Texte intégral
Monsieur le président,
Monsieur le maire,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de participer aux 57e congrès de votre syndicat qui rassemble des femmes et des hommes dont le rôle est essentiel dans la mise en œuvre de la décentralisation.
Or, un approfondissement de la décentralisation est aujourd'hui nécessaire, même si son bilan est très largement positif.
Dès le premier semestre de 1998, je présenterai au Parlement un projet de loi clarifiant les compétences des collectivités locales en matière d'interventions économiques. Il s'agit non pas d'établir des cloisonnements étanches entre l'État et les collectivités, mais d'organiser, dans la clarté, le partenariat nécessaire pour mettre en œuvre des projets d'intérêt commun. Le gouvernement entend ainsi répondre au souci de sécurité juridique que réclament les élus et les agents des collectivités locales.
La réforme de l'intercommunalité constitue le second axe de la politique du gouvernement.
Jean-Pierre Chevènement et moi-même entendons travailler dans quatre grandes directions :
- simplifier le cadre institutionnel en réduisant le nombre de catégories d'établissements publics à fiscalité propre ;
- favoriser l'unification des taux et la mise en commun de la taxe professionnelle dans un plus grand nombre de structures intercommunales ;
- améliorer le cadre des relations financières entre l'État et le groupement ;
- renforcer l'enracinement démocratique des structures intercommunales.
Au cours de l’année 1998, un projet de loi sera déposé pour mettre en œuvre ces orientations attendues par les élus locaux.
Votre compétence et votre disponibilité auprès des élus ont permis de lancer la décentralisation dans les années 1982 et 1983.
L'expérience que vous avez capitalisée pendant ces 15 dernières années constitue, pour les pouvoirs publics, un atout irremplaçable pour améliorer progressivement les règles de fonctionnement des collectivités locales.
À travers les participants à votre congrès, je souhaite rendre hommage à tous les cadres, secrétaires aux directeurs généraux des services des collectivités locales, qui gèrent quotidiennement des services publics de proximité au contact direct des citoyens.
Comme je l'ai rappelé dans mon intervention devant le conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le 8 juillet dernier, je suis attaché, par conviction et par méthode, à la concertation avec les élus et les personnels.
Dans cet esprit, j'ai reçu, peu après, une délégation de votre syndicat et mon cabinet a poursuivi cette démarche d'écoute attentive à plusieurs occasions.
Ma participation à votre congrès représente ainsi une nouvelle étape de la concertation que je veux conduire avec vous. Elle me permettra de vous indiquer ce qui, au regard des nombreux points qui vous préoccupent et que vous venez de soulever, me semble possible ou souhaitable.
Je sais que vous aspirez à remplacer l'appellation de « secrétaire général » de commune par celle de directeur général des services. De fait, même si les textes ne reconnaissent pas encore cette appellation, il n'est pas rare que des élus l'emploient déjà.
C'est donc en concertation étroite avec eux qu'une telle mesure, qui suppose deux modifications législatives est un assez vaste toilettage de textes réglementaires, doit être étudiée. Si je n'y suis pas hostile par principe, force est de reconnaître qu'elle touche davantage au domaine symbolique qu'à celui de l'exercice de vos prérogatives.
Les questions que vous m'avez posées peuvent être regroupées au sein de trois ensembles :
- les questions statutaires et indemnitaires ;
- les problèmes relatifs à la gestion des carrières ;
- les difficultés liées à l'exercice de vos responsabilités.
1. Les questions statutaires et indemnitaires.
Vous souhaitez tout d'abord la création d'un statut d'emploi pour les secrétaires généraux des communes de plus de 3 500 habitants et créer une strate de collectivités de 3 500 à 10 000 habitants alors qu'aujourd'hui les fonctions de secrétaire général ne se trouvent officiellement définies qu'à partir de 5 000 habitants.
Ce seuil de 3 500 habitants est certes l'un des seuils les plus caractéristiques de la vie communale du point de vue des règles de formalisation de la vie démocratique. S'il devenait le nouveau seuil minimal de fonctionnalité, le rôle et le positionnement des membres des cadres d'emplois de secrétaire de mairie et d'attaché vous sembleraient ainsi clarifiés.
Je suis disposé à poursuivre avec vous une réflexion, déjà largement engagée, mais qui doit être complétée sur le fond et dans la forme.
Sur le fond, il m'apparaît indispensable d'analyser le contenu spécifique des fonctions de secrétaire général dans les petites villes et de s'interroger sur les conséquences de l'introduction d'une procédure de décharge de fonctions à ce niveau.
Je tiens par ailleurs à souligner qu’une modification législative, celle de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, serait nécessaire pour aller dans votre sens.
Avant d'envisager cette évolution, une large consultation des élus me semble donc s’imposer. La DGCL étudiera ce dossier dans les prochains mois en procédant à toutes les consultations nécessaires. Sur la base de ce travail, elle me fera des propositions.
