Communiqués du PS et extraits d'une déclaration de François Hollande, premier secrétaire du PS, publiés dans "L'Hebdo des socialistes" le 5 décembre 1997, et interview à RTL le 11, sur la cohabitation, les fonds de pension, le projet de loi sur la réduction du temps de travail à 35 heures et l'opposition du CNPF.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - L'Hebdo des socialistes - RTL

Texte intégral

L’Hebdo des socialistes - 5 décembre 1997

Communiqué du Bureau national

Pour un CNPF responsable

Engagé dans une bataille électorale interne, M. Seillière, candidat du CNPF, est sorti de son rôle en appelant à « déstabiliser » le gouvernement Jospin, sur la question des 35 heures, puis à le faire « chuter ». Ces dérapages ne sont pas acceptables de la part d’un responsable d’une grande organisation professionnelle habituée au langage diplomatique. Ernest-Antoine Seillière oublie que le gouvernement est issu d’une majorité élue par les Françaises et les Français, en juin dernier. Refuser la perspective des 35 heures, c’est refuser un choix ratifié par les électrices et les électeurs. Plutôt que de lancer des anathèmes, le candidat à la présidence du CNPF serait bien inspiré de participer activement au dialogue social, aujourd’hui en panne, pour réussir les négociations sur les 35 heures hebdomadaires sans perte de salaire et l’emploi des jeunes. Il serait aussi bien inspiré de participer à la mobilisation de notre pays visant à tout mettre en œuvre pour la création de vrais emplois durables, au lieu de se livrer à un chantage à l’emploi et à la délocalisation indécent, quand on connaît les résultats financiers, aujourd’hui excellents, de beaucoup de grandes entreprises.

 

Communiqué de François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste
Les priorités en direction des retraités

En cette journée du 25 novembre, le Parti socialiste entend réaffirmer clairement ses priorités en direction des retraités. Il se prononce, en particulier, pour une meilleure association des organisations de retraités à la vie de la cité et au dialogue social dans les domaines qui les concernent, une nécessaire revalorisation des pensions de réversion, notamment au profit des veuves, ainsi qu’une indexation progressive et maîtrisée des pensions de retraite sur l’évolution du pouvoir d’achat des salaires nets. Les socialistes confirment également leur volonté de remettre en cause la loi sur les fonds de pension, dite loi Thomas. Il convient en effet de ménager les chances de l’équilibre financier et de l’avenir des retraites de base et complémentaires, de préserver les termes de la cohésion sociale et de la solidarité entre générations, que seul le système de retraite par répartition peut assurer. Ainsi, ils demandent, au lendemain de leur congrès de Brest, au gouvernement, de prendre les initiatives parlementaires indispensables sur ce sujet. Ils tiennent également à rassurer les retraités : l’objectif, aujourd’hui, consiste à gagner le pari de la relance économique. Cette relance ne peut réussir en négligeant le pouvoir d’achat de 11 millions de retraités qui, par leur travail, ont puissamment contribué au redressement du pays, au cours de toute leur vie professionnelle. Enfin, les socialistes estiment que la question de la dépendance relève désormais d’une exigence sociale et d’un impératif de société. Le dispositif actuel hérité de la droite est insuffisant et source d’inégalités. Le Parti socialiste propose donc une refonte globale du système existant, inspirée des propositions contenues dans le projet Boulard-Belorgey de 1992. La solvabilisation de l’extension des besoins, liée notamment au prolongement heureux de l’espérance de vie, à travers une loi sollicitant la solidarité nationale, constituerait manifestement un puissant facteur de développement des emplois de proximité et de service.

 

Point de presse

Le Parti socialiste
Le Conseil national de samedi a essentiellement débattu de nos instances. La première réunion du Bureau national s’est tenue mardi à 17 heures, en présence de Lionel Jospin, et celle du Secrétariat national, mercredi matin à 9 heures, une délégation des Verts a été reçue au siège du Parti, mercredi 3 décembre. Une rencontre avec le Parti communiste est, elle aussi, prévue à une date non encore fixée. D’autre part, une convention nationale se réunira le samedi 20 décembre afin de désigner les candidats socialistes aux élections régionales, qu’ils soient sur des listes d’union ou des listes séparées. Nous procéderons également à l’installation de l’ensemble des délégués nationaux du Parti socialiste ainsi qu’à la présentation des rapports sur le Conseil économique et social et sur la laïcité.

