Interviews de M. François Hollande, premier secrétaire délégué du PS, dans "Le Figaro" du 10, "Sud-Ouest" du 13, "Le Progrès" du 20, à RTL le 21 (extraits), et article dans "L'Hebdo des socialistes" du 26 septembre 1997, notamment sur le refus du gouvernement de privatiser Air France, la préparation de la conférence sur l'emploi les salaires et la réduction du temps de travail, et le plafonnement des allocations familiales dans un souci de justice sociale.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Journées parlementaires du PS à Montpellier les 10 et 11 septembre 1997

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Emission L'Invité de RTL - Emission Le Grand Jury RTL Le Monde - L'Hebdo des socialistes - La Tribune Le Progrès - Le Figaro - Le Progrès - RTL - Sud Ouest

Texte intégral

Date : 10 septembre 1997
Source : Le Figaro

Le Figaro : Le Gouvernement n’aurait-il pas évité les polémiques de cette rentrée sur France-Télécom et Air France si le PS avait défini le rôle de l’État, au lieu de se borner à décréter qu’il n’y aurait « ni privatisation, ni statut quo » dans le secteur public ?

François Hollande : Le Gouvernement a pris sur ces deux dossiers des décisions qui allient fidélité à nos principes et adaptation à la réalité. Dans le cas d’Air France, entreprise publique qui n’a pas totalement achevé son redressement, l’État devait garder la majorité du capital, pour assurer son développement, tout en rendant possibles les évolutions nécessaires, comme les alliances internationales et la participation des salariés. Il s’agissait de prendre une décision industrielle et, en aucune façon, de céder à on ne sait quel compromis politique. Christian Blanc, lui, voulait que le Gouvernement s’engage à privatiser Air France à moyen terme : aucun PDG d’entreprise publique, aussi compétent soit-il, ne peut dicter sa stratégie à l’État-actionnaire. D’autant que ni la Commission européenne ni le personnel de la compagnie n’exerçaient de pression dans le sens de la privatisation ! Le dogmatisme consiste à vouloir la privatisation pour la privatisation, sans prise en compte des intérêts de l’entreprise même.

Le Figaro : Le gouvernement Juppé voulait ouvrir à 49 % le capital de France-Télécom ? Est-ce par « pragmatisme » qu’il ne sera finalement ouvert qu’à 30 ou 35 % ?

François Hollande : Le Gouvernement précédent envisageait une ouverture de capital sans condition et sans limite, qui ressemblait furieusement à une étape vers la privatisation totale de France-Télécom. L’ouverture décidée par le gouvernement Jospin n’excédera pas le tiers du capital et ne se conçoit que si elle s’inscrit dans une stratégie industrielle et s’accompagne d’un élargissement des missions de service public de l’opérateur. Elle permet en outre de répondre à l’opportunité d’une alliance durable avec Deutsch Telekom. L’ouverture du capital, telle que nous la concevons, doit écarter tout risque de privatisation puisque l’actionnariat d’État restera largement majoritaire. Nous souhaitons également modifier la loi réglementant les télécommunications votée par le gouvernement Juppé, qui est d’inspiration très libérale et impose sans contrepartie à France-Télécom des conditions qui la défavorisent par rapport à ses concurrents, sans qu’elles correspondent à des exigences européennes.

Le Figaro : La conférence sur l’emploi, les salaires et la réduction du temps de travail doit s’ouvrir début octobre. Comment le PS compte-t-il s’associer à l’initiative gouvernementale, et à quelle étape du processus ?

François Hollande : La manière dont le Gouvernement prépare les orientations qui présideront aux discussions est très importante pour la suite des événements. Nous allons nous y associer, avec trois préoccupations principales : que la réduction du temps de travail soit enfin relancée, que les efforts des entreprises en matière d’emploi des jeunes soient précisés et que cette conférence permette de dégager la façon la plus efficace d’assurer aux salariés une plus grande part de la redistribution que celle qu’ils ont eue jusqu’à présent.
Le Parlement jouera également son rôle, puisqu’une loi-cadre lui sera soumise à l’issue de la conférence.

Le Figaro : Que contiendra-t-elle ?

