Interview de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, dans "Le Parisien" du 17 mars 1999, sur la police de proximité, la sécurité, le traitement de la délinquance juvénice, la drogue dans les quartiers défavorisés et les sans papiers et l'alliance du Mouvement des citoyens et du PS pour les élections européennes de juin 1999.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Face à nos lecteurs
Juste avant de rendre publique, aujourd’hui, sa réforme de la police parisienne, le ministre de l’intérieur a joué le jeu, avec nos lecteurs, d’un dialogue direct et spontané. Ce qu’il a vécu à l’hôpital, l’insécurité, les « sauvageons », le sort des sans-papiers, les drogues, l’euro : Jean-Pierre Chevènement n’a rien esquivé.

Murielle Dallod : Je ne suis pas médecin, mais je m’inquiète de votre état de santé. Comment allez-vous maintenant ?

Jean-Pierre Chevènement : Je n’aurais pas repris mes fonctions, si j’avais eu le sentiment que je n’en étais pas capable. Pour ne rien vous cacher, j’avais quand même une légère appréhension. Mais le travail est, pour moi, une excellente médication. Je fais encore quelques séances de kinésithérapie mais, pour le reste, j’ai recouvré toutes mes capacités. L’organisme humain se régénère formidablement, et – j’ajoute – à tout âge. Oui, j’ai récupéré l’intégralité de mes fonctions, qui avaient été atteintes par le fait que le cœur s’était arrêté très longtemps.

Jacqueline Borovoy : Vous avez retrouvé l’agitation. Est-ce que vous percevez tout exactement comme avant ?

Jean-Pierre Chevènement : Je ne juge pas cette « agitation », comme vous dites, à l’aune de moi-même. Par ailleurs, la mort est une chose que j’ai intégrée très jeune. Pendant la guerre d’Algérie, où je l’ai côtoyée de près. Pour moi, elle fait partie de la vie. Mais peut-être qu’elle n’était plus dans mon horizon immédiat. Je savais qu’elle était là, mais je ne la voyais pas. Au passage, je tiens à rassurer les lecteurs : c’est un voyage qui, en réalité, n’est pas trop problématique (sourire)…

Brice Augait : Là où j’habite, les policiers sont bien souvent victimes d’insultes, de jets de pierre, et ils ne peuvent pas répliquer. Comment s’attaquer à la délinquance si la police ne peut pas, dans certaines zones ou cités, faire son travail ?

Jean-Pierre Chevènement : Ce n’est pas d’abord un problème de police, mais un problème de citoyenneté. Cette violence, que vous évoquez, traduit un déficit républicain. Pas seulement dans la tête d’un certain nombre de délinquants, souvent jeunes, mais aussi dans la société. C’est pourquoi je m’efforce de mettre en œuvre, comme ministre de l’intérieur, une politique favorisant l’accès à la citoyenneté, politique qui implique d’ailleurs le gouvernement tout entier.
Avec l’installation (à ce jour, c’est le cas dans quatre-vingt-onze départements) de « commissions départementales d’accès à la citoyenneté ». Celles-ci recensent tous les obstacles qui, du déficit initial de formation à la discrimination au niveau de l’embauche, s’opposent à l’accès à la citoyenneté de jeunes issus, le plus souvent, de l’immigration. Ces commissions ont aussi pour mission de faire des propositions pour trouver à ces jeunes des débouchés.

« Je ne pense pas que l’insécurité soit un fantasme. »

