de votre Parti, au moment où le Gouvernement prépare de sévères économies budgétaires ?
M. SARKOZY : Je ne suis pas choqué qu’une formation politique propose son propre corpus d’idées. Je vous dirai très simplement qu’en ce qui me concerne je ne peux pas et je ne ferai pas le discours parfaitement contradictoire qui consisterait, pour moi, à réclamer des baisses d’impôts ambitieuses tout de suite et, dans le même temps, oubliant la première partie de mon discours, à demander des prestations, aussi légitimes soient-elles par ailleurs, qui augmenteront les dépenses de l’État.
Donc, je dis très clairement que, en ce qui me concerne, la priorité, c’est la diminution des dépenses de l’État, a baisse des impôts concomitamment à la diminution des dépenses de l’État et s’abstenir de créer dans le domaine social ou dans tout autre domaine de nouvelles prestations. Je pense d’ailleurs à la prestation autonomie vieillesse qui est parfaitement légitime...
M. DENOYAN : ... Qui a l’air d’être repoussée. Cette réforme à l’air d’être un peu oubliée.
M. SARKOZY : Monsieur Denoyan, comment expliquer à nos compatriotes que nous avons tout juste les moyens de financer les acquis sociaux que nous connaissons aujourd’hui et que, dans le même temps, on pourrait dégager des marges de manœuvre qui n’existent pas pour financer de nouvelles prestations ?
M. DENOYAN : Ce n’est pas moi qui ai fait la campagne électorale, Monsieur Sarkozy. Puisque vous me posez la question, je vous réponds.
M. SARKOZY : Non, mais vous observerez certainement que moi non plus.
M. DENOYAN : Au deuxième tour, il m’a semblé que vous étiez plutôt de ce côté-là.
M. SARKOZY : Ah ! Au deuxième tour, j’étais tout à fait aux côtés de Jacques Chirac.
M. DENOYAN : Justement, sur ce point comme sur la réforme fiscale, comme sur la baisse des impôts, il semble qu’il y a tout de même des hiatus entre vous et l’action menée actuellement par Alain Juppé ?
M. SARKOZY : Puis-je dire un mot ? Je ne veux pas fuir votre question, naturellement, mais j’aimerais pouvoir m’exprimer une minute sur ce sujet. On ne peut pas dire que le débat politique souffre parce qu’il génère dans l’ennui et dans le même temps considérer que toute idée nouvelle ou idée un peu dissonantes est un facteur de division qui ne doit pas être examiné.
M. DENOYAN : Le hiatus n’est pas forcément la division, c’est une compréhension différente.
M. SARKOZY : Quand il y a des idées qui sont différentes, naturellement, on en débat. Si on ne veut pas débattre, c’est qu’on n’est pas en démocratie. Et je vous mets en garde les uns et les autres, l’ennui généré par le débat politique profite toujours aux extrêmes et aux abstentionnistes.
M. DENOYAN : On ne vous fait pas ce reproche, Monsieur Sarkozy. Donc, vous pouvez répondre tout à fait normalement à notre question.
M. SARKOZY : Monsieur Denoyan, j’ai bien l’intention de pouvoir continuer à affirmer mon appartenance à la Majorité et à continuer à essayer de réfléchir librement car je crois au débat d’idées, je crois à la vertu de la pédagogie.
M. DENOYAN : Y a-t-il hiatus ou pas ?
M. SARKOZY : Il n’y a pas hiatus entre Alain Juppé et moi sur les objectifs. Alain Juppé ayant ouvert un débat sur les moyens pour tenir ces objectifs. Il me semble tout à fait naturel de proposer un certain nombre de pistes.
M. LE MARC : Ne pensez-vous que cet effort de maîtrise des dépenses ne vient pas trop tard ?
M. SARKOZY : Ce qui compte dans cette affaire, c’est de ne pas pleurer sur le lait renversé. Vous savez parfaitement ce que j’ai été amené à dire lors du collectif de l’été 95, lors de l’instauration d’un certain nombre de prestations, y compris même lors de la création du RDS. Je n’y reviendrai pas, j’essaie de me projeter dans l’avenir.
Il y a, par exemple, un premier débat qui est essentiel. Tout le monde est d’accord, il faut faire des économies sur les dépenses, il s’agit de déterminer lesquelles et, ensuite, de savoir si, concomitamment ou non, on fait des baisses d’impôts. Je suis déterminé à essayer d’obtenir des baisses d’impôts tout de suite car je crains par-dessus tout l’aspect récessif que pourrait avoir sur une croissance qui n’en a guère besoin une réduction des dépenses si, en même temps, on ne redonne pas un peu de mou, un peu de vigueur, un peu de pouvoir d’achat à l’économie française sous la forme de baisses d’impôts.
M. APHATIE : Vous n’êtes pas prêt à réduire le déficit budgétaire ?
M. SARKOZY : Monsieur Aphatie, permettez-moi de vous rappeler que pour réduire un déficit, il y a deux colonnes il faut d’abord diminuer celle des dépenses et il faut autant que faire se peut augmenter celle des recettes. Vous pouvez diminuer les dépenses autant que vous voulez, si les recettes ne sont pas au rendez-vous, parce que la croissance n’est pas là, il n’y aura pas de réduction du déficit.
