Texte intégral
Mercredi 9 juillet 1997
Monsieur le maire de Paris, Monsieur le préfet de police, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les lieutenants de police, Mesdames et Messieurs les gardiens de la paix, Messieurs les policiers auxiliaires, Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de me trouver aujourd’hui parmi vous, en ce lieu prestigieux et symbolique de notre capitale qu’est le Champ-de-Mars.
Que vous soyez officiers de police, gardiens de la paix ou policiers auxiliaires, que vous veniez d’entrer dans la police nationale ou que vous ayez déjà plusieurs années de métier derrière vous, vous avez tous comme point commun d’avoir été récemment affectés à la préfecture de police, pour assurer la sécurité de la capitale et de ses habitants.
Pour les femmes et les hommes qui, comme vous, ont fait le choix de servir l’État et de se dévouer pour leurs concitoyens, il est bon qu’une cérémonie vienne marquer, de manière solennelle, cette étape importante de votre vie et de votre carrière.
Cette cérémonie que j’ai l’honneur de présider, entouré par les élus de la capitale et par vos chefs, est hautement symbolique.
Le drapeau auquel vous êtes présentés est l’emblème de la préfecture de police, à laquelle vous devez être fiers d’appartenir.
Il est nécessaire que vous connaissiez l’histoire de cette prestigieuse institution, créée voici bientôt deux siècles, dont vous êtes les héritiers et désormais les acteurs.
Il y a quelques instants, vous a été lue la très belle citation à l’ordre de la Nation portant attribution de la légion d’honneur et de la croix de guerre à la préfecture de police par le général de Gaulle, le 12 octobre 1944.
Ces distinctions, votre drapeau les doit à l’héroïsme des policiers parisiens, dont le soulèvement, dès le 19 août 1944, a joué un rôle décisif dans la libération de la capitale.
Dans leur combat pour le rétablissement de la République, 167 d’entre eux ont fait le sacrifice de leur vie.
La fourragère aux couleurs de la légion d’honneur qui vous a été remise fait de vous les dépositaires de l’idéal démocratique et des valeurs républicaines pour la défense desquels tant de policiers sont tombés morts pour la France ou victimes du devoir.
Ne l’oubliez jamais.
Aujourd’hui comme hier, le pays attend beaucoup de la police nationale.
La sécurité des personne et des biens, dont vous serez les garants, est l’un des principaux fondements de notre pacte social.
Et pourtant, nous voyons bien que trop de nos concitoyens, souvent les plus faibles et les plus démunis, sont privés de ce droit élémentaire, sans lequel l’exercice des libertés publiques est gravement compromis.
La précarité, le chômage, mais aussi la perte des repères moraux, l’affaiblissement du sens de la responsabilité personnelle, l’ignorance ou l’oubli des devoirs civiques et l’intolérance minent l’esprit public et nourrissent les incivilités, la délinquance et la violence.
Les fonctionnaires de police sont en première ligne de ce combat civique, qui est le combat pour la République.
Vous ne pourrez sans doute pas résoudre tout seuls l’ensemble des difficultés générées par la crise économique et sociale, les insuffisances de l’école ou la dislocation de l’autorité parentale ; mais rien ne réussira sans vous, parce que vous êtes les gardiens de la loi.
La cohésion nationale passe par le respect de l’autorité publique que vous incarnez.
Vous pouvez être assurés que j’y veillerai personnellement à tout instant.
De même, les racines de l’insécurité ne sauraient être extirpées sans des actions de prévention menées avec persévérance, pour faire reculer les violences urbaines, la délinquance des mineurs ou le trafic de stupéfiants. Quand j’évoque la prévention, je pense surtout à l’éducation civique des enfants et des adolescents. Si l’on veut en effet que la répression des crimes et des délits soit efficace, elle doit être comprise et acceptée de tous. Et cela n’ira pas sans une claire conscience de ce qu’est la loi dans une société démocratique, de ce que sont les valeurs qui inspirent les règles de la vie commune dans la République. Sans cette connaissance, largement répandue, l’autorité de l’État sera toujours contestée. Et pour que les forces de l’ordre puissent accomplir leurs tâches dans de bonnes conditions, il faut que nos concitoyens, et surtout les jeunes qui s’apprêtent à la devenir, soient bien convaincus de la fonction protectrice, libératrice de l’ordre public. Que cette fonction vaut pour tous, également, et plus encore, pour les plus faibles, les plus démunis, les plus exposés.
Les fonctionnaires de police auront ainsi un rôle déterminant à jouer, en étroite liaison avec les personnels de l’éducation nationale, dans la mise en œuvre du plan de lutte contre la violence à l’école dont le principe a été décidé par le Gouvernement.
