Texte intégral
Date : 4 octobre 1997
Discours de Monsieur Bernard KOUCHNER, secrétaire d’État à la santé
Je suis tout d’abord à ce 10e anniversaires de vos Assises nationales pour vous témoigner mon admiration pour la « belle aventure solidaire et collective » que vous incarnez et à laquelle je suis très attaché.
Nous étions ensemble à Lille, il y a cinq ans.
Nous étions côte à côte avec Arnaud Marty-Lavauzelle à la « Marche pour la vie » du mois de mai.
Nous sommes aujourd’hui de nouveau rassemblés.
Mais je suis aussi venu pour rappeler avec force qu’en octobre 1997, l’épidémie de SIDA n’appartient pas au passé, mais à la réalité d’aujourd’hui et probablement de demain.
Chaque jour, dans notre pays des personnes meurent du Sida, d’autres se contaminent – 5 500 par an environ – d’autres encore souffrent de la présence de ce virus dans leur corps ou dans celui des gens qu’ils aiment.
Et que dire d’une épidémie mondiale qui poursuit sa progression, sinon qu’elle nous oblige à davantage de solidarité internationale, et je sais à cet égard le rôle que joue Aides, en sachant que les associations du Nord ne peuvent, bien sûr, répondre seules à ce gigantesque défi.
Les discriminations, les vulnérabilités, les exclusions qui conduisent à l’infection – et celles qui en résultent – sont loin d’avoir toutes disparues.
Que l’on songe aux inégalités qui touchent encore les femmes, ou aux difficultés rencontrées par les personnes incarcérées.
Ce message, je le tiens de vous et je l’ai fait mien.
Mais je veux aussi le porter avec vous au-delà de l’enceinte où nous sommes rassemblés.
Le VIH, ce n’est pas seulement une histoire de quinze années passées ensemble. Avec ses souffrances, ses disparus que l’on n’oublie pas, mais aussi ses espoirs et cette volonté, ce courage que vous avez su préserver malgré les épreuves.
Le VIH, c’est encore aujourd’hui une priorité majeure, pour vous qui le vivez au quotidien, mais aussi pour celui qui a en charge la santé publique.
Rien n’est définitivement résolu, et beaucoup reste à faire. Parfois même de nouveaux problèmes émergent.
Comme cette difficulté, dont beaucoup témoignent aujourd’hui, à refaire des projets de vie à long terme et à pouvoir entreprendre une réelle resocialisation.
Une difficulté à se réinscrire dans une vie active, dans un quotidien banalisé, que la maladie avait occulté et que les progrès thérapeutiques autorisent de nouveau.
Nous avons aujourd’hui, face à l’épidémie, un double devoir de lucidité et d’espérance.
Surtout devant le flot continu d’informations, parfois contradictoires, qui nous entraîne au gré des jours dans de grands accès cyclothymiques, alternant entre l’illusion d’une épidémie parfaitement contrôlée et la tentation d’une résignation mortifère.
Pourtant ce qui me frappe avant tout, ce sont les signes encourageants qui émergent dans plusieurs domaines.
En France, le nombre de nouveaux cas de Sida baisse fortement (– 30 % en 1996) et ceci est confirmé par les chiffres du premier semestre 1997 qui montrent une diminution de 17 % par rapport aux six mois précédents.
Et la réduction de la mortalité est plus importante encore : – 40 % sur la même période.
Ces résultats extrêmement encourageants sont, sans aucun doute, à mettre au crédit des progrès thérapeutiques, et particulièrement, de l’accès de plus en plus large aux trithérapies incluant une anti-protéase.
Un constat confirmé lors du récent congrès international de Toronto.
Ces avancées thérapeutiques s’accompagnent d’une meilleure capacité d’adaptation et de personnalisation des traitements, grâce à la détection de la charge virale, désormais clairement identifiée comme marqueur fiable de l’efficacité thérapeutique et de l’évolution de l’infection.
Pourtant vous avez choisi de consacrer les assises de cette année à l’« épreuve des traitements ».
Et je perçois l’importance de cette thématique, car ces progrès réels ne sauraient masquer certaines inquiétudes majeures.
