Interview de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, dans "Le Figaro" le 3 août 1999, sur les mesures de lutte contre la pollution atmosphérique par l'ozone et d'amélioration de la surveillance de cette pollution.

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Le Figaro. – La pollution qui sévit actuellement dans toute la France était-elle prévisible ?

Dominique Voynet. – Oui, la situation actuelle était prévisible au vu de l'expérience des années précédentes. En effet, comme nous le constatons depuis plusieurs jours, la France, comme la plupart des pays européens, est, cet été encore, exposée à la pollution atmosphérique par l'ozone. L'ozone n'est pas un polluant émis directement, mais résulte de la transformation, sous l'action des rayons solaires, de polluants primaires tels que les oxydes d'azote et les composés organiques volatils (COV). Ces polluants sont émis notamment par les véhicules automobiles ainsi que par un certain nombre d'activités industrielles, artisanales ou domestiques utilisant des solvants. Une situation météorologique avec un vent faible, du soleil et un anticyclone a favorisé la formation d'ozone.

Au cours de ces derniers mois, plusieurs mesures ont été décidées, tant au plan national que communautaire, en vue d'améliorer la qualité de l'air : les douze principaux décrets d'application de la loi sur l'air ont été publiés. En l'an 2000, toutes les agglomérations de plus de 100 000 habitants seront dotées d'un plan de déplacement urbain dont l'objectif est de limiter la place de la voiture en ville et de favoriser les transports en commun et les transports propres. De plus, dès mon arrivée au gouvernement, je me suis attachée à la négociation des directives européennes, dites « auto-oil », relatives à la réduction d'émissions de polluants des véhicules et des carburants. Publiées en octobre 1998, ces directives sont venues renforcer la réglementation applicable aux moteurs et aux carburants. Elles permettront de réduire d'un- tiers les émissions des véhicules neufs en 2000 et d'un nouveau tiers en 2005. Simultanément, il faut faire de la pédagogie, à travers, par exemple, la journée « En ville sans ma voiture », dont la deuxième édition aura lieu le 22 septembre et mobilisera plus d'une soixantaine de villes en France, et autant en Italie.

Le Figaro. – Comment améliorer l'information sur les taux de pollution ?

– Il existe, dans les principales agglomérations françaises, des associations de surveillance de la qualité de l'air qui sont tenues de diffuser l'information lorsque les seuils sont dépassés ou sur le point de l'être. Cette information est reprise par les médias, comme c'est le cas en ce moment partout en France. La couverture du territoire par ces associations doit être étendue, notamment aux zones rurales. Mais ces organismes diffusent également l'information au moyen du matériel le plus moderne. D'ici à la fin de l'année, chaque organisme de surveillance de la qualité de l'air disposera d'un serveur Internet permettant une information en temps réel. L'information peut également être transmise au moyen des panneaux urbains, comme à Paris, mais cette initiative ne peut être décidée qu'en collaboration avec les collectivités locales. La radio reste le plus sûr moyen de toucher le plus grand nombre. L'information des citadins doit être un objectif prioritaire pour les élus comme pour les pouvoirs publics.

Le Figaro. – Si l'alerte était déclenchée un jour de grands départs en vacances, la circulation alternée serait-elle décrétée ? Ou quelle autre mesure ?

– Pour l'ozone, les niveaux atteints la semaine dernière sont sensiblement à la moitié de ceux qui conduiraient à mettre en oeuvre des mesures contraignantes. Dans l'exemple que vous prenez, je pense qu'il faudrait d'abord faire appel au civisme des usagers et leur recommander de différer leur départ dans la mesure du possible. Nos concitoyens sont très sensibles à la pollution atmosphérique et prête à se mobiliser, comme ils l'ont montré le 1er octobre 1997, lors de l'unique journée de circulation alternée à Paris. Enfin, il conviendrait d'organiser des itinéraires de contournement des villes concernées par la pollution. Mais, autant la circulation alternée peut être une réponse d'urgence pour une ville ou un centre-ville, autant elle ne saurait résoudre la situation de toute une région concernée simultanément par les départs en vacances et une situation atmosphérique dégradée.