Interview de M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement, à RTL le 2 janvier 1998, sur la ratification du traité d'Amsterdam, l'éventualité de la révision de la Constitution par la voie du référendum et sur les mesures de prévention de l'insécurité urbaine.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

RTL : Peut-on dire que L. Jospin a bien entendu les vœux du Président de la République, à savoir que ses prérogatives soient respectées, ce que M. Jospin lui a promis, ce matin ?

D. Vaillant : Je pense que les vœux du Président de la République aux Français étaient conformes à la tradition et, par ailleurs, sans surprise. Je ne crois pas qu’ils constituent un évènement politique. Concernant les prérogatives des uns et des autres, elles sont connues, établies, et je crois que personne n’a à en sortir. Les Français ont voulu cette situation politique, il est de la responsabilité de tous et de chacun, de respecter la volonté du peuple français.

RTL : Ce matin, en conseil des ministres, M. H. Guaino a été remplacé à la tête du commissariat au plan ; considéré comme le pourfendeur de la pensée unique et qui a, entre autres, contribué à la victoire de Monsieur J. Chirac dans la course à l’Élysée. M. Guaino a déclaré que « son remplacement était une décision politique ». Le Gouvernement de M. Jospin estimait que le commissaire au plan devait être remplacé par un économiste proche de vos idées ?

D. Vaillant : Je pense que M. Guaino s’est exprimé peut-être sous le coup de l’amertume – ce qu’on peut comprendre – mais il y a les règles et je crois que, concernant la pensée unique, le Gouvernement, dans son action quotidienne, et dans la durée, veille à ce que ne domine pas la pensée unique. Ce qui est inacceptable de la part de M. Guaino, c’est de laisser penser que ce changement à la tête du commissariat au plan est le triomphe de la pensée unique. Non ! En fait, le Gouvernement a souhaité ce changement pour que le commissariat au plan soit un outil au travail car je crois que la France a besoin d’un outil au travail.

RTL : Ce qui n’était pas le cas pour l’instant ?

D. Vaillant : Si le Gouvernement a souhaité changer M. Guaino, c’est que le Gouvernement pensait qu’il fallait que le plan soit vraiment au travail.

RTL : On vient d’apprendre que R. Hue souhaitait un référendum pour la ratification du Traité d’Amsterdam et demandait à être reçu par J. Chirac. Ça veut dire de nouvelles tensions dans la majorité plurielle ?

D. Vaillant : Ses positions sont connues, en même temps, je pense que le référendum que demandaient R. hue et le Parti communiste à l’époque ne touchait pas ce qui vient d’être décidé par le Conseil constitutionnel. Là, on est sur un champ beaucoup plus restreint. Vous savez que le Président de la République et le Premier ministre, ensemble ont saisi eux-mêmes le Conseil constitutionnel pour savoir s’il fallait adapter la législation française – la Constitution française – par rapport à ce traité d’Amsterdam. Il s’agit d’une adaptation limitée et je pense qu’il est normal que, et le Président de la République et le Premier ministre, le moment venu, puissent demander, par exemple au congrès, de faire en sorte que les modifications nécessaires soient apportées par le congrès.

RTL : Congrès qui serait convoqué uniquement pour évoquer ce Traité d’Amsterdam, ou également d’autres sujets, comme la réforme de la justice ? Pourrait-on faire un paquet ?

D. Vaillant : C’est une bonne question. Il est clair que des référendums sur les sujets qui sont en cause, que ce soit la justice, la modernisation de la vie publique – notamment l’affaire du cumul des mandats – ou l’adaptation de la Constitution par rapport au Traité d’Amsterdam ne pourraient pas faire l’objet de référendum. On ne peut pas faire trois référendums auprès des Français dans l’année 1998.

RTL : F. Mitterrand en avait fait un pour Maastricht !