J’ajoute un dernier mot : c’est que, dans mon esprit, la réduction du déficit, c’est un moyen du service d’une plus forte croissance pour créer des emplois pour nos compatriotes. J’aimerais qu’on comprenne bien que la réduction du déficit n’est pas une fin en soi. La fin en soit, c’est de créer des emplois et, pour créer des emplois, il faut un minimum de 2,5 points de croissance. C’est cela la question qui nous est posée...
M. DENOYAN : ... On s’en éloigne de plus en plus, tout de même.
M. SARKOZY : C’est suffisamment complexe et difficile, pas simplement en France...
M. DENOYAN : … Donc, vous êtes d’accord sur une partie de l’action économique menée par le Gouvernement, c’est-à-dire « bravo lorsqu’on fait des réductions, enfin quand on fait des économies » pour parler simplement, mais alors vous n’êtes pas du tout d’accord sur la conduite économique ?
M. SARKOZY : Pour l’instant, je suis d’accord quand on dit...
M. DENOYAN : … Parce que le chômage augmente, l’inflation, on ne sait pas trop où elle va... Sur quoi êtes-vous d’accord ? Que sur la réduction des dépenses.
M. SARKOZY : Monsieur Denoyan, en cette veille de grand week-end, je vois que vous êtes parfaitement bien disposé à assurer la paix dans les familles, y compris celle de la Majorité présidentielle.
M. DENOYAN : En tous les cas, je peux vous dire qu’il y a sans doute énormément d’auditeurs qui vous écoutent, donc de nos compatriotes, donc de vos électeurs...
M. SARKOZY : … Potentiels.
M. DENOYAN : Ou peut-être pas électeurs qui vous écoutent parce que votre position est intéressante sur ces questions.
M. SARKOZY : Je voudrais vous répondre très simplement que je veillerai, premièrement, à ce que ces économies ne soient pas simplement des mots et soient traduites dans les faits. Et il est parfaitement normal que je prenne ma part d’impopularité dans la définition et dans le rôle qui est le mien d’assumer une partie des impopularités nécessaires sur les économies.
Et, deuxièmement, je veillerai aussi à ce que la réduction des impôts commence le plus tôt possible et que cette réduction soit la plus ambitieuse possible parce que notre pays en a besoin.
Mme ARDISSON : Certains sont même prêts à affirmer que la réduction des impôts doit précéder la réduction des déficits qui viendra comme un bienfait...
M. DENOYANI. : ... Avec les nouvelles recettes.
Mme ARDISSON : Comme un bienfait ultime à partir du moment où il y aura davantage de rentrées fiscales. Iriez-vous jusque-là ?
M. SARKOZY : Lorsqu’il y a un mois et demi avec Édouard Balladur, nous avons fait des propositions fiscales, lancé le débat de la réforme fiscale, je ne m’attendais pas à être dépassé sur ce plan. Je demande simplement que, concomitamment, il y ait des réductions d’impôts. J’ai demandé 100 milliards de réduction d’impôts, j’ai proposé des pistes pour financer ces réductions d’impôts, ce qui ramènerait d’ailleurs le poids de la fiscalité dans notre pays, ni plus, ni moins, à ce qu’il était l’an passé. Ce n’est donc absolument pas impossible d’obtenir cet objectif.
M. LE MARC : Concrètement, quelles sont ces pistes ? Vous dites que vous voulez assumer votre responsabilité, assumez-la, Quelles sont les pistes ?
M. SARKOZY : La première piste, c’est la piste des économies budgétaires, à part trois postes qui méritent, semble-t-il, une redéfinition assez complète.
Premièrement, les aides à l’emploi. Sur les trois dernières années, le budget des aides à l’emploi est passé de 90 milliards à 140 milliards, dans le même temps, le chômage n’a quasiment pas cesse d’augmenter.
Je prends quelques exemples : les CES qui ont été créées par un gouvernement socialiste, en 1990, il en coûtait 4,5 milliards à la France. En 1995, il en coûte 17,5 milliards. On est en droit de se poser la question de l’utilité ?
Nous-mêmes, Gouvernement, d’Édouard Balladur, nous avions été amenés à créer l’aide au premier emploi des jeunes. Force est de reconnaître que cela n’a pas marché puisque ça a rempli à peine 10 % des objectifs poursuivis.
Et, enfin, le CIE qui est une idée dont je ne conteste absolument pas qu’elle soit généreuse. Coût en année pleine, 25 milliards pour 30 000 emplois en solde créés, soit 800 000 francs d’emplois créés.
M. LE MARC : Tout cela est à supprimer ?
M. SARKOZY : Je ne dis pas que c’est à supprimer, c’est à recalibrer. Ma proposition est très simple : je crois qu’il faut ne garder de subventions pour l’emploi que pour les chômeurs qui n’ont aucune chance de retrouver spontanément un emploi, c’est-à-dire les chômeurs qui sont au chômage depuis une durée suffisamment longue, je pense deux ans.