Sans préjuger des débats que vous aurez tout à l’heure, elles sont à mon sens au moins de quatre ordres :
- inégalités d’accès ;
- difficultés de compliances ;
- inégalités d’efficacité et discontinuités de traitements ;
- impact sur la prévention.
Plusieurs indicateurs font état d’une inégalité persistante, et peut-être croissance, dans l’accès aux soins pour les personnes vivant avec le VIH.
Comme en témoigne l’augmentation relative de la fréquence d’entrée dans la maladie par une pneumocystose pulmonaire ou par une toxoplasmose cérébrale, signe évident d’une absence de prise en charge précoce, surtout chez des personnes marginalisées sur le plan sanitaire et social.
Ce que confirme un autre constat, celui d’une fraction toujours importante de personnes qui s’apprennent leur séropositivité qu’à l’occasion d’une première infection opportuniste.
Je suis frappé par un chiffre, on estime actuellement qu’une personne sur cinq à un accès tardif à une véritable prise en charge.
Ce qui révèle des carences préoccupantes dans notre système de soins.
Là encore, le SIDA joue le rôle de révélateur.
Il s’agit, pour moi, d’un sujet majeur de préoccupation, auquel j’ai décidé de porter une attention toute particulière, dans le cadre, mais pas seulement, d’une future loi contre les exclusions.
La compliance, ensuite.
L’enquête que vous avez menée montre bien qu’il y a une véritable volonté d’observance chez les personnes séropositives.
Y compris chez les usagers de drogue, contrairement à une antienne maintes fois ressassée à tort.
La difficulté réside en fait, surtout, dans l’accumulation des effets secondaires et des contraintes liées aux traitements multiples.
Par ailleurs, force est de constater que les échecs thérapeutiques en sont pas exceptionnels, et que le développement de résistances représente un enjeu majeur, comme le rappelaient les informations récentes venues du groupe des associations composant le TRT 5.
Certes, en dix ans, plusieurs classes médicamenteuses ont été découvertes, ce qui n’avait été obtenu pour aucune autre maladie virale.
Mais, il est nécessaire que les efforts soient maintenus pour permettre l’émergence de nouvelles classes thérapeutiques.
C’est la raison pour laquelle, nous avons la ferme volonté de maintenir une pression de tous les instants sur les laboratoires pharmaceutiques, mais aussi sur les administrations et organismes compétentes, pour stimuler la recherche et raccourcir les délais de mises sur le marché.
Et nous sommes également décidés à renforcer la formation des médecins en matière de thérapeutique antirétrovirale.
Car on sent bien aujourd’hui qu’ils sont de plus en plus perplexes devant la complexité croissante des thérapeutiques.
Ce qui est parfois source de discontinuités thérapeutiques très préjudiciables.
Enfin, je voudrais insister sur la question de l’impact des nouvelles thérapeutiques sur la prévention.
Puisque les traitements sont là, pourquoi se protéger ? Entend-t-on désormais souvent.
Quel est l’impact réel de cette nouvelle disposition d’esprit sur les comportements à risques dans les populations les plus exposées.
C’est la question posée à une équipe dirigée par le Docteur Jean-Baptiste BRUNET, avec le soutien de la direction générale de la santé et de l’Agence nationale de recherches sur le SIDA.
Je crois que nous aurons la réponse dans un avenir très proche.
Mais, en attendant, je veux reprendre à mon compte le sentiment partagé par la plupart des acteurs engagés dans ce domaine.
Il y a bien un risque majeur de démotivation, et d’abandonner des comportements préventifs.
Je voudrais ici être très clair.
Oui, des médicaments existent.
Non, on ne guérit pas encore du SIDA.
C’est pourquoi la prévention doit demeurer, et demeurera, un axe central de notre politique de lutte contre l’épidémie.
Dans un registre proche, l’accès aux traitements prophylactiques, constitue, je crois, un vrai progrès. Même si des interrogations demeurent quant à sa mise en œuvre pratique. Certains évoquaient, fin juillet, le risque d’un afflux massif et incontrôlé de demandes de chimioprophylaxie après ma lettre circulaire aux présidents des CISIH. Le RNSP vient de me faire parvenir les estimations des demandes au cours des derniers mois. En juin et juillet, en moyenne, 77 demandes de chimioprophylaxie et 32 prescriptions par mois. En août et septembre ces chiffres ont triplé.