Vous avez également abordé le problème des seuils démographiques qui existent pour le recrutement ou la promotion de grade dans certains cadres d'emplois ainsi que pour l'occupation des emplois fonctionnels administratifs de direction.
Vous inspirez notamment à l'abaissement à 40 000 habitants du seuil de recrutement des administrateurs territoriaux, seuil fixé actuellement à 80 000 habitants.
La mise en œuvre d'un tel abaissement général ne serait pas sans risques. La fixation d'un seuil de 40 000 habitants pour l'occupation de l'emploi fonctionnel de secrétaire général a permis, lors de la construction statutaire, de reconnaître clairement l'importance de ces fonctions dans la strate comprise entre 40 000 et 80 000 habitants.
L'abaissement, pour la création des emplois d'administrateur, du seuil démographique de 80 000 à 40 000 habitants, qui est, comme vous le savez, la strate démographique minimale de recrutement des directeurs territoriaux, pourrait avoir un effet déstabilisant sur l'ensemble des cadres d'emplois de catégorie A. J’ajoute que des effets en cascade sur les autres seuils seraient difficilement évitables.
Je rappelle que le statut originel prévoyait, en 1987, un seuil de 100 000 habitants pour le recrutement de base des administrateurs. Dans un souci de simplification, le gouvernement avait déjà abaissé ce seuil à 80 000 habitants en 1989.
Je ne souhaite donc ne pas amorcer un mouvement général qui risquerait de remettre en cause les équilibres atteints par les cadres d'emplois de catégorie A de la fonction publique territoriale.
J'attendrai toutefois les conclusions du rapport que j'ai commandé à Monsieur Rémy Schwartz pour me prononcer définitivement sur ce sujet.
Le troisième grand dossier statutaire est constitué par le positionnement indiciaire des emplois de direction.
Mon message sera très simple et très clair : comme je l'ai déjà annoncé, et même écrit, je soumettrai très prochainement à la discussion interministérielle le projet de décret relatif aux emplois de direction des départements et des régions afin de donner à ces emplois le cadre juridique qui leur fait encore défaut. Je ne reviendrai pas sur les causes de la lenteur qui a présidé à l'élaboration de ce texte, mais je puis vous assurer que je déploierai mes meilleurs efforts pour en permettre l'entrée en vigueur en 1998.
La réévaluation des échelles fonctionnelles de secrétaires généraux, que vous appelez de vos vœux, mérite pour sa part une réflexion approfondie que je n'esquiverai pas mais qui se trouve étroitement corrélée à celle qu'il convient de mener sur l'encadrement supérieur de l'État. Il s'agit d'un dossier complexe, non traité par le gouvernement précédent, sur lequel je réfléchis en ce moment.
Vous avez, par ailleurs, évoqué l'hypothèse d'octroyer une prime de responsabilité à l’un ou à l'ensemble des secrétaires généraux adjoints dans chaque collectivité qui le souhaiterait. Dans la mesure où le montant global à répartir serait budgétairement plafonné et serait cohérent du point de vue de l'organisation de chaque collectivité, ce dossier pourrait être étudié.
Enfin, sur les questions concernant les retraités, la DGCL a procédé à un examen technique avec la direction du budget. Des éléments de réponses à vos préoccupations pourraient être trouvés, mais j'ai bien conscience de leur caractère partiel. La concertation interministérielle va se poursuivre.
2. La gestion des carrières.
Le rapport de Monsieur Rémy Schwartz permettra d'expertiser nombre des questions que vous avez posées à cet égard, notamment celles relatives à la formation. Vous comprendrez donc que je ne vous apporte pas aujourd'hui de réponses définitives sur ces questions. La mission confiée à Monsieur Rémy Schwartz se justifie par l'existence de problèmes récurrents qui n'ont pas encore, malgré les efforts d'expertise déployés, trouvé de solutions satisfaisantes aux yeux de l'ensemble des partenaires de la fonction publique territoriale.
Il importe donc de procéder à un bilan des positions des élus, des représentants des personnels et des institutions de formation et de gestion, puis de mesurer l'impact de leurs propositions, avant de définir les voies et moyens d'une politique permettant de mieux faire vivre le statut comme je l'ai indiqué devant le conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
Vous avez d'ores et déjà évoqué avec Monsieur Schwartz les situations de blocage qui peuvent survenir à la suite d'un détachement sur un emploi fonctionnel.
Vous souhaitez notamment que l'absence de renouvellement d'un détachement arrivé à son terme initial sur un emploi fonctionnel soit assimilée, quant à ses conséquences, à une décharge de fonctions.