Texte sur la nationalité

Le projet de loi tel qu’il ressort de la discussion parlementaire est un texte d’équilibre qui nous permet de revenir à un principe essentiel à nos yeux : celui de l’accès automatique à la nationalité française pour un jeune né en France de parents étrangers et ayant séjourné cinq ans sur le territoire à l’âge de sa majorité. C’est un texte d’équilibre qui tient compte de notre tradition républicaine qui est celle du droit du sol et qui propose une formule nouvelle pour faciliter l’intégration et la citoyenneté au travers de cet accès possible à 13 ans. Enfin, c’est un texte qui est conforme à une philosophie de la nationalité qui est celle du droit du sol et qui fait place aussi à la manifestation de la volonté. Manifestation de la volonté car ceux qui ne voudront pas entrer dans la nationalité française à 18 ans auront le temps nécessaire pour marquer leur attachement à la nationalité de leurs parents. Manifestation de volonté aussi car à 13 ans, parents et enfants pourront faire valoir leur désir d’entrer dans la nationalité française.

Front national

La lutte contre le Front national est l’affaire de tous, du gouvernement, de la majorité comme de l’opposition. Du gouvernement car il peut agir sur les causes mêmes du phénomène, c’est-à-dire sur le chômage, sur les problèmes de l’école ou de la citoyenneté. Il ne peut s’exonérer de toutes actions dans la lutte contre l’extrémisme et il ne l’a pas fait. C’est aussi l’affaire de la majorité et nous n’avons pas conçu les textes Chevènement et Guigou comme des armes afin de diviser la droite et de favoriser l’extrême droite. Au contraire, nous avons voulu faire des textes d’équilibre et de cohésion nationale. L’accusation qui voudrait que certains de nos députés aient été élus par des voix du Front national est grotesque. Dans beaucoup de cas, les voix de l’extrême droite se sont reportées à droite comme le montrent la plupart des études politiques et des sondages. Nous ne négocierons jamais avec l’extrême droite. Nous demandons à la droite de prendre les mêmes engagements et ainsi la démocratie s’en trouvera renforcée.

CNPF

Le patronat devrait veiller à ne pas sortir de son rôle. Qu’il défende les patrons, nul ne lui en dénie la fonction, au contraire. Mais de là à vouloir entrer dans une forme de contestation politique, c’est un mauvais service à rendre aux entreprises, au patronat et à la politique. Ce que nous attendons du futur dirigeant du CNPF, c’est d’avoir un interlocuteur pour négocier, même si la négociation peut être dure, avec les organisations syndicales et l’État. Mais certainement pas de vouloir déstabiliser, harceler et mettre en cause. Ce n’est pas, heureusement, la volonté de tous les chefs d’entreprises.

François Hollande

 

RTL - jeudi 11 décembre 1997

O. Mazerolle : Vos partenaires de la majorité renâclent sur l’immigration ; le patronat et l’opposition se déchaînent sur les 35 heures et Jacques Chirac plante ses banderilles les unes après les autres. Tout ceci entame-t-il l’approbation quasi extatique dont bénéficiait le gouvernement Jospin cet été ?

F. Hollande : Visiblement, les Français veulent que le pays soit gouverné, il l’est. Donc, il est normal aussi qu’il y ait des oppositions dans ce pays. Chacun sait que Jacques Chirac ne partage pas les conceptions, notamment en matière de lutte contre le chômage, de Lionel Jospin. Alors, il n’y a pas à s’inquiéter ou s’alarmer, il y a un constat d’une vie politique qui a une opposition et une majorité et qui est en cohabitation.

O. Mazerolle : Cela se durcit un peu tout de même parce que quand Lionel Jospin se moque du sens tactique du président de la République, Philippe Séguin, dans « Le Monde », lui répond que certes il est Premier ministre, mais il n’est que le Premier ministre du président de la République.

