Texte intégral
Le Parisien : Le projet de budget 1998 consent un effort important en faveur du logement social. Pourquoi ?
Louis Besson : Parce que dans la construction, c’est le maillon faible. Avec à peine cinquante mille prêts locatifs aidés, on n’a jamais atteint un niveau aussi bas. La réhabilitation des logements sociaux connaissait également une baisse continue. Enfin la situation financière des six millions cent cinquante mille ménages bénéficiant d’aides au logement s’est dégradée : 94 % d’entre eux ont des ressources inférieures à deux fois la Smic et trois millions perçoivent des revenus compris entre le RMI et le Smic. Or ces aides qui coûtent 75 milliards de francs par an à l’État, n’ont pas été réactualisées pendant plus de trois ans. Le logement social est donc le gros point noir, et c’est là qu’il y a urgence. Le budget conforte et amplifie les mesures annoncées en juin par Lionel Jospin, à savoir une actualisation du barème des aides, qui seront à nouveau réévaluées en juillet 1998. Et un effort sans précédent pour la réhabilitation avec un programme de cent vingt mille logements sociaux réhabilité en 1998, ce qui va soutenir l’activité du bâtiment.
Le Parisien : Est-ce que cela ne va pas entraîner des augmentations de loyer, comme le laissent déjà entendre certains organismes HLM ?
Louis Besson : Les réhabilitations vont être mieux aidées, puisque la baisse du taux de TVA de 20,6 % à 5,5 % réduit le coût des travaux de 12 %. L’incidence sur les loyers devrait donc être modérée, d’autant qu’une réhabilitation bien menée (isolation thermique par exemple) peut aussi réduire les charges.
Le Parisien : La taxe perçue sur les surloyers encaissés par les HLM ne sert plus au financement des logements sociaux. Va-t-elle être remise en question ?
Louis Besson : L’ensemble du dispositif du surloyer va être remise sur la table. Le financement des fonds de solidarité pour le logement (459 millions de francs) figure à nouveau dans le budget de l’État. Deux raisons à cela : la taxe sur les surloyers ne rapportera pas cette année autant que prévu (250 millions au lieu de 400 millions), le procédé, qui consistait à demander aux locataires HLM les moins pauvres de payer pour le logement des plus pauvres, du secteur social ou privé, est illogique et injuste. On est donc revenu là-dessus. Certaines anomalies seront corrigées également dans le calcul des surloyers. Les barèmes seront revus, notamment en ce qui concerne la différence établie entres les ménages selon qu’ils perçoivent un ou deux salaires. Enfin, on va revoir l’affectation du produit du surloyer.
Le Parisien : Le secteur privé a également un rôle social. Qu’envisagez-vous pour l’aider ?
Louis Besson : Mon idée est d’aller vers un vrai secteur intermédiaire, conventionné dans le logement, à l’exemple de ce qui existe dans le domaine de la santé. Ainsi, des aides publiques pourraient être accordées au propriétaire en échange de contreparties pour le locataire. À cet effet, nous réfléchissons à la mise en place d’un statut du métier de bailleur qui accompagnerait les aides à l’investissement.
L’investissement locatif est une forme de placement que l’État a intérêt à encourager puisqu’il croit à la nécessité de multiplier les offres de logements. Pour répondre aux attentes, il est possible de lier l’attribution d’avantages fiscaux une modération des loyers. Et, pourquoi pas, d’assortir ce système d’une forme d’assurance sur le paiement du loyer. Elle remplacerait alors les cautions qui sont un gros obstacle pour entrer dans un logement. Tout cela en discussion.
Le Parisien : Le prêt taux zéro est-il remis en cause ?
Louis Besson : Nous n’avons pas encore décidé de l’avenir du prêt à taux zéro, qui coûte cher, 7 milliards de francs par an, et dont la fin était programmée l’an prochain. Le souhait du gouvernement est néanmoins de préserver une accession sociale à la propriété, tout en la sécurisant, tant pour le prêteur que pour l’acheteur ? Ce qui veut dire que si un accédant est confronté à une forte baisse de ses ressources avant la fin du son prêt, il faut l’aider à traverser cette période de difficulté. Et si celle-ci devait durer, il faudrait peut-être qu’il puisse revenir à un statut locatif sans quitter son logement. Pour cela on peut envisager de créer un lien entre les constructeurs et des organismes spécialisés qui permettrait cette transition en évitant bien des traumatismes.
Le Parisien : Pourquoi vouloir réserver ce prêt à ceux qui achètent pour la première fois ?
Louis Besson : Quand on n’en est pas à sa première acquisition, on dispose déjà d’un patrimoine, et l’on n’a pas forcément besoin du prêt à taux zéro. C’est alors davantage un effet d’aubaine qu’une nécessité. D’ailleurs, seuls 7 % des demandes de prêts à taux zéro venaient de personnes qui sont déjà propriétaires.
Le Parisien : Quel avenir pour l’amortissement Périssol ?
Louis Besson : Il est reconduit en l’état, mais lui aussi n’est prévu par la loi que pour deux ans et en 1998 il entrera dans sa seconde et normalement dernière année. Dans les deux cas, il s’agissait de mesures conjoncturelles que nous aimerions remplacer par un système beaucoup plus stable et équitable, qui serait le statut du bailleur privé.
Le Parisien : Une baisse des droits de mutation est-elle prévue ?
Louis Besson : Pas pour le moment. Ce sont des ressources de fiscalité locale, et quand l’État prend des mesures de cet ordre, il doit payer à la place de celui qui fait une acquisition.