Contrairement aux avis frileux de certains, encore une fois nous avons eu raison de faire le pari de la responsabilité et du sang-froid des gens. L’afflux incontrôlé annoncé n’a pas lieu.
J’attends dans les prochains jours les conclusions du rapport que j’ai demandé à un groupe de travail piloté par la direction générale de la santé sur ce sujet.
Ce sera aussi l’occasion de redéfinir notre politique en matière de dépistage, et notamment en matière de dépistage précoce et d’accès au dépistage pour les personnes les plus vulnérables ou les plus démunies.
Je terminerai enfin en vous disant ma volonté d’étendre à l’ensemble des enjeux de santé publique, ce que nous avons appris ensemble dans ce combat contre l’épidémie, ou, pour être plus juste, ce que, souvent, vous nous avez enseignés :
- la nécessité d’un accès réel et égal pour tous à la santé. Je veux dire un accès aux soins, mais aussi au dépistage et à la prévention ;
- le rôle majeur que peuvent et doivent jouer les personnes concernées et leurs proches ;
- le choix nécessaire de la solidarité et de la lutte contre les discriminations, au-delà de la simple compassion ;
- enfin, et peut-être surtout, l’inscription de l’éthique et du droit des malades au cœur de la santé publique.
Autant d’enseignements dont je veux m’inspirer pour faire enfin du ministère dont j’ai la charge un véritable ministère de la santé et non plus seulement un ministère centré sur la maladie.
Je l’ai compris de vous, l’immunité va mieux mais la vie ne va pas forcément bien.
Mais je veux que nous puissions continuer à nous battre ensemble contre l’épidémie et pour une société plus juste et plus solidaire.
Votre combat est trop important pour l’abandonner au milieu du gué, dans un moment aussi critique de l’épidémie.
Date : jeudi 9 octobre 1997
Source : Conférence de presse
Mesdames, Messieurs,
Monsieur le professeur DORMONT,
Je suis ici pour vous parler de prise en charge, de thérapeutiques, d’actualisation de ces stratégies grâce au travail des experts dirigés par le Pr DORMONT.
Mais je veux rappeler ici avec force qu’en octobre 1997, l’épidémie de SIDA n’est pas derrière nous mais constitue toujours une menace.
Chaque jour, dans notre pays des personnes meurent du Sida, d’autres se contaminent – 5 000 par an environ – d’autres encore souffrent de la présence de ce virus dans leur corps.
Hors de nos frontières, l’épidémie mondiale poursuit également sa progression. Dans beaucoup de pays du monde, l’accès à une prise en charge, et encore plus aux traitements, n’est pas assuré. Même dans notre pays où des efforts très importants ont été faits, il persiste des exclusions qui conduisent à l’infection ou à un retard de prise en charge.
Malgré les avancées thérapeutiques, bien n’est définitivement résolu, et beaucoup reste à faire. De nouveaux problèmes émergent, en particulier le problème de la résistance du virus.
I. - ACTUALISATION DES RECOMMANDATIONS THÉRAPEUTIQUES
Je voudrais remercier les groupes d’experts et, tout particulièrement, le Pr Jean DORMONT qui les a dirigés, encore une fois.
Ce rapport fait suite à ma demande d’actualiser les recommandations établies en 1996 afin de tenir compte de l’évolution des connaissances cliniques, virologiques et physiopathologiques.
Mais, je sais que sans attendre ma demande, des réflexions étaient déjà engagées.
Les groupes d’experts composés de cliniciens, de virologues et de représentants des associations de lutte contre le SIDA.
Ils ont travaillé rapidement pour répondre aux questions suivantes : « Quand et comment débuter un traitement antirétroviral ? Quand et comment changer un traitement ? Que proposer en cas de primo infection, chez la femme enceinte, en cas d’accident avec exposition au sang ? »
Je laisse le soin au Pr DORMONT de présenter ce travail. Mais j’aimerais particulièrement insister sur l’effort à faire pour l’adhésion au traitement et à l’observance. Le risque de voir apparaître des résistances du virus aux antirétroviraux, en particulier aux inhibiteurs de protéases, est, en effet, réel.
