Interview de M. Bernard Kouchner, porte-parole du PRS et ancien ministre de la santé, dans "Libération" le 10 et à France 2 le 12 janvier 1997, sur l'affaire de l'hormone de croissance et notamment la commercialisation de lots contaminés d'hypophyse entre 1985 et 1986, et sur la nécessité d'une loi sur le risque thérapeuthique.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC Libération - France 2 - Libération - Télévision

Texte intégral

Libération - 10 janvier 1997

Libération : Que vous inspirent les dernières révélations ?

Bernard Kouchner : Elles ne me surprennent pas, elles me scandalisent, mais le mal est fait. Si j’ai demandé un rapport à l’Inserm (Institut national de santé et de la recherche médicale, ndlr) et à l’Igas (Inspection générales des affaires sociales, ndlr) en 1992, quand j’étais ministre de la Santé, c’est parce que mes services avaient découvert que le drame couvait. Cela illustre une nouvelle fois un problème auquel je me suis attaqué : traditionnellement, la notion de service public n’existait pas en France, à l’époque la santé publique n’était pas prise en compte par personne. Avant mon arrivé au ministère, la santé publique était confiée à des associations loi de 1901 parapubliques comme le Centre de transfusion sanguine. On ne peut pas laisser France Transplant à des médecins, aussi grands soient-ils. L’Etat doit prendre ses responsabilités. Mais pas de façon bureaucratique. De façon active te efficace. C’est pour cela que j’ai crée le réseau de santé publique, l’agence du médicament, l’établissement français des greffes. Pour que l’Etat joue son rôle et que rien n’échappe à tout contrôle.

Libération : Mais, derrière tout cela, n’y a-t-il pas des intérêts financiers ? Selon « l’Express », la pharmacie centrale des hôpitaux vivait de l’hormone de croissance.

Bernard Kouchner : Quant on voit le budget de la pharmacie des hôpitaux, laisse rêveur. La pharmacie des hôpitaux, c’est presque le plus gros laboratoire pharmaceutique français.

Libération : Un tel scandale peut-il se reproduire ?

Bernard Kouchner : Sous cette forme, je ne le pense pas. Mais il faudrait absolument que la France se dote d’une loi sur le risque thérapeutique. J’en ai préparé une quand j’étais au ministère de la Santé, mais elle est restée dans les cartons. Je savais que des procès se préparaient, notamment en  ce qui concerne l’hormone de croissance. Cette loi sur le risque thérapeutique demeure absolument nécessaire. La médecine n’est pas une science exacte. Certains médicaments peuvent se révéler nocifs ou avoir des effets secondaires. Des risques existent par défaut de connaissance, c’est une évidence. Il faut donc une loi qui évite que ne se crée une animosité entre les médecins et les malades, qui distribue les responsabilités qui prévoient des indemnités… A l’époque, j’avais calculé que les implications financières d’une telle loi se monteraient à 40 francs par famille et pas an. Si elle n’a pas vu le jour, c’est que les médecins n’en ont pas voulu. Ils préfèrent conserver le pouvoir et le contrôle, sans comprendre qu’ils devaient désormais les partager avec les responsabilité publique. Tout ça me fait regretter de ne pas être resté plus longtemps dans ce ministère.

 

France 2 - Dimanche 12 janvier 1997 à midi

Avec la participation de : Bernard KOUCHNER, Georges-Marc BENAMOU, Jacques JULLIARD, Franz-Olivier GIESBERT, Alain DUHAMEL, Alain GAUTIER, Denis HOREAU, Jean SANS, Jean-Marie FINOT, Marc GEFFROY, Gérard HOLTZ, Hubert AURIOL, Philippe JEANTOT

Michèle Cotta : Bonjour. Pour le premier anniversaire de la mort de François Mitterrand, deux nouveaux livres sortent en librairie cette semaine : "Portrait d'un artiste" par Alain Duhamel, "Le dernier Mitterrand" par Georges-Marc Benamou.

Un an après sa mort, peut-on tout dire, tout écrire sur François Mitterrand ? N'est-il pas temps de laisser l'Histoire le juger ? Ce sera la deuxième partie de cette émission.

Vendée Globe, drames en série dans la course autour du Monde, en solitaire et sans escales. Les sauveteurs ont retrouvé deux des trois skippers disparus. Reste le troisième toujours introuvable. Polémique sur le coût des recherches et le tracé jugé trop dangereux de cette course. Nous retrouverons nos invités dans la dernière partie de cette émission.

Tout de suite, Bernard Kouchner.

Bernard Kouchner, bonjour.

Bernard Kouchner : Bonjour.

Michèle Cotta : 50 enfants atteints de la maladie de Creutzfeldt Jakob, 50 enfants traités entre 1985 et 1986 par des hormones de croissance. 40 d'entre eux sont déjà morts.

Vous avez été ministre de la Santé et de l'Action Humanitaire d'avril 92 à avril 93 lorsque les premiers cas de maladie ont été révélés, comment l'avez-vous appris et qu'avez-vous fait?