Les objectifs sont ambitieux et la tâche sera, je le sais, difficile.
C’est pourquoi je m’attacherai à vous donner les moyens nécessaires à l’accomplissement de vos missions et à votre épanouissement professionnel.
Appuyée sur une politique de formation accrue, l’organisation des carrières dans la police doit permettre à chacun d’y satisfaire ses aspirations.
Le Gouvernement entend exercer ses responsabilités avec détermination. Il a l’ambition résolue de faire reculer la criminalité en même temps que le sentiment d’insécurité.
Les missions prioritaires de la police sont de lutter contre la menace terroriste, qui s’attaque à ce que la Nation a de plus sacré, d’améliorer la sécurité, notamment dans les quartiers défavorisés, et de protéger notre jeunesse, tout particulièrement en enrayant la montée de la délinquance des mineurs.
Pour atteindre ces objectifs, il y aura lieu de recentrer les activités de la police sur ses fonctions essentielles.
Le développement d’une véritable police de proximité, visible de la population, à son écoute et liée à elle par des relations confiantes, devra être privilégié.
Les efforts déjà consentis par la préfecture de police pour accroître la présence des fonctionnaires de police sur la voie publique et généraliser l’îlotage méritent d’être soulignés. Ils devront naturellement être poursuivis et amplifiés pour répondre toujours mieux à l’attente très forte de nos concitoyens en ce domaine.
La qualité de l’accueil réservé à l’usager, notamment aux victimes, doit également figurer au premier rang de vos préoccupations. Le grand service public auquel vous appartenez est d’abord au service du public et l’idée que celui-ci s’en fait dépend en grande partie de la manière dont ses agents se comportent dans l’exercice de leurs fonctions.
L’octroi progressif de la qualification d’officier de police judiciaire aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application, l’accélération de la déconcentration des moyens de fonctionnement et la relance du dialogue social constitueront de nouvelles avancées.
Je serai également très attentif aux conditions de travail dans vos services. Une action sociale forte devra améliorer la cohésion de la police nationale et apporter des réponses plus adaptées aux difficultés que peuvent rencontrer les fonctionnaires de police dans leur vie professionnelle et dans leur vie familiale.
Enfin, il convient que vous disposiez des moyens en personnels, mais aussi en locaux, en équipements et en matériels techniques et scientifiques pour agir efficacement contre la délinquance.
À cet égard, la création de 35 000 emplois de jeunes affectés à des tâches de sécurité permettra non seulement de remplacer progressivement les appelés du service national, mais surtout de renforcer nos capacités d’action, tant sur la voie publique que dans les services.
Mesdames et Messieurs les lieutenants de police, gardiens de la paix, policiers auxiliaires, je n’ignore pas la difficulté ni les risques de la voie que vous aurez choisie, mais je vois aussi sa noblesse et sa grandeur.
La fonction de policier est particulièrement exigeante. Elle requiert un engagement personnel de votre part, une grande indisponibilité et une éthique.
Il vous faut être exemplaires, car vous aurez la charge de faire respecter la loi. Votre comportement doit être l’illustration des vertus républicaines.
À cet égard, j’attends de vous un respect scrupuleux de la déontologie. Détenteur d’une parcelle de l’autorité de l’État, le fonctionnaire de police doit être irréprochable. C’est la condition d’un lien de confiance solide et durable avec la population.
Vos concitoyens attendent beaucoup de vous. Montrez-vous dignes de leur attente et ils ne vous ménageront ni leur attachement ni leur reconnaissance.
Compte tenu des missions qui sont les siennes dans la capitale, la préfecture de police a une responsabilité particulière et éminente.
Les hommes et les femmes qui y servent, sous l’autorité de Monsieur le préfet de police, doivent faire face à des risques plus importants et plus diversifiés que dans tout autre ville française.
Cette grande administration a fait la preuve au cours de sa longue histoire, de son efficacité et de sa faculté d’adaptation.
La présence à cette cérémonie de Monsieur le maire de Paris et de nombreux élus de la capitale à laquelle je suis extrêmement sensible et dont je tiens à les remercier, témoigne de l’intérêt et de la considération qu’ils vous portent.
Il vous reviendra de maintenir et de fortifier cette tradition de dévouement au bien public qui est l’honneur de la préfecture de police.
Mesdames et Messieurs les fonctionnaires de police, mas présence parmi vous, ce matin, m’offre l’occasion de vous renouveler l’expression de mon estime, de ma sympathie et de ma confiance.
Dans les moments heureux comme dans les épreuves, vous me trouverez à vos côtés pour vous apporter mes encouragements et mon soutien dans l’accomplissement de votre beau métier.
