Texte intégral
Q - On s'est aperçu, cet été, à partir d'un rapport annuel de votre ministère, que le nombre des fonctionnaires n'a pas cessé d'augmenter depuis le début des années 90. Il y a en gros plus de 5 millions de fonctionnaires en tout et près de 200 000 de plus entre 91 et 96, comme si, quels que soient les gouvernements cette hausse était automatique ?
- « Non, il y a une hausse des fonctionnaires depuis, c'est vrai, de longues années, en particulier depuis le début des années 80. Avec la décentralisation, le nombre des fonctionnaires a augmenté, l'emploi public a augmenté en France. Ça correspond à notre tradition de fort service public. Mais le rapport auquel vous faites allusion prend en compte les données jusqu'en 1996. Et je remarque que cette augmentation que vous indiquiez s'est faite sous la précédente majorité qui avait dit qu'il y avait trop de fonctionnaires, qu'il fallait réduire. Ce qui était d'ailleurs, à mon avis, une erreur considérable parce qu'on a insinué que les fonctionnaires étaient superflus en quelque sorte et que c'était une bonne chose en soi que de réduire le nombre des fonctionnaires. »
Q - Alors que vous, vous dites ?
- « Moi je dis que les fonctionnaires travaillent, qu'ils correspondent à des besoins, que les gens qui stigmatisent le nombre des fonctionnaires en France sont toujours les premiers à réclamer la création de nouveaux postes de fonctionnaires - ils réclament davantage de policiers, davantage de magistrats, davantage d'enseignants, davantage d'infirmières. En fait, les fonctionnaires travaillent, ils sont utiles. Le nombre des fonctionnaires est simplement fonction des capacités du pays. C'est en quelque sorte les grands équilibres dans le pays qui font le nombre de fonctionnaires. »
Q - Mais, pour 99 et 2000, le Premier ministre a fixé un objectif de stabilisation de la fonction publique. C'est possible ?
- « C'est ce que nous faisons. Encore une fois, vous n'avez pas les chiffres récents. Et ce que dit le Gouvernement, ce que dit le Premier ministre c'est : nous allons faire, conjoncturellement - en 97, en 98, en 99, en 2000 - on va faire avec le nombre de fonctionnaires que nous avons. »
Q - Une question précise concernant les personnels des hôpitaux qui font partie de la fonction publique : le Gouvernement va restructurer la carte hospitalière en organisant une complémentarité entre les services d'hôpitaux, les cliniques privées et les médecines de ville. Des établissements publics vont fermer : dans quelle proportion le personnel hospitalier sera-t-il réduit en même temps ?
- « Il ne s'agit pas de réduire, il s'agit, là aussi, de faire au mieux avec les possibilités. Il y a quand même des équilibres, là aussi - sur la Sécurité sociale -, qu'il faut garantir. On va faire au mieux avec les capacités de ce pays, de cette nation. Alors on ne peut pas mettre un hôpital au pied de chaque immeuble. Il faut que nous redéployons les moyens selon un principe d'efficacité et un principe d'équité, et surtout un principe de concertation. »
Q - Et ça ne fera pas de licenciement ?
- « Il n'y a pas de licenciement dans la fonction publique. L'essentiel est de disposer, de déployer les moyens, au mieux - encore une fois - de l'efficacité, de la qualité des services, et de l'équité. Parce qu'on l'a vu, il y a des zones qui sont peut être mieux desservies que d'autres. Et il faut que tout ceci se fasse dans la concertation. »
Q - A propos de concertation, vous avez lancé une discussion sur la baisse du temps de travail dans la fonction publique. « La problématique des 35 heures est très différente du secteur privé » : c'est que ce disait un document du ministère de l'Économie ?
- « Oui, on disait bien qu'on n'est pas dans le même contexte, dans la même problématique économique, ce n'est pas la mécanique des lois Aubry qui va s'appliquer à la fonction publique. En revanche, à partir du moment où il y aurait une norme sociale, nationale qui est 35 heures, il n'y a aucune raison que les fonctionnaires n'en bénéficient pas. S'il y a une avancée sociale vers les 35 heures les fonctionnaires doivent être concernés. Alors on y va, de manière extrêmement sereine, précise, dans la discussion. On établit le rapport Roché pour faire l'état des lieux - parce que la fonction publique c'est quand même très divers et varié… »
Q - C'est ce qu'a prouvé ce rapport : « Très divers ».