Bernard Kouchner : Ce que j'ai fait, c'est que j'ai passé une journée avec toutes les familles au Ministère de la Santé pour leur parler, pour comprendre et pour les soutenir. C'était une journée difficile. Mais les enfants n'ont pas été traités seulement entre 84 et 85, avant et après. La période de 84 à 85 est une période dangereuse où on ne sait pas si -ce qu'on ne connaissait pas alors comme le prion, c'est-à-dire le responsable de la maladie de Creutzfeldt-Jakob - l'agent responsable nouveau a pu être à l'intérieur de ces produits-là.

Il Y a des milliers d'enfants à travers le Monde qui ont bénéficié de cette hormone de croissance et qui s'en sont bien trouvés, leurs familles aussi. Ce que j'ai fait.

Michèle Cotta : Justement, vous précédez ma deuxième question : estimez-vous qu'il est vrai que, de mai 85 à février 86 -je le précise, vous n'étiez pas ministre à l'époque - 4 lots de produits qu'on savait contaminés ont été mis sur le marché et distribués malgré le fait qu'on sache qu'ils étaient dangereux ?

Bernard Kouchner : Oui, cela est l'affaire du juge et, moi, je n'accuse personne. Mais en 1992 et 1993, il y a eu une enquête que j'ai diligentée de l'IGAS, c'est-à-dire l'Inspection des Services, et qui déjà avait noté, à cette époque - car j'ai rendu public immédiatement, le jour même, ce rapport - que les choses se passaient de mauvaise façon.

Michèle Cotta : Il faut dire les choses comme elles sont, ils ont été distribués. Votre intime conviction ? Je ne vous demande pas de juger.

Bernard Kouchner : Je l'ai lu dans la presse comme vous. Le juge a enquêté, il a des moyens qui n'avait pas l'IGAS. Il apparaît qu'un lot précis, étiqueté, de ces hormones...

Michèle Cotta : L'Express vient de sortir une enquête particulièrement complète.

Bernard Kouchner : ...aurait été distribué, ce qui me semble très difficile à accepter...

Michèle Cotta : ...C'est un euphémisme !

Bernard Kouchner : C'est un euphémisme parce que je n'en sais rien et je le crains. Mais ce que j'ai fait, c'est que l'Etat, en 1992-1993, n'était pas en charge de la production de ces produits, il y avait des associations loi 1901. C'était vrai pour le sang contaminé, c'était vrai pour l'hormone de croissance, c'était vrai pour les greffes et, en 1992- 1993, on a fait une loi de sécurité sanitaire. Une agence française du sang est venue pour contrôler et garantir, une agence du médicament - celle qui marche le mieux en Europe - est venue pour contrôler, autoriser, garantir un comité de transparence des greffes et un réseau national de santé publique.

Sachez qu'à l'époque il n'y avait personne en santé publique, c'était le parent pauvre de la médecine. Et donc, pas pour être méchants, des médecins, qui faisaient du bien à leurs patients et qu'on allait consulter car ils étaient bons, fabriquaient eux-mêmes, grâce à des associations, loi 1901, ce que l'Etat ne pouvait pas contrôler. Voilà les faits.

Michèle Cotta : Justement, trouvez-vous normal qu'une association ait le monopole quasiment de la production d'hypophyse, la production d'hormone de croissance ? Trouvez normal qu'elle maîtrise le cycle absolu depuis la naissance du médicament jusqu'à son administration par les médecins ?

Bernard Kouchner : Non. Non seulement je ne le trouve pas normal, mais je l'ai changé puisque maintenant ce n'est plus possible. Mais trouvez-vous normal que ce qu'on appelait le Centre National de Transfusion Sanguine soit également une association, loi 1901 ? J'ai fait l'Agence nationale du sang. Encore une fois, ce n'était pas pour nuire. A l'époque, c'était une recherche très précise, très pointue que prenaient en charge des médecins précis. Il faut que l'Etat prenne en charge ses responsabilités-là.

Michèle Cotta : Je comprends bien, mais il reste que vraisemblablement, et d'après l'enquête de l'Express, la Direction centrale de la Pharmacie des Hôpitaux a mis des lots contaminés en circulation. Ces lots ont été mis en circulation pour des raisons commerciales.

Bernard Kouchner : J'ai lu la même chose que vous. Cela m'a effrayé comme vous. Je trouve cela scandaleux comme vous. Si c'est vrai, c'est l'affaire du juge.

Michèle Cotta : C'est l'affaire du juge, certes...

Bernard Kouchner : ...Ce n'est pas ma conception de la médecine. Ce n'est pas comme cela que je pense que l'on doit avoir sur la santé publique un regard, à la fois, efficace et contrôlé. Non, bien sûr que non ! C'est pour cela que cela ne pourrait plus se faire maintenant. Maintenant, on ne pourrait plus avec une association, loi 1901, c'est-à-dire n'importe qui, finalement, même médecins, avoir l'autorisation de distribuer aux malades des médicaments de ce genre. Ce n'est plus possible. Naturellement, cela ne veut pas dire qu'il y a des garanties à 100 %.

