Texte intégral
La croix
Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas suivi les recommandations du comité des taux réglementés qui pronostiquait une baisse plus importante de la rémunération du Livret A ?
Louis Besson
– Le Gouvernement, soucieux des détenteurs de ce type d’épargne, souvent qualifiée de populaire, a souhaité garder une attractivité à cette forme de placement.
La croix
– Les HLM se finançant sur les fonds du Livret A, n’auriez-vous pas souhaité personnellement une baisse du taux plus importante (1) ?
Louis Besson
– En abaissant néanmoins sa rémunération à 2,25 %, le Gouvernement s’est montré soucieux de maîtriser la collecte nécessaire au financement du logement social. Il me semble qu’il y a là un bon compromis entre l’économique et le social.
La croix
– Le rapport annuel du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, publié mardi, déplore cependant un manque criant d’habitations à loyer modéré.
Louis Besson
– Ce rapport met l’accent sur plusieurs réalités que nous connaissons bien et que nous combattons. Et en premier lieu sur l’insuffisance de la production de logements HLM, qui a commencé à baisser il y a quatre ans. Cette chute est évaluée en moyenne à 8 000 logements par an, soit un total de 30 000 sur quatre ans, ce qui est considérable.
La baisse des taux annoncée hier est une façon d’alléger les comptes des organismes HLM. Par ailleurs, le rétablissement d’une actualisation régulière du barème des aides au logement a d’ores et déjà représenté depuis 1997 quelque 5 milliards de francs de prestations supplémentaires. Le Gouvernement a aussi décidé de « rebudgétiser » le financement du prêt à taux zéro, ce qui libérerait progressivement les fonds du 1 % logement pour financer les habitations à loyer modéré.
Enfin, nous avons annoncé hier trois décisions financières majeures : l’allégement du poids de la dette des organismes HLM ; l’allégement du coût des prêts nouveaux, et le rétablissement d’une aide à la pierre sous forme d’une subvention de 5 % pour les constructions neuves et de 10 % pour les acquisitions-améliorations. Nous allons répondre en outre à une demande de simplification des organismes HLM en regroupant le PLA (prêt locatif) et le PLA à loyer minoré sous un prêt unique qui s’appellera le prêt locatif à usage social, le PLUS (voir détails ci-dessus).
La croix
– Ce ne sont pas les premiers dispositifs en faveur du logement social. Et pourtant, la situation ne s’arrange guère.
Louis Besson
– Je crois en tout cas que nous aurons fait le tour de toutes les préoccupations des organismes HLM. L’actualisation des barèmes pour la solvabilité des locataires est acquise ; le 1 % va pouvoir dès cette année affecter quelque 5 milliards de francs constructions nouvelles. Avec les produits financiers mis dorénavant à leur disposition, les organismes HLM n’auront jamais été autant aidés par la collectivité. Les mesures prises sont tellement importantes que nous demandons en contrepartie un gel des loyers HLM pendant deux ans.
Nous avons pris en compte les demandes des organismes HLM ; j’ose espérer qu’en retour, ils nous démontreront que les raisons invoquées précédemment pour justifier la régression de la construction locative était bien les vraies raisons et que nous verrons bientôt une relance de la construction.
(1) Les taux d’intérêt des prêts accordés aux organismes sont corrélés au taux de rémunération du Livret A.
DATE : jeudi 22 juillet 1999
France Inter
Le Gouvernement, a baissé à 2,25 % le taux de rémunération du Livret A. Un choix dicté par les conditions économiques, notamment l’absence d’inflation, qui est aussi une décision politique, toujours difficile à prendre. Pour atténuer l’impact négatif d’une mesure bien sûr impopulaire chez les petits épargnants, le Gouvernement a prévu un accompagnement social de grande ampleur. C’est parfois un peu difficile à comprendre, un peu technique mais il y a un lien direct entre le niveau de rémunération de l’épargne et la situation très dégradée du logement social que les fonds du Livret A servent à financer. Or, plus de six millions de personnes vivent en situation de précarité et d’insécurité, 730 000 sont sans logement stable, 45 000 dans des abris de fortune.
