Déclaration de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur le recrutement et la formation des agents de la fonction publique territoriale, sur le fonctionnement des centres de gestion de la fonction publique territoriale, et sur le contenu de la mission de M. Rémy Schwartz, Paris le 27 octobre 1997.

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  • Émile Zuccarelli - Ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation

Circonstance : Assemblée générale de l'Union des centres de gestion à Paris le 27 octobre 1997

Texte intégral

Monsieur le président de l'Union nationale, Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux que votre assemblée générale me donne l'occasion de concrétiser la volonté de concertation que j'ai exprimé, dès le 3 juillet, devant le conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

La construction statutaire et institutionnelle de la fonction publique territoriale est désormais stabilisée. Je n'entends pas la bouleverser car j'ai la conviction qu'une bonne gestion de cette fonction publique doit aujourd'hui s'appuyer sur une appréhension concrète de ses difficultés de fonctionnement et se traduire par des mesures dont l'impact aura été correctement évalué.

1. C’est dans cet esprit que j'ai décidé, en parfait accord avec Monsieur Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, de confier à Monsieur Schwartz, maître des requêtes du Conseil d'État, une mission d'étude sur la fonction publique territoriale.

Je souhaite, dans ce cadre, poser en des termes objectifs et concertés, les problèmes du recrutement et de l'organisation de la formation qui en découle.

Cette mesure recoupe très largement le souhait que vous avez exprimé, Monsieur le président, de contribuer à une réflexion sur l'organisation des concours et sur les mécanismes de recrutement des agents.

Votre contribution à cette étude nous sera précieuse car si la compétence, sur ces matières, relève du pouvoir réglementaire, le gouvernement entend préparer les évolutions qui lui seront proposées dans la plus complète concertation.

En dépit des améliorations apportées par la loi du 27 décembre 1994, les collectivités locales éprouvent en effet des difficultés persistantes pour recruter les agents dont elles ont besoin.

Dès lors, il convient de s'interroger à la fois sur les règles de répartition de l'organisation des concours et sur leur adaptation aux besoins des employeurs locaux.

En ce qui concerne l'organisation des concours, la loi du 27 décembre 1994 a renforcé le rôle des centres de gestion en procédant à la décentralisation des concours et examens professionnels de 15 cadres d'emplois de catégorie A et B.

La question du transfert de ressources du CNFPT vers le centre de gestion a pu trouver une solution équitable grâce à l'accord des parties. Je me réjouis de l'issue heureuse du débat qui a précédé cet accord car je crois que le CNFPT et les centres de gestion doivent mieux organiser leur complémentarité. Nous ne devons pas nous inscrire dans une logique de concurrence mais dans une logique de complémentarité au service des élus et des agents publics.

Faut-il aller plus loin dans la clarification en décentralisant de nouveaux concours vers les centres de gestion ? Chacun pense, bien entendu, au concours de technicien, par analogie avec celui de rédacteur.

Cette question sera de toute évidence évoquée dans le cadre de la mission confiée à Monsieur Schwartz, mais une réponse judicieuse ne pourra lui être apportée qu'au terme d'un bilan de la décentralisation des concours qui n'est opérationnelle que depuis la fin de l'année 1995.

En tout état de cause, une nouvelle répartition des compétences en matière d'organisation des concours ne pourrait intervenir que si les conditions d'un large consensus se trouvaient réunis.

L'adaptation des textes relatifs à l'organisation des concours recouvre un double problème :
- la nécessité d'une simplification ;
- l'exigence d'une meilleure adaptation des concours aux profils de postes ou aux spécialités.

Les travaux engagés par la DGCL pour corriger les imperfections et combler les lacunes des textes devront être poursuivis en concertation avec vous, mais également avec le CNFPT.

Toutefois, il est question qu'ils ont d'ores et déjà permis de soulever constituent par définition une dimension essentielle du travail confié à Monsieur Schwartz. Elles devront donc, dans les quatre prochains mois, être abordées dans ce cadre qui vous offrira les mêmes garanties de concertation. Dès le début de l'année prochaine, sur la base des conclusions de Monsieur Schwartz, la concertation institutionnelle se poursuivra en disposant d'un cadre conceptuel renouvelé.

L'effort d'adaptation des textes à la réalité des besoins des services publics locaux doit notamment tirer les conséquences de l'apparition de nouveaux métiers. Souvent, pour faire face à ces nouveaux métiers, je pense par exemple aux métiers de l'environnement, des élus me demandent d'assouplir les conditions de recours aux agents contractuels.

Ma préférence est plutôt dirigée vers l'adaptation des cadres d'emploi à ces nouveaux métiers. La réflexion concertée qui va s'amorcer permettra de procéder à l'identification des besoins et de proposer la création des spécialités susceptibles d'y répondre dans le cadre d'une fonction publique de carrière.

Enfin, j'ai demandé à Monsieur Schwartz de consacrer une partie de son rapport à l'étude des déroulements de carrière. La question des quotas, maintes fois évoquée par mes interlocuteurs depuis mon arrivée au ministère, mérite en effet d'être abordée avec sérieux et responsabilité. L'achèvement de la construction statutaire, mais également le constat de difficultés réelles, rendent nécessaire un approfondissement de la réflexion.

Pour autant, je ne m'inscris pas dans une perspective de suppression qui serait contraire aux principes de parité et d'unité des fonctions publiques. C'est, bien au contraire, dans la direction d'un aménagement des modalités de calcul des quotas qu'il nous faudra travailler ensemble.

2. Au-delà de ce vaste travail d'investigation et de proposition, je souhaite évoquer devant vous quelques grands dossiers qui vous concernent et qui me tiennent à cœur.