François Hollande : Comme son nom l’indique, elle fixera un cadre à la négociation : le but est de réduire le temps de travail de 39 heures à 35 heures, sans perte de salaire. Le texte définira une échéance. Les expériences malheureuses des précédents gouvernements, celui d’Alain Juppé notamment, montrent l’inefficacité d’une invitation à la négociation sans date limite pour aboutir. C’est la configuration idéale pour ceux qui essaient de gagner du temps.

Le Figaro : Quelle échéance propose le PS ?

François Hollande : Dans notre programme, nous nous étions engagés à mener à bien le passage des 39 aux 35 heures d’ici à la fin de la législature, ce qui laissait cinq ans aux partenaires sociaux pour se mettre d’accord. S’ils peuvent le faire plus vite, tant mieux : par rapport à l’époque où nous avions écrit notre plateforme, le contexte économique s’est amélioré, cela devrait largement faciliter le processus.

Le Figaro : Prévoyez-vous une disposition qui permette aux entreprises, et en particulier aux PME, de choisir le moment le plus opportun pour s’engager dans la réduction du temps de travail en fonction de critères qui leur sont propres, et non pas simplement selon la conjoncture ?

François Hollande : La loi-cadre prévoira sans doute des dispositions spéciales pour les PME.

Le Figaro : Le rétablissement – ou non – de l’autorisation administrative de licenciement fera-t-il partie de la négociation ?

François Hollande : Si on parvient à lancer la négociation sur la réduction du temps de travail, sur l’emploi des jeunes, sur les heures supplémentaires et sur les salaires, ce sera déjà beaucoup. En allongeant cette liste, on risquerait de transformer la conférence en grand-messe, sans traduction concrète. La question du contrôle des licenciements peut être soumise par ailleurs au Parlement par le Gouvernement.

Le Figaro : La réduction du temps de travail peut-elle concerner les cadres ?

François Hollande : Je remarque que les organisations représentatives des cadres, après avoir été longtemps réticentes, veulent aujourd’hui elles aussi discuter du temps de travail.

Le Figaro : Une fois la loi-cadre votée, un accord du type de celui que Renault vient de passer avec ses salariés, pour une réduction du temps de travail sans création d’emplois et, surtout, avec une baisse des rémunérations, sera-t-il illégal ?

François Hollande : C’est justement parce que l’on ne pouvait pas laisser se multiplier ce type d’accords qu’une négociation globale et qu’un cadre législatif étaient nécessaires. Il est important de rendre cohérent l’ensemble du dispositif de réduction du temps de travail. Le processus souhaité, ce n’est pas le temps partiel qui, en définitive, aboutit à du chômage partiel avec un salaire partiel. Avec Renault, on se trouve dans le cas particulier d’un accord palliatif visant à éviter des licenciements et non pas à créer des emplois. Le mouvement que nous voulons engager est d’une autre nature. Il ne s’agit plus de lancer des expériences, d’ailleurs discutables, comme la loi Robien, ou de multiplier les préretraites comme le proposent les constructeurs automobiles. Notre souci est, par la négociation et dans un cadre fixé par la loi, de favoriser une répartition du travail favorable à l’emploi.


Date : samedi 13 septembre 1997
Source : Sud Ouest

Sud Ouest : Voilà un peu plus de cent jours que Lionel Jospin dirige le Gouvernement, et l’état de grâce perdure. Est-ce une bonne surprise pour vous ?

François Hollande : Il n’y a pas vraiment d’état de grâce. Les Français ont simplement le sentiment qu’on les comprend et qu’on les respecte. Ils font effectivement preuve de patience envers le Gouvernement, même si l’on sait que cette patience ne durera pas toujours. Le Gouvernement a très vite donné des signes de vrais changements, en matière sociale (hausse du SMIC, de l’allocation de rentrée scolaire) et surtout dans la manière de faire de la politique (féminisation, lutte contre le cumul). Aussi, le changement est-il déjà perceptible, même s’il n’est pas aussi radical que certains le souhaiteraient.

Sud Ouest : N’y a-t-il pas eu une sorte de donnant-donnant avec le PC : on ouvre la voie à la privatisation de France Télécom, mais pas à celle d’Air France ?

