Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur l'avenir de l'aéroport de Roissy, à Paris le 23 septembre 1997.

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Circonstance : Conférence de presse à Paris, le 23 septembre 1997, à la suite de la concertation sur la transformation de Roissy et annonce de la décision de réaliser deux pistes supplémentaires à Roissy

Texte intégral

Dès mon arrivée au ministère, j’ai décidé de surseoir au démarrage des travaux des deux pistes nouvelles de Roissy.

Je l’ai fait avec l’objectif que soit poursuivie la concertation afin que soient prise en compte tous les enjeux : ceux du transport aérien français, de l’emploi et du développement économique, de l’environnement, de l’aménagement et de la sécurité.

Cette concertation a été menée sans interruption tout l’été. Des centaines de personnalités : élus, responsables politiques, associations, syndicalistes, ont pu donner leurs points de vue. Ils ne se sont pas privés de le faire, comme en témoigne la grande diversité des contributions.

Tous ces éléments m’amènent à donner le feu vert à la réalisation des deux pistes supplémentaires ; à fixer dans le même temps des limites au développement de la plate-forme de Roissy ; à proposer simultanément des mesures concrètes et précises en matière de lutte contre les nuisances, en matière d’emploi et d’infrastructures de communication pour les départements de la région parisienne plus concernés, en matière également de ressources fiscales.

Le fil conducteur qui traverse les propositions dont vous pouvez prendre connaissance dans le document détaillé, est celui de la transparence et de la démocratie.

Je voudrais, avant de répondre à vos questions, illustrer ce propos liminaire.

J’ai dit que je prenais la décision d’engager les travaux.

Ils dureront environ quatre ans.

L’évolution du transport aérien, les conséquences sur notre économie et sur l’emploi, sur la compagnie nationale Air-France, mais aussi pour une meilleure gestion du trafic aérien, impliquent à mes yeux ce choix. Notre pays ne peut laisser passer cette chance.

C’est pourquoi :

- je m’engage à ce qu’il n’y ait aucune autre piste supplémentaire de construire après la réalisation de ces deux pistes nouvelles et que l’aéroport du Bourget ne soit pas transformé en 5e piste mais reste seulement un aérodrome d’aviation d’affaires ;
- étant donné la perspective de développement du trafic aérien, je propose de rouvrir le débat sur les futures possibilités d’accueil de trafic passagers et fret autres que Roissy-CDG. Troisième aéroport ? Meilleure utilisation d’aéroports de province, comme Satolas (Rhône) par exemple ? Pour ce qui concerne plus spécifiquement le fret, je pense à Vatry, à Châteauroux. Quelle intermodalité entre transport aérien et d’autres moyens comme le TGV ?

L’élaboration d’ici l’été prochain d’un nouveau schéma directeur des installations aéroportuaires devrait intégrer les conclusions de ce débat national.

Ces propositions, même si elles témoignent d’une volonté de mettre une limite au gigantisme, ne suffisent pas, il faut bien plus que cela.

C’est pourquoi je propose :  une série de mesures en rupture avec des logiques antérieures. Il s’agit d’abord de réaliser ces pistes avec l’objectif de ne pas augmenter les nuisances sonores et même de s’attaquer tout de suite aux nuisances actuelles.

Sans attendre, des mesures vont intervenir pour réduire les nuisances des vols de nuit qui sont les plus difficilement supportables :

À compter du 1er janvier 1998, les essais de moteurs seront interdits entre 22 heures et 6 heures, et aucune dérogation ne sera acceptée entre 23 heures et 5 heures. Les avions dits de chapitre 3, munis de silencieux, parmi les plus bruyants encore utilisés la nuit, se verront systématiquement imposer des procédures particulières de décollage et de trajectoire à compter de cette même date.
À la fin de l’an 2000, ils seront interdits de vol sur Roissy-Charles-de-Gaulle, de 23 heures à 6 heures.

