Déclaration de M. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, sur la protection des consommateurs contre les pratiques commerciales illicites et les arnaques de la consommation, Paris le 16 octobre 1996.

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Intervenant(s) : 
  • Yves Galland - Ministre délégué aux finances et au commerce extérieur

Circonstance : Colloque et inauguration par M. Galland d'une exposition sur "les arnaques de la consommation" à Paris (Bercy) le 16 octobre 1996

Texte intégral

Mesdames, messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui à Bercy dans le cadre de ce colloque sur les arnaques de la consommation.

Je tiens au préalable à remercier les nombreux intervenants qui vont se succéder tout au long de cette journée à cette tribune.

Je suis convaincu que ce colloque va permettre d’approfondir l’analyse d’un phénomène qui a pris une ampleur grandissante à la fois humain, physique et économique, et de dégager des orientations concrètes pour mieux protéger les consommateurs et les entreprises, au niveau national et dans le cadre international.

Quelques mots tout d’abord sur le thème des arnaques de la consommation.

Au cours des dernières décennies, l’offre de produits et de services n’a cessé de se diversifier et de s’améliorer. Aujourd’hui, elle répond pour l’essentiel aux exigences des consommateurs, notamment en matière de prix, de qualité et de sécurité. Il n’en demeure pas moins que certains opérateurs peu scrupuleux ont exploité le filon de la consommation pour monter des opérations souvent astucieuses souvent en marge de la légalité mais qui s’avèrent toujours des pièges pour le consommateur crédule.

Si de tout temps des arnaques ont existé, je constate que les plaintes des consommateurs et les contrôles exercés ont fait apparaître une montée de pratiques anormales, reposant sur des méthodes quelquefois simples mais aussi extrêmement élaborées : les arnaques de la consommation. Les experts estiment que chaque année 1 million à 1,5 million de Français sont victimes d’arnaques et ceci représente un préjudice les concernant d’au moins 2 milliards de francs.

Sur le plan de la gravité des agissements, il existe une progression par degrés entre les arnaques et les violations « simples » du droit à la consommation, comme par exemple les fraudes ou tromperies sur les produits alimentaires.

Les fraudes portent sur certaines caractéristiques des produits, la composition, la qualité… l’entreprise commet une infraction, ou a manqué à son devoir de vérification de la marchandise, mais ne s’est pas constituée uniquement pour la commettre.

Les arnaques, au contraire, sont le fait d’entreprises entièrement tournées vers l’arnaque et utilisant de véritables manipulations.

Il s’agit d’une stratégie bien organisée pour exploiter massivement un créneau commercial, en mettant à profit les moyens modernes de communication.

Trois raisons m’ont amené à organiser un colloque sur ces pratiques :

1. Tout d’abord un problème social, j’ai pu constater que les principales victimes de ces arnaques sont des personnes en situation de grande vulnérabilité – personnes âgées, chômeurs, malades -. Il est particulièrement inadmissible et intolérable que ce phénomène atteigne justement ceux qui sont les plus fragiles et donc les plus désarmés.

Au-delà des victimes des arnaques, les Français sont légitimement irrités par ces pratiques qui touchent surtout des gens déjà handicapés dans la vie. Le souci de la solidarité doit nous conduire à réagir.

C’est pourquoi dans le cadre de mon action de Ministre en charge de la consommation, il m’est apparu fondamental d’agir.

2. Ensuite, un souci économique. Les pratiques d’arnaques entraînent des pertes de confiance des consommateurs, qui rejaillissent sur des professions, dont l’image peut-être durablement perturbée. C’est le cas par exemple du dépannage rapide. Son syndicat professionnel estime qu’en région parisienne il est très difficile à une entreprise sérieuse de s’implanter compte tenu de l’image déplorable qu’ont causée les arnaqueurs. Conséquence directe la profession estime pour cette seule région le déficit en emplois à près de 1 000 salariés et la perte de chiffre d’affaires à plus de 400 millions de francs. Elles introduisent aussi une suspicion sur certains modes de communication modernes, retardant de ce fait leur développant, les débats autour d’Internet en sont un exemple.

3. Enfin, j’ai pu constater par les courriers qui me sont adressés et mes rencontres avec les consommateurs notamment lors de mes déplacements en province que la sanction de ces pratiques anormales n’était pas satisfaisante.