Le groupe d’experts souligne, à ce sujet, l’importance du rôle du dialogue entre les médecins et leurs patients et des mesures d’accompagnement psychosocial et ce, dès l’indication des traitements et lors du suivi afin de favoriser les conditions de l’observance thérapeutique.
Les recommandations des experts concernant les stratégies d’utilisation des antirétroviraux dans l’infection par le VIH seront très largement diffusées auprès de l’ensemble des prescripteurs de ville et d’hôpital, afin que les patients puissent bénéficier des meilleures stratégies de traitements possibles.
En matière d’infection à VIH, on doit constamment s’adapter à l’évolution des connaissances et très directement aux progrès de la recherche clinique.
C’est pourquoi, j’ai demandé au Pr DORMONT de poursuivre encore « la veille » concernant les stratégies thérapeutiques concernant le VIH. Je sais toute l’énergie et les efforts de tous les experts, et tout particulièrement ceux du Pr DORMONT : arriver à un « consensus » basé avant tout sur l’expertise scientifique, la rigueur, aboutir à un document synthétique, clair, je sais que c’est difficile.
Je sais que M. le Pr DORMONT ne souhaite pas continuer « ad vitam eternam » ce travail. Mais nous avons devant nous des échéances, dont le prochain congrès sur les rétrovirus à CHICAGO en février.
Il sera sans doute indispensable de revoir les stratégies, peut-être de les « adapter ». Au minimum de se poser ces questions.
Je souhaite ainsi qu’un groupe d’experts puisse, en fonction du progrès des connaissances, établir des recommandations et les actualiser. Cela m’apparaît nécessaire pour les médecins comme pour les malades.
II. - DISPENSATION EN VILLE
Mais j’en viens à la dispensation des antirétroviraux en officine de ville.
Notre souci est d’améliorer le service rendu aux patients, en facilitant l’accessibilité des antirétroviraux.
L’officine, la pharmacie sont le lieu naturel où le patient va rechercher l’ensemble des autres médicaments dont il a besoin, et dans le domaine du VIH, notamment les traitements préventifs des maladies opportunistes.
Le 30 octobre prochain, les antirétroviraux seront disponibles en officine de ville.
Cette mise à disposition en officine se fera avec la poursuite de la délivrance hospitalière de tous les antirétroviraux, que ceux-ci disposent d’AMM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU).
À ce jour, rien ne permet de penser que la dispensation hospitalière sera supprimée pour les médicaments disponibles en ville.
Il est envisageable que cette double dispensation puisse être une modalité de sortie de la réserve hospitalière qui pourrait concerner d’autres médicaments.
Cependant, dans le cas des antirétroviraux, s’il s’avérait que la poursuite de la délivrance hospitalière pour les médicaments qui ont une AMM présente plus d’inconvénients que d’avantages, se poserait la question d’arrêter la délivrance dans les pharmacies hospitalières. Mais nous n’en sommes pas là.
Un comité consultatif, qui rassemble l’administration, des experts, les associations, s’est déjà réuni. Il est chargé du suivi de ce dispositif, ses réflexions permettront d’éclairer nos décisions.
Le passage des antirétroviraux en officine est le fruit d’un travail important tout au long de ces derniers mois.
Chacun des antirétroviraux disposant d’une AMM ont été examinés par la commission de transparence et le comité économique du médicament.
Les négociations sur le prix représentaient pour l’ensemble des partenaires un enjeu important. La doctrine des pouvoirs publics est simple. Aucun patient ne doit manquer de médicament pour des raisons financières.
Les négociations ont abouti à ce qu’il soit désormais possible de sortir le 30 octobre prochain la totalité des 7 antirétroviraux qui pouvaient l’être. Le huitième (HIVID), pour lequel la prescription initiale hospitalière (PIH) a été obtenue récemment, devraient pouvoir passer en officine dans le courant du 1er semestre 1998.
La sortie des antirétroviaux en officine s’intègre dans un dispositif général qui comprendra :
- le 30 octobre 1997, la mise à disposition de la mesure de la charge virale dans les laboratoires d’analyse médicale de ville avec possibilité de prescription par les médecins de ville ;
- de la sortie en officine des traitements des maladies opportunistes pour lesquels il n’y a pas d’indication de réserve hospitalière.