D’ailleurs, dans un aucun autre pays industriel il n’existe les processus que nous avons. Prenons l’Angleterre et l’Allemagne, depuis 1980, ces deux pays voisins du notre ont le même taux de croissance que la France en moyenne et rendez-vous compte que, sans avoir le quart des dispositifs d’emplois qui sont les nôtres, ils ont créé deux fois plus d’emplois. Moi, j’essaie de ne pas être un idéologue...
M. DENOYAN : … L’Angleterre, au niveau du tissu social, on ne peut pas dire que la fracture sociale se soit résorbée. Il y a vraiment deux Angleterre.
M. APHATIE : Et la situation du chômage en Allemagne n’est pas non plus extraordinaire.
M. DENOYAN : Oui, puisqu’il augmente.
M. SARKOZY : Si vous me permettez, Monsieur Denoyan, ne croyez pas que je sois désagréable, mais je pense qu’il faut se garder de jugement sommaire sur ce qui se passe chez nos voisins. Je ne suis pas venu pour dire que le modèle anglo-saxon est l’alpha et l’oméga de ma pensée sur le sujet, bien au contraire ! Mais croyez-vous vraiment qu’un pays comme le nôtre, qui a le taux de chômage le plus élevé de tous les pays du G7, soit vraiment en mesure, sur le plan de l’exclusion, de s’abstenir de regarder ce qui se passe dans des pays, comme les États-Unis notamment, qui ont un taux de chômage à 5 % et qui ont créé 8 millions d’emplois dans les trois dernières années.
Je ne pense pas que la société américaine ou anglo-saxonne soit un modèle pour nous. De là à dire, d’un revers de main, eux, ce qu’ils ont fait, ce n’est pas bien, eh bien, moi, je pense qu’il faut aller voir, regarder et être plus prudent.
M. DENOYAN : On vous a compris. Mais ça vaut dans les deux sens, vous admettrez ?
M. SARKOZY : Bien sûr.
M. ROLAND-LEVY : Une des pistes évoquées pour des économies budgétaires est la réduction d’effectifs dans la fonction publique et le Premier ministre, hier, a évoqué, à ce propos, la formule de « mauvaise graisse ». Que pensez-vous de cette formule ?
M. SARKOZY : De la formule, je n’en pense pas grand-chose...
M. ROLAND-LEVY : ... Elle ne laisse pas indifférents un certain nombre de…
M. DENOYAN : ... Elle ne laisse pas indifférents les fonctionnaires, en tout cas.
M. LE MARC : Êtes-vous d’accord ou pas ?
M. SARKOZY : Je ne suis pas sûr qu’elle facilite le débat pour le ministre de la fonction publique. Mais après tout, dans la chaleur des questions d’actualité, il peut arriver à chacun d’avoir des expressions qui peuvent susciter débat.
En ce qui concerne le fond des choses, c’est ce qui est important, la masse salariale de l’État, c’est 650 milliards de francs, c’est-à-dire près de 40 % du budget de l’État. Si on dit : « On va réduire des dépenses sans toucher à ces 40 % », on ne fera pas d’économies.
Je voudrais vous dire un autre chiffre : le budget de fonctionnement de l’État, fonctionnement des armées compris, c’est 69 milliards de francs, moins de 4 %. Je dis ce chiffre pour tous ceux qui disent : « Il n’y a qu’à réduire le train de vie de l’État », ce n’est pas là où il y aura les grosses économies. Et comme le statut de la fonction publique est ce qu’il est et qu’on ne le changera pas naturellement, compte tenu des acquis sociaux et ce n’est sans doute pas souhaitable parce qu’on ne pourra pas le faire, de toute façon de le bouleverser. La seule variable, c’est le nombre des emplois dans la fonction publique. Et je considère qu’Alain Juppé à raison de poser le problème et ma conviction, c’est qu’on ne pourra pas, dans les années qui viennent, remplacer tous les postes qui partent à la retraite ou tous les hommes et les femmes de la fonction publique qui partent à la retraite.
II y a tout de même quelque chose qui est formidable, depuis 4 ans, nous sommes le pays qui a créé le plus d’emplois publics sur les 7 pays du G7 et, dans le même temps, nous sommes celui qui a détruit le plus d’emplois privés. La question est posée. Alain Juppé a bien fait de la poser. Et, en ce qui me concerne, je soutiendrai une réduction des effectifs sous la forme non pas de licenciements qui sont impossibles dans la fonction publique, mais de non remplacement d’une partie des départs en retraite.
M. ROLAND-LEVY : Est-ce qu’à Neuilly vous montrez l’exemple en ce qui concerne les fonctionnaires territoriaux qui sont sous votre responsabilité ?
M. SARKOZY : Je voudrais vous dire qu’il est plus facile d’être maire que d’être Premier ministre ou que d’être au Gouvernement de la France.