Jean-Pierre Chevènement : J’ai, par exemple, donné des consignes pour que des jeunes issus de l’immigration puissent être recrutés comme « adjoints de sécurité ». Car la police doit être à l’image de la population. Elle n’en sera que plus efficace. Et ça devrait être vrai de toute la fonction publique. Au lieu que ce soit le petit « caïd » qui serve d’exemple, nous pourrions ainsi voir davantage de jeunes qui, ayant réussi grâce à leur talent, tiendraient alors, à juste titre, un rôle de modèle positif.
Ma deuxième remarque concerne la police de proximité. Notre police est trop, aujourd’hui, une police de réaction. Plutôt que d’éteindre les incendies, il vaudrait mieux essayer de les prévenir, ou de les circonscrire au départ, et le plus vite possible. Cela implique une autre organisation de la police, plus proche des citoyens, avec des policiers qui connaissent bien le quartier dont ils auraient la charge. Des policiers qui seraient en contact avec les associations, les gardiens d’immeubles, les directeurs d’école… Connaissant leur monde, ils pourraient intervenir assez tôt.
Car ce qui préoccupe aujourd’hui nos concitoyens, c’est la violence au quotidien : les injures, les tags, les boîtes aux lettres cassées, les feux de cave, etc. C’est à la lutte contre cette forme de violence au quotidien qu’il faut adapter la police…

Viviane Creuzet : J’ai été plusieurs fois, moi-même, attaquée sans que rien ne se passe après. Malgré tout, la répression est-elle la meilleure solution ?

Jean-Pierre Chevènement : Je ne pense pas que l’insécurité, comme certains le prétendent, soit un fantasme. J’ajoute que je ne veux pas opposer prévention et répression. Toute politique de sécurité repose, en effet, sur une sorte de trépied : il y a la prévention aussi poussée que possible, la nécessaire répression, et puis la réinsertion indispensable. Nous avons donc lancé une politique de contrats locaux de sécurité. Ils ont pour but de faire travailler ensemble non seulement la police et la justice, mais également l’éducation nationale, les collectivités locales, les associations, les compagnies de transport en commun, etc.
Tout cela pour établir un bon diagnostic de ce qui se passe dans les villes concernées, et pour voir comment on peut prévenir, autant que possible, les actes de violence. Il faut aussi que les citoyens n’hésitent pas à signaler à la police des faits délictueux. Si on veut éviter que la loi de la peur se substitue à la loi de la République, il faut qu’il y ait une relation de confiance entre la police et la population. Et il faut, ensuite, que la justice sanctionne.
N’y aurait-il pas une tendance à classer sans suite ? Sans doute, malheureusement, malgré l’effort qui est fait par le ministère de la justice pour développer des procédures de traitement en temps réel. Nous luttons pour que tout délit soit sanctionné. C’est absolument nécessaire.
J’observe que, le mois dernier, les mises sous écrou ont progressé de 1,2 % par rapport à l’an passé : j’y vois un signe positif. La sanction est nécessaire car elle marque la limite qu’il ne faut pas dépasser.

Hélène Aussina : Que vont devenir les polices municipales ?

Jean-Pierre Chevènement : Le projet de loi que je suis en train de faire adopter étend les pouvoirs des polices municipales dans certains domaines, comme le respect du code de la route. Il leur permettra aussi d’être armées pour des missions de surveillance et de patrouille, à la condition qu’il existe une convention de coordination avec la police nationale, de manière que les tâches soient bien réparties.
La police nationale doit garantir l’égalité de nos concitoyens en matière de sécurité. Car la sécurité est un droit qui conditionne l’exercice des libertés. Or, aujourd’hui, on ne peut pas dire que la sécurité soit un droit vraiment respecté partout. D’où l’effort fait pour affecter 75 % des adjoints de sécurité dans les vingt-sept départements où la délinquance est la plus forte. C’est vers ces départements qu’interviennent aussi un certain nombre de redéploiements d’effectifs de police et de gendarmerie. La police de proximité va être expérimentée dans quarante-six sites choisis dans ces départements-là. On en fera le bilan dans trois mois.

Jacqueline Borovoy : Ma fille, enseignante, a été menacée par des jeunes enfants. Sa voiture a été détériorée. Elle a porté plainte, mais ça n’a rien donné. Les gens ont souvent l’impression qu’on ne peut rien, surtout lorsque les agresseurs sont des jeunes…

Jean-Pierre Chevènement : Les juges pour enfants peuvent mettre en œuvre certaines procédures pour responsabiliser les parents. Lorsque des parents se soustraient à leurs obligations éducatives, on peut suspendre les allocations familiales ou les mettre sous tutelle. C’est prévu dans la loi. Il y a déjà eu plusieurs milliers de mesures prises en ce sens. Non seulement, ce n’est pas su mais, quand j’ai dit cela publiquement, j’ai eu l’impression d’avoir proféré une grossièreté. Aussitôt, quelle bronca ! Mais c’est la loi. Bien sûr, il y a aussi d’autres méthodes pour responsabiliser les parents. Mais l’exhortation ne suffit pas toujours…

Brice Augait : Êtes-vous favorable à la modification de l’ordonnance de 1945 sur les mineurs ?