François Hollande : D’une part, on ne privatise pas France Télécom ; d’autre part, on ouvre le capital d’Air France. Dans les deux cas, seul l’intérêt de l’entreprise concernée a prévalu. Il s’agit de permettre à Air France de poursuivre son redressement et de nouer des alliances. Et à France Télécom de s’inscrire dans un projet industriel. On a veillé à ce que l’ouverture du capital aille de pair avec une conception plus globale du service public.

Sud Ouest : Mais il était question, pendant la campagne électorale, d’« arrêter le processus de privatisation »…

François Hollande : On nous fait des reproches contradictoires ! On nous accuse dans un cas d’arrêter la privatisation et dans l’autre de ne pas tenir nos promesses. Nous, nous disons que nous respectons nos engagements en refusant la privatisation des services publics, tout en tenant compte de l’intérêt des entreprises concernées.

Sud Ouest : Le plan pour l’emploi des jeunes, dont l’Assemblée va discuter à partir de lundi, suscite une très forte attente des intéressés. N’y a-t-il pas un risque de décevoir ces jeunes ?

François Hollande : C’est une attente légitime, car nous avons parlé dans notre campagne de 350 000 emplois et nous voulons que ce soient de vrais emplois, pas des petits boulots précaires. L’important, c’est de créer ces 350 000 emplois d’ici à cinq ans et d’offrir à tous ces jeunes des perspectives à moyen terme. Si les collectivités locales, les associations, l’État se mobilisent, si les entreprises comprennent la part de responsabilité qui leur revient, alors on ne sera pas loin de la réussite.

Sud Ouest : L’annonce d’un projet de loi interdisant le cumul d’un mandat électoral et d’une fonction exécutive suscite quelques remous parmi les élus socialistes. À partir de quand doit s’appliquer la réforme ?

François Hollande : Il s’agira d’un changement considérable dans nos pratiques politiques : toute l’histoire de la République se confond avec celle d’élus nationaux exerçant des responsabilités locales importantes, chaque mandat étant susceptible de renforcer l’autre. Cette réforme sera donc en fait une révolution. Nous souhaitons en débattre avant les élections régionales et la voter définitivement après. Cela permettra une période de transition. Mais le mouvement sera irréversible, et dans cinq ans, tout cumul deviendra impossible.

Sud Ouest : Et si le Sénat s’y oppose ?

François Hollande : Pourquoi les sénateurs échapperaient-ils à ce dispositif ? À eux de prendre leurs responsabilités devant l’opinion publique.

Sud Ouest : Souhaitez-vous limiter la durée de tous les mandats à cinq ans ?

François Hollande : Oui, mais dans une deuxième étape. Il ne faut pas tout mélanger. À chaque jour suffit sa peine !

Sud Ouest : Vous serez sans doute, après le congrès de Brest, le premier secrétaire en titre du PS. N’est-ce pas un rôle ingrat ?

François Hollande : C’est un rôle difficile à tenir, mais exaltant. Il n’y a pas de démocratie forte sans partis politiques ouverts et vivants. Et il n’y a pas de plus beau mandat pour un socialiste que de diriger son parti et d’accompagner le changement. Certes, les socialistes sont des gens parfois tumultueux, âpres au débat, n’échappant pas aux rivalités personnelles. Mais je crois qu’ils ont beaucoup mûri et tiré les leçons de leurs erreurs passées.


Date : samedi 20 septembre 1997
Source : Le Progrès

Le Progrès : Comprenez-vous que certains s’y perdent un peu, entre « 35 heures payées 39 » et « réduction du temps de travail sans baisse de salaire » ?

François Hollande : Le Gouvernement veut une réduction de la durée du travail progressive, à 35 heures, par la négociation, sans perte de rémunération – voilà pour les principes. Réduire le temps de travail permettra de créer des emplois ; à 35 heures, car c’est l’objectif le plus réaliste à moyen terme ; par la négociation, pour l’adapter aux situations concrètes ; avec une loi-cadre, pour fixer un terme à la négociation ; enfin sans perte de rémunération, pour ne pas freiner la consommation et la croissance.

Le Progrès : Il n’y aura donc aucune perte de pouvoir d’achat ?