M. ROLAND-LEVY : Pratiquez-vous cette réduction des postes pour ceux qui partent à la retraite ?
M. SARKOZY : Je ne veux pas rentrer dans le détail, mais peu importe ! Je n’ai pas à la pratiquer pour la raison simple, c’est que toutes les communes de la surface équivalente et de la population équivalente à celle de Neuilly, nous sommes celle qui a un rapport entre le nombre de fonctionnaires et la population qui est le plus faible. Cela s’explique d’ailleurs par un contexte social qui n’est pas le même qu’ailleurs.
M. DENOYAN : Donc, vous ne licenciez pas, vous remplacez ?
M. SARKOZY : Je ne demande pas de licenciements. Je dis simplement qu’il y a, chaque année, 50 à 60 000 départs à la retraite et que si l’on veut baisser les impôts pour redonner un peu de dynamisme à notre économie, nous serons bien obligés, que cela plaise ou non, de jouer sur les gros postes de dépenses de l’État, notamment celui-ci. La France n’a pas à être condamnée à être le pays, de tous les pays développés, qui a continuellement 20 à 30 % d’agents de la fonction publique en plus que les autres pays. Dire cela, ce n’est pas engendrer un tabou, c’est participer à un débat et c’est essayer de faire progresser les choses. D’ailleurs, si on ne le dit pas aux Français, je crains que, demain, le réveil soit douloureux.
Mme ARDISSON : Je voudrais que vous reveniez sur ce que vous avez dit tout à l’heure sur la sélectivité qui doit s’opérer dans les aides à l’emploi en la réservant simplement aux chômeurs qui peuvent être réinsérés, etc. En ce qui concerne les aides aux entreprises par allégement fiscal, souhaitez-vous qu’elles soient gardées alors même qu’elles sont contestées dans leur utilité par les entreprises elles-mêmes ? En tout cas par le patron du CNPF.
M. SARKOZY : La priorité, dans mon esprit, est claire, ce sont des allégements fiscaux sur les ménages plutôt que sur les entreprises que nous devons faire car il s’agit de soutenir la consommation. Je pense en premier priorité à l’impôt sur le revenu qui est payé par 16 millions de foyers fiscaux. Pour tout dire, je suis très préoccupé de la situation des classes moyennes dans notre pays.
Je pense ensuite à la TVA. Je soutiens de toutes mes forces ceux qui disent qu’il faut faire converger les politiques économiques de l’Allemagne et de la France. Savez-vous que nous avons près de 6 points de TVA à notre détriment de différence avec l’Allemagne ? Comment peut-on survivre à cela ? Quant à l’Angleterre, nous avons 11 points d’impôts de plus qu’elle. Et quant à l’Allemagne, 5 points d’impôts de plus qu’elle. Donc, priorité, la baisse des impôts. La baisse des impôts sur les ménages, la baisse des impôts sur les classes moyennes. C’est comme cela qu’on relancera la consommation, qu’on soutiendra l’activité économique et qu’on permettra aux entreprises de reprendre un cycle créatif.
OBJECTIONS.
M. DENOYAN : Objections de Monsieur François Hollande, porte-parole du Parti socialiste. Bonsoir, Monsieur.
M. HOLLANDE : Bonsoir.
M. DENOYAN : Vous avez là matière à objecter à Nicolas Sarkozy, François Hollande ?
M. HOLLANDE : Oui. Je ne suis pas sûr que le choix de l’objecteur ait été le plus judicieux, car à entendre…
M. DENOYAN : ... Écoutez, si vous ne voulez pas poser de questions et que vous êtes d’accord avec un représentant du RPR, c’est intéressant !
M. HOLLANDE : ... Monsieur Sarkozy se livre à une telle critique de la politique économique de Monsieur Juppé conduite depuis un an, et quelquefois avec, d’ailleurs, de bons arguments, par exemple sur l’augmentation continue des impôts, plus de 120 milliards de francs depuis un an, même s’il a voté lui-même ces augmentations d’impôts, ou sur les aides à l’emploi qui se sont accumulées, notamment avec le contrat d’initiative emploi et les exonérations de charges, même si le gouvernement Balladur s’était déjà mis dans cette orientation, c’est vrai que le choix du contradicteur eut été plus judicieux venant du gouvernement Juppé lui-même. Car je crois qu’il y a là…
M. DENOYAN : … vous m’avez fait peur !...
M. HOLLANDE : ... comme une contradiction interne à la majorité qu’un membre du Parti socialiste, fut-il son porte-parole, aura du mal à arbitrer.
Car ce qui se passe quand même depuis 3 ans, même s’il y a eu, il est vrai, une accélération depuis un an, c’est vrai que c’est l’augmentation continue des prélèvements. Ils avaient commencé à augmenter avec l’accroissement de la contribution sociale généralisée en 1993, puis cela a été l’accumulation des décisions fiscales avec la TVA et avec les cotisations sociales.
Si bien que, aujourd’hui entendre les membres de la Majorité, qu’ils soient au gouvernement et qu’ils aient donc imposé ces décisions, ou qu’ils soient au Parlement, comme c’est le cas de Monsieur Sarkozy, et qu’ils aient voté ces dispositions, on a du mal à s’y retrouver lorsqu’ils nous proposent aujourd’hui des allégements.
