Texte intégral
Q - Nous allons parler des Journées du patrimoine, puisque pendant tout ce week-end et pour la sixième année, vous allez pouvoir visiter les plus beaux monuments de France, ceux qui ne sont pas d'ailleurs toujours ouverts au public. L'an dernier, il y avait 11 millions de Français à peu près à profiter de l'occasion. Mais avant d'évoquer ces Journées du patrimoine, on va revenir d'un mot sur le budget. Vous êtes contente, si je puis dire, des arbitrages budgétaires qui ont été effectués en faveur de votre ministère ?
– “Oui, très heureuse de pouvoir avoir les moyens de la politique que je conduis pour la culture. Avec 369 millions de francs de plus, la possibilité de mettre en oeuvre les mesures de démocratisation. Vous parliez des Journées du patrimoine, eh bien ce sera toute l'année que les Français pourront bénéficier du premier dimanche du mois gratuit dans les musées nationaux mais aussi dans les monuments nationaux. Ce sera aussi l'extension de la gratuité pour les jeunes jusqu'à 18 ans dans les monuments et les musées qui dépendent de l'État. C'est également le jeudi à 50 francs dans les théâtres nationaux. Une façon de dire aux Français : “Venez, vous êtes attendus, vous êtes accueillis”. Ça ne doit pas être une question pour une famille qui doit pouvoir, qui cherche, à se déplacer. C'est aussi l'augmentation des bourses, c'est la possibilité de renforcer la création, l'aide à la création. Et, pour l'audiovisuel, avec plus 883 millions de francs, c'est vraiment un très grand pas en avant. J'ai qualifié ce budget de “budget de rupture.” C'est la possibilité d'appliquer la loi audiovisuelle mais surtout de penser aux téléspectateurs avec des programmes plus nombreux par la réduction de deux minutes de pub et, je l'espère aussi de meilleure qualité.”
Q - C'est quelque chose qui intéresse tous ceux qui nous regardent, les téléspectateurs de l'audiovisuel public : la diminution de la publicité. On la sentira à partir de quand ?
– “Du 1er janvier 2000 puisque nous avons décidé, tout à fait volontairement, d'appliquer cette loi en deux étapes. Une étape en 2000 et une étape en 2001 où l'application de la loi sera complète. En 2001, ce seront quatre minutes de pub qui seront supprimées. Mais dès 2000 le téléspectateur verra un résultat à l'écran puisque les tunnels seront considérablement raccourcis. Et je pense que ça sera le moyen de dynamiser la grille, d'ajouter aussi des programmes pour les téléspectateurs.”
Q - Revenons à ces Journées du patrimoine. Le thème de cette année c'est : “Patrimoine et citoyenneté.” Il y a d'ailleurs un très joli livre qui a été publié sous l'égide du ministère où on pose un certain nombre de questions à des hommes politiques, à des personnages publics – N. Notat ou d'autres. L'idée c'est de rappeler, à l'occasion de ces Journées du patrimoine, les grands textes de la citoyenneté française, les grands lieux de l'expression de la citoyenneté ?
– “En fait, il m'a semblé qu'on pensait plus aux monuments, plus aux lieux qu'aux hommes et aux femmes. Et je me suis dit au fond : et le citoyen dans tout ça ? Lui, qui est tellement concerné, qui vient avec tous les Français visiter ces lieux, comment se situe-t-il ? Qu'est-ce que ça lui a apporté ? Comment est-ce que les droits ont évolué ? Je crois que c'est une question qui a paru abstraite mais en même temps elle est tellement concrète. Quand on voit comment par exemple, dans un hôpital, on soignait les gens – c'est-à-dire : on les enfermait, on était brutal.”
Q - Vous vous rendez, tout à l'heure…
– “Je me rends tout à l'heure… Oui, absolument, là où était enfermé le marquis de Sade. Je vais voir aussi, dans quelques instants, un lieu qui était un lieu utopique d'organisation sociale, construit par J.-B. Gaudin, vous savez “les poêles Gaudin.” Je vais voir donc des lieux auxquels on ne pense pas forcément mais qui sont, à la fois, lié à, je dirais, à la vie sociale, à la vie citoyenne. Et cela permet aussi aux Français de se situer dans l'histoire et dans leur histoire. Quand on est au tournant du millénaire et qu'on se demande au fond ce que l'on devient, je crois qu'il faut, à la fois, comprendre tout l'acquis, tout notre patrimoine, toutes nos racines, mais en même temps, aussi savoir projeter. Voilà pourquoi, cette année, pourvoir choisir la citoyenneté – comme je l'ai proposée – mais aussi s'associer au Conseil de l'Europe, qui fête ses 50 ans, pour choisir ce thème de l'Europe, c'est aussi situer la France et les Français dans un espace plus grand.”
Q - Peut-être faut-il rappeler que le Conseil de l'Europe ça n'a rien à voir avec le Conseil européen. Le Conseil de l'Europe regroupe 45 pays alors que l'Europe…
– “Oui, tout à fait, avec l'Europe Centrale et Orientale qui s'est ajoutée.”
Q - Voilà. Et l'idée c'est que justement, cette année, on met l'accent sur cette citoyenneté européenne au sens large. Il y a des lieux emblématiques de la citoyenneté européenne aussi ?
– “Bien sûr, le premier d'entre eux c'est le lieu même du Conseil de l'Europe.”
Q - C'est Strasbourg…
– “…qui est à Strasbourg. Vous le savez, cette ville est la ville parlementaire de l'Europe. Et je crois que c'est important justement de montrer que le projet européen doit absolument s'appuyer sur la culture. Moi je ne pense pas que l'euro suffise à donner une conscience européenne aux gens – on l'a vu aux dernières élections. Il faut leur faire partager une histoire commune. Elle a été dans le passé très affrontée entre les nations. Je pense que concevoir cet espace, comprendre comment le projet démocratique de l'Europe est en même temps celui de chacun, peut être celui de chacun, c'est une façon aussi de reconnaître qu'entre les villes européennes il y a des liens – entre nos traditions, entre nos chants, nos musiques, nos théâtres. Et qu'à partir de là, on peut peut-être construire aussi une Europe un peu plus humaine.”
Q - L'originalité aussi de la démarche cette année c'est qu'on va donner vie au patrimoine et qu'il y aura des lectures, des acteurs, des animations, des textes fondateurs un peu partout.
– “Oui.”
Q - C'est aussi une nouvelle façon et une volonté très forte – on l'a vu, cet été, à Rambouillet, par exemple, des initiatives assez originales sur l'animation du château – de faire vivre le patrimoine différemment aujourd'hui ?
– “Oui, je crois que c'est absolument indispensable et c'est vraiment les deux priorités pour le patrimoine et sa mise en valeur. D'abord que, il ne s'arrête pas dans son passé et qu'on ne se replie pas sur soi. Parce que je crois que le patrimoine doit rester vivant, à la fois par l'animation que l'on propose à sa compréhension – notamment les textes qui sont les textes fondateurs de la citoyenneté, qui sont associés à ces visites – mais c'est en même temps aussi, le patrimoine du XXe siècle. Et l'année prochaine, ce seront donc, finalement des lieux, les monuments, qui ont été construits en quelque sorte de notre vivant – nous sommes responsables du patrimoine de nos enfants. Et je crois que c'est celui qu'on pourra faire comprendre au passage du siècle.”