France Inter
Est-ce vraiment juste de s’attaquer aux petits avantages des millions d’épargnants ?
Louis Besson
– « Il faut bien voir que nous avons connu de très longues périodes pendant lesquelles l’épargne dite populaire, celle dont nous parlons, était moins rémunérée que le niveau de l’inflation. Mais psychologiquement, avoir 6 % de taux d’intérêt quand l’inflation est à 9 ou 10 %, ça donne encore le sentiment d’être bien rémunéré alors qu’on perd chaque année. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation tout à fait opposée avec une tendance de l’inflation à 0,30 et une rémunération qui était le décuple du niveau de l’inflation. Voilà pourquoi il fallait revenir à une rémunération plus raisonnable puisqu’il y a un lien avec le financement de beaucoup d’activités, à commencer par le logement social. »
France Inter
C’est vrai que le Livret A est rentable depuis une dizaine d’années, mais c’est vrai aussi que ceux qui ont le plus d’argent peuvent prendre plus de risques, à la Bourse par exemple, là, ils risquent de se retrouver un peu coincés.
Louis Besson
– « Ce n’est pas inexact mais il faut employer le mot de risque et il faut aussi bien voir que la véritable épargne populaire est celle que l’on a sous condition de ressources, le LEP. Huit millions de nos concitoyens ont ouvert des livrets d’épargne populaire. Pour ceux-ci, le taux de la rémunération est encore à 4 % et le dépôt autorisé a été porté de 40 000 à 50 000 francs. Pour le Livret A, ce sont 46 millions de titulaires et vous conviendrez avec moi que fort heureusement, notre pays ne compte pas 46 milliards de smicards. »
France Inter
Espérons-le, oui ! En ce qui concerne le logement, c’est vrai qu’il y a des choses très paradoxales. Par exemple, le secteur du logement privé est très dynamique en ce moment mais pas le secteur social ; les mal-logés, les sans-abris, sont toujours aussi nombreux. Le droit au logement a été à plusieurs reprises renforcé et encore dernièrement, il y a eu la loi de lutte contre les exclusions. Il y a des paradoxes qui sont difficiles à comprendre.
Louis Besson
– « Comme vous venez de l’indiquer, les autres segments de la construction marchent bien. L’accession sociale est à des niveaux record, sans doute entre 115 000 et 120 000 logements à ce titre cette année, l’investissement locatif, autour de 50 000, atteint aussi un niveau record. Ce qui est le niveau le plus faible, c’est la production du logement social. Cela résulte bien du poids excessif des taux d’intérêt réels supportés par les organismes HLM. D’où la nécessité de cette mesure puisque sur les quatre dernières années – cela couvre une période suffisamment longue pour qu’on en voie bien la tendance –, la perte annuelle ou la réduction annuelle du nombre de logements construits par le secteur HLM s’est située entre 8 000 et 9 000 logements, donc 30 000 logements en quatre ans. C’est une situation qu’il faut impérativement redresser. »
France Inter
Vous attendez une vraie relance avec ces mesures qui ont été annoncées hier ? Qu’est-ce que ça va donner concrètement ? Plus de logements sociaux ? Plus de rénovation pour les HLM ?
Louis Besson
– « Les besoins dans ce domaine sont énormes. Le haut comité l’a fort justement souligné. Il y a la mobilité de nos salariés qui vont de ville en ville quelquefois pour préserver un emploi. Il y a également le vieillissement de certains quartiers qui appelle des reconstructions, des démolitions. Il y a des jeunes qui accèdent à l’autonomie, qui ont des besoins de logements adaptés à leur situation. La production HLM est donc très urgente, très essentielle pour toutes ces demandes. Je souhaite bien évidemment que les outils financiers, les moyens mis en place, qui répondent assez largement aux attentes des organismes HLM, soient l’occasion pour eux d’une vraie mobilisation efficace et d’une production qui redémarre à un niveau d’intensité suffisant. »
France Inter
30 %, 40 % d’augmentation ?
