Texte intégral
Je souhaite tout d’abord rendre hommage à l’action de Monsieur François Grosdidier, député de la Moselle, en faveur de la reconversion industrielle.
L’expérience de M. Grosdidier s’est construite dans une région soumise à une série de mutations profondes qui ont ébranlé ses bases industrielles fondées sur le charbon, l’acier et le textile.
Cette expérience et les succès remportés en Lorraine ont conduit le Premier ministre à vous confier une mission de réflexion sur cette question. Le Premier ministre ne s’est pas trompé. Vous lui avez en effet remis. Monsieur le député, un rapport d’une qualité qui mérite d’être soulignée. Son titre « La reconversion : une ardente obligation » me paraît en outre particulièrement bien choisi.
Chacun le sait, notre économie, confrontée aux mutations technologiques et à la compétition mondialisée, ne cesse d’évoluer en profondeur. Chacun sait aussi que l’emploi industriel continue de diminuer, tandis que l’emploi tertiaire augmente
Cette évolution a évidemment des effets, que ce soit sur la localisation des emplois ou sur l’aménagement du territoire, qui justifient de longue date l’intervention publique en matière de reconversion industrielle. Mais il n’est pas de politique, aussi efficace soit-elle, qui n’appelle périodiquement un aggiornamento. La reconversion n’échappe pas à cette règle, qu’il s’agisse des lieux où elle s’applique ou de ses instruments.
En effet, la nature des mutations a profondément changé ces dernières années. La logique des reconversions, sectorielle dans les années 70 et 80, est aujourd’hui devenue beaucoup plus territoriale.
C’est ainsi, par exemple, que des secteurs qui étaient en crise sont certes sortis de cette situation, mais sans pour autant que les emplois supprimés dans le passé aient été, nécessairement partout, reconstitués. Tel est manifestement le cas de la sidérurgie.
D’autre part, les situations de crise ont changé de forme. Elles ne sont plus exclusivement industrielles. Je pense au secteur bancaire ou informatique dans lequel des entreprises suppriment des emplois, alors que d’autres, positionnées sur des créneaux à forte valeur ajoutée, se développent. Je pense également aux restructurations de la défense qui concernent non seulement les entreprises industrielles, mais aussi l’appareil militaire proprement dit. Et les situations deviennent vraiment graves lorsque, sur un même territoire, se rajoutent les unes aux autres ces différentes formes de restructuration.
Votre conclusion. Monsieur le député, je la partage donc. Elle consiste à fonder une politique de reconversion autant sur des critères territoriaux comme le chômage, l’emploi et leurs évolutions dans un bassin d’emploi, que sur des considérations sectorielles. La mise en œuvre des fonds structurels européens, avec l’objectif 2 dédié à la reconversion, repose déjà sur un début d’approche territoriale. Mais cette territorialisation n’est pas suffisante et il me semble nécessaire d’aller plus loin dans cette voie pour que notre politique de reconversion industrielle corresponde mieux aux réalités actuelles.
Dans le sens des préconisations du rapport de Monsieur Grosdidier, je vais donc proposer au prochain CIADT, d’approuver la liste d’une trentaine de zones d’emploi où les mesures de reconversion doivent être intensifiées. Ces territoires, pour une part, seront déterminés à partir d’un faisceau de critères objectifs, révélateurs de handicaps structurels, et, pour l’autre part, seront choisis en fonction des restructurations récentes les plus vives et les plus intenses, je pense en particulier à celles de nos arsenaux et du GIAT, pour ne parler que de la défense.
De plus, un groupe permanent des directeurs des ministères de l’industrie, de la défense et de l’aménagement du territoire concernés par les reconversions, sera constitué par le CIADT pour lui soumettre périodiquement des adaptations de cette géographie.
La mission de ce groupe interministériel sera non seulement de proposer l’ajout de nouvelles zones, mais aussi des retraits quand ils seront justifiés. En effet, même si c’est parfois un peu difficile à admettre, la reconversion d’un territoire s’achève une fois que son économie a retrouvé un équilibre.
Les préfets territorialement concernés par la liste arrêtée en CIADT seront chargés d’élaborer, en partenariat avec les collectivités locales et l’ensemble des acteurs du développement économique local, des plans de développement pour ces territoires. La délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale assistera les représentants de l’État dans cette mission et préparera les arbitrages interministériels nécessaires.
Ces plans de développement – c’est un point important auquel je sais que Monsieur Grosdidier est très attaché – donneront lieu à une validation interministérielle au plus haut niveau. Ils devront identifier les axes prioritaires de développement des sites concernés et les préfets devront demander les moyens humains qui leur seront nécessaires pour faire émerger et aboutir les projets. Monsieur le député, vous insistez à juste titre sur le fait que le suivi permanent de ces plans est une garantie de leur réalisation.
La création d’emplois devra être placée au cœur de la stratégie des plans de développement. Tout devra être fait pour attirer dans ces territoires des entreprises. C’est pourquoi, pour ce qui me concerne, j’étudie les moyens de renforcer significativement les dispositifs d’aides à la localisation d’activités sur les territoires concernés.
Ces plans de développement devront également être l’occasion de mieux mettre en synergie les acteurs et les outils du développement économique : c’est un autre leitmotiv du rapport de Monsieur Grosdidier, les actions menées sur le terrain doivent être mieux coordonnées.