Mais si l’on veut que je pose une question, et j’en poserai quand même une, c’est qu’à entendre Monsieur Sarkozy, on a le sentiment que, au-delà des aides à l’emploi qu’il faut revoir ou repenser – je n’ai pas d’objections à lui faire parce qu’il s’agirait de revenir sur des dispositions que le Gouvernement Balladur puis le Gouvernement Juppé ont engagées sur les effectifs de la fonction publique, au-delà des incantations et des discours, au-delà même des phrases malheureuses – c’est vrai que celle de la « mauvaise graisse » était à l’évidence une gaffe et en tout cas, une provocation – sur quelle administration précisément, administration d’État, l’effort devrait-il porter ? Est-ce sur les effectifs militaires ? On va recruter plutôt plus de professionnels aujourd’hui, donc abandonnons cette piste. Est-ce sur l’éducation nationale ? Serait-ce sur des effectifs pour l’agriculture auxquels tient beaucoup Monsieur Chirac ?
Bref, que l’on nous dise enfin, au-delà du discours général, sur quelles catégories de fonctionnaires voudrait-on faire disparaître, cette pseudo « mauvaise graisse » ?
Et puis deuxième question, sur les impôts, même si, là encore, j’ai noté une contradiction entre, d’un côté, cette observation juste sur les écarts de taux de TVA entre nos pays et ceux qu’on le constate chez nos partenaires, et en même temps la décision qui a été prise et adoptée par Monsieur Sarkozy d’augmenter de deux points, de façon il est vrai temporaire, le taux de TVA en France, de 18,6 à 20,6.
Je voudrais savoir si priorité, lorsque des allégements pourront être accordés aux Français, ne devrait pas être donnée à ces allégements fiscaux qui correspondent précisément aux hausses d’impôts que l’on nous avait présentées comme temporaires. Est-ce que si des économies devaient être trouvées, on ne devrait pas, dans le budget pour 1977, d’abord revenir au statu quo fiscal qui existait, c’est-à-dire avant que le gouvernement Juppé ne vienne le modifier, notamment pour le taux de TVA.
Est-ce qu’il n’y a pas la priorité, apparemment, à l’impôt sur le revenu ?
M. DENOYAN : On a bien compris vos deux questions, Monsieur Hollande.
M. SARKOZY : J’aime plutôt bien Monsieur Hollande parce qu’il a beaucoup d’humour, même si cela n’apparaît pas spontanément.
Quand il me dit : « Il faut revenir sur les augmentations d’impôts décidées par Alain Juppé », est-ce à dire que plutôt que baisser l’impôt sur e revenu, le porte-parole du Parti socialiste voudrait que l’on revienne sur l’augmentation de 10 % de l’impôt sur la fortune décidée par le gouvernement d’Alain Juppé ?
M. HOLLANDE : Je vous ai parlé de la TVA.
M. SARKOZY : … ou est-ce qu’il voudrait qu’on revienne d’abord sur l’augmentation décidée sur les bénéfices des sociétés ? Je vous laisse baisser l’impôt, si vous voulez, sur ces deux secteurs... je préfère la TVA et l’IRPP.
Deuxième élément, je voudrais dire à François Hollande que j’aurais aimé participer au débat sur le collectif de 1995 qui a voté ces augmentations d’impôts, mais il lui a peut-être échappé que j’étais à l’époque réélu comme maire de Neuilly, mais pas encore comme député. Donc n’étant pas au Parlement, je n’ai pas pu voter.
M. HOLLANDE : Donc vous ne les auriez pas votés ?
Les auriez-vous votés ? Vous avez voté la loi de Finances ?
M. SARKOZY : Vous avez un tempérament formidable, c’est l’espérance d’avoir 4 jours de repos ou quoi ?
M. HOLLANDE : Non. C’est l’espérance de revenir au pouvoir.
M. SARKOZY : Écoutez, franchement, cela n’a pas que des satisfactions. Ne vous pressez pas trop, profitez-en un petit peu de temps, vous verrez ! Une fois que vous aurez donné, vous verrez que ce n’est pas si facile !
M. HOLLANDE : Je ne suis pas sûr que c’était votre intention première de quitter le pouvoir ?
M. SARKOZY : Oh ! Je fais contre mauvaise fortune, bon cœur...
M. HOLLANDE : ... Ce sont les électeurs, davantage que vous, qui l’ont provoqué !
M. DENOYAN : Écoutez ! Si vous voulez continuer sur ce ton-là, je vais vous donner l’adresse d’un très bon bar, avec un très bon whisky... mais là la question portait sur les dépenses fiscales.
M. SARKOZY : Je voudrais quand même lui dire parce que je ne voudrais pas qu’il se fasse de mauvaises illusions : je ne suis pas socialiste...
M. HOLLANDE : ...ça, on l’avait compris !
M. SARKOZY : ... je n’ai pas l’intention de le devenir et je me battrai de toutes mes forces pour qu’en 1998 ils ne gagnent pas.
Les propositions, que j’ai faites, n’empêchent en rien que je suis dans la Majorité présidentielle et que je soutiendrai par mes votes le gouvernement d’Alain Juppé.