Michèle Cotta : Justement, vous avez évoqué d'autres dossiers que les hormones de croissance...

Bernard Kouchner : ...Oui, le sang, les greffes...

Michèle Cotta : …L'hépatite C, les greffes. Est-ce qu’en ce moment, en France - vous n'êtes plus au Gouvernement - vous pouvez donner une assurance que le Gouvernement travaille pour donner une sécurité totale aux gens qui sont aujourd'hui atteints de l'hépatite C ou qui ont des greffes à faire ?

Bernard Kouchner : Moi, je l'ai fait. Je pense que mes successeurs l'ont fait aussi, mais il faut comprendre deux choses :

D'abord, la médecine efficace est une médecine de plus en plus dangereuse. Les médicaments les plus efficaces, les techniques les plus efficaces ont des effets secondaires, il faut le savoir, c'est le risque thérapeutique, on n'en parle pas maintenant.

Mais surtout cela s'est passé en trois époques :

1980, des nouveaux médicaments, comme l'hormone de croissance, arrivaient sur le marché. C'était un espoir formidable pour les familles et pour les patients. Seulement, il y avait derrière ces performances, de effets secondaires qu'on ne connaissait pas. On les a connus un peu plus tard dans les années 90. Là, on a pris des mesures. Et c'est la première loi de sécurité sanitaire que nous avons fait voter avec Pierre Bérégovoy.

Et puis maintenant nous assistons, je l'espère, au recensement des derniers cas. Et je crois que maintenant ce serait moins possible. Mais si vous me demandez : y a-t-il une garantie à 100 % que les médicaments actifs soient inoffensifs, je vous dis : "non et jamais".

Michèle Cotta : Il reste que cette affaire d'hormones est telle que vous pouvez l'appeler, vous, un scandale médical ?

Bernard Kouchner : C'est un peu facile ensuite, lorsqu'on ne connaissait pas bien les situations de dire : "c'est un scandale". Si des lots ont été écoulés, qui étaient des lots contaminants, qu'on ne devait pas écouler, c'est plus qu'un scandale, c'est ignoble.

Michèle Cotta : Vous avez fait passer une première loi, vous l'avez dit, de sécurité sanitaire et vous n'avez pas pu faire passer une deuxième loi réglementant le risque thérapeutique. Pourquoi et qui vous en a empêché ? Que vouliez-vous faire et qui vous en a empêché ?

Bernard Kouchner : Il y a deux lois, c'est difficile d'expliquer les choses. La loi de sécurité sanitaire organise les greffes, le sang, les hormones, etc. Et, à côté de cela, une loi d'indemnisation. Cette loi sur le risque thérapeutique voulait indemniser les patients, mais aussi les responsabiliser, c'est-à-dire que je souhaitais que chaque famille française donne 30 francs par a... On s'assure bien pour sa voiture ou sur le multirisque habitation ou pour soi-même. Pour comprendre, pour être responsable de soi même et comprendre que, quand c'est performant, la médecine n'est pas une science exacte . François Mitterrand et Pierre Bérégovoy m'ont fait remarquer que je faisais une brèche dans la Sécurité sociale, et nous avons beaucoup traîné, et malheureusement je n'ai présenté cette loi qu'à la dernière séance du Conseil des ministres. Mais qu'on ne me fasse pas dire - j'ai vu des titres scandaleux dans la presse - que j'accusais le Président Mitterrand et le Premier ministre. Au contraire, ils ont fait la première loi.

Michèle Cotta : Cela est votre problème...

Bernard Kouchner : ...Non, ce n'est pas mon problème. Même mon problème peut être relativement important.

Michèle Cotta : La dernière question est : peut-on être sûr à partir de maintenant qu'un scandale comme les hormones de croissance ne se reproduira pas ?

Bernard Kouchner : On peut penser que l'Etat s'approche de la sécurité maximum, on ne peut pas dire qu'il n'y aura plus de scandale car le prochain virus qui vous frappera, vous, moi et les autres, nous ne le connaissons pas encore. Celui-là, il faut s'en prémunir. C'était le sens de ma loi sur le risque thérapeutique, mais au sens intellectuel, savoir que cela peut arriver. Mais, lorsque cela arrivera, nous ne serons pas les premiers prévenus, malheureusement.

Michèle Cotta : Bernard Kouchner, merci.

François Mitterrand, un an après sa mort. Les succès d'édition ne faiblissent pas.

Alain Duhamel, vous avez écrit Flammarion. "Portrait d'un artiste", chez Flammarion.

Georges-Marc Benamou, "Le dernier Mitterrand", chez Plon.

Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort". Pour vous, cela date d'il y a quelques mois.

Jacques Julliard, je vous ai demandé de venir parce que vous n'avez pas une dévotion particulière, vous ne l'avez jamais eue, pour François Mitterrand. D'ailleurs, il vous le rendait bien, d'après le livre de Georges-Marc Benamou. Il trouvait que vous faisiez partie de cette deuxième Gauche toujours critique à son égard.