Jean-Pierre Chevènement : Actuellement, on ne peut mettre un mineur de moins de seize ans en prison que s’il a commis un crime. Dans les autres cas, il n’y a ni détention provisoire, ni possibilité de comparution immédiate. Bien souvent, on voit donc des délinquants revenir le lendemain de leurs forfaits narguer leurs victimes. J’en ai été témoin à plusieurs reprises.
Pour ma part, je suis loin de penser que la prison, telle qu’elle fonctionne actuellement, soit une solution pour les mineurs. Mais notre dispositif comporte des failles. Le conseil de sécurité intérieure du 27 janvier dernier a donc décidé de créer des centres de placement immédiat, strictement contrôlés, où un mineur multirécidiviste pourra être placé par le juge des enfants. Ainsi, il ne sera pas remis immédiatement en liberté après son interpellation.

Alain Cordesse : Certains disent que la dépénalisation des drogues douces pourrait modifier l’ordre établi des banlieues.

Jean-Pierre Chevènement : Ce qu’on observe, dans certains quartiers et, malheureusement, dans certaines régions comme le nord de la France, c’est le pourrissement par la drogue de toute une jeunesse, déjà défavorisée. Dans certains quartiers, de petites bandes assoient, grâce à cela, une complète domination et prospèrent de trafics divers. C’est une des priorités de notre action d’arriver à démanteler ces bandes. Les pays qui ont dépénalisé, comme l’Espagne et les Pays-Bas, ne s’en sont pas bien trouvés.
Aujourd’hui, on est confronté à une situation de poly-toxicomanie : les personnes qui absorbent une drogue en prennent très souvent une autre. Et ainsi de suite. Je suis hostile à la dépénalisation des drogues dites « douces », dont certaines ont des effets comparables à ceux de drogues dites « dures ».

Hélène Aussina : Depuis ma fenêtre, on voit des gens, en voiture, vendre de la drogue. Et la police ne remarque rien…

Jean-Pierre Chevènement : L’an dernier, il y a eu un peu plus de quatre-vingt mille interpellations pour usage et revente de drogues. La police agit.

Hélène Aussina : Il y a aussi du trafic dans les cages d’escalier, la nuit. Les gens ont peur.

Jean-Pierre Chevènement : Si l’un des locataires fait appel à la police, elle peut intervenir…

Hélène Aussina : … mais les gens ont peur des représailles car il faut donner son nom. Alors, personne ne veut appeler.

Jean-Pierre Chevènement : C’est un problème posé à toute notre société. La sûreté est un droit essentiel. La loi doit s’appliquer. En République, cela ne va pas sans civisme.

Mahfoud Djeroumi : Vous qui avez parlé de « sauvageons », que pensez-vous de ce que l’on appelle « l’école de la deuxième chance » pour les jeunes qui sont perdus dans la vie ?

Jean-Pierre Chevènement : Si l’école, dès le départ, pouvait donner à tous une chance, ce serait mieux. Mais certains jeunes ont tellement de handicaps initiaux que je ne ferai pas porter la responsabilité de leur échec sur les enseignants. Je mesure la difficulté de leur tâche, tout comme celle des policiers d’ailleurs. Ce sont des métiers difficiles qui vous mettent en contact avec des réalités sociales, souvent ingrates. Alors, la « deuxième chance », bien sûr ! Tout être humain a des possibilités. Il faut qu’il puisse les cultiver dès le départ. Mais, si ce n’est pas possible, je suis évidemment pour l’école de la deuxième chance. Il y a eu quelques réussites en ce sens, comme à Marseille, à l’initiative d’Édith Cresson. Il faut élargir ces initiatives…

