Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur les clefs de la compétitivité dans l'industrie de l'ameublement notamment l'innovation, l'exportation et l'adaptation des structures à la mondialisation et sur la question du coût du travail, Paris le 12 janvier 1998.

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Circonstance : Salon du meuble à Paris, en janvier 1998

Texte intégral

Je suis très heureux de me retrouver ici parmi vous, au « Salon du meuble 1998 » et remercie de leur chaleureuse invitation :

- le président Henri Griffon, qui préside aux destinées de l’UNIFA (Union des industries Française de l’Ameublement) ;
- M. Philippe Mayer, président du Salon du meuble, et président du Pôle lorrain ameublement bois (le PLAB) ;
- M. André Vincent, fondateur de l’UNIFA, et actuellement président de la COSP, structure qui organise le présent salon.

Je suis depuis longtemps avec intérêt l’industrie française de l’ameublement tant au niveau national que dans ma région, la Lorraine, deuxième région française pour le bois-ameublement. J’ai la conviction que la France ne peut maintenir son rang dans le monde sans une industrie forte et compétitive. Et qu’une industrie comme celle du meuble, qui puise son inspiration aussi bien dans nos plus anciennes traditions que dans les technologies récentes, est un des atouts de notre économie, un des fers de lance de notre créativité. J’ai pu le constater une fois de plus, dans ce salon organisé avec rigueur et brio, et qui compte 1 000 exposants dont 450 étrangers. Belle performance d’internationalisation !

Vos entreprises ont traversé en 1997 une période de stagnation de leur activité due à la compétition internationale, à la faiblesse de la demande intérieure, et aux choix de consommation dans notre pays.

Dans ce contexte, qu’il faut accepter comme une évolution qui s’impose à nous, une stratégie nouvelle s’impose au secteur de l’ameublement. L’objectif est de consolider la place du meuble français en Europe et dans le monde, avec les 100 000 emplois qu’il représente.

Je sais que vous n’avez pas attendu pour agir. Le « projet 2000 » que promeut l’UNIFA pour faire du meuble français « une référence mondiale » a lancé le mouvement il y a bientôt 2 ans.

Les premiers résultats sont encourageants car le taux de couverture du secteur est passé de 58 % en 1994 à 62 % en 1996, et l’on n’a pas observé de baisse globale d’effectifs pendant la période.

Pour les années à venir, les clefs de la compétitivité, donc du succès et de la création d’emplois me paraissent être l’innovation, l’exportation et l’adaptation des structures à la mondialisation. Je parlerai donc successivement de ces trois points. Je n’éluderai pas non plus la question que vous avez bien voulu me poser M. le président, sur le coût du travail dans votre industrie.

1.- L’innovation en réponse au marché, première clef de la compétitivité.

Face à l’afflux de nouvelles concurrences, il faut créer des produits nouveaux qui séduisent le consommateur.

Comme le montre des enquêtes de mon ministère, nous avons en France davantage une culture du produit qu’une culture du client. Les produits français sont jugés dans leur ensemble de bonne qualité. En revanche, sont soulignés l’insuffisance du service après-vente, le manque de contenu dans la communication, la faiblesse de la promotion commerciale, la mauvaise qualité de la documentation technique…

Dans le meuble comme ailleurs, le perpétuel questionnement de l’attente du client s’impose, et la « prouesse du produit » ne doit s’inscrire que dans cette optique. C’est en écoute permanente du marché que l’entreprise qui est première à y placer un produit attractif, est assuré du succès ; nouvelles fonctionnalités, nouveau design, nouveaux matériaux, nouveaux services.

J’ai été frappés à cet égard, en visitant une entreprise des Vosges, la société Daillot (à Ban de Laveline), qui parvient grâce à de la Conception et fabrication assistée par ordinateur, à fournir équipement en bois et meubles à de très diverses écoles maternelles, en répondant à leurs attentes les plus précises.

Cette démarche qualité, cette politique offensive d’innovation permettent d’atténuer les effets de la compétition par les prix, de relancer la consommation et de maintenir des marges raisonnables.

