Articles de M. Jacques Voisin, secrétaire général de la CFTC, dans "La Lettre confédérale CFTC" des 15, 17 et 24 février 1997, sur l'emploi des jeunes et sur la déréglementation du travail.

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Média : La Lettre confédérale CFTC

Texte intégral

La Lettre confédérale, n° 690 du 10 au 16 février 1997

Sommet Jeunes lundi 10 février

Insérer les jeunes, c'est renoncer à la précarité

N'en doutons pas, la méthode du sommet social, que nous avions suggérée au gouvernement lors de la panne sociale de décembre 1995, est une bonne méthode. À l'heure où s'ouvre le deuxième sommet jeunes, le bilan reste pourtant bien maigre, en tout cas sans commune mesure avec les attentes. La mobilisation n'est pas celle que nous aurions souhaitée autour d'un vrai projet. Nos enfants méritaient mieux que le néant ou la précarité. Ils ont à construire leur avenir. Il faut leur en donner les moyens. Il n'y a sans doute pas de question plus importante ni plus urgente : l'avenir de la jeunesse, c'est l'avenir du pays.

Il ne faut pas mésestimer non plus les succès opérationnels possibles d'une telle réunion. L'amélioration d'une mesure, la meilleure articulation des dispositifs touchent concrètement des milliers de jeunes qui du jour au lendemain sortent de la galère pour construire un projet, leur projet. Chaque mesure bien ciblée, chaque franc bien employé rend l'espoir à un jeune, retisse un lien qui se brisait.

Alors disons-le avec force : l'insertion professionnelle des jeunes se construit dans la durée. La formation initiale, dans laquelle s'amorce le projet du jeune est la première étape de la formation continuée. C'est un parcours à concevoir – il faut articuler et rendre cohérentes les différentes mesures – qu'il faut ensuite suivre concrètement sur le terrain. Il faut donc articuler le temps de l'école et le temps dans l'entreprise, former des tuteurs, bref, inscrire le parcours de formation du jeune dans la durée, dans la perspective de sa carrière et de sa profession. Le surtravail, l'aménagement et l'organisation du temps de travail à partir des besoins des personnes et des familles, les mesures comme le « capital temps » qui permettent de redonner aux salariés la main sur la gestion du temps social, tout cela montre qu'il existe au sein même de l'entreprise une solidarité effective entre les générations. Cette approche suppose que le lien entre le salarié et l'entreprise soit stable. Insérer les jeunes : c'est le contraire de la déréglementation et de la précarisation du contrat de travail. Flexibilité s'abstenir !

 

La Lettre confédérale, n° 691 du 17 au 22 février 1997

« Sommet jeunes »

Oser la confiance !

Une certaine forme de pensée unique consiste à faire croire qu'il n'existe aucune solution à la crise actuelle, ou bien que, si des solutions existent, elles n'ont aucune chance d'être mises en œuvre, Ainsi, il ne fallait rien attendre du sommet sur les jeunes.

Bien sûr, et nous l'avons dit fortement, le chômage des jeunes ne doit pas être isolé des solutions globales à apporter au problème de l'emploi. Reste que faire travailler ensemble sur la formation et l'insertion des jeunes le gouvernement, l'entreprise et les partenaires sociaux, les collectivités territoriales, l'école et les jeunes eux-mêmes n'est pas une mauvaise méthode. Articuler les approches, décentraliser et déconcentrer les solutions, voilà qui relève du bon sens.

Lorsque l'on va au fond des choses, l'entreprise ne peut assumer sa mission de formation vis-à-vis des jeunes, mission dont elle ne peut pas se passer, sans l'envisager sur le long terme. Le pari sur les hommes est un engagement dans la durée.

C'est pourquoi l'actuel débat sur la déréglementation du contrat de travail, c'est-à-dire, en fait, le désengagement de l'entreprise vis-à-vis de ses salariés ne peut conduire qu'à l'impasse du désengagement des salariés eux-mêmes vis-à-vis de leur entreprise. Sortir de l'impasse c'est oser la confiance. La CFTC a toujours souligné que l'entreprise ne pouvait pas survivre longtemps sans projet. Un projet pour ses clients et un projet pour ses salariés. Cela va de pair. Ce sont les deux faces de la réalité du travail.

Faire dans l'entreprise la place aux salariés, c'est dans le même temps faire la place aux jeunes. Il n'y a plus assez de jeunes dans notre société. Si l'on n'y prend pas garde, on finirait par ne plus parler que de santé et de retraite ! Il nous faut redécouvrir la joie et le dynamisme de la jeunesse. Après le sommet sur les jeunes, celui sur la famille trouve naturellement sa place ta CFTC y apportera là aussi la marque de son exigence.

 

La Lettre confédérale, n° 692 du 24 février au 1er mars 1997

L’entreprise est d’abord une communauté de personnes unies par le service qu’elles construisent et qu’elles rendent par leur travail

Qu'est-ce qu'une entreprise ?

Un arrêt de la cour de cassation relance cette semaine le débat sur la déréglementation du travail. Lorsqu'un plan social est invalidé, les salariés ont la possibilité de réintégrer leur entreprise. Voilà qui semble frappé au coin du bon sens, même si certains trouvent anormal que les tribunaux rendent la justice et tirent les conséquences des textes de loi. Mais à y regarder de plus près, il se pourrait que la question ne soit pas là.

Vouloir rendre flexible la relation entre le salarié et son entreprise, c'est revenir à cette conception archaïque où l'exercice de la responsabilité n'incombait qu'au seul actionnaire. Mois en un siècle, l'actionnariat s'est dilué au point d'ignorer tout, le plus souvent, des entreprises dont il détient des parts. Quelle est donc la réalité économique d'un plan social ? Qui l'établit ? Qui la contrôle ? Se mesure-t-elle à son efficacité sur le cours des actions ?

Il y a eu tellement d'abus, ces dernières années, que le mécontentement gronde devant la facilité avec laquelle l'entreprise se débarrasse de ses salariés. Comme si l'entreprise n'était qu'une machine à sou. Comme si l'entreprise n'était pas d'abord une communauté de personnes unies par le service qu'elles construisent et qu'elles rendent par leur travail. La solidarité est au cœur de la constitution de l'entreprise. Faute de le comprendre on sème le vent qui fera tempête. C'est pourquoi la CFTC ira rencontrer le CNPF. Non pas pour élargir l'autoroute des plans sociaux, mais pour que te travail reprenne sa juste place dans l'entreprise.