« Sauvageons ? À écouter certains, j’aurais commis là un attentat à la pudeur »

Jean-Pierre Chevènement : Vous me parliez aussi des « sauvageons ». On trouve ce mot chez Zola, mais il existe dans la langue française depuis des siècles. À écouter certains, j’aurais commis là un attentat à la pudeur. Ce n’était pourtant pas bien méchant, d’autant que je m’exprimais après le meurtre d’une épicière froidement assassinée par un gamin de quatorze ans, totalement inconscient, et vivant, comme je l’ai dit alors, dans le virtuel. « Sauvageon » ? Le mot est en fait emprunté au langage de l’arboriculture : un sauvageon, c’est un arbre non greffé. Je souhaite que les parents et les enseignants soient bien convaincus que les jeunes pousses dont ils ont la responsabilité ne doivent pas grandir sans être éduqués.

Mahfoud Djeroumi : Qu’allez-vous faire des 50 000 recalés de votre loi de régularisation des sans-papiers ? Pourriez-vous imiter l’exemple des Italiens, qui ont choisi, eux, une régularisation générale ?

Jean-Pierre Chevènement : La loi du 11 mai 1998, relative à l’entrée et au séjour des étrangers, permet la régularisation de ceux qui ont des liens de famille, de ceux qui ont une certaine durée de séjour sur le territoire et, d’une manière générale, de ceux qui sont aptes à s’intégrer dans notre pays. Notre pays doit conserver la possibilité de dire qui peut, valablement et légalement, s’installer sur son territoire. L’Italie accueille quatre fois moins d’étrangers que la France sur son territoire. Quant à nous, nous avons initié une politique plus ouverte en matière de visas. Je pense, en particulier, à l’Algérie. Notre pays est, c’est heureux, un pays ouvert au monde. Ça va, ça vient. De cela, nous vivons. On ne pourrait pas se claquemurer. En même temps, la liberté de circulation est une chose : la liberté d’installation en est une autre. On ne peut pas permettre à quiconque l’aurait décidé de s’installer où il veut. J’ajoute que, si nous régularisions ceux qui n’ont pas répondu aux critères officiellement fixés, nous commettrions une injustice envers ceux qui ne se sont pas manifestés parce qu’ils pensaient ne pas répondre aux critères en question, et aussi envers ceux qui demandent un visa et ne l’obtiennent pas et se plient à nos lois. Il faut bien qu’il y ait des règles.
Je veux être très clair : le problème central, à mes yeux, c’est l’intégration des quatre millions d’étrangers régulièrement installés chez nous, mais aussi l’accès à la citoyenneté des jeunes Français nés de l’immigration. Or, vous savez qu’ils ont beaucoup de peine dans la société française, car ils se heurtent à des discriminations. Peut-être aussi qu’ils ne manifestent pas toujours un désir suffisant. C’est un cercle vicieux dont il faut sortir : voilà le problème clé. Si nous ne le traitons pas aujourd’hui avec tous les moyens de la puissance publique, nous le retrouverons dans vingt ans, un peu comme le problème des harkis d’aujourd’hui, mais à la puissance mille ! Il faut que la France regarde ce problème en face, sans tabou, et sans fausse pudeur.
Permettez-moi donc de vous le dire : le problème des sans-papiers (qui ont, d’ailleurs, les papiers de leur pays d’origine) est secondaire par rapport à ce que je viens de dire là. À savoir l’accès à la citoyenneté des jeunes nés de l’immigration.

Jean-Marc Jarry : Les sans-papiers non régularisés, ont-ils vocation à quitter le territoire français ?

Jean-Pierre Chevènement : Bien entendu. Tous les jours, certains partent d’eux-mêmes, et puis il y a des reconduites. Cela n’a rien d’inhumain : ils retournent dans leur pays.

« Les sans-papiers ont intérêt à se mettre en règle. »

Jean-Marc Jarry : Est-ce que 50 000 sans-papiers vont repartir ?