Alain Duhamel, vous tracez un portrait et un bilan. Georges-Marc Benamou, vous avez préféré tout axer sur la médiatisation de Mitterrand face à la mort et les derniers instants, même jusqu'au dernier réveillon. Ne pensez-vous pas que c'est réducteur, au fond, pour faire connaître et pour cerner la personnalité de François Mitterrand ? Ce qu'a essayé de faire Alain Duhamel.

Georges-Marc Benamou : Je n'ai pas voulu faire le même exercice, qui est admirable, d'Alain Duhamel qui est un portrait total et qui est un portrait qui rentre bien dans la complexité du personnage. C'est cela qui m'a plus dans le livre de Duhamel. Pour la première fois, on appréhende, de la part de quelqu'un qui n'est pas un mitterrandien, la complexité. Il dit à un moment donné : "les gens sans imagination ont posé des grilles, des grilles de lecture, sur un personnage terriblement complexe". Cela est le mérité d'Alain Duhamel qui a fait un portrait total, une sorte de biographie et de réflexion.

Moi, je n'ai pas voulu être réducteur, mais je me suis intéressé aux deux dernières années de la vie de François Mitterrand comme un spectacle absolument incroyable. C'est ce que Franz a fait aussi dans "Le vieil homme et la mort", en tout cas en partie. Il a fait un autre travail dans ses biographies nombreuses et importantes. Mais, moi, j'avais la chance d'approcher un monarque au crépuscule et c'est un poste d'observation incroyable. Je parle de ces deux dernières années.

On m'a reproché de parler de la maladie...

Michèle Cotta : ...Vous ne parlez même que de cela.

Georges-Marc Benamou : Comment parler de la fin de vie de cet homme sans parler de la maladie ? En tout cas, j'ai essayé de ne pas tomber dans les travers de ce beau livre, mais un peu trop organique, qu'est "La cérémonie des adieux" de Simone de Beauvoir que j'ai relu attentivement, où, là, c'est vraiment organique, où, là, il y a des détails. Mais comment ne pas parler de la maladie, comment ne pas parler de ce courage-là et de ce combat-là ? Moi, j'ai pensé, en l'écrivant à "La mort d'Ivan Illich" de Tolstoï, et c'est cela qui m'a intéressé, avec beaucoup d'humanité, beaucoup de tendresse, ce combat contre la mort. Et c'est cela qui est formidable, qui est beau, qui est grand. Alors, comment éviter, effectivement, de parler des malaises, etc. ? mais ce n'est pas l'essentiel. C'est la toile de fond d'une fin de vie courageuse et très belle.

Jacques Julliard : Normalement, en démocratie, la vie privée des élus, des grands personnages de l'Etat, ne devrait pas jouer le rôle qu'elle joue. L'idéal de la démocratie, c'est sinon un anonymat, du moins une certaine discrétion de la vie privée des grands personnages, et c'est une des choses qui distingue cette démocratie des régimes plus personnalisés, des monarchies, etc.

Mais à partir du moment où la vie privée de François Mitterrand devient un événement public - et lui-même l'a voulu, lui-même n'a rien fait pour l'empêcher, et d'ailleurs quand il a convoqué Benamou, c'était aussi pour être historiographe de cela - cela devient un témoignage non seulement sur François Mitterrand finissant, ce qui est très important, mais, je dirais même, sur l'état de la Société française. On voit à ce moment-là le monarque finissant finir comme ont fini un certain nombre de rois de France, comme ont fini Louis XIV et Louis XV, c'est-à-dire se dégradant sous les yeux du public. Ce qui est à la fois très émouvant, très pathétique et, en même temps, très inquiétant car, en effet, je constate que ce Mitterrand qui est à mi-chemin entre le Christ souffrant et la famille des Monaco, désormais c'est elle qui remplit les magazines, la place...

Georges-Marc Benamou : ...Le côté monégasque n'est pas très développé, tout même.

Jacques Julliard : Ah ! si. Quiconque a touché à François Mitterrand, désormais, devient un personnage public pour autant. A partir de ce moment-là, cela pose tout . de même un sérieux problème sur l'évolution de la démocratie. Moi, je regrette qu'il y ait une telle idolâtrie pour le personnage et aussi peu de respect pour l'œuvre.

Michèle Cotta : Vous, vous avez plutôt du respect de l'œuvre ?

Alain Duhamel : L'œuvre, je la présente de façon plutôt critique et, en tout cas, contradictoire. Mais je voudrais rester, si vous le permettez, un instant sur le livre de Georges-Marc Benamou. Ce qui me frappe, c'est qu'au-delà de la qualité littéraire qui est évidente, au-delà du côté crépusculaire qui était inévitable - c'est vrai que cela a un côté viscontien, disons, et qu'on voit ce vieil homme qui prépare sa mort, qui la vit et qui associe tous ceux qui l'approchent, je dirais même, qui sélectionne ceux qui l'approchent en fonction de ce qu'ils peuvent lui apporter en préparation de sa mort dont il sait qu'elle est proche. Donc, tout cela existe, donne une humanité et donc correspond forcément à un apport - c'est non pas ce que je viens de dire et ce que je pense vraiment du livre de Georges-Marc Benamou, ce sont les réactions à son livre. Parce qu'au bout du compte, alors qu'il aimait François Mitterrand, qu'il le respectait... oui, je parle de l'auteur ...