En effet, si le nombre et la diversité des développeurs, loin d’être un handicap, est à l’évidence un atout, encore faut-il que l’ordre de bataille soit clair. C’est en cela que les plans de développement devront permettre aux préfets d’affirmer leur autorité sur l’ensemble des acteurs du développement, ceux qui relèvent de l’État et ceux, ne les oublions pas, qui interviennent grâce à des crédits de l’État.
Je sais pouvoir compter sur l’esprit de responsabilité de tous les acteurs de la reconversion qui sont présents aujourd’hui pour comprendre, accepter et faciliter cette indispensable coordination.
Au-delà des deux aspects que je viens d’évoquer, territorialisation et mise en cohérence, le rapport de Monsieur Grosdidier formule aussi un ensemble de propositions qui portent sur les outils mêmes de la reconversion. Certes, les contraintes et les échéances qui encadrent ces outils sont bien connues, notamment pour ce qui est des contrats de plan et des fonds structurels. En particulier, les zonages, si déterminants pour la prime d’aménagement du territoire et les crédits européens, ne pourront être revus qu’en 1999.
Pour autant, je souhaite que toutes les adaptations proposées dans le rapport soient mises en œuvre. Certaines le sont déjà. S’inspirant d’une proposition du rapport, le Premier ministre a en effet mis en place, il y a un an, un délégué interministériel pour l’accompagnement des restructurations de la défense.
Pour ma part, et dans l’esprit du rapport de M. Grosdidier, j’ai tenu compte pour effectuer la répartition régionale des crédits de l’objectif 2 de la période 1997-1999 de critères territoriaux actualisés. Ainsi, dans le domaine de la politique de la ville, une enveloppe de 30 millions de francs pour chacune des zones franches urbaines situées dans les territoires en reconversion va contribuer à la redynamisation de ces quartiers. De même, les zones de reconversion eu milieu rural ont vu leurs dotations augmentées pour tenir compte de leurs difficultés de développement spécifiques. Au-delà de cette répartition, j’ai demandé aux préfets d’inclure dans les programmes qu’ils sont actuellement en train de négocier avec la Commission européenne des actions qui touchent à la vie quotidienne et pas seulement au développement économique. Les infrastructures urbaines, l’environnement, les services publics sont concernés.
Pour ce qui concerne les sociétés de conversion, la convention signée entre l’État et la SODIE va dans le sens souhaité en permettant une meilleure transparence dans l’utilisation des dotations versées par l’État. Le Conseil général des mines et l’inspection générale des finances ont récemment confirmé à mes collègues chargés de l’industrie et des finances qu’il était souhaitable et possible, Monsieur le député, de permettre à ces sociétés de mettre en œuvre les suggestions de votre rapport.
Le prochain CIADT sera également l’occasion de concrétiser deux autres propositions. La première concerne les fonds de conversion destinés à financer les projets de développement économique qui ne passent pas par des aides aux entreprises. Afin que les préfets puissent accomplir la mission de coordination des moyens de l’État qui est la leur, une prochaine circulaire du Premier ministre donnera un fondement commun aux différents fonds susceptibles d’intervenir, notamment le fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), le fonds d’industrialisation des bassins miniers (FIBM) et le fonds de restructuration de la défense (FRED).
En effet, si la fusion pure et simple des fonds que suggère le rapport s’avère à ce stade techniquement difficile, il m’a semblé néanmoins nécessaire de ne pas attendre pour que ces différents fonds obéissent à des niveaux de décision et à des critères d’appréciation communs.
La seconde proposition que je compte soumettre au CIADT concerne la prime d’aménagement du territoire. Elle doit être non seulement un instrument qui contribue à la réindustrialisation, mais elle doit aussi favoriser la diversification économique des zones en reconversion industrielle. Il s’agit d’inciter notamment à la création d’emplois tertiaires dont le manque constitue une des faiblesses des zones en reconversion. C’est déjà une des missions de la prime d’aménagement du territoire. Mais, en pratique, les emplois qui peuvent être primés, doivent aujourd’hui être des emplois de direction ou de recherche.
Je souhaite que désormais, dans les zones de reconversion identifiées par le CIADT, ce critère par trop élitiste soit remplacé par un simple critère sur le niveau de de qualification des emplois créés. L’objectif est de favoriser l’implantation sur ces territoires d’activités en plein développement, comme les centres d’appel et tous les secteurs liés à l’avènement de la société de l’information, et en tout cas d’éviter la fragilité inhérente à toute mono-industrialisation ou mono-activité. La meilleure protection des territoires contre les chocs économiques ne réside-t-elle pas, vraisemblablement, dans la diversité des activités qui y sont installées ?
Les premières assises nationales de la reconversion industrielle marquent le franchissement d’une première étape un an après la remise du rapport de Monsieur Grosdidier au Premier ministre. L’actualité récente confirme la nécessité d’une politique de reconversion. Les contributions de tous les intervenants à ces assises dont vous avez pris l’initiative, Monsieur le député, permettront d’enrichir encore vos propositions. Je vous donne rendez-vous pour la prochaine étape, dans quelques semaines seulement, avec la tenue du CIADT.