Sans attendre, concernant le Bourget, les avions à réaction ou à hélices, de plus de de 9 tonnes, non classés chapitre 3, seront interdits de 23 h 30 à 6 heures du matin.

Par ailleurs, la France prendra une part active dans la recherche-développement et agira au plan international pour une nouvelle classification plus rigoureuse et plus restrictive, concernant les avions du chapitre 3, les plus bruyants.

La réglementation ne suffit pas, il faut qu’elle soit respectée. Des consignes précises seront données en ce sens et lorsqu’il y aura manquement, des sanctions réellement dissuasives interviendront.

À compter du 1er janvier 1998, une procédure administrative complétera la procédure pénale, afin de gagner en efficacité. Aujourd’hui, les amendes maximales sont de 250 F. Elles pourront atteindre 10 000 F pour une personne physique et 50 000 F pour une personne morale (une Cie).

Cela nous placera au plus haut niveau des sanctions pratiquées, à l’échelle européenne.

J’en arrive à la satisfaction d’une exigence unanime : qu’une autorité réellement indépendante soit mise en place. « Les contrôleurs, si je puis dire, ne doivent pas être liés aux contrôlés ». Cette autorité indépendante aura compétence sur les six premiers aéroports français, Roissy-Charles-de-Gaulle, Orly Nice-Côte d’Azur, Marseille-Provence, Toulouse-Blagnac, Lyon-Satolas.

L’autorité indépendante sera réellement indépendante de toutes les parties en cause. Et ce n’est pas un décret qui la définira dans ses missions et sa composition, mais la loi.

Réduction des bruits à la source, mais aussi réduction par l’aide à l’insonorisation.

Je propose que le périmètre du plan de gêne sonore (PGS) soit élargi et que soient poursuivies les études sur la définition de l’unité de mesure la plus adaptée.

Un nouveau plan d’exposition au bruit sera proposé à la concertation dès 1998.

Dans ce cadre, la taxe dite de « bruit », payée par les compagnies, qui permet de financer le versement des subventions, sera augmentée de 20 % dans la prochaine loi de finance.

L’aide sera améliorée pour les ménages à faible revenu et pour les équipements publics. Les travaux d’insonorisation de l’hôpital de Gonesse feront l’objet d’une aide d’au moins 80 % dès 1998.

L’activité aéroportuaire peut constituer un remarquable accélérateur économique. Pourtant, souvent, les départements qui subissent le plus de nuisances ne bénéficient pas des retombées en matière d’emploi.

Cette situation s’observe dans le Val-d’Oise, la Seine-Saint-Denis et la Seine-et-Marne. Notamment le Val-d’Oise, qui n’abrite que 16 % des salariés de la zone aéroportuaire.

Des mesures doivent être prises pour favoriser l’emploi local. Un observatoire sera mis en place sur le bassin d’emploi. Un groupement d’intérêt public (GIP) sera créé à l’instar de celui qui fonctionne actuellement pour le Stade de France. Y seront associés, les élus aux côtés du service public de l’emploi, des réseaux d’accueil et d’insertion, des représentants d’entreprises publiques et privées et de organisations syndicales.

Les deux entreprises publics (Air-France, ADP) peuvent jouer dans ce domaine un rôle important pour le développement de l’emploi qualifié et contre la précarité.

Aujourd’hui, Roissy-Charles-de-Gaulle, c’est 100 000 emplois directs ou indirects. Selon les approches, ce sont entre 750 et 900 emplois créés par million de passagers ou par 100 000 tonnes de fret.

Le développement économique générera de nouvelles ressources en taxe professionnelle et en taxe foncière.

Il faut utiliser cette croissance pour redistribuer plus équitablement. Un fond local de répartition sera mis en place pour attribuer les ressources complémentaires. Le Gouvernement examinera, en concertation avec les élus, les propositions du rapport Lachenaud qui sera remis en octobre, dans la perspective de déposer un projet de loi au Parlement.