Seules les médicaments en autorisation temporaire d’utilisation (ATU) et en essai clinique ne seront dispensé que par les pharmacies hospitalières. Ceci est d’ailleurs, un élément qui donne à la poursuite de la double dispensation tout son intérêt.
Compte tenu de l’importance du sujet il n’était pas envisageable de sortir ces médicaments en « ville » sans d’importances mesures d’accompagnement :
- une information pratique destinée aux professionnels de santé, dispensée dans un document de 32 pages réalisé de façon conjoint par la direction générale de la santé, l’Agence du médicaments et l’aide d’experts.
Il donne des informations précises sur la maladie et chacun des médicaments (indication, effets secondaires, précaution d’emploi, …).
Ce document, comme le suivant, a été réalisé après une large consultation de membres des associations de malades et des professionnels de santé.
Ce document, comme le suivant, a été réalisé après une large consultations de membres des associations de malades et des professionnels de santé.
Ce document sera adressé par courrier à l’ensemble des pharmaciens, à l’ensemble des généralistes, et aux spécialistes les plus concernés. Ces documents seront remis aux professionnels avant la sortie effective en officine.
Un document pour les patients destinés à être remis par le prescripteur, par le pharmacien et par les associations de patients.
Un dispositif de formation continue des pharmaciens d’officine ainsi qu’un effort de formation continue des médecins.
Un effort tout particulier a été réalisé pour que la dispense d’avance des frais soit effective pour tous les patients et que le paiement par les caisses se fasse sans problème pour les pharmaciens. Un système de garantie de paiement est mis au point.
Le pharmacien est remboursé, dès lors que le patient a justifié de ses droits par une simple carte d’assuré social ou une attestation d’aide médicale.
Les efforts pour rendre plus facilement accessibles les traitements ne résoudront pas malheureusement tous les problèmes. Outre les difficultés de compliances, je veux insister sur :
- l’inégalité d’accès à une prise en charge ;
- et les effets indirects des traitements, notamment en terme d’impact sur la prévention.
FICHE SITUATION ACTUELLE EN FRANCE
J’ai assisté, samedi dernier, aux Assises nationales de Aides. Beaucoup de témoignages au cours de ces journées rendaient compte des difficultés réelles d’observance rencontrées au quotidien par les malades.
Mais il existe aussi d’autres difficultés, comme celle de refaire des projets de vie à long terme et à pouvoir entreprendre une réelle résocialisation.
Difficulté à se réinscrire dans une vie active, dans un quotidien banalisé, que la maladie avait occulté et que les progrès thérapeutiques autorisent de nouveau.
Nous avons aujourd’hui, face à l’épidémie, un double devoir de lucidité et d’espérance.
Je ne suis certainement pas le premier à le constater et probablement pas le dernier mais le flot continu d’informations, parfois contradictoires en matière de SIDA et, notamment, concernant les thérapeutiques, conduit à des perceptions erronées de la réalité entre des extrêmes : illusion d’une épidémie parfaitement contrôlée et résignation mortifère.
Il ne faut pas perdre de vue que ce sont les malades qui souffrent directement de ces informations mal maîtrisées. L’alternance d’espoir et de désespoir peut être préjudiciable.
Cependant, il faut rappeler qu’aujourd’hui des données encourageantes doivent être prises en compte.
En France, le nombre de nouveaux cas de sida baisse fortement (- 30 % en 1996) et ceci est confirmé par les chiffes du premier semestre 1997 qui montrent une diminution de 17 % par rapport aux six mois précédents.
Et la réduction de la mortalité est plus importante encore : - 40 % sur la même période.
Ces résultats extrêmement encourageants sont, sans aucun doute, à mettre au crédit des progrès thérapeutiques, et particulièrement, de l’accès de plus en plus large aux trithérapies incluant une anti-protéase.
C’est un constant confirmé lors du récent congrès international de Toronto.
Ces avancées thérapeutiques s’accompagnent d’une meilleure capacité d’adaptation et de personnalisation des traitements, grâce à la détection de la charge virale, désormais clairement identifiée comme marqueur fiable de l’efficacité thérapeutique et de l’évolution de l’infection.
