Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens tout d’abord à saluer les représentants des divers comités des pêches qui se retrouvent aujourd’hui pour votre assemblée générale.
L’année dernière, à l’occasion de cette même réunion, nous avions eu un débat riche et particulièrement intéressant sur le projet de loi d’orientation sur la pêche.
Depuis, ce projet a franchi l’étape d’une première lecture au Parlement et sera bientôt examiné en seconde lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat.
Certains sujets sont encore ouverts et je souhaiterai y revenir tout à l’heure.
Mais, vous me permettrez d’évoquer, en premier lieu, les sujets communautaires, dont les échéances sont maintenant imminentes. Je veux bien sûr, et d’abord, parler du POP IV.
Ce sujet sera débattu lors du prochain Conseil des ministres européens de la pêche, les 14 et 15 avril prochains à Luxembourg. Je ne vous le cache pas – mais vous le savez –, ce Conseil sera particulièrement difficile.
Mais, vous le savez également, la France a contesté fermement l’approche de la Commission depuis le premier examen du projet de POP IV.
Le président de la République lui-même a précisé au président de la Commission – M. Jacques Santer – et à Mme Bonino que ce projet n’était pas acceptable tel qu’il était présenté.
Il n’était pas acceptable, en effet, de traduire, de façon mécanique, une analyse fondée sur la situation de quelques espèces, et d’en déduire un taux de réduction des capacités de pêche, identique pour tous les États membres.
Ces propositions risquaient d’entraîner des réductions de 30 à 40 % de la flotte française sans tenir compte de ses principales caractéristiques, au premier rang desquelles figurent la polyvalence et la plurispécificité, qui expliquent d’ailleurs une sous-consommation de certains de nos quotas.
Notre fermeté et le poids de nos arguments ont permis d’améliorer la proposition initiale de la Commission.
En effet, au plan des principes, la prise en compte de la polyvalence est désormais acquise dans la mesure où, pour déterminer les taux de réduction, on tiendra compte de l’ensemble des espèces pêchées par une flottille donnée et non pas seulement des quelques espèces considérées comme surexploitées.
Cela dit, nous sommes encore loin du compte : les taux de réduction prévus restent trop élevés et certaines dispositions réduiraient en pratique les effets de la prise en compte de la polyvalence.
Il nous faut obtenir encore des améliorations importantes sur ces modalités de calcul.
Même si d’autres États membres nous ont maintenant rejoints, ce ne sera pas facile, en raison de la très forte implication de Mme Bonino sur ce dossier, comme j’ai pu le constater moi-même en la rencontrant très récemment.
Alors, la question qui se pose – à nous et à vous – peut être résumée simplement.
Si nous voulons bénéficier des aides européennes sommes-nous prêts à accepter n’importe quelle réduction de capacité ?
Ou au contraire, sommes-nous prêts à renoncer à toute aide européenne ?
Sur ce point fondamental, dont nous avons déjà discuté à l’occasion d’une commission de suivi, je souhaiterais avoir votre sentiment.
Cette question pourrait aussi être évoquée lors d’une réunion de votre bureau. À cette occasion, mes services qui évaluent les conséquences chiffrées du dernier projet de compromis vous feront part des résultats de leurs simulations.
Second sujet communautaire, dans l’ordre chronologique de son examen par le conseil pêche, les mesures techniques, qui seront examinées en juin.
Je sais que cette question a été étudiée avec soin au sein du comité national en liaison avec la direction des pêches, et je vous remercie de la qualité du travail accompli.
Il est clair que personne ici ne songe à nier la nécessité de préserver la ressource. Mais le projet de la Commission aurait pour conséquence de déstabiliser brutalement les équilibres socio-économiques de la filière, en bouleversant les conditions de production.
Il n’est donc pas possible de s’engager dans de nouvelles mesures techniques sans procéder à des expérimentations préalables.
J’ai eu l’occasion de le dire au Conseil, à de nombreuses reprises, et j’ai saisi la Commission pour le financement d’expérimentations qui seraient menées en commun avec des armements espagnols.
Mais il y a un point particulier qui mérite d’être souligné, notamment parce qu’il a mobilisé les comités locaux de la façade atlantique. Je veux parler, bien sûr, des cantonnements.
Les propositions actuelles qui ne concernent que les seuls engins traînants ne sont pas équilibrées.
En l’état, il n’est donc pas question d’accepter ce projet, mais je vous invite à poursuivre vos réflexions d’autant plus que nous sommes les seuls réellement concernés, et que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes pour faire valoir le bien-fondé de notre position.
Cette préoccupation vaut aussi pour le récent raidissement de la Commission sur la règle du filet unique.
De même, il nous faut rester très mobilisés sur le dossier du filet maillant dérivant.