F. Hollande : Non, il est Premier ministre, c’est incontestable. Il y a un président de la République, mais il s’est produit un phénomène que peut-être Philippe Séguin n’a pas analysé dans ses conséquences, c’est qu’il y a eu une élection le 1er juin à la suite d’une dissolution et qu’il y a donc une nouvelle majorité forte d’une légitimité populaire. Cela ne veut pas dire qu’elle efface la légitimité précédente, celle du président de la République, mais cela veut dire qu’aujourd’hui il y a une majorité qui doit gouverner pour cinq ans. Il n’y a pas, si vous voulez, de responsabilités confondues, partagées. Il y a bien entendu un domaine de compétences du président de la République, un domaine de compétences du Premier ministre, mais il n’y a pas, pour autant, à imaginer que le pays est gouverné avec une double commande sur les affaires de politique intérieure notamment et de politique économique et sociale en particulier.

O. Mazerolle : Justement pour Philippe Séguin, cette notion d’exécutif à deux têtes, qui pourrait s’ignorer l’un l’autre, n’existe pas. Le Premier ministre est dépendant du président de la République.

F. Hollande : C’est une conception qui vaut lorsqu’il y a une majorité parlementaire en accord avec le président de la République, mais c’est une conception qui n’a jamais été appliquée lorsque, précisément, on est en cohabitation. Il ne faudrait pas avoir des interprétations de la Constitution qui varient selon les périodes. Lorsque Jacques Chirac était Premier ministre de François Mitterrand, en 1986 jusqu’en 1988, il ne conduisait pas la politique de François Mitterrand ! Il conduisait la politique, à l’époque, de la majorité RPR-UDF qui était une politique libérale. Quand Édouard Balladur de 1993 à 1995 a été Premier ministre, il n’était pas Premier ministre de François Mitterrand au sens où il aurait appliqué la politique de François Mitterrand, il appliquait, avec le succès que l’on sait, la politique de la droite.

O. Mazerolle : Tout de même, devant l’offensive, est-ce que le Gouvernement n’a pas été amené à se placer un peu en retrait. Il a, par exemple, révisé une nouvelle fois ses projets de fiscalité sur l’assurance-vie. Lionel Jospin reparle des fonds de pension qui n’étaient pas très populaires dans les rangs socialistes.

F. Hollande : Sur la fiscalité de l’épargne, je crois qu’il est normal d’essayer d’encourager tout ce qui est placement en actions parce qu’on sait bien que cela fait des investissements pour les entreprises.

O. Mazerolle : Il y a quinze jours, ce n’était pas la même chanson !

F. Hollande : C’est pareil, il y a toujours une distinction entre certains types de placements : ceux qui sont à revenu fixe et qui n’ont pas à être encouragés fiscalement et ceux qui sont plus risqués.

O. Mazerolle : On a l’impression tout de même que le Gouvernement tâtonne là-dessus, il ajuste jour après jour !

F. Hollande : Je préfère le mot « ajustement ». Il est normal sur des sujets qui sont quand même essentiels pour l’économie que l’on trouve les bonnes modalités. En revanche, pour les fonds de pension, je le dis nettement, le Parti socialiste n’a jamais été favorable à un système de fonds de pension qui donne une place trop importante à de l’épargne individuelle et qui pourrait remettre en cause les systèmes de répartition. En revanche, s’il s’agit de réfléchir à des mécanismes d’épargne collective qui ne mettraient pas en danger les régimes de répartition, alors pourquoi pas. Mais je veux bien, ici, fixer la distinction.

O. Mazerolle : Donc, cela prendra du temps.

F. Hollande : Cela prendra du temps parce qu’il faut avoir un bon système et cela suppose l’abrogation de ce que l’on avait appelé la loi Thomas que les partenaires sociaux avaient vécu douloureusement parce qu’elle mettait en cause, cette loi, les systèmes de répartition.