Assurer la sécurité des personnes, faire respecter la loi, défendre les libertés et préserver la paix publique sur tout le territoire et en toute circonstances, telles sont les missions auxquelles nous devons consacrer toute notre énergie.
Je sais pouvoir compter sur votre sens élevé du service public, votre compétence et votre dévouement pour que nous relevions ensemble ce défi éminemment républicain.
19 août 1997
Monsieur le préfet de police, Monsieur le maire de Paris, Monsieur le gouverneur militaire de Paris, Mesdames et Messieurs,
Voici cinquante-trois ans aujourd’hui, au sein de la préfecture de police, au cœur même de la capitale, les policiers parisiens déclenchaient l’insurrection contre l’occupant qui allait conduire une semaine plus tard, le 25 août, avec l’arrivée de la deuxième division blindée du général Leclerc, à la libération de Paris.
Sur les lieux mêmes où se sont produits ces événements, comme chaque année depuis cette date, nous nous attachons à perpétuer le souvenir des policiers qui ont courageusement combattu pour qu’à nouveau un drapeau tricolore puisse flotter sur un édifice public à Paris, après plus de quatre années d’occupation.
Il nous appartient de rendre hommage à leur patriotisme, tout comme il nous revient de saluer avec émotion la mémoire de ceux d’entre eux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour que triomphe enfin, à Paris et dans l’ensemble de notre pays, la liberté. Ces 167 policiers, qui sont morts pour que la France retrouve son honneur et sa dignité, qui ont su se dresser pour faire face à l’occupant, méritent aujourd’hui notre respect. En écrivant cette page glorieuse de leur histoire, qui se confond avec l’histoire de Paris, mais aussi de la France, ils ont fait renaître la République et redonné vie à ses valeurs.
En donnant le 19 août 1944 le signal de l’insurrection, en installant ici, à la préfecture de police, le quartier général du soulèvement, ils ont permis que notre devise nationale ait à nouveau un sens.
Notre devoir de mémoire, dont cette cérémonie empreinte de solennité et de dignité constitue le meilleur symbole, doit aller de pair avec notre devoir de reconnaissance. Je renouvelle aujourd’hui, au nom du Gouvernement de la France, à celles et ceux qui ont été les acteurs et les témoins de cette époque difficile et de ces journées historiques, dont certains se trouvent parmi nous, notre attachement et notre fidélité.
La reconnaissance des actes d’héroïsme accomplis ici, voici aujourd’hui cinquante-trois ans, a d’ailleurs valu, sur décision du général de Gaulle du 12 octobre 1944, aux policiers de la préfecture de police, l’honneur de porter sur leur tenue d’uniforme la fourragère rouge, symbole de la légion d’honneur.
Mesdames et Messieurs, vous devez vous montrer fiers de porter cette distinction. Vous devez, en effet, éprouver de la fierté à l’égard de vos aînés, pour la remarquable détermination qui fut la leur lorsqu’il s’est agi de défendre les idéaux républicains et de reconquérir la liberté.
Aujourd’hui, comme par le passé, la loi, la République et la démocratie doivent être ardemment défendues, même si le contexte et les conditions d’exercice de votre métier sont très différents.
Comme hier, l’idéal démocratique et les valeurs de la République doivent éclairer votre mission. Soyez certains que la Nation, fière de sa police, ainsi que l’ont encore récemment montré les témoignages d’attachement dont elle a fait l’objet lors du défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées, attend aussi beaucoup d’elle.
J’ai eu l’occasion, le 9 juillet dernier, d’indiquer aux fonctionnaires de police et aux policiers auxiliaires nouvellement affectés à la préfecture de police, lors de la cérémonie de présentation au drapeau et de remise de fourragères, quelles devaient être, aujourd’hui, les grandes priorités d’action de la police nationale et, en particulier, de la police parisienne. Sans entrer dans le détail de celles-ci, je souhaite en rappeler, dans cette cour du 19-Août, les principales lignes directrices.
En luttant chaque jour contre l’insécurité et la violence, en faisant reculer le nombre d’actes de délinquance, chacun d’entre vous contribue à maintenir la cohésion sociale car nous savons tous que les plus faibles, les plus démunis de nos concitoyens en sont les premières victimes. Le principe d’égalité doit valoir aussi pour le droit des citoyens à la sûreté.
Vous devrez donc toujours vous impliquer fortement et faire preuve de persévérance dans l’exercice de cette mission délicate, en vous attachant notamment à réduire les incivilités ou les violences urbaines perçues, à juste titre, par nos compatriotes, comme de véritables fléaux modernes.