Mais deux précisions : vous parlez des effectifs de la fonction publique, vous avez raison, j’ai fait une proposition assez précise : ne pas remplacer 1 sur 3 départs en retraite.
Y-a-t-il des secteurs pour aller plus précisément dans la discussion ?
Oui, je considère quand même que ce n’est pas choquant de poser le problème de la création des postes dans l’éducation nationale, notamment au niveau du primaire, alors que depuis plusieurs années les effectifs diminuent. Qu’au moins on pose la question ! Si par définition, parce que c’est l’éducation nationale, parce que c’est le monde enseignant, on ne doit même pas évoquer ce problème, alors à quoi servons-nous !
Deuxième élément, j’ai moi-même dit que nous avions créé à l’époque, au gouvernement, des dispositifs d’aides à l’emploi qui n’ont pas été efficaces.
Monsieur Hollande, qui a créé les CES qui coûtent 17,5 milliards, 1990 ? C’est un gouvernement socialiste.
Vraiment en la matière, je ne suis pas venu pour dire que j’ai des solutions rêvées sur tout. Mais franchement c’est un peu tôt pour que les Socialistes donnent des leçons sur tout.
M. DENOYAN : Merci à François Hollande.
M. APHATIE : Puisque vous n’êtes plus au gouvernement …j’ai failli dire : puisque vous êtes dans l’opposition …
M. SARKOZY : C’est un regret, Monsieur Aphatie ?
M. APHATIE : Non, non... puisque vous n’êtes plus au gouvernement et que vous avez le temps de réfléchir, de regarder la société française avec un peu plus de tranquillité que lorsque vous étiez aux affaires, est-ce que vous pensez comme d’autres aujourd’hui, beaucoup de convertis apparaissent, que la réduction du temps de travail est une solution à pousser en France pour réduire le chômage ?
M. SARKOZY : Je vous remercie de cette question, parce que je participerai à ce débat avec beaucoup de force. Car autant je crois à la nécessité de la souplesse dans l’organisation du temps de travail, au développement du temps partiel, à l’annualisation du temps de travail, autant je considère que ce serait une grave erreur que de laisser penser à nos compatriotes qu’en travaillant moins, on peut gagner autant et créer des emplois.
Partout dans le monde la compétition est là. Alors qu’il y a 40 ou 50 ans, seuls quelques pays développés se partageaient les richesses du monde, maintenant c’est une évolution heureuse, sur tous les continents il y a des pays émergents, qui se développent. Je ne crois pas une seule seconde que la réduction massive et généralisée du temps de travail créera des emplois.
J’ajoute un dernier élément que, hélas, je ne vois pas assez souvent dans le débat : Monsieur Aphatie, la réduction du temps de travail en France s’est faite de façon considérable. Les jeunes rentrent dans le monde du travail de plus en plus tard, parfois 25 ans ou 26 ans quand ils ont la chance de faire des études. Et, hélas, de l’autre côté, à l’autre bout de la vie active, sortent de la vie active de plus en plus tôt, avec les départs en pré-retraite forcée à 50 ans ou a 55 ans. Ce qui veut dire que la durée de temps de travail sur une vie ne cesse de diminuer, et l’on voudrait qu’à l’intérieur de ces années qui diminuent, hélas, comme une peau de chagrin – je dis : hélas, parce qu’il y a des tas de gens de 50 ans ou de 55 ans qui avaient beaucoup de choses à donner et pour qui c’est un drame d’être en retraite à ce moment-là, je ne dis pas tous... je dis certains –, on travaille moins ?
Mais, moi, je pose une question : qui paiera les cotisations de retraite ? Qui paiera la protection sociale auxquelles nous, tous, nous sommes très attachés.
Je dis très franchement les choses : ne faisons pas croire à notre pays qu’en travaillant moins, la France sera plus heureuse et que l’on donnera aux emplois aux jeunes qui les attendent.
M. APHATIE : Beaucoup de gens éminents, dont le Président de la République par exemple, pensaient que c’était une piste ! Mais…
M. SARKOZY : Le Président de la République, fort heureusement, n’a jamais dit cela…
M. APHATIE : Si. Si. Il en a parlé.
M. SARKOZY : Toute la difficulté, Monsieur Aphatie, c’est de ne pas confondre la souplesse dans l’organisation du temps de travail, le développement du temps partiel ou l’annualisation, avec réduction massive et générale du temps de travail.
J’ajoute : il y a une telle inquiétude face au chômage que je comprends que, par moments, y compris dans la Majorité, certains parlementaires essaient de trouver des pistes à droite ou à gauche, que d’autres réfléchissent à cela. Mais, franchement, il faudra se donner du mal pour me convaincre qu’en travaillant moins, on créera plus d’emplois.
Mme ARDISSON : Les gains de productivité dus essentiellement à l’automatisation, a l’informatisation, il va bien falloir les retrouver quelque part, parce que sinon, effectivement, il y aura de plus en plus de gens qui resteront sur le bord de la route.
Vous dites : on ne peut pas faire croire qu’il y aura une réduction du temps de travail, en gagnant la même chose. La solution, c’est peut-être précisément de ne plus gagner la même chose ?