FICHE ÉLÉMENTS DE CONCLUSIONS
* L’inégalité d’accès à une prise en charge.
* Et les effets indirects des traitements
1) Inégalités
Plusieurs indicateurs font état d’une inégalité persistante dans l’accès aux soins pour les personnes vivant avec le VIH.
En témoigne l’augmentation relative de la fréquence d’entrée dans la maladie par une pneumocystose pulmonaire ou par une toxoplasmose cérébrale, signe évident d’une absence de prise en charge précoce, surtout chez des personnes marginalisées sur le plan sanitaire et social.
À ce titre d’exemple, si on compare les deux premiers semestres de 1996 et 1997, le nombre absolu de pneumocystose au premier semestre est resté stable (170 cas) alors que le nombre de cas de SIDA déclaré a été divisé par deux !
Cela veut dire qu’une fraction toujours trop importante de personnes qui n’apprennent leur séropositivité qu’à l’occasion d’une première infection opportuniste, par exemple une pneumocystose ou une toxoplasmose cérébrale.
Je suis frappé par un autre chiffre, on estime actuellement qu’une personne sur cinq a un accès tardif à une véritable prise en charge.
Ce qui révèle des carences préoccupantes dans notre système de soins.
Là encore, le SIDA joue le rôle de révélateur.
Il s’agit, pour moi, d’un sujet majeur de préoccupation, auquel j’ai décidé de porter une attention toute particulière, dans le cadre, mais pas seulement, d’une future loi contre les exclusions.
2) La prévention
Il est vrai qu’il existe un risque majeur de démotivation, et d’abandonner des comportements préventifs. Une recherche est en cours par l’équipe du Dr Jean-Baptiste BRUNET (DGS/ANRS).
Je voudrais ici être très clair.
Oui, des médicaments existent. Mais, on ne guérit pas encore le SIDA.
C’est pourquoi, la prévention doit demeurer, et demeurera, l’axe centrale de notre politique de lutte contre l’épidémie.
Dans un registre proche, l’accès aux traitements prophylactiques, constitue, je crois, un vrai progrès. Même si des interrogations se sont fait jour – justifiées ou non – et demeurent quant à sa mise en œuvre pratique. Certains évoquaient, fin juillet, le risque d’un afflux massif et incontrôlé de demandes de chimioprophylaxie après ma lettre circulaire aux présidents des CISIH.
Je rappelle qu’immédiatement après cette lettre, une circulaire d’encadrement précisant les modalités de prise en charge a été envoyée.
Le RNSP vient de me faire parvenir les estimations des demandes aux cours de derniers mois.
En juin et juillet, en moyenne, 77 demandes de chimioprophylaxie et 32 prescriptions par mois. En août et septembre, ces chiffres ont triplé.
Contrairement aux avis frileux de certains, encore une fois nous avons eu raison de faire le pari de la responsabilité et du sang-froid des gens. L’afflux incontrôlé annoncé n’a pas eu lieu.
J’attends dans les prochains jours, les conclusions du rapport que j’ai demandé à un groupe de travail piloté par la direction générale de la santé sur ce sujet.
Ce sera aussi l’occasion de redéfinir notre politique en matière de dépistage, et notamment en matière de dépistage précoce et d’accès au d’pistage pour les personnes les plus vulnérables ou les plus démunies.
3) Un effort de recherche mais aussi de simplification des schémas thérapeutiques
Par ailleurs, force est de constater que les échecs thérapeutiques ne sont pas exceptionnels, et que le développement de résistances représente un enjeu majeur, comme le rappelaient les informations récentes venues du groupe des associations composants le TRT 5.
Certes, en dix ans, plusieurs classes médicamenteuses ont été découvertes, ce qui n’avait été obtenu pour aucune autre maladie virale.
Mais, il est nécessaire que les efforts soient maintenus pour permettre l’émergence de nouvelles classes thérapeutiques. C’est la raison pour laquelle, nous avons la ferme volonté avec Claude ALLEGRE de favoriser la recherche pharmaceutique, maintenir une pression sur tous les acteurs concernés.
Enfin, je voudrais insister sur la question de l’impact des nouvelles thérapeutiques sur la prévention.
Puisque les traitements sont là, pourquoi se protéger ?