François Hollande : Oui, c’est notre objectif. Il faudra sans doute que l’État accompagne ce processus, et qu’il y ait un accord de modération salariale entre partenaires sociaux.

Le Progrès : Que veut dire « modération » ?

François Hollande : Cela veut dire sortir de la stagnation qui est depuis des années la règle pour les salariés, et sans contrepartie ! Le pacte que nous souhaitons passer avec les Français, c’est des emplois en plus, du temps libre supplémentaire, et pendant quelques années une relation sociale stabilisée en matière de salaires. De plus, le Gouvernement tient compte des attentes en matière de salaires avec le basculement des cotisations maladie sur la CSG, qui va donner 1,1 à 1,2 % de pouvoir d’achat supplémentaire aux salariés.

Le Progrès : 35 heures « à moyen terme », cela veut dire quand ?

François Hollande : Cinq ans, c’est trop long pour créer des emplois. Un an, c’est trop court pour la négociation… Il reviendra à la loi-cadre de fixer le terme de la négociation qui fera passer à 35 heures la durée légale de la semaine de travail.

Le Progrès : Le débat sur ce thème a été vif, au sein du Parti socialiste. Est-ce une bonne chose ?

François Hollande : Le débat dans le parti est souhaitable – je n’ai d’ailleurs pas besoin de le souhaiter pour qu’il lève tout seul ! Mais il faut que la cohésion et la cohérence en sortent renforcées : nous devons aider le Gouvernement à améliorer ses textes, ne pas le gêner, ni le contredire ou l’entraver. Aussi, quand des socialistes (la gauche socialiste – NDLR), même très minoritaires, s’emploient à faire entendre une voie d’opposition au Gouvernement, je ne peux pas être d’accord.

Le Progrès : Vous serez élu en novembre premier secrétaire du Parti socialiste avec une score qui risque d’être écrasant…

François Hollande : Ne préjugez jamais du résultat d’une élection ! Le principe de l’élection de tous les responsables du parti est très important. Et je veux prolonger cette ouverture démocratique pour tous les débats de fond : je proposerai au congrès que nous puissions organiser dans le parti des conventions, où nous débattrons par exemple du secteur public ou de la démocratie locale, et qui permettront aux militants de voter sur des orientations. Nos propositions auront d’autant plus de poids qu’elles bénéficieront de cette légitimité démocratique, et ce sera la meilleure manière pour le parti d’influer sur le rythme du changement, de montrer à l’occasion la voie au Gouvernement.

Le Progrès : On a présenté Lionel Jospin comme « l’héritier rebelle » de François Mitterrand. Serez-vous l’héritier rebelle de Lionel Jospin ?

François Hollande : Je ne suis pas héritier, car Lionel Jospin est dans l’action, et sa succession n’est pas ouverte. Et puis je ne suis pas par nature rebelle. Ma conviction est que l’on peut exister en étant tout simplement soi-même.


Date : dimanche 21 septembre 1997
Source : Grand jury RTL/Le Monde

Les trente-cinq heures

(…) Le Slogan que nous avons toujours utilisé, c’est celui du passage progressif aux trente-cinq heures de travail sans perte de rémunération (…). Il est vrai que trente-cinq heures payées trente-neuf tout de suite n’a jamais été notre mot d’ordre, parce que nous n’avons jamais pensé qu’il était possible pour l’économie française de supporter en un seul coup, brutalement, sans négociation, le passage aux trente-cinq heures sans perte de salaire. C’est pourquoi nous avons dit qu’il faudra y aller progressivement, dans le cadre d’une grande négociation, et c’est le sens de celle qui va s’ouvrir le 10 octobre. (…) Enfin, il faudra une loi-cadre pour fixer la date butoir, afin d’éviter que le patronat ne gagne du temps (…), pour empêcher finalement la négociation de voir le jour.

Question : Et si on passait aux trente-deux heures ?

François Hollande : Nous avons dit que s’il était possible d’aller jusqu’aux trente-deux heures, à la semaine de quatre jours, cela ne pouvait se faire que par des accords allant plus loin que la future loi relative aux trente-cinq heures et que, à ce moment-là, c’était aux partenaires sociaux de négocier les termes de ces accords. (…)

Question : Et pour les fonctionnaires ?