Michèle Cotta : ...C'est Jacques Julliard qui vient de dire que "montrer la dégradation, ce n'est pas forcément...

Jacques Julliard : …C'est un constat.

Alain Duhamel : Michèle, je parle de réactions au livre de Georges-Marc Benamou. Au fond, je ne dirais pas "triomphe" - sur un sujet comme celui-là, mais célèbre ceux qui détestaient Mitterrand, qui ne l'aimaient pas ou qui étaient critiques selon et, en revanche, ceux qui aimaient Mitterrand, qui quelquefois l'encensaient et qui quelquefois, a fortiori, en étaient des inconditionnels, ceux-là prennent des airs offusqués. Et je trouve qu'il y a une espèce d'inversion entre la démarche et les réactions.

Georges-Marc Benamou : Encore que !... Disons que c'est plutôt la tendance apparatchik du mitterrandisme qui me critique. Et j'imagine que des écrivains ou des hommes libres, je pense à Poirot-Delpech, je pense à Lanzmann, m'ont manifesté leur soutien. Mais c'est vrai qu'il y a un certain stalinisme du sérail.

Jacques Julliard : Je n'aurais pas osé dire un mot pareil ! Vous me présentez comme un critique de Mitterrand, moi, je n'aurais jamais dit cela tout de même.

Alain Duhamel : Il faut le dire cela.

Jacques Julliard : Toi aussi ?

Alain Duhamel : Oui, bien sûr.

Jacques Julliard : Moi, je n'aurais pas parlé de stalinisme, je n'aurais pas été jusque là.

Michèle Cotta : Franz-Olivier Giesbert, que dites-vous ? Vous avez aussi un livre sur les derniers instants. Un livre qui est une espèce de pont entre les premiers moments que vous avez connus, autour de 70, et les derniers que vous avez bien connus en 95.

Franz-Olivier Giesbert : Je n'ai pas fait tout à fait le même genre d'exercice encore que, dans la grosse biographie, je racontais aussi le dernier réveillon avec le même genre de détails. C'est-à-dire que je crois, moi, qu'il n'y a pas lieu d'être choqué du tout par le travail de Georges-Marc Benamou. Et le fait qu'on l'ait été ou que certaines personnes l'aient été montre qu'il reste toujours une sorte de "culte" de la personnalité autour de François Mitterrand, une sorte de "sacralisation", une sorte de "monarchie", on n'arrive pas à s'en sortir. Au fond, ce qu'il a fait, c'est qu'il a raconté la tragédie d'un homme qui est confronté à la tragédie de la mort, tragédie que nous allons tous connaître. Moi, je ne suis pas choqué contrairement...

Michèle Cotta : …Il est était essentiel d'entrer dans le détail, vous pensez ?

Franz-Olivier Giesbert : François Mitterrand a voulu tout cela. C'est-à-dire qu'il a mis en scène sa vie, il a écrit le roman de sa vie et je crois aussi qu'il voulait aussi écrire le roman de son agonie. C'est-à-dire qu'il voyait des gens, il voyait des journalistes, il leur parlait de sa maladie et il entrait dans les détails. On pouvait écrire tout cela. Simplement, il y avait un problème de moments : était-ce le moment maintenant ? Mais, de toute façon, un jour, cela aurait été fait. Ce qu'il a fait, après tout, Saint-Simon - je ne veux pas comparer - l'a fait aussi dans ses "Mémoires" à propos de la mort de Louis XIV. Ce n'est pas triste ce qu'il raconte sur la mort de Louis XIV. Michèle Cotta : Bernard Kouchner, lorsque vous entendez parler de stalinisme de ceux qui ont aimé Mitterrand, quelle est votre réaction ?

Bernard Kouchner : Je suis bien embarrassé ! D'abord, chacun son Mitterrand. Moi, le mien, je le savais se mettant en scène lui-même, c'est vrai ! Je savais qu'il aurait aimé qu'on parle comme cela de lui maintenant. Il préférait ses ennemis à ses amis un peu critiques. J'avais beaucoup d'affection pour l'homme, parfois du recul pour l'œuvre. Il le pardonnait difficilement. Personnellement, je ne suis pas du tout choqué par le fait que des détails soient fournis puisqu'il les fournissait lui-même...

Alain Duhamel : ...Il s'y exposait en tout cas.