Le secrétariat d’Etat à l’industrie accompagne les entreprises qui innovent. Il peut s’agir d’innovations de produits et d’innovations de procédés qui permettent aussi bien de satisfaire ou de générer des attentes des consommateurs que d’abaisser des coûts de production. Ce surcroît de compétitivité par la qualité et par les coûts, ce sont les emplois de demain. Mon département ministériel est là pour vous accompagner dans cette démarche.

L’appel à proposition du ministère de l’Industrie intitulé » innovations en ameublement » lancé en 1995 et doté de 7 millions de Francs avait rencontré un grand succès : 100 dossiers avaient été reçu. Les projets sélectionnés visaient la modernisation du processus de conception de produits, l’amélioration des relations de filière, et la modernisation de l’outil de production.

500 MF viennent d’être inscrits en 1998 dans mon budget au titre de l’appel à propositions technologies-clés pour l’ensemble de nos industries. J’ai souhaité que cette enveloppe soit orientée davantage vers les PME ainsi que vers les technologies d’organisation et les technologies immatérielles. Cela peut intéresser dans deux déclinaisons : Echanges de données informatisées » (EDI) et « Ergonomie-design ».

J’ai donc décidé de lancer rapidement, sur le thème EDI, un nouvel appel à propositions « partenariat de filière » doté de 20 MF.

Au titre de la technologie « Ergonomie-design » des produits de consommation, un autre appel à propositions sera lancé au second semestre 1998, il sera doté de 10 MF. Ce programme aura pour cible les projets collectifs ou individuels d’entreprises de la filière intégrant ces aspects dans la conception de produits nouveaux.

Je compte avoir une action de communication forte cette année pour faire connaître les possibilités de la procédure sur ces thèmes.

Par ailleurs, le réseau INTERNET est un moyen facilement accessible pour communiser tout au long de la filière. En 1998, 50 MF sont inscrit au budget de mon département ministériel, essentiellement dirigés vers les PMI-PME pour les aider à diagnostiquer leurs besoins en la matière et à intégrer cette technologie comme support de veille, de communication, voire de commerce électronique. Vous pourrez vous adresser à la Direction régionale de l’Industrie et de la Recherche ou à la Direction générale des Stratégies Industrielles.

2.- L’exportation est la seconde clé de la réussite

L’offre de produits nouveaux, compétitifs, doit aussi s’adresser à de nouveaux clients. Il faut aujourd’hui saisir la grande opportunité que représente l’ouverture de marchés auparavant inaccessibles. Dans un contexte de demande intérieure étale, c’est l’exportation qui permet le développement des ventes dans le secteur du meuble. Les efforts que vous faites pour conquérir de nouveaux marchés commencent à porter leurs fruits : en 1996 le chiffre des exportations de meubles français a atteint la barre symbolique des 10 milliards de francs, soit une progression de 10 % en un an.

Les actions menées à l’initiative du groupement des exportateurs du meuble (le GEM), en liaison avec l’institut de promotion et d’étude de l’ameublement (l’IPEA) et le VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement) ont permis en 1997 de doubler le nombre d’entreprises présentes dans les salons étrangers. Une fois encore, votre projet va dans le bon sens : doubler les exportations de meuble français en 10 ans.

L’UNIFA a mis au cœur de ses priorités, avec beaucoup de pertinence, la conquête des marchés nouveaux : Europe de l’Est, Chine. Il faut assurer la continuité dans le temps de ces actions, car vous le savez, sans une action commerciale de longue durée sur ces marchés, aucun résultat tangible ne peut être espéré.

C’est aussi en y allant collectivement, en travaillant sur l’image du meuble français, de « l’art de vivre à la française » comme l’ont fait avec succès les italiens, premier exportateur mondial de meuble, que vous ferez, me semble-t-il, du meuble français une « référence mondiale ».

En conséquence, un appel à propositions spécifique de mon ministère, doté à titre expérimental de 3 MF, suscitera l’émergence de marques collectives présentées à des entreprises se situant dans une même zone géographique ou disposant d’un savoir-faire particulier sur la base de référence communes. En tant que secrétaire d’Etat à l’industrie, je suis prêt, en partenariat avec mon collègue M. Dondoux, à vous accompagner dans votre effort de conquêtes des marchés mondiaux et de création d’une image forte de l’Industrie française de l’ameublement.