François Hollande : (…) Pour les fonctionnaires, ce sera l’objet d’une autre négociation avec les partenaires sociaux de la fonction publique. (…) Mais la priorité doit être donnée au secteur privé car c’est là que les créations d’emplois peuvent être les plus nombreuses. (…) C’est surtout la création d’emplois qui est notre souci principal.

Temps de travail : loi-cadre et/ou négociations

Question : N’allez-vous pas refaire comme en 1982 et y aura-t-il une loi-cadre ?

François Hollande : Nous n’allons pas refaire 1982. (…) Nous savons ce qu’il ne faut pas faire. Voilà pourquoi nous avons dit qu’il y aurait des négociations. Celles-ci sont la condition même de l’organisation de ce que vous appelez la compensation pour qu’il n’y ait pas de perte de rémunération et de l’adaptation du secteur économique à cette nouvelle donne. Mais il faut aussi une loi-cadre, car s’il n’y en a pas une à un moment donné du processus, on peut craindre que la discussion (…) ne se conclue pas. Il ne serait bon ni pour les entreprises ni pour les salariés que la négociation reste finalement sans contenu. Voilà pourquoi il faut, à un moment donné, fixer une date butoir pour la mise en place de cette durée légale du travail, qui devra à termes être de trente-cinq heures.

Question : En l’an 2000 ?

François Hollande : (…) Symboliquement, le passage aux trente-cinq heures au début du siècle prochain constituerait un signe important. (…)
Le Gouvernement peut favoriser la bonne tenue de la négociation. Il a d’ailleurs déjà commencé à le faire : en augmentant la CSG, qui va permettre de diminuer les cotisations sociales et donc de favoriser la création du pouvoir d’achat supplémentaire pour tous les salariés, le Gouvernement a favorisé la négociation qui va s’ouvrir.

Question : Comment s’articulent la loi et les négociations ?

François Hollande : (…) Je pense qu’il faut d’abord laisser la place à la négociation. Il faut que le 10 octobre le principe d’une ouverture des discussions sur le temps de travail soit l’aboutissement de la conférence. Ensuite, il faut que la discussion se tienne. Enfin, lorsque la discussion aura suffisamment avancé, la loi-cadre pourra intervenir.

Augmentation de la CSG

François Hollande : (…) Depuis une décennie, les prélèvements obligatoires ne cessent d’augmenter. (…) Ne laissons pas penser que l’introduction de la CSG va être le début d’une augmentation d’impôts. Les augmentations d’impôts, elles ont déjà eu lieu, notamment avec Édouard Balladur et Alain Juppé.
Ce que nous souhaitons, c’est avoir un système de prélèvements plus juste (…) et maîtriser de façon non comptable les dépenses de santé. Ce que nous avons voulu avec la CSG, c’est que les salariés (…) soient bénéficiaires. Ils vont l’être, puisqu’ils vont gagner environ 1 % de pouvoir d’achat l’an prochain. Nous avons voulu aussi que le financement de la Sécurité sociale ne soit pas seulement assis sur les revenus du travail, ce qui est la situation actuelle, mais touche également les revenus du capital. (…) Les retraités, les chômeurs et les fonctionnaires, qui auraient pu être inquiétés, souvent inutilement, ne seront en aucune façon lésés par le mécanisme de la CSG.

Le plan Juppé est-il conservé ?

François Hollande : Le plan Juppé était une attaque en règle contre les régimes de retraite et notamment contre le secteur public. (…) C’est un objectif que nous ne reprenons pas.
Le deuxième objectif Juppé, c’était d’augmenter les prélèvements sur tous les Français. Rappelez-vous la création du RDS. (…) Nous avions dit qu’un tel système de prélèvements ne pouvait pas avoir notre accord. Pour l’instant, on en hérite.
On hérite aussi de déficits très importants. Du plan Juppé, on a eu tous les défauts, y compris le déficit final : 80 milliards de francs restent aujourd’hui non couverts. (…)
En ce qui concerne la maîtrise des dépenses de santé, si elle se fait de façon non comptable, (…) sur le seul terrain médical, alors, pourquoi pas ?
Notre avis sur le plan Juppé avait été un avis à la fois d’hostilité par rapport à un système injuste, de scepticisme par rapport à son action en termes de lutte contre les déficits, et de méfiance par rapport à une maîtrise des dépenses de santé qui ne nous paraissait pas être bien engagée.
(…) Nicole Notat a toujours approuvé le plan Juppé. Qu’elle exprime le vœu que ce plan continue dans les même formes (…), je peux le comprendre.