Louis Besson
– « C’est ce que nous pourrions en tout cas accompagner financièrement du côté de l’État sans aucune difficulté, une croissance d’au moins 40 %. »
France Inter
Parce qu’il faut le dire quand même, le Gouvernement a cédé sur presque toutes les revendications des organisations HLM. Si ça ne marche pas, s’il n’y a pas vraiment un redressement, c’est qu’il y a un problème du côté des HLM.
Louis Besson
– « Oui, mais de ce point de vue, nous avons quelques espoirs. Les HLM étaient effectivement soucieux de la solvabilité des locataires car pendant plusieurs années, le barème des aides au logement avait été bloqué. Nous l’avons non seulement revalorisé mais régulièrement actualisé. Sur ces deux dernières années, c’est quelque 5 milliards de prestations familiales qui ont été versés – les APL. Les organismes HLM redoutaient que la collecte des entreprises, ce que l’on appelle le 1 %, ne soit plus disponible pour faire l’équilibre des opérations lancées par les organismes HLM. Dès cette année, avec l’accord que nous avons conclu en rebudgétisant, en reprenant au budget de l’État le coût de l’accession à la propriété, c’est environ 5 milliards qui seront disponibles pour le secteur locatif HLM, si vous y ajoutez une simplification des produits, un retour de l’aide à la pierre, avec le prêt locatif à usage social que nous avons créé en l’annonçant pas plus tard qu’hier ; si vous y ajoutez également certaines modifications aux barèmes des plafonds de ressources; finalement, c’est sur toute la gamme des difficultés que rencontraient les organismes HLM que des avancées ont été décidées et mises en œuvre par le Gouvernement qui maintenant attend, comme un juste retour, une mobilisation et une production accrue. »
France Inter
Pour ceux qui rêvent d’obtenir une HLM depuis des mois, des années, il y a des choses qui vont changer ? Il y a un élargissement du plafond de ressources, un certain nombre de choses comme ça ?
Louis Besson
– « Il y a effectivement des actualisations de plafonds de ressources qui vont permettre d’élargir l’accès au logement HLM. Mais dans le nouveau produit simplifié que nous avons annoncé hier, avec J.-C. Gayssot et D. Strauss-Kahn, il y a comme je vous l’indiquais, un nouveau prêt plus simplifié, mieux financé : 3,45 %. J’ai beaucoup entendu dire hier que, la baisse du Livret A allait permettre de passer les prêts aux HLM à 3,8, ce n’est pas exact, c’est 3,45 pour le PLUS, le prêt locatif d’usage social et pour les prêts très sociaux, 3,05, ce qui est encore plus bas. À 3,80, c’est la renégociation des prêts antérieurs. C’est compliqué mais il faut donner je crois, toutes ces indications. Ce qui est essentiel dans ce nouveau produit, c’est qu’il nous permet, avec le retour de l’aide à la pierre, de supprimer un système de double plafond qui faisait des ravages. Nous avions à la fois un plafond de ressources qu’il fallait réactualiser, mais nous avions aussi des loyers plafonds qui distinguaient entre le loyer plafond qui servait de base au calcul des allocations logement et le loyer plafond que les organismes HLM étaient autorisés à mettre en recouvrement et qui était plus élevé. Pour les gens les plus modestes, demandeurs de logements HLM, la différence entre ces deux plafonds, évidemment, n’était accompagnée d’aucune aide. Il y avait là un effet très pervers puisque les plus modestes se voyaient interdire l’accès aux logements locatifs neufs et se repliaient sur la partie ancienne du parc HLM. On avait un mécanisme qui était désolant car l’espérance d’accéder à tel ou tel programme s’effondrait pour des habitants qui voulaient par exemple une mutation et qui se retrouvaient captifs dans l’ancien. Et l’ancien accueillait toutes les demandes les plus paupérisées, les plus en difficulté. Quelque part, il y avait un mécanisme fabricant ce que l’on appelle un peu peut-être exagérément un ghetto, mais c’est quand même un peu de cela. La suppression de la différence entre ces deux plafonds a l’immense avantage de supprimer ces inconvénients majeurs. »