Ce sujet est inscrit à l’ordre du jour du prochain Conseil et il a encore été débattu au sein du Parlement européen, sur la pression de parlementaires espagnols.
Nous devons donc rester très vigilants pour cette raison, mais aussi parce que la proposition de la Commission visant à interdire tout filet maillant dérivant, quelle que soit sa longueur, reste d’actualité même si elle n’a toujours pas réuni de majorité qualifiée au sein du Conseil.
Nous avons une position renforcée, et notamment par le respect exemplaire de la réglementation, mais notre position reste fragile, et nous devons pour la prochaine campagne, faire preuve du même esprit de responsabilité afin de démontrer que cette réglementation est strictement suivie.
Un dispositif de surveillance identique à l’année dernière sera donc mis en œuvre. Je souhaite qu’il en soit de même chez les autres États membres concernés par ce sujet, et la Commission doit y veiller.
Monsieur le président, l’Europe bleue ne doit pas être uniquement une organisation contraignante d’encadrement des flottes et des engins de pêche. Elle doit être aussi plus cohérente et globale, ce qui suppose une réforme de l’organisation commune des marchés.
Et là, il y a beaucoup à faire.
Nous avons donc demandé à la Commission des propositions en la matière.
Ces propositions se font encore attendre et je le regrette. Mais ce qui m’inquiète plus encore ce sont les rumeurs sur les réflexions actuelles des services de la Commission. La démarche envisagée ne partirait pas d’abord de l’encouragement à l’organisation mais elle s’inspirerait des préoccupations de la transformation.
Je vais donc à nouveau rappeler notre position, j’estime que l’organisation économique doit évoluer autour de trois idées :
- Tout d’abord, il faut renforcer les organisations de producteurs qui soutiennent un nombre minimal d’espèces.
- Ensuite, il faut déterminer une stratégie d’identification, de traçabilité et de promotion sur le marché.
- Enfin, il faut accentuer les contrôles sur les règles sanitaires et les règles d’origine au plan communautaire. Nous le faisons en France mais c’est insuffisant en Europe.
Cette réflexion sur l’organisation doit se prolonger au niveau national, comme j’ai eu l’occasion de le préciser récemment dans les Côtes-d’Armor.
Vous me permettrez d’évoquer maintenant des sujets plus spécifiquement français.
Tout d’abord, un sujet d’actualité particulièrement sensible : les îles anglo-normandes.
Je ne rentrerai pas dans le détail de ces négociations très complexes, que le statut même de Jersey et de Guernesey et les échéances électorales britanniques – compliquent encore un peu plus. Mais je veux une nouvelle fois réaffirmer la détermination du gouvernement français.
Vous avez pu constater cette détermination par la mobilisation de mes services et de ceux du ministère des affaires étrangères qui participent, d’ailleurs en étroite liaison avec vous, à cette négociation.
Cela a été également le cas lorsqu’il a été mis fin au modus vivendi de manière unilatérale.
Je vous assure une nouvelle fois que notre détermination sera sans faille, pour faire valoir nos droits de pêche dans ces zones.
Monsieur le président, Mesdames, Messieurs je crois cependant que ce qui a incontestablement marqué l’année qui vient de s’écouler depuis votre dernière assemblée générale, c’est le projet de loi d’orientation sur la pêche.
Comme vous le savez, ce projet a été adopté en première lecture par le Parlement. Il sera examiné en deuxième lecture le 17 avril au Sénat et le 22 mai à l’Assemblée nationale.
Il sera donc définitivement adopté avant la fin de ce premier semestre.
Des débats importants, sur des sujets sensibles, comme la gestion de la ressource, ont donc pu avoir lieu devant la représentation nationale, ce qui est parfaitement légitime.
Cependant, le débat sur le texte lui-même n’est pas totalement clos, et je voudrai prendre 3 exemples particulièrement significatifs :
1er exemple : le quirat « installation ».
Cette mesure est destinée à favoriser l’installation des jeunes patrons-artisans, via un fonds commun de placement.
C’est donc un système qui permet d’orienter l’épargne vers des investissements, et pour cela il est nécessaire d’obtenir l’accord de Bruxelles. J’ai donc saisi la Commission.
Celle-ci a soulevé 2 questions concernant :
- d’une part, la prise en compte de l’aide dans le calcul d’équivalent subvention ;
- d’autre part, le respect des lignes directrices.
Nous avons répondu, mais cette demande d’information a rallongé le délai de décision.
En outre, j’entends dire officieusement que, s’agissant d’un nouveau régime d’aide, la Commission déterminerait sa position en fonction de l’évolution des discussions sur le POP IV.
Nous verrons donc la question dans une quinzaine de jours.
2e exemple : la question du quota hopping.
Sur ce sujet, de nombreux parlementaires ont exprimé leurs inquiétudes, qui rejoignent d’ailleurs les nôtres.
Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises lors des commissions de suivi. C’est un sujet très difficile, car, en droit, rien n’interdit ce genre de pratique.
La liberté d’établissement est même un principe fondateur de l’Union européenne. Mais cette liberté doit se concilier avec la gestion nationale des quotas.
Plusieurs arrêts de la Cour de justice des communautés européennes ont été rendues en la matière, et la Commission a elle-même élaboré une circulaire-cadre précisant sa doctrine et évoquant, en particulier, l’exigence d’un lien économique réel entre le navire et l’état du pavillon.
En d’autres termes, la représentation à terre des entreprises devrait se concrétiser par l’implantation d’un service administratif apte à gérer les navires.
Une première initiative avait été prise par la France en 1996 avec la modification des règles de francisation, Mais le développement de ce phénomène m’a conduit à saisir la Commission d’un dispositif liant l’accès aux quotas nationaux et aux licences à la vérification de ce lien substantiel.
Mon intention si la Commission valide ce dispositif bien sûr est de le proposer au Parlement par voie d’amendement.
Il faudra pour que ce principe atteigne sa pleine efficacité que la Commission révise sa circulaire, ce que je souhaite.
Pour autant, une telle avancée ne doit pas être l’occasion de remettre en cause le principe de la stabilité relative.
3e sujet, non encore clos : la question du statut des conjoints.
D’ores et déjà des réponses ont été apportées au travers de plusieurs dispositions de la loi.
Il en est ainsi d’abord, en matière de représentation des intérêts économiques de l’entreprise – par le mandat général d’administration courante – que l’inscription au registre du commerce permet d’obtenir.
Il en est de même en matière de formation via le crédit « d’impôt formation » ouvert par la loi Madelin du 11 février 1994.
Reste la question du statut social.
Lors de la discussion à l’Assemblée nationale, cette question a été réglée pour la conchyliculture. Un amendement gouvernemental a en effet transposé à l’ENIM le dispositif prévu par le régime de la Mutualité sociale agricole, dont relève environ un tiers des conchyliculteurs.
Mais cette question est plus complexe pour le conjoint de patron pêcheur, car il n’y a ni embarquement, ni travail effectif à bord du navire.
Mais, je me suis engagé devant l’Assemblée nationale à y revenir en deuxième lecture.
Dans cette perspective, j’ai demandé à l’inspection générale de l’agriculture de conduire une réflexion rapide sur ce sujet.
Parallèlement, j’organiserai très prochainement une réunion sur ce thème avec l’ensemble des associations concernées.
Je crois que votre comité doit participer à cette réflexion, notamment sur le statut social mais aussi sur ce qui me paraît très important, c’est-à-dire la participation des femmes de patrons pêcheurs aux travaux des divers comités des pêches et donc aux élections professionnelles.
Monsieur le président, j’ai déjà abordé des points essentiels, d’autres sans doute le seront à l’occasion de vos débats, mais je souhaiterais encore évoquer 3 sujets :
Premièrement, « l’après-loi », si j’ose dire, c’est-à-dire l’élaboration des instruments réglementaires d’accompagnement du texte lui-même.
Nous devons nous consacrer maintenant à ce travail et je souhaite que la même méthode que celle que nous avons utilisée pour la loi soit également mise en œuvre.
Deuxièmement, et sans attendre la promulgation de ce texte, je souhaite que nous lancions notre réflexion sur la bande côtière.
Nous devons dans deux ans présenter au Parlement un rapport sur ce sujet.
Deux ans, cela peut paraître long, mais si l’on regarde la complexité des questions soulevées, et les enjeux en cause, nous n’aurons pas trop de temps pour mener un débat complet avec tous les interlocuteurs.
Je crois que nous devons dès maintenant nous y mettre et je vous propose de constituer avec mon administration un groupe de réflexion et d’orientation stratégique sur ce sujet. Les comités locaux et régionaux devront avoir dans cette réflexion un rôle privilégié.
Troisièmement, comment ne pas aborder dans cette enceinte les élections professionnelles qui vont se dérouler à l’automne.
Je sais que certaines conditions concernant la participation à ces élections ont été modifiées, sur la base de vos recommandations, en particulier pour exiger des représentants une plus grande pratique professionnelle. Le Conseil d’État examine actuellement ces modifications.
Je formulerai donc le souhait de voir ces élections se dérouler dans les meilleures conditions possibles tant il est vrai qu’elles confèrent à vos comités toute leur légitimité.
Monsieur le président, je n’ai eu en ce qui me concerne qu’à me féliciter de l’important travail que nous avons accompli ensemble au cours des deux dernières années. Nous avons obtenu des résultats mais il nous reste encore beaucoup à faire pour permettre à la pêche française de progresser encore.