Je voudrais à cet égard vous donner un exemple vécu qui m’a été donné lundi dernier à l’occasion d’un déplacement à Valenciennes où j’ai rencontré des représentants des consommateurs.

Voilà l’histoire qu’une jeune femme m’a racontée. En lisant une revue, qu’elle n’a pas été sa surprise quand elle a constaté que la personne représentée sur une publicité pour vanter l’efficacité d’un régime amaigrissant n’était autre qu’elle-même. Bien sûr elle n’avait jamais eu recours à ce produit et n’avait jamais donné son accord pour voir sa photo utilisée à des fins publicitaires. Comment s’était-on procurée sa photo ? Après réflexion elle s’est souvenue que deux ans auparavant, sur son lieu de vacances, des étudiants en photographie l’avait abordée avec son mari pour les prendre en photo pour disait-il constituer un album de portraits dans le cadre de leurs études.

Ils avaient accepté.

Considérant inacceptable cette utilisation de son image, cette consommatrice avertie saisit la DGCCRF locale afin que celle-ci intervienne auprès du juge pour faire cesser cette publicité.

L’action de la DDCCRF auprès du Parquet n’a pas permis de faire cesser la publicité. Ce dernier invoquant deux raisons pour justifier sa non intervention :

1. Qui incriminer ? L’annonceur réside aux États-Unis, la publicité renvoie le consommateur sur une société installée en Italie et intervenant pour le compte de sociétés ayant leur siège à Nice et Bruxelles.

2. La victime défend un intérêt privé. Elle doit donc agir en son nom propre et devant la juridiction civile contre l’annonceur et éventuellement l’entreprise de presse qui a diffusé la publicité litigieuse.

Résultat : la victime devant la complexité de la tâche a renoncé.

Cette petite histoire est édifiante et j’espère qu’au terme de cette journée les débats apporteront l’esquisse de solution à ce problème grave car il laisse à la victime un sentiment d’impuissance et d’extrême injustice et au coupable l’impression d’impunité.

Je tiens à souligner que ce colloque est le point d’aboutissement d’un travail de plusieurs mois auquel ont contribué les services de la DGCCRF, mais aussi les associations nationales et locales des consommateurs.

J’ai tenu en effet à ce que les organisations de consommateurs, proches des réalités du terrain, soient dès le départ associés à cette démarche.

J’ai souhaité qu’un Livre Blanc, soit élaboré afin de dresser un état des lieux et de recenser les diverses formes de pratiques d’arnaques afin que chacun d’entre vous dispose d’une base identique et d’un dossier structuré pour intervenir dans ce colloque. Je vous avoue qu’après avoir lu je pense qu’il devrait plutôt dû s’appeler le Livre Noir des arnaques.

J’ai souhaité également être le plus concret possible ; c’est pourquoi j ‘ai demandé qu’une exposition sur les arnaques soit montée à Bercy afin que l’on constate les procédés scandaleux utilisés par certaines officines. Cette exposition que j’inaugurerai tout à l’heure sera ouverte au public samedi prochain et je remercie par avance les 10 associations nationales de consommateurs et l’Institut National de la Consommation qui ont accepté de participer à l’accueil du public ce jour-là et de donner aux visiteurs les explications sur les mécanismes principaux des arnaques qui y sont détaillés.

En conclusion, je voudrais vous rappeler que le Président de la République, Jacques Chirac, avait insisté sur l’actualité et l’importance de la lutte contre les arnaques parce que celles-ci touchent nos concitoyens les plus défavorisés ; lors du Conseil des Ministres du 31 juillet où j’avais annoncé cette initiative il avait d’ailleurs fait remarquer sa volonté et m’avait donné les instructions pour combattre avec détermination le caractère antisocial des arnaques et la conviction que ce colloque permettrait des initiatives efficaces en la matière.

Cette journée, Mesdames, Messieurs, est à mes yeux d’une grande importance et d’ailleurs, je tiens à vous dire, j’assisterai à tous vos débats sauf en ce début de matinée où je dois assister au Conseil des Ministres. A la lumière de vos travaux, et après vous avoir soigneusement écouté. Je proposerai une méthodologie de travail et de réforme et je ferai des propositions d’action très concrètes pour réduire un phénomène inacceptable que nous ne subirons pas.