D. Vaillant : Certes, mais c’était le Traité de Maastricht ! C’était autre chose que l’adaptation limitée de la Constitution par rapport au Traité d’Amsterdam, qui ne concerne ni la monnaie unique, ni l’euro. Je pense qu’il y a effectivement, au cours de l’année 98, à envisager des réformes de la Constitution touchant encore une fois à la justice, la modernisation de la vie publique, et donc par rapport au Traité d’Amsterdam. Je pense que c’est un problème d’échéancier. C’est au Président de la République, en accord avec le Gouvernement, de faire des propositions pour que ce travail soit effectué dans l’année, et sûrement pas sous forme d’un référendum.

RTL : C’est une précision que j’allais vous demander : c’est à J. Chirac de décider si la révision de la Constitution sera par référendum ou pas ?

D. Vaillant : Absolument, mais il doit le faire en accord avec le Gouvernement sur ces sujets et c’est vrai qu’on peut se poser la question de savoir si le congrès étant réuni avec les parlementaires, on peut traiter d’autres sujets que celui-là pour éviter de réunir plusieurs fois le congrès dans l’année.

RTL : Alors, si c’est la solution suivie, est-ce que cela peut se faire rapidement, et dans quel délai, M. Vaillant, puisque vous êtes le ministre des relations avec le Parlement ?

D. Vaillant : Oui, bien sûr. Je vous rappelle qu’il n’y a pas urgence. D’abord, je précise aussi pour vos auditeurs que, y compris les réformes touchant au Traité d’Amsterdam, ne seraient applicables que dans les cinq ans. Mais concernant la réforme elle-même pour notre pays, je crois qu’il faut qu’avant la fin 1998, eh bien, les réformes interviennent. Je pense que le premier semestre 98 serait un délai raisonnable.

RTL : Toute autre chose et autre sujet d’actualité : comment le Gouvernement compte s’y prendre pour ramener le calme dans les banlieues après les violences que l’on a connues ces derniers jours, autant à Strasbourg, à Toulouse qu’en région parisienne ?

D. Vaillant : D’abord, je me réjouis que le Président de la République ait repris dans ses vœux les formules et les projets du Gouvernement en matière de sécurité, tels que L. Jospin et J.-P. Chevènement les avaient exprimés à Villepinte et dans une communication au conseil des ministres. Ces violences urbaines sont inacceptables. D’abord, elles frappent les plus faibles souvent, notamment socialement les plus faibles. Quand on brûle la voiture d’un ouvrier à Strasbourg, on s’en prend au plus faible de la société. Je crois que la politique gouvernementale doit être mise en œuvre en partenariat avec les collectivités locales. Les administrations ne doivent pas se renvoyer la balle mais montrer l’exemple et agir sous l’autorité de l’État, donc des ministres et du gouvernement.

RTL : Est-ce que vous avez le sentiment, M. Vaillant, comme on l’a entendu parfois de la part de parlementaires, que la police parfois baisse les bras, ne va pas dans certains quartiers, comme l’a laissé entendre le procureur de la République de Strasbourg ?

D. Vaillant : Je pense que la police fait le maximum, mais qu’il y a des besoins, et le ministre de l’intérieur a dit qu’il le ferait : il y a besoin de redéployer des effectifs de police là où les problèmes sont les plus aigus. Aujourd’hui, l’insécurité est une injustice de plus, parce que c’est plus dans des quartiers difficiles qu’il y a l’insécurité que dans des beaux quartiers où les gens vivent paisiblement. Je crois qu’il faudra redéployer les effectifs de police. Ça a commencé avec les adjoints de sécurité qui commencent d’arriver dans les quartiers, y compris dans le 18e et dans le 19e où il y en a déjà. Il faudra de l’îlotage : prévention, répression, dissuasion. Je pense que la sécurité doit être une coproduction de beaucoup d’acteurs, notamment de la police, de la justice, mais aussi des élus locaux, des administrations et des citoyens eux-mêmes, notamment des parents qui doivent prendre conscience qu’on ne peut pas laisser des gamins à l’abandon, tel que votre reportage, tout à l’heure, le laissait entendre.