Jean-Pierre Chevènement : Ils ont vocation à repartir dans leur pays ! Ça ne veut pas dire qu’on va multiplier les contrôles partout, en particulier à domicile, où vous savez très bien que la loi ne le permet pas, sauf sur mandat d’un juge. D’ailleurs, nos prédécesseurs ne l’ont pas fait non plus. Cela dit, ceux qui sont en situation irrégulière s’exposent à être contrôlées sur la voie publique : il faut qu’ils le sachent. Ils ont intérêt à se mettre en règle. Ils peuvent d’ailleurs bénéficier d’un contrat de réinsertion dans leur pays d’origine. À défaut, ils sont reconduits…

Alain Cordesse : Le ministre des cultes que vous êtes a-t-il le sentiment que l’Islam, deuxième religion pratiquée en France, dispose d’assez de lieux de culte ? La pratique paraît souvent clandestine et de nature à favoriser les fondamentalistes…

Jean-Pierre Chevènement : On ne peut qu’être choqués par le fait que, bien souvent, les musulmans de France en sont réduits à célébrer leur culte dans des hangars, des caves, des locaux qui n’ont rien de comparable avec ce dont disposent les autres cultes. Certes, dans une république laïque, il est très difficile que l’État intervienne directement, mais il peut tout de même favoriser la création d’une fondation destinée à encourager l’émergence de lieux de culte, dès lors qu’il y aurait un accord minimal au niveau de la commune ou de l’agglomération. Évidemment, il faut favoriser un islam de progrès, compatible avec les valeurs de la République.

Viviane Creuzet : Mes amis et moi avons été étonnés de l’alliance que votre Mouvement des citoyens (MDC) vient de passer avec le PS. Pourquoi avez-vous changé d’avis sur l’Europe ?

Jean-Pierre Chevènement : Nous n’avons pas du tout changé d’avis. Je considère toujours que l’euro a été très cher payé par une politique de stagnation économique, de 1991 à 1997. Cela s’est traduit, globalement, par un million de chômeurs supplémentaires. Cette critique, je préférerais ne pas avoir à la formuler à nouveau dans l’avenir. Mais la politique du MDC n’est pas la politique du pire. Nous souhaitons redresser l’orientation de la construction européenne, donner la priorité à la croissance et à l’emploi, et faire en sorte que la Banque centrale européenne fasse ses choix de politique monétaire en fonction de l’emploi, et pas seulement de la lutte contre l’inflation, qui a presque disparu. C’est sur ces bases que nous avons passé un accord avec le PS. Un accord public qui ne met en cause l’identité ni des uns, ni des autres. J’ajoute qu’il n’est pas utile de fragmenter la gauche à l’excès. Et qu’il est bon qu’existe, au sein de la gauche, un pôle de cohérence et de responsabilité. Moi, j’ai toujours plutôt favorisé la cohérence, ce qui est d’ailleurs normal pour un ministre de l’intérieur. Par définition, celui-ci est plutôt le ministre de l’ordre que celui du désordre.

Alain Cordesse : Pouvez-vous nous éclairer sur ce que l’on appelle la « guerre des polices » en Corse ?

Jean-Pierre Chevènement : On a parlé de « guerre des polices ». L’expression est tout à fait excessive. Néanmoins, il y a une base réelle. Jusqu’au 8 décembre 1998, l’enquête sur l’attentat au cours duquel deux armes avaient été dérobées (dont l’une a servi à assassiner le préfet Érignac) avait été confiée, en effet, à la gendarmerie. Il y avait donc deux enquêtes parallèles : l’une sur cet attentat ; l’autre confiée à la police nationale sur l’assassinat du préfet Érignac. Deux enquêtes désormais réunies dans les mains de la Division nationale antiterroriste, à la suite de la décision du juge Thiel, seul habilité à prendre une telle décision.
Pour le reste, je le répète, l’enquête a déjà progressé et progressera encore. Je rappelle qu’il a fallu quatre ans pour que l’enquête concernant l’assassinat de Georges Besse, l’ancien PDG de Renault, par un commando d’Action directe aboutisse. Et deux ans pour que les attentats islamistes de juillet 1995 soient élucidés.

Rencontre coordonnée par Serge Grangé et Dominique de Montvalon