Interviews de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’État à l'outre-mer, à "France-Antilles" le 3 juillet 1997, et "La Dépêche de Tahiti" du 4, sur les dispositions du projet de traité d'Amsterdam relatives aux DOM, et les priorités de son action pour l'outre-mer, notamment la coopération régionale dans le Pacifique.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Antilles - La Dépêche de Tahiti

Texte intégral

Date : 3 juillet 1997
Source : France-Antilles

France-Antilles : L’intégration au traité d’Amsterdam des dispositions relatives aux DOM a été diversement apprécié par nos élus. Avez-vous autant de réserves sur la lecture, notamment du dernier alinéa perçu comme un frein de dérogations (…) pour les DOM.

Jean-Jack Queyranne : Comme vous le savez, la position française a largement prévalu lors de la réunion des Quinze à Amsterdam, ce qui n’était pas gagné d’avance. En particulier, le nombre et le caractère des régions ultra-périphériques sont désormais bien définis, ce qui donne une base juridique pour la politique communautaire en leur faveur. Le dernier alinéa du texte auquel vous faites allusion n’est pas, à mes yeux, un frein aux adaptations nécessaires. Cet alinéa fait référence, dans mon esprit, à l’architecture générale de l’Union européenne et ne saurait être interprété dans un sens restrictif.

France-Antilles : Vous n’êtes pas sans savoir que la Martinique depuis plusieurs mois connaît de sérieuses perturbations en matière de transport terrestre. Du fait même de la structure du transport, on se trouve dans l’impossibilité d’appliquer la loi Sapin. Le nouveau gouvernement est-il prêt à faire les modifications qui s’imposent ?

Jean-Jack Queyranne : Les transporteurs martiniquais jouent un rôle vital dans l’économie de l’ile. Comme vous le savez, en Martinique les structures de ce secteur économique sont familiales. J’ai pris connaissance du rapport parlementaire établi sur cette question en Guadeloupe dont l’analyse me semble largement transposable à la Martinique. Il préconise une adaptation de la loi Sapin pour maintenir les structures artisanales. C’est là une approche qui me paraît intéressante et qui mérite d’être explorée.

France-Antilles : Considérez-vous comme une priorité au gouvernement ou un « domaine partagé » avec le Président de la République ?

Jean-Jack Queyranne : Le Premier ministre a tenu à marquer, dans son discours de politique générale, son intérêt pour l’outre-mer, ce qui n’avait pas toujours été le cas pour ses prédécesseurs. Il a notamment insisté sur l’attente de plus de justice et de solidarité, la formation et l’emploi des jeunes, l’approfondissement de la décentralisation et le respect des identités. C’est dans ces domaines que portera plus particulièrement mon action. Je connais l’intérêt que le Président de la République porte, lui-aussi, à l’outre-mer. Et j’ai également noté que l’ensemble des pouvoirs publics sont très sensibles à ce qui se passe dans les DOM-TOM, ce dont je me réjouis. Mais, comme vous le savez, c’est au gouvernement qu’il revient de déterminer et de conduire la politique de la nation.

 

Date : 4 juillet 1997
Source : Dépêche de Tahiti

Dépêche de Tahiti : Après vos premières prises de contact, quelles sont les priorités que vous fixez à votre action pour l’Outre-Mer ?

Jean-Jack Queyranne : Les priorités de l’action gouvernementale pour l’Outre-Mer ont été fixées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Le Gouvernement est conscient qu’Outre-Mer, comme en métropole, il existe une attente pour plus de justice et de solidarité, sentiment qui s’est exprimé à l’occasion de la récente consultation électorale. Mon action portera donc prioritairement sur la formation et l’emploi des jeunes. Il me paraît également important de veiller à l’approfondissement de la décentralisation, d’apporter une attention toute particulière au respect des identités des différentes populaires et de favoriser la coopération régionale, en particulier dans le Pacifique.

Dépêche de Tahiti : Les engagements de l’État sur le contrat de progrès et la reconversion du centre d’essais du Pacifique seront tenus, avez-vous rassuré. Le seront-ils intégralement ?

Jean-Jack Queyranne : J’ai déjà indiqué que les engagements contractuels pris par l’État seront tenus. En ce concerne la reconversion du centre d’essais du Pacifique, elle s’effectuera conformément à la loi. Il ne peut y avoir qu’un principe, celui de la continuité de la république. Je veillerai à ce qu’il soit respecté.