O. Mazerolle : Autre chose sur les 35 heures. Après le coup de bâton du 10 octobre, le Gouvernement fait les yeux doux au patronat en lui parlant de souplesse, de modulation, au point même que dans les rangs des députés socialistes, certains commencent à trouver que le projet de Martine Aubry est un peu trop édulcoré.

F. Hollande : D’abord, il faut que le patronat se convainque qu’il va y avoir une loi. Il peut faire des actes de résistance, il en fait quelques-uns, et de protestations quelquefois un peu véhémentes, mais il va y avoir une loi. Les 35 heures vont s’appliquer à partir de l’an 2000, mais il va y avoir une période pendant deux ans où l’on va négocier. Et ce que Martine Aubry, le Gouvernement dit au patronat : utilisez ce temps de la négociation pour trouver là encore les bonnes formules et les adaptations nécessaires. Quant à la loi – projet de loi pour le moment –, il est normal que les députés de la majorité, voire même les députés de l’opposition, veuillent l’améliorer, la corriger, l’enrichir. Et ce sera le cas, je n’ai pas d’inquiétude. Le principe des 35 heures est affirmé et ne sera pas remis en cause. Que pour les modalités, on puisse trouver des formules encore plus innovantes, pourquoi pas ?

O. Mazerolle : Sur les heures supplémentaires, vous voulez taxer davantage et le Gouvernement pourrait se laisser faire ?

F. Hollande : On verra, mais il faut, effectivement, que l’incitation à la négociation soit forte et que le passage aux 35 heures soit le plus rapide possible.

O. Mazerolle : Tout de même dans un contexte de cohabitation, est-ce que le Premier ministre n’est pas obligé systématiquement sur chacun de ses projets de rechercher le plus large consensus possible pour ne pas hypothéquer ses chances aux présidentielles ?

F. Hollande : C’est un bon principe de rechercher le dialogue, le consensus et l’accord de la plupart, mais il y a des moments aussi où il faut prendre ses responsabilités. Ce n’est pas la cohabitation qui justifie ce temps passé à la recherche de la concertation et peut-être quelquefois du consensus, c’est un principe de gouvernement.

O. Mazerolle : Il pourrait prendre une mesure impopulaire ?

F. Hollande : On peut toujours prendre des mesures impopulaires quand elles sont dans l’intérêt du pays, mais il n’y a pas de raisons de prendre aussi des mesures impopulaires, on peut aussi prendre des mesures populaires et cela ne gêne pas !

O. Mazerolle : Parlons de mesures impopulaires. Les régimes de retraite des fonctionnaires, dont le Premier ministre a parlé dans son interview aux « Échos », on sait qu’ils ne vont pas pouvoir être financés encore bien longtemps. Alors cette mesure impopulaire, Lionel Jospin pourrait s’y attaquer même en période de cohabitation ?

F. Hollande : Alain Juppé s’y était attaqué, là encore, avec la réussite que l’on connaît. Il y avait plus d’un million de personnes dans la rue. Je ne suis pas sûr qu’il faudrait reprendre le dossier comme il l’avait engagé. Mais quand il y a des problèmes de retraite à terme, il faut aussi les appréhender. C’est ce qu’a souhaité Lionel Jospin et c’est ce qu’il faudra regarder dans les mois qui viennent mais avec la concertation et la recherche de solutions d’équité.

O. Mazerolle : Quel est le souhait du Parti socialiste, c’est que la cohabitation dure sur les cinq années prévues par la Constitution ou bien au contraire qu’elle soit arrêtée le plus vite possible ?

F. Hollande : Non, le souhait que l’on a est que nous sommes élus pour cinq ans. Il y a une majorité qui est en place qui est cohérente et nous voulons gouverner, cinq ans.

O. Mazerolle : Cela ne suscite pas des agaceries ? Des irruptions de boutons de temps en temps ?

F. Hollande : De la part de Jacques Chirac peut-être ; de la part de Philippe Séguin ? Vous savez, il a des irruptions très fréquentes de boutons et cela le rend quelquefois relativement improbable.

O. Mazerolle : Et vous, non ?

F. Hollande : Nous ? Pour l’instant, sur le plan sanitaire, c’est parfait.