Texte intégral
LE FIGARO. – Comment expliquez-vous le décalage entre les chiffres de la Chancellerie et ceux qui étaient jusqu'à présent mis en avant ?
Jean-Paul DELEVOYE. – Le chiffre de huit cents mises en examen, comprenant élus et fonctionnaires territoriaux, voire préfectoraux, avait été annoncé par Jean-Pierre Chevènement à l'assemblée des départements de France, en juin dernier à Deauville. A l'époque, il n'avait pas été démenti par la justice… Maintenant, si la Chancellerie, via ses parquets, présente d'autres chiffres, on se basera sur eux. Le vrai problème, quels que soient les chiffres, c'est la condamnation médiatique qui suit toute mise en cause d'un élu.
LE FIGARO. – Est-il nécessaire de revoir la législation pour une cinquantaine de cas ? Ne prépare-t-on pas une nouvelle loi de circonstance ?
Le problème de fond n'est pas réglé. Personne ne peut nier qu'il existe une difficulté de plus en plus grande à assumer des responsabilités publiques et une peur accrue des risques juridiques. On s'oriente par conséquent vers une culture du « risque zéro » et vers l'immobilisme. On prépare une société où plus personne ne voudra prendre de responsabilités. C'est exactement le contraire qu'il faut : on a besoin d'innovation, d'imagination sur le plan public, et on va contraindre les gens à ne plus prendre d'initiatives pour des raisons de normes de plus en plus restrictives, de textes de loi de plus en plus incompréhensibles, et d'une tendance de plus en plus systématique de nos concitoyens à avoir recours à la pénalisation. Le débat reste ouvert, même si les chiffres, selon la Chancellerie, sont minimes. Il reste les mises en examen, les condamnations médiatiques, la peur du risque pénal dès qu'il s'agit de prendre une décision.
LE FIGARO. – Les statistiques montrent une augmentation des condamnations des élus pour atteinte à la probité. Que cela vous inspire-t-il ?
Gardons-nous de tirer des conclusions hâtives. A l'évidence, aujourd'hui, il convient de cultiver la transparence, tant au niveau de l'Etat qu'à celui des collectivités locales. Ceux qui utilisent l'argent public doivent être transparents sur les chaînes de décisions qu'ils prennent, sur les flux financiers engendrés et sur les procédures d'octroi. Ce qui est le cas dans la très grande majorité des collectivités locales. Il y a aujourd'hui ce souci de la transparence, de l'association de l'opposition et la majorité pour « moraliser » la maîtrise de l'argent public. A contrario, il conviendrait que ces procédures soient identiques au niveau de l'Etat. Par exemple en Corse, dans les grandes entreprises publiques, etc. Dans les collectivités locales, la gestion de l'argent public est actuellement beaucoup plus transparente parce qu'il y a eu un certain nombre de condamnations. Il est très salutaire que la « peur du gendarme » ait fonctionné.