Fiscalité : travail et épargne

François Hollande : (…) Est-ce que les classes moyennes dans ce pays font des placements dans les départements et territoires d’outre-mer pour devenir non imposables ? (…) Appelle-t-on classes moyennes ceux ou celles qui investissent dans les navires de commerce jusqu’à devenir non imposables ? (…) S’agit-il de celles et de ceux qui emploient des personnels de maison (…) et qui arrivent à déduire de leurs impôts (…) jusqu’à 45 000 francs ? (…) Je ne crois pas qu’il s’agisse de comportements de classes moyennes.
S’agissant du plafonnement des allocations familiales, il toucherait 400 000 familles (…), mais il y a tout de même vingt millions de ménages dans ce pays ! Quant à l’allocation de garde d’enfants à domicile, elle concerne 66 000 bénéficiaires. (…)
Aujourd’hui, ceux qui crient le plus, ce sont les classes les plus aisées – d’ailleurs, ce n’est pas tout à fait étonnant que la droite française les défende –, ce sont les plus favorisés de notre pays (…).
Ce sont les vraies classes moyennes qui vont être bénéficiaires de l’augmentation de la CSG, qui permettra de réduire très significativement les cotisations maladie, de l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, de l’amélioration des aides au logement. Les classes favorisées, c’est vrai, vont payer davantage.
Il va y avoir un rééquilibrage entre la fiscalité sur le travail et la fiscalité sur le capital. C’est pour cela que ça va beaucoup crier. (…) Les détenteurs de capitaux font du bruit plus que d’autres. (…)
Il est envisagé de rendre davantage imposable l’assurance-vie, (…) car il arrive que certaines fortunes placées en assurances-vie soient exonérées de droits de succession. (…)
Aujourd’hui, certains produits financiers permettent de gagner 4 à 5 % de pouvoir d’achat par an. Est-il illogique de prendre 1 % sur ces 4 ou 5 % de pouvoir d’achat supplémentaire ? (…) Nous, nous pensons que c’est l’équité.
On nous avait beaucoup reproché, de 1988 à 1993, de ne pas avoir assez appréhendé les revenus du capital. Eh bien, nous allons le faire cette fois-ci. (…)

La gauche et les familles

François Hollande : Il y a un projet familial de gauche. (…) Les allocations familiales pourraient être délivrées dès le premier enfant. (…) Nous souhaitons que les familles moyennes aient davantage d’allocations familiales. Le quadruplement de l’entrée scolaire s’inscrit dans ce projet. (…) En revanche, il ne nous paraît pas souhaitable de maintenir ce type de prestations pour les familles pour qui les allocations familiales sont de l’argent de poche. (…)
Il faut favoriser la natalité mais, en même temps, il faut redistribuer les aides aux familles qui en ont le plus besoin. (…)
Effectivement, la mise sous condition de ressources (…) ébranle les privilèges fiscaux et les privilèges qui consistent pour certaines familles à bénéficier d’allocations alors qu’elles n’en ont pas besoin.

Question : Que dites-vous aux familles des classes moyennes ?

François Hollande : (…) Le basculement des cotisations sociales vers la CSG va créer du pouvoir d’achat supplémentaire. (…)
En ce qui concerne le plafonnement des allocations familiales, Martine Aubry réfléchit à un système permettant d’éviter les effets de couperet, (…), les effets de seuil. (…) Il ne faudrait pas qu’un mécanisme trop brutal décourage l’un des deux parents à travailler.