Bernard Kouchner : Non seulement, il s'y exposait, mais il les recherchait. Il n'empêche que j'ai une autre vision de François Mitterrand dans ce qu'il a fait et surtout ce qu'il n'a pas fait d'ailleurs, mais ce n'était pas le propos du livre de Benamou. Je préfère le bilan... comme cela, personnellement, parce que je me pose cette question : pourquoi sur l'Education nationale, sur la santé, sur un certain nombre de choses, on n'a pas fait assez ? donc, je préfère lire le bilan critique d'Alain Duhamel sur 200 pages. Mais je ne vois pas pourquoi, puisqu'on était là pour ça...

Alain Duhamel : ...260 sur le bilan.

Bernard Kouchner : Pardon pour le chiffre.

Jacques Julliard : Moi non plus, je ne suis pas du tout choqué, j'ai été passionné au contraire. J'y consacre même actuellement…

Bernard Kouchner : ...Tu es un peu plus choqué quand il faut élire Chirac.

Jacques Julliard : Cela amène tout de même à s'interroger sur le statut du Pouvoir, désormais, dans la démocratie. Que, Mitterrand qui a occupé le Pouvoir pendant 14 ans, donc qui a été au cœur de toutes les affaires politiques du pays, au moment de sa mort et dans l'année qui suit, à l'exception heureuse du livre d'Alain Duhamel ou presque, exception presqu'unique...

Alain Duhamel : Presqu'heureuse ou presqu'unique ?

Jacques Julliard : Elle est complètement heureuse et presqu'unique. Que la Nation n'ait jugé que sur son rapport, qui est en effet notre rapport de nous tous, à la maladie, aux femmes, à la vie privée, à toute une série de choses comme ça, c'est un petit peu embêtant. Parce que je me fais une autre idée de la démocratie. Je vais dire quelque chose qui va peut-être vous surprendre : Moi, je regrette ce que j'ai appelé une idolâtrie. En revanche, alors même qu'il y a cette idolâtrie qui se développe, je trouve qu'on est en train d'escamoter les aspects positifs du mitterrandisme. Or, Mitterrand - je pense notamment à beaucoup de ses partisans - a compris à un moment donné, à partir de 1983, qu'on ne pouvait pas faire un redressement économique sans une certaine rigueur ; deuxièmement, qu'on ne pouvait pas faire tout cela sans faire l'Europe. Or, je constate une chose, c'est qu'à l'intérieur même de la Gauche, au moment même où on continue de dire : "Ce grand Mitterrand", on fait exactement l'inverse.

Michèle Cotta : Alain Duhamel, il y a une phrase de votre livre qui, sur le fond, paraît intéressante : "II aimait les idées comme les femmes en les trompant". C'est tout de même un drôle d'hommage à rendre à quelqu'un ?

Alain Duhamel : Non, parce qu'il ne faut pas le prendre unilatéralement. D'abord, c'est vraiment ce que je pense : "il aimait les idées comme les femmes en les trompant". Cela veut dire que, bien entendu, il trompait les femmes et que, bien entendu, il trompait les idées. Il suffit de reprendre ce qui est après tout le texte...

Jacques Julliard : ...sa carrière.

Alain Duhamel : Non, le texte de base du double septennat, c'est-à-dire le projet socialiste, et de le confronter avec la politique socialiste. On ne peut pas nier que les idées aient été trompées, et les femmes aussi, bien sûr. Mais ce qui est frappant chez lui, ce qui est intéressant et ce qui est complexe - parce que François Mitterrand est tout, sauf réducteur. Et François Mitterrand est tout, sauf quelqu'un qui peut être compris de façon unilatérale - c'est que même quand il les trompait, il continuait à les aimer. S'agissant des idées, vous le savez comme moi, cela signifiait que, même s'il changeait d'avis, même s'il prenait un tournant, il continuait à prétendre le contraire et à dire qu'il restait fidèle à ce qu'il avait souhaité. Et pour les femmes, c'était pareil.

Jacques Julliard : Une fidélité à soi-même. Cela est tout à fait vrai.

Georges-Marc Benamou : Je crois que Jacques Julliard dit une chose très importante. Ce qui m'a beaucoup frappé dans ces deux ans crépusculaires que j'ai passé à observer le monarque finissant, c'est justement cette dimension "dernier roi", beaucoup plus que Charles de Gaulle. Sa passion, comme je l'explique dans mon livre, pour les gisants de Saint-Denis, la mise en scène de son corps qui devient le corps du roi, la mise en scène de sa vie familiale, la reconnaissance de Mazarine. Tout cela procède de l'apparat monarchique. Et, finalement, c'est une tradition très archaïque. Un très bon auteur, Philippe Barré, sort un livre qui s'appelle "les écrivains français en leur tombeau". Quand Victor Hugo décrit la mort de Balzac, et quand Saint-Simon, et quand de Commynes, etc. donc, nous sommes tellement dans le monarchique.

Michèle Cotta : Je ne pensais pas qu'on y était toujours ?

