Texte intégral
Messieurs les présidents,
Messieurs les députés,
Messieurs les sénateurs,
Mesdames, Messieurs,
Vous m’avez demandé, monsieur le député, de clôturer vos travaux, ce que j’ai accepté bien volontiers car vous me permettez de m’exprimer sur un sujet d’intérêt national, qui est au cœur de l’existence de nos concitoyens, celui de leur retraite.
La proposition de loi instituant l’épargne retraite que l’Assemblée nationale a voté en première lecture le 23 novembre dernier est une des réformes d’envergure que le gouvernement s’était engagé à effectuer.
Je suis convaincu de la profonde utilité des fonds d’épargne retraite pour notre pays et je souhaite vous faire part de mes convictions.
Je crois que la nécessité de créer un mécanisme d’épargne retraite est aujourd’hui largement admise. L’épargne retraite répond à deux attentes.
Sa raison d’être première est d’apporter un complément de revenus aux français qui le souhaitent. Nous devons conforter la sécurité des vieux jours.
Naturellement, l’épargne retraite ne peut être envisagée que dans le prolongement du système de protection sociale français et ne saurait en aucun cas mettre en péril les régimes par répartition qui doivent bien entendu être consolidés. Notre système de retraite par répartition a donné d’admirables résultats et il restera le fondement de la solidarité entre les générations.
Sa deuxième raison d’être, c’est la nécessité pour les entreprises de disposer d’une épargne longue investie dans leurs fonds propres.
Chacun sait que ces dernières souffrent d’une insuffisance de fonds propres. Les fonds par capitalisation leur permettront de disposer de nouvelles ressources longues pour financer leurs investissements. Notre pays ne souffre pas d’un niveau trop élevé d’épargne mais d’une mauvaise orientation de cette épargne qui n’est pas suffisamment investie dans l’économie productive.
L’épargne des Français est aujourd’hui en grande partie absorbée par les besoins de l’État.
Je vous le rappelle, les administrations publiques détruisent de l’épargne, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas en mesure de couvrir par leurs ressources leurs dépenses courantes, sans parler de leurs propres investissements. Cette situation est à l’évidence malsaine et justifie l’effort de redressement budgétaire engagé par le gouvernement.
Les ménages ont au contraire un taux d’épargne qui pourrait paraître excessif au regard de la situation conjoncturelle. Traditionnellement, l’épargne des ménages évolue de manière contracyclique, c’est-à-dire qu’ils puisent dans leur épargne au moment où leur revenu croît moins vite afin de limiter les fluctuations de leur consommation.
Actuellement, au lieu de puiser dans leur épargne pour préserver leur niveau de vie, les ménages l’ont accrue. Nous connaissons les causes de ce phénomène. Nos concitoyens savent que le niveau des déficits atteints est intolérable et anticipent des prélèvements accrus. Ils s’inquiètent pour leurs retraites, comme ils s’angoissent devant le risque du chômage. Toutes ces incertitudes les conduisent à constituer un surcroît d’épargne de précaution.
Or, cette épargne de précaution ne sert pas à financer un supplément d’investissement productif, mais nos déficits publics. Il faut donc assurer une meilleure allocation de cette épargne entre l’épargne publique et l’épargne privée.
La réduction des déficits publics que nous avons engagée permettra d’orienter l’épargne des ménages davantage vers le financement des fonds propres dont nos entreprises ont impérativement besoin. C’est un facteur essentiel pour l’investissement productif, la croissance et l’emploi.
Demain, grâce aux fonds d’épargne retraite et à la remise à flot de nos comptes publics, l’épargne des ménages se réorientera vers les entreprises. C’est en favorisant le développement des entreprises que nous assurerons le plus sûrement l’avenir de la protection sociale. Ce sont elles qui créent la richesse et l’emploi qui sont la source des cotisations sociales nécessaires à l’équilibre des systèmes de retraite par répartition.
Je sais que certains d’entre vous s’interrogent sur les conséquences pour les recettes de la Sécurité sociale de l’article 26 de la proposition de loi. Cet article prévoit que l’abondement de l’employeur au plan d’épargne retraite n’est pas soumis à cotisation sociale dans la limité d’un plafond de 4 000 francs par an augmenté de 2 % du salaire de l’intéressé.
Cet article ne saurait affecter mes recettes de la Sécurité sociale car, s’agissant d’un produit nouveau, il ne réduit pas l’assiette existante des cotisations.
Par ailleurs, les partenaires sociaux à l’écoute desquels je me suis mis m’ont fait part de leur crainte que le versement des employeurs ne se substitue à des augmentations de salaires. Je fais confiance aux organisations syndicales à la fois présentes lors de la négociation annuelle sur les salaires et lors des négociations sur la mise en place de l’épargne retraite pour veiller à ce qu’une telle substitution n’ait pas lieu. Par ailleurs, l’épargne retraite étant facultative il serait difficile pour un employeur de substituer ses versements à l’épargne retraite à des augmentations de salaires alors qu’une partie seulement des salariés en bénéficierait ; une telle politique rencontrerait sûrement une forte opposition non seulement des syndicats mais également des salariés eux-mêmes. Je ne doute pas que chacun prendra les responsabilités qui sont les siennes.
Toutes les grandes réformes suscitent des interrogations auxquelles il faut répondre. Ma conviction est que cette réforme est fondamentale pour notre pays. Elle permettra à ceux qui le souhaitent de compléter, dans les proportions qu’ils jugent nécessaires leur retraite de base. Nous devons faire œuvre de persuasion, et je m’y emploie, pour qu’elle voit le jour rapidement, grâce à un travail de coopération exemplaire entre le Parlement et le gouvernement.