3.- En troisième lieu, la nécessaire adaptation des structures

Le secteur de l’ameublement est très atomisé : 18000 entreprises dans 750 seulement de plus de 20 salariés. Depuis 10 ans, les restructurations se succèdent, inéluctables, en particulier sur certains segments comme le mobilier de bureau ou la cuisine. Elles s’imposent à notre économie, dans tous les secteurs, pour faire face à la mondialisation.

Je suis avec la plus grande attention ces restructurations et ces regroupements. Il est en effet prioritaire que la taille des entreprises augmente pour se donner des marges de manœuvre financières en matière commerciale, en matière d’innovation. D’ailleurs, dans de nombreuse régions, des actions ont été initiées pour accompagner les PME dans leur développement. Permettez-moi d’avoir la faiblesse de citer l’exemple de la région lorraine, qui m’est chère. En Lorraine, le Pôle Lorrain Ameublement Bois (je salue à nouveau le président Mayer), mis en place en 1996, à l’initiative des Pouvoirs publics et de l’UNIFA, a été doté de 16,5 MF sur trois ans. En mettant en valeur l’aspect « district », à l’italienne, de ce bassin d’emplois, le Pôle Lorrain met en œuvre des actions d’envergures pour moderniser les entreprises, former les personnels aux mutations industrielles, accroître le potentiel de création et d’exportation du secteur. Au plan international, le PLAB a organisé en 1997 une mission en Chine pour six industriels du secteur.

Dans plusieurs régions, Île-de-France, Poitou-Charentes, Pays de Loire, etc., les Directions régionales de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement apportent leur soutien à des actions stratégiques, en faveur du secteur de l’ameublement. L’objectif est d’accompagner plus de 100 entreprise à mieux définir leur plan de développement, puis de leur apporter un soutien dans un second temps, grâce aux procédures d’aides existantes sur des projets, de modernisation de l’outil de production, de commercialisation, de création et bien sûr, d’exportation. Mon ministère est là pour accompagner ces mutations.

4.- Enfin, la réponse à la question posée sur le coût du travail.

Vous l’avez dit M. le président, votre industrie est une industrie de main d’œuvre, qui, comme telle, subit une concurrence accrue de pays émergents, à bas coûts salariaux.

La première réponse a été évoqué, c’est celle de la compétitivité par l’innovation, la qualité, et la formation, pour sortir de la simple logique des coûts.

En ce qui concerne les charges pesant sur les bas salaires, je souhaite vous dire que le gouvernement a grande conscience de cette question, et pour cela, n’a pas souhaité remettre en cause les allégements généraux de charges sur les bas salaires.

Quant au processus de réduction du temps de travail, je crois qu’il ne faut pas y voir une menace pour le coût du travail. Cette démarche doit être l’occasion d’interrogation nouvelles sur l’organisation du travail dans l’entreprise, d’une modernisation du processus de production, et d’une dialogue social renouvelé au sein d l’entreprise. Je préfère parler de « réduction-réorganisation » du temps de travail.

Certaines de vos entreprises, que je connais bien (par exemple la société Daillot dont j’ai parlé), ont été pionnières dans la réduction-réorganisation du temps de travail. Chacun y entrera à son rythme et compte tenu de ses spécificités.

Enfin les incitations financières prévues par le projet de loi sur la réduction du temps de travail devront permettre à cette réduction de se faire sans hausse du coût du travail. Ces incitations sont forfaitaires et non proportionnelles au salaire comme dans le dispositif « De Robien », ce qui est de nature à favoriser les industries de main d’œuvre comme la vôtre.

En conclusion, je veux vous dire qu’un salon comme celui-ci me rend optimiste pour le meuble français. Le monde se transforme, mais vos entreprises sont armées pour valoriser les productions françaises. Je suis à vos côtés pour accompagne votre stratégie de développement et l’adaptation permanente.