L’Euro

François Hollande : Le Parti communiste n’a pas changé d’attitude par rapport à l’Euro. Il est sceptique, c’est le moins que l’on puisse dire. Il ne s’est pas nécessairement rallié à cet objectif. Mais c’est le nôtre. Lionel Jospin, lorsqu’il a constitué le Gouvernement, a clairement annoncé que le Gouvernement français respecterait ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens et ferait l’euro à la date prévue. Nul n’est pris en traître. (…) Je ne crois pas que cette question nuise à la solidarité gouvernementale.

Question : Mais le Parti communiste demande un référendum sur cette question.

François Hollande : Le référendum est une décision présidentielle. (…)

La majorité plurielle

François Hollande : (…) Aujourd’hui, il y a une cohésion de la majorité. (…) Nous avons voté tous ensemble le plan pour l’emploi des jeunes. (…) Sur l’ensemble des grands textes et des grandes orientations, la cohésion de la majorité ne fait pas de doute. Je m’en félicite, car je crois que ce qui a fait notre succès le 1er Juin, c’est le rassemblement de toutes les composantes de la gauche. (…)
Quand on participe à un gouvernement, à un travail collectif (…), on comprend peut-être mieux la réalité que quand on est dans l’opposition. (…) J’essaie d’associer chaque militant socialiste aux décisions qui sont prises. (…)
Ce qui me frappe beaucoup (…), c’est que les Français, quelle que soit leur sensibilité politique, (…) ont envie que cela réussisse. (…) C’est pourquoi l’esprit est aussi bon dans la majorité. (…)
Un gouvernement, c’est un compromis. (…) On ne fait pas ce qu’il y a de mieux pour les écologistes, pour les socialistes et pour les communistes, on fait ce qu’il y a de mieux pour le pays et rien que pour le pays. (…)

La conférence nationale

François Hollande : (…) Le patronat doit prendre conscience de sa propre responsabilité. (…) Il doit être amené à reconsidérer sa frilosité.
(…) La conférence du 10 octobre va lancer un certain nombre de négociation. (…) En plus de la négociation sur le temps de travail, il faut aussi qu’il y ait une négociation, et l’État devra sans doute accompagner le mouvement, y compris au plan financier, sur le volet formation et insertion des jeunes dans l’entreprise. (…)
Et puis, une troisième négociation devrait également suivre la conférence, c’est celle sur le départ en retraite de ceux qui ont quarante annuités pour la Sécurité sociale. Ceux qui ont travaillé longtemps devraient obtenir une couverture sociale, bien sûr, et puis aussi une indemnité qui corresponde, grosso modo, à une retraite pour les accompagner jusqu’à la retraite légale de façon à ce qu’ils laissent la place à un jeune. (…) Je dis nettement, au nom des socialistes, que nous souhaitons que l’État accompagne ce processus, même si les partenaires sociaux devront, sans doute dans le cadre de l’UNEDIC, faire un effort. (…)

L’opposition et le plan emplois-jeunes

François Hollande : Je voudrais remercier les 33 députés qui ont voté le texte Aubry : ils ont fait prévaloir uniquement des motifs d’intérêt général. Et je voudrais blâmer les autres : je trouve ahurissant, absurde que des députés (…) aient voté contre un texte qui va créer des emplois dans l’ensemble du territoire. (…) Les Français doivent savoir qu’une trentaine de glorieux parlementaires de droite ont suivi la majorité. (…)

L’immigration

François Hollande : L’objectif du Gouvernement (…) est de rétablir les droits qui ont été froissés, abîmés par les lois Pasqua-Debré-Méhaignerie (…) et en même temps de continuer à lutter, sans doute plus efficacement que par le passé, contre l’immigration clandestine. (…) Les associations s’intéressent au premier volet, mais oublient le second. (…)
Aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, les groupes parlementaires (…) vont jouer leur rôle. Sur certaines dispositions, par exemple la durée de rétention (…), des corrections seront apportées par les parlementaires. Je sais que Lionel Jospin y est ouvert. (…)
Le rôle de Lionel Jospin n’est pas de contenter formellement des associations ou des particuliers, c’est de régler concrètement les problèmes des immigrés qui sont aujourd’hui bafoués dans leurs droits. (…) Pour nous, socialistes, il ne s’agit pas de se payer de mots.

Pourquoi la droite a-t-elle perdu les élections ?