Dépêche de Tahiti : Vous avez envisagé de vous rendre en Polynésie française, cet été. Ce voyage est-il confirmé ?

Jean-Jack Queyranne : Je souhaite me rendre dans les prochaines semaines dans l’ensemble des départements et territoires d’outre-mer et des collectivités territoriales. Dans le cadre de ce programme de voyages qui me permettront de prolonger les contacts que j’ai déjà eus à Paris avec les parlementaires et les acteurs économiques et sociaux, mon déplacement en Polynésie française est à l’étude. C’est une simple question de calendrier.

Dépêche de Tahiti : La réforme du régime d’association des PTOM à l’Union européenne est programmée. Quel peut-être son contenu ? Quel est son calendrier ?

Jean-Jack Queyranne : Ce que l’on appelle la réforme du régime d’association recouvre en fait deux pôles distincts. D’une part, il s’agit de procéder à la révision à mi-parcours de la décision, en date de 1991, d’association des Pays et des Territoires d’outre-mer (PTOM). Cette procédure est en cours depuis plusieurs mois. L’enjeu majeur de cette discussion est le montant du VIIIe Fonds Européens de Développement qui reviendra aux PTOM français. Vous savez que ce sujet fait l’objet d’âpres négociations.

Il y a ensuite la perspective d’une modernisation en profondeur du régime d’association des PTOM, par un « découplage » d’avec la Convention de Lomé, la demande française de créer un fonds d’aide au développement des PTOM, ainsi que tout autre question qu’il semblera pertinent aux représentants des PTOM de soulever.

Cette révision en profondeur se préparera en partenariat et je pense prendre des premiers contacts à Paris, à Bruxelles, comme dans chacun des PTOM français au 2ème semestre 1997.

Dépêche de Tahiti : Les élus du Territoire souhaitent l’application du Plan épargne-logement à la Polynésie. Y êtes-vous favorable ?

Jean-Jack Queyranne : En Polynésie française, la compétence en matière de logement social est du ressort du territoire. En ce qui concerne l’application du PEL sur le Territoire, il convient de procéder par voie législative. Avant même que le Parlement soit amené à se prononcer sur le sujet, je tiens à rappeler que les habitants de la Polynésie française ont accès aux prêts PLA (prêt locatif aidé) à un taux de 4,8% sur 32 ans.

Dépêche de Tahiti : Une proposition de loi était en discussion au Parlement pour valider la CST (Contribution sociale du territoire). Demanderez-vous son inscription à l’ordre du jour des travaux d’automne ?

Jean-Jack Queyranne : Cette proposition de loi organique a deux objets : valider l’institution de la troisième forme de la CST et établir une base légale à la perception de certaines taxes communales. J’ai indiqué à la commission de lois du Sénat que je souhaitais procéder à un examen de cette proposition qui a été votée par l’Assemblée nationale et par cette même commission. Reste à envisager l’inscription à l’ordre du jour de la Haute Assemblée.

Dépêche de Tahiti : Le gouvernement envisage-t-il de remettre en cause la « loi Pons » ?

Jean-Jack Queyranne : Ce dispositif de défiscalisation des investissements a eu des effets positifs sur le développement économique outre-mer. Mais il représente une absence de recettes fiscales pour l’État d’un montant qui n’est pas négligeable. Ce qui justifie des évaluations précises de son impact. Compte tenu des priorités du gouvernement, il est en tout cas indispensable que cet outil soit examiné quant à ses incidences en matière de créations d’emplois.

Dépêche de Tahiti : Votre prédécesseur envisageait une réforme des communes en Polynésie. Qu’en pensez-vous ?

Jean-Jack Queyranne : Comme l’a souligné le Premier ministre, il me paraît indispensable de renforcer la décentralisation, et de promouvoir la démocratie locale. En ce qui concerne la réforme des communes, un avant-projet de loi sera soumis à la concertation à l’automne.

Dépêche de Tahiti : Pensez-vous recevoir Oscar Temaru ? Si oui, où et quand ?

Jean-Jack Queyranne : J’ai déjà eu à Paris des échanges de vues avec une délégation du territoire. M. Oscar TEMARU, est maire et membre de l’Assemblée territoriale. S’il le souhaite, il me paraît normal que je le reçoive comme tout autre élu qui le désire.