Le dossier de la mobilité est, avec celui du recrutement, le dossier que je souhaite faire progresser en priorité.

Le diagnostic est sans appel : alors que le statut général fait de la mobilité une garantie fondamentale de la carrière des fonctionnaires, la pratique de la mobilité est notoirement insuffisante.

Cette insuffisance peut être constatée à l'intérieur de chaque fonction publique. Elle est toutefois plus manifeste encore entre les fonctions publiques.

Je compte demander très prochainement à un haut fonctionnaire de procéder à un bilan des règles juridiques qui régissent l'organisation de la mobilité et à une étude des pratiques et des obstacles de toute nature qui en contrarient le développement.

Cette réflexion ne concernera donc pas la seule fonction publique territoriale car, s'il existe des difficultés propres à la mobilité à l'intérieur de cette fonction publique, qui doivent être étudiées, la mobilité concerne bien les trois fonctions publiques. Je souhaite faire progresser cette idée, en souligner les avantages pour l'ensemble des administrations et en impulser la traduction concrète.

Sur le plan de la gestion statutaire, la loi du 27 décembre 1997 a conforté le rôle des centres de gestion.

Cette rationalisation était nécessaire pour accroître l'efficacité du mode de gestion de la fonction publique territoriale.

Des progrès ont été accompli dans le sens d'une mutualisation de la gestion.

Le relèvement du seuil d'affiliation obligatoire à 350 agents a concerné 7 000 collectivités nouvelles et permis de résoudre une partie des problèmes de déroulement de carrière. Il est possible à cet égard de s'interroger sur l'opportunité d'une nouvelle extension de la gestion mutualisée dans le sens des conclusions du rapport Rigaudiat.

Pour ma part, je souhaite que le nombre des adhésions volontaires puisse augmenter car il est de l'intérêt des collectivités de travailler avec des établissements publics qui ont affirmé leur légitimité professionnelle sur le terrain de la gestion de personnel. Le dialogue et la conscience de l'intérêt d'une adhésion volontaire sont suffisamment forts pour progresser.

Par ailleurs, les centres de gestion ont intérêt à développer une politique de conventionnement entre eux. L'assiette de calcul des quotas peut, dans ce cadre, être élargie en fonction des besoins constatés localement.

Chacun doit avoir conscience qu'à côté des mécanismes contraignants, l'adhésion volontaire et le conventionnement peuvent aider à résoudre nombre de problèmes dans la gestion de la fonction publique territoriale.

Pour ma part, je vous encourage vivement à développer ces pratiques de dialogue et de contractualisation qui traduisent la maturation du mode de gestion de la fonction publique territoriale.

Dans un certain nombre de centres de gestion, des services communs d'assistance administrative, technique ou informatique ou architecturale ont été maintenus, par héritage des syndicats antérieurs, ou développés. Ces activités suscitent une opposition dans certains milieux professionnels. Les contentieux récents n'ont pourtant pas tranché la question de fond de la compétence des centres de gestion pour développer des services non directement liés à la gestion de personnel.

Nous nous trouvons donc aujourd'hui face à un problème complexe dont les données doivent être clarifiées dans un climat dépassionné.

À ce stade de la concertation, je crois nécessaire de préciser mon état d'esprit sur ce dossier.

Le principe de spécialité, dans un domaine où vos compétences sont reconnues es appréciées de tous ne doit pas être perdu de vue. Je dirais même qu'il doit prévaloir sur tout autre champ de compétence qui ne peut qu’être accessoire.

L'extension des missions des centres de gestion au-delà des questions de gestion de personnel présenterait à mon sens le risque de les transformer à terme en établissement de coopération intercommunale, ce qui brouillerait quelque peu leur image.

En effet, les communes désireuses de disposer de services communs peuvent dès maintenant en décider la création par d'autres voies. De larges possibilités leur sont par ailleurs offertes en matière de recours à des agents à temps non complet.

Demeure toutefois posée la question des services existants. C'est pourquoi, je souhaite que nous approfondissions la concertation sur ce point afin de consolider les situations existantes de façon pragmatique en commençant par une évaluation de la nature et de l'importance des services communs existants.

Le financement des compétences des centres de gestion est actuellement l'objet d'un débat qui découle en partie des difficultés financières de certains centres confrontés au poids des prises en charge d’agents dont l'emploi a été supprimé.

Ce débat, que je n'esquiverai pas, mérite à la fois un complément d'expertise et de concertation.

Parmi les problèmes qui se posent, la question de principe d'une éventuelle cotisation prélevée auprès des collectivités et établissements non affiliés pour l'exercice de vos missions obligatoires doit être abordée en concertation avec vous, mais également avec les associations d'élus. La création d'un prélèvement complémentaire ne peut en effet être envisagée sans un très large accord quant à son opportunité et quant à son niveau.

Enfin, en ce qui concerne l'évolution du droit syndical, vous m'avez fait part de votre souhait d'être mieux associé à la préparation des mesures susceptibles d'être adoptées. Je vous ai entendu et vous invite, dans les semaines qui viennent, à exprimer votre point de vue dans le cadre d'un groupe de travail animée par la DGCL.

Je tenais à vous faire part de mon sentiment sur ces questions, dont je sais qu'elles vous préoccupent à juste titre.

Dans le respect des grands principes de la fonction publique, vous me trouverez toujours à l'écoute et toujours disposé, sous réserve que les problèmes soient posés en termes objectifs, à étudier avec vous les solutions qu'ils appellent.

Nous pourrons ainsi contribuer ensemble à la meilleure gestion possible de la construction statutaire.