François Hollande : Je ne suis pas sûr qu’Édouard Balladur et ses amis de l’opposition, Philippe Séguin en tête, aient bien analysé la cause de la défaite qu’ils ont subie le 1er juin. (…) Ils pensent qu’ils n’ont pas été assez à droite, assez libéraux (…). Je pense, moi, qu’ils ont perdu parce qu’ils ont fait une politique très à droite, très libérale. S’ils pensent s’en sortir par une accentuation de la politique qui a été récusée par les Français, on ne va pas s’en plaindre ! (…) Dans une certaine mesure, le gaullisme s’est dissous dans le libéralisme. (…)

La limitation du cumul des mandats.

François Hollande : (…) Je pensais que vous alliez me dire : pour contourner l’obstacle des sénateurs, est-ce qu’il ne faut pas que le président de la République prenne l’initiative d’un référendum ? Pourquoi pas ? (…) Le président de la République, le 14 juillet (…), a notamment dit qu’il était favorable à une vraie limitation du cumul des mandats. Si le Sénat bloque, il pourra toujours, lui, débloquer. (…)
Nous avons le souci de limiter le cumul des mandats à une fonction parlementaire et à une fonction locale dès lors qu’il ne s’agit pas d’un exécutif. (…) J’ai vu que les premiers à crier étaient les premiers concernés : Messieurs Bayrou, Pasqua et Monory. (…) C’est qu’on a dû toucher juste !
(…) Lionel Jospin propose le texte, à nous de donner le rythme.

Les débats au sein du Parti socialiste

François Hollande : Nous sommes un parti de débats. (…) Nous avons la volonté d’associer le Parti socialiste lors de son congrès aux décisions qui ont être prises ou qui pourraient l’être dans les prochains mois ou les prochaines années. (…)

Question : Et vos amis de la gauche socialiste, sont-ils près de la sortie ?

François Hollande : On se met près de la porte si on veut sortir plus vite ! (…) Mais ce n’est pas comme cela que nous voulons les considérer. Nous voulons qu’il y ait un débat, mais non que ce débat prenne la forme d’une opposition au Gouvernement. (…) Les militants socialistes comprendraient mal que le débat tourne simplement à une contestation de ce qui se fait. (…) Je pense qu’ils reprendront leurs esprits par rapport à un débat qui doit se nourrir de nos richesses et surtout pas nous ramener à nos divisions anciennes. Je ne crois pas que le péril soit très grand. (…)


Date : 26 septembre 1997
Source : l’Hebdo des Socialistes

Emploi et justice sociale

Le projet de budget pour 1998 correspond à une double priorité : l’emploi et la réduction des inégalités. À travers la création du dispositif en faveur de l’emploi des jeunes, le maintien d’un niveau de dépenses publiques compatible avec nos engagements européens, et le soutien de l’activité économique (baisse de la TVA sur le logement social, déduction d’impôt pour l’entretien de la résidence principale, quadruplement de l’allocation de rentrée scolaire), le budget accompagne la reprise de la croissance : il ne commet pas la même erreur que le gouvernement Juppé, qui par une politique de prélèvement inconsidérés de près de 120 milliards, avait asphyxié la consommation.

Par ailleurs, ce projet de budget permet d’améliorer la vie quotidienne des Français en faisant porter l’effort sur l’éducation nationale, la justice, la sécurité, la culture, le logement social.

Enfin, la droite, soutenue par Jacques Chirac prétend que les impôts augmentent alors que la pression fiscale est stabilisée et que l’effort n’est demandé qu’aux hauts patrimoines qui bénéficiaient jusque-là des moyens d’échapper anormalement à l’impôt et à sa progressivité. Quant aux familles, elles recevront davantage grâce au quadruplement de l’allocation de rentrée scolaire et aux 8 milliards déployés pour l’emploi des jeunes. Seules, 0,25 % des familles seront touchées par les mesures concernant les emplois familiaux.

Le Parti socialistes partage donc la triple préoccupation affichée par le Gouvernement :
- renforcer les solidarités grâce à une politique plus redistributive ;
- opérer un rééquilibrage progressif entre les revenus du travail et ceux du capital ;
- favoriser l’emploi, instrument décisif de la relance de la croissance économique et du retour à la confiance.