L’activité de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle nécessite également des moyens nouveaux, en matière d’infrastructures de communication et de transports, d’accessibilité. C’est vrai pour tous les départements qui jouxtent la plateforme. Il est également indispensable que ceux qui souhaitent y travailler puissent y accéder par des moyens de transports collectifs.

L’État accélérera dans ce but la réalisation de nombreux projets. Il en sera ainsi, par exemple, pour la ligne de minibus appelée Centaure, devant desservir 24 heures sur 24, les villes de Sarcelles, Garges0-lès-Gonesse, Arnouville-lès-Gonesse, Gonesse, Goussainville, Le Thillay, Tremblay-en-France, Villiers-le-Bel.

Le RER Cergy-Pontoise-Roissy déjà engagé sera accéléré.

Les études et la déclaration d’utilité publique de l’autoroute A16, jusqu’à la Francilienne seront engagées. Les emprises jusqu’au boulevard intercommunal du Parisis (BIP) seront maintenus. Quant à la portion comprise entre le BIP et l’autoroute A86, les études et les procédures seront arrêtées. L’A16 ne traversera pas la Seine-Saint-Denis.

Pour 1998 et 1999, l’État favorisera la réalisation d’autres opérations nouvelles, non inscrites au contrat de plan avec la région, grâce à des moyens de financements supplémentaires. Je pense tout particulièrement aux études de réaménagement du nœud ferroviaire d’Ermont ou à l’engagement des travaux sur le BIP et, concernant sa partie Est, à l’achèvement des acquisitions foncières. De même, les travaux nécessaires à la desserte Est-Roissy, vers Mitry-Mory, seront engagés.

La requalification des boulevards urbains, notamment dans la traversée du Bourget, du Blanc-Mesnil et de Dugny, en Seine-Saint-Denis ou de Bonneuil-en-France, dans le Val-d’Oise, sera sérieusement étudiée.

Je ne veux pas être exhaustif.

Mais vous pouvez le mesurer, les décisions que je viens de vous exposer donnent une légitimité aux associations, aux syndicats, aux citoyens, aux élus, car elles leur confèrent des pouvoirs d’interpellation permanente des pouvoirs publics, de l’État. Elles instituent au travers de l’autorité indépendante un contre poids réel à toute dérive technologique.

Mais au-delà de toutes dispositions, une préoccupation est au tout premier rang de mes réflexions. Comment agir contre cette déréglementation du transport aérien qui amène à ce constat, souvent rappelé par mes interlocuteurs, que la forte augmentation du nombre de mouvements d’avions, ne s’accompagne pas proportionnellement de la même hausse du nombre de passagers ?

Je saisirai toutes les possibilités permettant que la régulation se substitue à la concurrence sauvage. Ainsi, à propos d’une question d’actualité, celle de la mise en vente de créneaux horaires, je m’opposerai, en accord avec d’autres ministres européens, à la dérégulation du trafic aéroportuaire. Face à la politique « Ciel ouvert » des États-Unis, je soutiendrai la négociation d’accords bilatéraux équilibrés.

Sur chacun des points proposés, la transparence et le débat sont au cœur de ma démarche. J’entends poursuivre en ce sens.

D’ici peu, je vais réunir à nouveau, les participants de la table ronde de juillet.

Afin de constater l’avancement des engagements pris, j’entends les réunir au moins deux fois en 1998. Toutes les informations seront communiquées sans aucune restriction.

Gouverner, c’est faire des choix. Ces choix ne peuvent être ceux des seuls experts, ni ceux des seuls critères financiers. Ils doivent intégrer le point de vue de ceux qui sont sur le terrain ; des salariés ; des usagers, des riverains, des élus, des responsables. C’est en les entendant tous, même si je sais que selon l’endroit où l’on se trouve, les convictions peuvent être différentes et tout aussi sincères, que j’ai décidé la réalisation des deux pistes et les mesures qui les accompagnent.