M. SARKOZY : C’est un débat que je suis tout à fait prêt à mener d’une manière plus approfondie. Je voudrais quand même vous dire que l’automatisation n’est pas simplement synonyme de disparition d’emplois, parce qu’il faut des gens, des ingénieurs, des techniciens pour créer ces machines.
Je veux dire aussi qu’en France nous pourrons développer des secteurs économiques, à condition d’y avoir des labels, des marques, de la qualité, de la technologie et d’investir dans les techniques.
Permettez-moi de vous dire : alors qu’il y a tant de concurrents aux portes de l’Europe, alors qu’il n’y a pas de crise économique mondiale, mais une crise de langueur de l’Europe, alors qu’il n’y a pas de crise économique généralisée, si le message que nous envoyons à nos compatriotes consiste à dire : « Baissez les bras, on vous garantit tous les acquis sociaux, on vous garantit le même salaire, et, en plus, vous pourrez travailler moins », je crains qu’on ne se prépare des réveils douloureux !
M. ROLAND-LEVY : Pour changer de sujet : la crise de France-Télévision relève le caractère ambigu du statut de France 2, à la fois public et concurrentiel. Je voudrais savoir si, à la faveur de cette crise, vous pensez que le statut de cette chaîne doit évoluer ? Doit-elle être privatisée, comme on l’entend çà et là, ou doit-elle rester comme elle est ?
M. DENOYAN : Faut-il réformer, plus simplement, le service public audiovisuel ?
M. SARKOZY : Je suis très opposé à la privatisation de France Télévision, pour deux raisons :
1. Je crois à la spécificité de chaînes de télévision et de radio de service public ;
2. Si l’on privatisait France Télévision, cela voudrait dire que c’est l’acte de décès des chaînes privées, comme M6, comme TF1 ou comme Canal +, sans parler des radios privées, sans parler de la presse qui a déjà bien du mal à avoir sa part du gâteau publicitaire.
Donc, je me battrai pour éviter cette privatisation.
M. DENOYAN : Votre réponse est donc uniquement économique, elle n’est pas au niveau de la qualité des programmes ?
M. SARKOZY : La question qui m’était posée, était…
M. DENOYAN : ... Il faut bien se poser la question de l’utilité de sociétés publiques de programme, quand même ?
M. SARKOZY : Ce n’est pas une question de statut. Alors, à partir de ce moment-là…
M. DENOYAN : ... mais de financement quand même aussi de ces sociétés ?
M. SARKOZY : Bien sûr. Et l’on est naturellement dans l’ambiguïté du système de financement de France Télévision.
M. ROLAND-LEVY : Faut-il mettre à l’abri France 2 de la concurrence ?
M. SARKOZY : Je voudrais dire, de ce point de vue-là, que j’aimerais un peu plus d’équité dans le débat sur ces questions sensibles. Ce n’est pas la faute d’un homme ou de quelques hommes s’il y a cette ambiguïté.
J’ai été ministre du budget. Et je sais très bien en tant que ministre du budget que je demandais aux présidents des entreprises nationales, quelles qu’elles soient, de tenir leurs objectifs de financement. Comme nous ne voulions pas augmenter trop la redevance, parce que la devance est un impôt, un impôt de plus, on demande aux entreprises nationales de faire des recettes de publicité en complément. Et, ailleurs, il n’est pas souhaitable que France Télévision n’ai aucun accès à la publicité, ne serait-ce que pour la dynamisation des équipes.
Il y a une ambiguïté qu’il convient de lever.
M. DENOYAN : Vous savez, ici, il n’y a pas tellement de publicité, les équipes sont dynamiques, Nicolas Sarkozy.
M. SARKOZY : … Oui, mais enfin, vous savez aussi que France Télévision comme Radio France, ce n’est pas une page blanche, que chacun a son histoire et que je considère que, sans doute, on a été trop loin dans une direction, mais qu’on ne peut pas reprocher à un seul homme d’être responsable de la dérive du système.
Par ailleurs, j’ai été heureux d’entendre les propositions du CSA, notamment dans les excès avec les animateurs et les sociétés de production.
Une chaine de télévision, ce n’est pas une chaîne où chacun amène sa cassette et, en échange, a son chèque.
M. DENOYAN : Et il repart avec sa « cassette ».
M. LE MARC : Le Président et le Premier ministre s’efforcent d’apaiser les relations au sein de la Majorité entre les adversaires d’hier de la présidentielle, or, il y a un irréductible, vous. Pourquoi ?
M. SARKOZY : J’ai soutenu le plan de réforme de la sécurité sociale qu’a présenté Alain Juppé, y compris face aux professions libérales de santé, ce n’était pas si simple ! Mais j’ai bien l’intention de continuer à me battre pour mes idées.
M. LE MARC : Mais vous avez des relations avec le Président, avec le Premier ministre qui cherchent visiblement à rétablir la paix dans la Majorité ?
M. SARKOZY : Mais il n’y a pas de guerre dans la Majorité, pour une raison simple, Monsieur Le Marc, c’est qu’en démocratie le délit d’opinion n’existe pas.