Il conviendra de poursuivre le développement d’une police de proximité connaissant parfaitement la population et ses activités, reconnue et appréciée d’elle, entretenant avec elle des relations empreintes de respect et de confiance. À cet égard, l’adaptation permanente de l’îlotage aux besoins de sécurité propres à chaque arrondissement et à chaque quartier devrait contribuer à ce rapprochement.
En outre, avec ténacité, les forces de police parisiennes doivent s’attacher à multiplier les actions de prévention, ainsi qu’elles l’ont déjà entrepris pour bien des sites sensibles. De telles actions, pour combattre efficacement la délinquance, doivent s’inscrire dans une politique cohérente et globale visant à renforcer la sécurité des Parisiens. La capitale de la France est aussi une très grande ville, dont les citoyens rencontrent au quotidien les mêmes difficultés que les habitants des grandes agglomérations. J’entends que ces préoccupations continuent d’être au cœur de l’action de la police nationale à Paris.
Je veillerai en particulier, en ce domaine, à un engagement résolu dans la lutte contre les violences en milieu scolaire.
Service public par excellence, au contact permanent de la population, dans les circonstances souvent les plus difficiles, la police doit aussi tout mettre en œuvre pour améliorer les conditions d’accueil réservées aux usagers. La réforme qui a été réalisée voici quelques semaines en ce domaine, à la préfecture de police, constitue un progrès significatif qui mérite d’être souligné.
Enfin, parce que vous exercez des fonctions d’autorité et parce que vous êtes chargés de faire respecter la loi, chacun d’entre vous devra veiller au respect scrupuleux de la déontologie qui est, à mes yeux, indissociable de vos missions premières et auquel je porterai une attention toute particulière.
Ainsi que vous le voyez, les tâches qui nous attendent sont nombreuses et les objectifs ambitieux.
Je ne sous-estime pas les difficultés inhérentes à l’exercice de vos fonctions ; je sais aussi que vous savez servir l’État avec enthousiasme et dévouement. Pour ma part, je m’attacherai à ce que vous puissiez disposer de l’ensemble des moyens nécessaires à la réalisation des missions qui vous sont confiées. Ainsi, l’affectation prévue de près de 35 000 jeunes à des tâches de sécurité permettra de renforcer les services de police, et notamment leur présence sur la voie publique. Je serai tout aussi attentif à l’amélioration de vos conditions quotidiennes de travail et au développement de l’action sociale dans les services, qui constituent à mes yeux des priorités, ainsi que je l’ai indiqué dès ma prise de fonctions.
Mesdames, Messieurs,
La police nationale, et en particulier les policiers parisiens, se trouvent aujourd’hui confrontés à de grands défis générés tout à la fois par les difficultés économiques et sociales, par la crise de certaines des valeurs qui ont fondé notre République voire par le contexte international. Relever ces défis n’est pas seulement l’affaire de la police. C’est par une refondation civique et citoyenne, en faisant partout retour à l’esprit républicain, en inscrivant dans le cœur de chacun, et particulièrement de nos jeunes, l’attachement aux valeurs communes, en développant à l’école l’instruction civique que nous réussirons. Demain comme hier, lorsqu’il s’agissait de relever la République, votre tâche doit se ressourcer dans des principes ; c’est la citoyenneté qu’il faut aujourd’hui relever car sans elle votre mission ne pourrait rencontrer le soutien populaire puissant et la confiance qui lui sont indispensables. Je ne doute pas que vous soyez à même de contribuer à cette grande ambition. Sous l’autorité de Monsieur le préfet de police, à qui je souhaite faire part de toute ma confiance, et de vos supérieurs hiérarchiques, vous saurez vous montrer dignes de vos anciens dont nous honorons aujourd’hui la mémoire et auxquels nous rendons cet émouvant hommage.
Je tiens à renouveler aussi mes sincères et chaleureuses félicitations aux récipiendaires des ordres nationaux ainsi qu’aux titulaires de la médaille pour acte de courage et de dévouement que nous avons et, voici quelques instants, le plaisir de décorer.
Je souhaite enfin exprimer ma profonde gratitude à l’ensemble des agents de la préfecture de police pour le sens élevé du devoir dont ils font preuve dans l’exercice de leurs missions et pour leur dévouement au service de l’État.
Héritiers de ceux qui, ici même, il y a cinquante-trois ans, ont montré la voie du courage et ont apporté une contribution décisive à la libération de Paris, ils sauront, faire vivre l’esprit de l’insurrection du 19 août 1944, celui des hommes et des femmes de courage, au service de la liberté, pour rendre ses couleurs à la République.