Georges-Marc Benamou : Non, mais la vraie question qui est posée, c'est aussi bien vie privée qu'institutions. Ne faut-il pas en finir dans cette France avec cette folie monarchique qu'est la Ve République ? Cela part de la vie privée aux Institutions et, moi, je vais tout à fait dans le sens de Julliard : n'est-ce pas le problème des Institutions de la Ve République. cette fixation, cette tricherie qui est en question ? Et est-ce que la mort de ce dernier roi ne devrait pas nous .aire réfléchir sur : que doivent être les Institutions nouvelles, démocratiques ? Ne faut-il pas devenir un peu plus Allemand ? C'est-à-dire avec une société démocratique plus fluide, moins charismatique. Ne faut-il pas en finir avec cela ? C'est peut-être cela que la mort de François Mitterrand et sa maladie posent. Et je le dis sans point de vue critique : Ne faut-il pas rompre avec une tradition monarchique ?

Franz-Olivier Giesbert : Je ne suis du tout d'accord avec cette vision parce que je pense que, c'est vrai pour le cas de Mitterrand et c'est vrai pour le cas de tout le monde, on ne peut pas dissocier l'œuvre, la vie, le personnage. François Mitterrand est un tout, mais c'est la même chose d'Helmut Kohl, de Ronald Reagan et, d'une certaine manière, les journalistes étrangers, les écrivains étrangers parleront de la même façon de ces hommes-là. Simplement, seul détail, c'est qu'effectivement il y avait quelque chose de supplémentaire chez François Mitterrand, il y avait cette dimension là…

Bernard Kouchner : il y avait le talent.

Franz-Olivier Giesbert : ...qui donnait les petits à-côtés. Il y avait le talent, comme le dit Kouchner, mais il y avait aussi la pente monarchique qui était terrible, qui était effrayante. Mais il n'empêche que, l'Histoire, on la fait avec des gens qui meurent, qui aiment et qui naissent.

Michèle Cotta : Alain Duhamel.

Alain Duhamel : Je voudrais conclure sur ce point.

1. Quand Jacques dit : la démocratie, ce n'est pas cela. Si ce n'est pas cela, c'est vrai que la Vème République est totalement atypique par rapport à l'ensemble des démocraties. C'est une certitude, en tout cas.

2. François Mitterrand !e voulait. Il était comme cela. C'était un "prince" de gauche. Il s'était choisi de Gauche, mais il était né et il se vivait comme un monarque au-dessus des normes.

3. Je ne suis pas d'accord quand on dit : "Puisque c'est comme cela, il faut donc qu'il n'y ait plus de pouvoir charismatique, politique en France. Il ne faut plus qu'il y ait une présidence forte".

Je crois que c'est le contraire. Je crois que, dans la phase actuelle, il faut bien entendu qu'il y ait un contrôle plus démocratique de la Présidence. Mais, en revanche, plus il y aura d'Europe, plus il y aura de mondialisation et plus il faut une inspiration politique nationale forte, et François Mitterrand a aussi voulu cela.

Participant - Vous ne trouvez pas que l'on est un peu en décalage avec d'autres pays européens ?

Alain Duhamel : Oui, tout à fait, et j'espère que cela durera.

Jacques Julliard : Je voudrais répondre à Alain Duhamel : je suis d'accord pour qu'il y ait un pouvoir politique fort, et notamment à l'échelon national. Mais ce n'est pas une raison pour personnaliser le pouvoir d'une manière, elle, qui n'est pas moderne...

Michèle Cotta : Vendée – Globe

Alain Gautier : On entend toujours parler les mêmes personnes des mêmes gens, peut-être que ça lasse un peu que ce soit toujours les mêmes personnes qui parlent des mêmes gens.

Alain Duhamel : Dans tous les domaines d'ailleurs.

Alain Gautier : Dans tous les domaines, c'est vrai! C'est un petit peu le reflet de la Société, c'est un peu ce voyeurisme. C'est vrai qu'il y a des clients parce que quand on voit tous ces GALA et tous ces VOICI qui marchent, et c'est vrai que de savoir l'histoire de Mazarine, l'histoire de sa mort filmée de très près, etc., je pense qu'il y a des limites. Et peut-être que de voir cette multiplication de livres a été un peu indécent !

Michèle Cotta : Messieurs, vous reprendrez cette conversation après.

Nous passons au Vendée - Globe. Vous avez raison d'avoir conclu.

Une course autour du monde, en solitaire, sans escale et sans assistance, qui en est à sa troisième édition mais qui est déjà une sorte de course mythique. Cette année, la compétition a été marquée par des drames en série liés aux mauvaises conditions climatiques.

Le premier à se retourner a été Raphaël Dinelli qui a été secouru par l'anglais Pete Goss qui s'est détourné de son chemin.

Deux skippers, le Français Thierry Dubois et le Britannique Tony Bullimore ont chaviré. Ils ont été retrouvés et ramenés à terre.

Les recherches continuent pour retrouver un troisième coureur, le canadien Gerry Roufs. La balise Argos est muette depuis 5 jours, on compte sur un satellite pour le retrouver.

Ici, sur ce plateau, Alain Gautier, dernier vainqueur du Vendée - Globe. Vous, on se rappelle, vous étiez tombé de bateau et miraculeusement sauvé par le coureur qui vous suivait.