Et je vais même vous faire une confidence : les élections législatives seront difficiles. Elles seront difficiles quels que soient ceux qui auraient eu la responsabilité du gouvernement, parce que la situation économique est difficile et parce que la France est un pays difficile à gouverner. Et que ce soit Alain Juppé ou quelqu’un d’autre, ce serait tout aussi difficile. Et les électeurs sont divers, la Majorité doit l’être aussi.
Le défi qui est le nôtre – j’admets bien volontiers qu’il ne soit pas simple c’est d’essayer d’être à la fois une force de propositions sans faire de la division. C’est ce que j’essaie de faire.
Irréductible dans mes convictions, oui. Mais dans la Majorité j’y suis plutôt bien.
J’observe d’ailleurs que nous y écoutons davantage d’amis chaque jour.
M. ROLAND-LEVY : Est-ce que vous accepteriez d’entrer dans un gouvernement Juppé ?
M. SARKOZY : C’est une question à laquelle je ne veux pas répondre...
M. ROLAND-LEVY : ... mais il faudra peut-être y répondre un jour, si on vous le propose ?
M. SARKOZY : Mais je vais vous le dire, Monsieur Roland-Lévy, parce que la réponse est piégée : si je dis oui, il y a encore quelques belles âmes qui vont dire : « Mon Dieu, il n’a pas changé, toujours aussi pressé ».
Si je dis non, cela va faire les gros titres en disant : « Regardez, il est tellement peu en accord avec ses amis qu’il ne veut pas y aller ».
La question aujourd’hui ne m’est pas posée …
M. DENOYAN : ... elle était seulement posée par Fabien Roland-Lévy.
M. SARKOZY : Mais je n’ai pas observé que Fabien Roland-Lévy aujourd’hui avait le pouvoir de constituer le gouvernement !
M. LE MARC : Nicolas Sarkozy, je vous pose la question d’une manière différente : souhaitez-vous un élargissement de l’assise du gouvernement ?
M. SARKOZY : Pour moi le plus important dans cette affaire, c’est que les idées sur lesquelles nous nous sommes battus les uns et les autres avant la présidentielle, soient traduites après la présidentielle dans les faits. Après, les questions d’hommes ne sont, me semble-t-il, que des questions accessoires.
M. LE MARC : Ce n’est pas une question d’hommes, c’est une question de signal à l’intention de l’opinion, et notamment des électeurs de la Majorité. Est-ce utile ou pas un élargissement de l’assise du Gouvernement ?
M. SARKOZY : Plus nos compatriotes auront l’impression que la Majorité marche main dans la main et que des deux côtés on fait ce qu’il faut pour qu’il en soit ainsi, plus nous aurons de chance de gagner les élections législatives.
Le devoir de la Majorité, c’est de voter les textes et il me semble que le souci du Gouvernement doit être d’entendre cette Majorité. Les semaines qui viennent, vont être intéressantes de ce point de vue.
M. DENOYAN : Nicolas Sarkozy, comme il faut que nous terminions à l’heure car vous êtes sportif et vous suivez les grands matches de foot avec Jacques Vendroux sur France-Inter longues ondes…
M. SARKOZY : ... en plus, c’est vrai !
M. DENOYAN : mais je sais que c’est vrai ! Vous êtes un supporter ardent du Paris-Saint-Germain...
M. SARKOZY : ... et de Jacques Vendroux.
M. DENOYAN : Vous avez eu un gros succès avec le gain de la finale de la Coupe des Coupes...
M. SARKOZY : Enfin, j’ai !...
M. DENOYAN : Je dis : vous en tant que supporter. Que souhaitez-vous à Alain Juppé ce soir ?
M. SARKOZY : Je lui souhaite bonne chance et je souhaite qu’Alain Juppé connaisse les mêmes joies que nous autres, les supporters du PSG, nous avons connu lors de cette fabuleuse victoire à Bruxelles.
M. DENOYAN : Vous êtes bon en pronostic, faites un peu votre pronostic…
M. SARKOZY : ... S’il faut dire quelque chose : on se sent tous, et moi le premier, les supporters des Girondins, de toute l’équipe de Bordeaux et de Zidane…
M. LE MARC : ... et d’Alain Juppé ?
M. SARKOZY : ... qui est l’un de mes joueurs préférés, du Président d’Afflelou, d’Alain Juppé naturellement. Et ce soir j’ai bien l’intention d’être devant mon poste de télévision, et puis, finalement, ce serait un bon signal et une très bonne nouvelle qu’une deuxième équipe, la même année, vous vous rendez compte ! gagner une coupe, gagner une compétition européenne, deux, la même année ! Eh bien, c’est un rêve...
M. DENOYAN : Eh bien, on va rester ce souhait…
M. SARKOZY : ... non, non, c’est très important...
M. DENOYAN : Parce qu’il commence, là, Vendroux.
Bonsoir Nicolas Sarkozy …
M. SARKOZY : ... et bonsoir à Jacques Vendroux, surtout.
M. DENOYAN : La semaine prochaine, notre invité sera Lionel Jospin.