- « C'est un constat, mais personne n'a pu le critiquer sur les faits. Et maintenant, avec les partenaires sociaux, nous continuons la discussion. Il va y avoir une première étape, dès la rentrée, qui va fixer pour l'ensemble des fonctions publiques un certain nombre de normes - comme on l'a fait d'ailleurs dans le secteur privé. Et ensuite on va continuer. Après cette étape qui occupera la fin de l'année, on va aller dans des discussions sectorielles, par ministère. »
Q - Mais l'idée d'augmenter la productivité dans la fonction publique c'est…
- « Il y a un mot qu'il ne faut pas prendre en matière de fonction publique, c'est le terme de « rentabilité ». Ça agace parce qu'on dit : « Ah ! Mais on n'est pas dans un contexte d'économie marchande. » En revanche, je ne crains de pas de dire que les fonctionnaires, qui ont des droits, mais qui ont également des devoirs, doivent améliorer leur productivité. C'est à dire être capable d'apporter tous les jours un meilleur service à la population. »
Q - Vous êtes élu de Corse. Y. Colonna, l'assassin présumé du préfet Erignac a reçu, hier, le soutien à tout le moins surprenant de son beau-frère. Est-ce qu'il y a là une volonté de se raccrocher à une tradition de solidarité qui peut exister en Corse ?
- « Les propos n'engagent que celui qui les a prononcés. Y. Colonna est prévenu de l'assassinat du préfet Erignac, il n'a pas à poser de conditions pour sa reddition. De toute façon, il sera recherché et j'espère qu'il sera arrêté le plus rapidement possible. »
Q - Connaissant la société corse et le maquis corse, un homme recherché par la police peut rester en cavale indéfiniment ?
- « Gardons-nous, lorsque l'on parle de la Corse, de clichés. Les clichés font beaucoup de mal à la Corse et on les utilise souvent de manière un peu légère. Il y a eu un changement de donne complet. La Corse, elle rentre dans l'application de la loi républicaine. C'est ce qu'a dit le Premier ministre, c'est le premier volet de la politique du Gouvernement. Et ce qui a été clairement affiché, et que maintenant tout le monde a parfaitement perçu, c'est qu'on ne s'opposera pas à la République. On ne s'opposera pas par la force à l'application de la loi en Corse. Ça a été parfaitement perçu, y compris en interne et en externe. On a vu, cette année, une croissance de la fréquentation touristique spectaculaire, qui est porteuse d'espoir pour l'économie corse. Et le deuxième volet, c'est que ce Gouvernement va aider la Corse à se développer. »
Q - Avec quelques mois de recul, quel bilan vous faites l'action du préfet Bonnet ?
- « Écoutez, là, je crois que vous essayez de m'emmener sur une controverse. On a connu une période de transition, avec ses excès, éventuellement ses dérapages. Mais encore une fois, l'affichage très clair : c'est que, en Corse, la loi doit s'appliquer comme partout ailleurs et à tout le monde. »
Q - Sans controverse, la semaine dernière, le Premier ministre a fait un remaniement qu'on a qualifié de « limité ». Vous êtes satisfait que l'équilibre gouvernemental ait été maintenu, en particulier un radical de gauche, remplace un radical de gauche ?
- « Tout à fait, c'était un point très important pour nous que l'équilibre de la majorité plurielle soit conservé. »
Q - Les Verts n'ont pas tellement…
- « F. Huwart remplace… Les Verts ne sont pas contents, bon je crois qu'ils ont tort de ne pas être contents. Et ce que j'observe, c'est qu'il serait tout à fait injustifié de modifier cet équilibre de la gauche plurielle à l'occasion d'une élection quand même très particulière, qui est l'élection européenne, élection à la proportionnelle intégrale, où on n'émet pas je dirais des votes positifs - et je dirais des votes citoyens - mais on adresse des avertissements. Alors dans ce cas là, c'est un peu facile de faire, je dirais, chemin à part. Si on s'en tenait aux résultats des élections, comment pèserait-on les formations politiques qui n'ont pas choisi de faire bande à part ? Alors est-ce qu'on veut inciter chaque formation à présenter sa liste ? Et après on s'étonnera d'avoir des élections européennes illisibles, avec 15 et 20 listes en compétition. »