Sans préjuger les mesures susceptibles d'être retenues, je crois en effet nécessaire d'étudier les adaptations réglementaires permettant, dans le cas de fin de détachement sur un emploi fonctionnel au terme prévu, d'étudier la possibilité pour le fonctionnaire concerné d’opter pour l'indemnité de licenciement ou le congé spécial. Une harmonisation des conditions d'accès au congé spécial pourrait dans cette perspective être recherchée car il s'agit d'une des mesures réglementaires d'accompagnement susceptibles d'améliorer le traitement de situations difficiles.
L'essentiel, dans la gestion des incidents de carrière, me semble pourtant résider dans une approche partenariale responsable car le pouvoir réglementaire ne pourra jamais régler à lui seul tous les problèmes de gestion des parcours professionnels. Je mesure tout l'intérêt des concertations que vous avez conduites avec l’AMF et le CNFPT sur ces questions et je vous encourage vivement à le poursuivre. Vous aurez toujours mon entier soutien dans ce type de démarche.
Je ne voudrais pas toutefois limiter mon propos sur la gestion des carrières au traitement des situations de crise. Comme vous l'avez opportunément rappelé, le gouvernement est attaché au développement de la mobilité fonctionnelle et géographique de l'ensemble des fonctionnaires. Cet objectif figure dans ma communication en conseil des ministres du 5 novembre sur la réforme de l’État.
La mobilité, garantie fondamentale de la carrière des fonctionnaires selon les termes même du statut général, demeure bridée par des obstacles d’ordre statutaire et, parfois, culturels. Le gouvernement à la ferme volonté de lever les obstacles statutaires qui subsistent, notamment ceux qui entravent la mobilité entre fonctions publiques.
La responsabilité du pouvoir réglementaire est en effet de créer les conditions juridiques de la mobilité et de définir le cadre de sa gestion. Il appartiendra ensuite aux acteurs d'utiliser les instruments qui leur seront fournis, mais je crois que dans les services de l'État que les collectivités locales ont intérêt à gérer les carrières de leurs cadres de façon plus dynamique. Il y va de l'intérêt du service public et des fonctionnaires eux-mêmes qui, tous, gagneront ainsi en compétences et en possibilités d'évolutions et de diversifications de leurs carrières.
Vous êtes les premiers à exprimer le souhait d'une transposition du dispositif de congé-formation mobilité à la fonction publique territoriale.
L'idée mérite probablement d'être creusée même si le décret vient à peine d'entrer en vigueur pour la fonction publique de l’État.
Si une extension du congé de formation-mobilité peut être expertisée, il conviendra bien entendu de s'interroger sur les modalités de sa gestion pour une pluralité d’employeur.
3. Les difficultés liées à l'exercice de vos responsabilités.
Au tout début de votre intervention, Monsieur le président, vous avez rappelé votre demande d'une clarification des rôles respectifs du politique et de l'administratif au sein des collectivités locales.
Au-delà de cette question de principe, se posent avec une acuité certaine toute une série de problèmes relatifs à la responsabilité pénale et civile de l'encadrement supérieur des collectivités locales.
Sur le premier point, j'observe qu'il apparaît très difficile, en pratique, de définir d'une manière exhaustive, le champ des missions et responsabilités respectives des élus et des secrétaires généraux.
La concertation que vous avez engagée avec l'association des maires de France en vue d'élaborer une charte de partenariat, portant notamment sur cette question, constitue la bonne approche. Son prolongement par une charte déontologique recoupe les objectifs que l'État s'est assigné à lui-même et que j'ai rappelé dans ma communication en conseil des ministres du 5 novembre.
J'approuve donc pleinement votre approche du dossier et je vous remercie par avance de m'informer de son évolution.
Les problèmes de responsabilité auxquels vous êtes confrontés concernent en réalité l'ensemble des fonctionnaires des trois fonctions publiques. Les agents de l'État et de la fonction publique hospitalière sont également concernés par le risque de mise en examen découlant de l'exercice de leurs responsabilités professionnelles.
Ce n'est pas un hasard si le législateur a dû intervenir à deux reprises au cours de l’année 1996 pour modifier le statut général des fonctionnaires à ce sujet :
- la loi du 13 mai 1996, relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence, a tout d'abord précisé qu'il n'y avait pas délit lorsque l'auteur des faits avait accompli les diligences normales, compte-tenu de la nature de ses fonctions, de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ;
- la loi du 16 décembre 1996 a étendu le droit du fonctionnaire à être protégé par son administration au cas où il ferait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits accomplis dans le cadre de sa mission mais ne présentant pas le caractère d'une faute personnelle.
Sur cette question en particulier, mais également sur l'ensemble des sujets que vous avez évoqués, j'attache une grande importance à vos réflexions qui sont nourries d'une expérience de terrain.
Je souhaite un plein succès à votre congrès et vous invite à me communiquer le fruit de votre travail. Il constituera, à n'en point douter, une base pour la concertation que j'entends poursuivre dans les mois à venir.