Denis Horeau, vous avez navigué avec Isabelle Autissier et vous organisez actuellement la course en Solitaire du Figaro.

Marc Geffroy, vous êtes à la tête d'une société de sauvetage en mer.

Et Jean-Marie Finot, vous êtes architecte, un architecte naval et vous avez d'ailleurs beaucoup de bateaux en course.

En direct du PC du Vendée Globe, Philippe Jeantot, le directeur de la Course.

Et en duplex, depuis Rennes, Jean Sans, président de la commission de sécurité des courses au large, chargé du règlement du Vendée - Globe.

Et, enfin, une surprise du côté du Paris - Dakar où nous retrouvons Gérard Holtz.

Merci d'être tous là.

Première question : en Australie, une polémique est née sur le thème "cela coute cher". C'est peut-être sordide, mais c'est vrai.

Est-ce que - c'est la question que je vous pose Philippe Jeantot - vous n'avez pas tendance à compliquer, à rendre plus difficile chaque année ces courses dans le but de faire parler, d'intéresser. Est-ce que les coureurs sont des gladiateurs des temps modernes que vous soumettez à tous les risques ?

Philippe Jeantot : Non, pas du tout, les gladiateurs, c'est faux, ils allaient pour défendre leur vie. Les marins du Vendée . Globe partent pour accomplir un idéal. Je crois que c'est différent. Il y a une passion qui est là. Si l'on regarde un petit peu l'historique du Vendée - Globe, lorsque la première édition est partie - il y a 7 ans -, il n'y avait aucune limite. On pouvait aller aussi sud que l'on voulait dans les glaces. La seule contrainte était de passer au sud des trois Caps : Bonne Espérance, Cap Elwin en Australie et le fameux Cap Horn.

A l'issue de ce premier Vendée - Globe, alors qu'on était vraiment dans les glaces à prendre des risques énormes, tous les coureurs se sont réunis. Nous avons essayé d'éliminer ce risque, autant que faire se peut, en remontant le parcours plus au nord et en mettant des points de passage fictifs.

A sa deuxième édition, cela s'est mieux passé. Il n'y a pas eu de pépins, bien qu'il n'y en ait pas eu non plus la première année.

Et puis à l'aube de la troisième édition, on a encore décidé de remonter le parcours, donc encore plus nord, ce qui fait que les concurrents naviguent dans des zones dans lesquelles il y a de moins en moins d'icebergs.

Ces considérations-là n'étaient uniquement que pour éviter des risques stupides d'icebergs contre lesquels on ne pouvait rien faire, et cela ressemblait à de la roulette russe. Il n'y avait pas de sens marin qui . - pouvait se mélanger à cela.

Michèle Cotta : Je pose la question à Alain Gautier et à Denis Horeau.

Que répondez-vous à ma question : vous sentez-vous un gladiateur, vraiment, et au bout du risque ? Et pourquoi le faites-vous ?

Alain Gautier : Gladiateur, non. Vous savez, chacun a sa passion. Il y a des gens qui ont la passion de l'alpinisme, d'autres du journalisme. Il y a des reporters qui n'ont pas de limite, qui vont au cœur de l'action. Cela leur coûte la vie quelquefois. Nous avons vu beaucoup de journalistes mourir au champ.

Moi, j'ai une passion pour la mer. J'y vais. J'aime les courses en solitaire. J'y vais.

Quand j'entends une politique sur le coût, c'est pareil. Les Australiens ont beau jeu de dire cela, et je vous rappelle que ce sont les hommes politiques australiens qui le disent et non pas les militaires australiens qui sont très contents d'aller faire ce genre de mission.

Vous savez que toute armée doit faire un quota d'heures de vol pour les avions, donc qu'ils le fassent pour cela....

Michèle Cotta : ...Donc il vaut mieux qu'ils le fassent pour quelque chose ?

Alain Gautier : Exactement ! De toute façon, à la fin de l'année, ils l'auront fait. Donc, c'est valable pour la France.

A Lorient, il y a la base aéro-navale. Il y a tant d'heures à faire en fin d'année. Si elles ne sont pas faites, il faut les faire puisque l'année suivante le quota de kérosène sera diminué. Donc, il faut les faire.

Que ce soit fait pour sauver des gens ou pour survoler des cargos, elles seront faites.

Michèle Cotta : Donc, mauvaise polémique. En revanche, Denis Horeau, vous pensez que le tracé de la course n'y est pas pour quelque chose ?

Denis Horeau : Le tracé de la course peut être modifié. Mais là il faut en revenir un petit peu à l'essentiel : les courses passionnent. Les courses passionnent le public, on le voit. Les courses passionnent les journalistes. Tout le monde s'intéresse à ces courses.

Or, il Y a des organisateurs français, Philippe Jeantot en est un. Il y a des organisateurs américains, dans d'autres pays. Ce qu'il convient de faire, si nous changeons le parcours des courses, c'est de faire quelque chose comme les Etats Généraux de la course au large et de prendre des décisions collectives avec tous les acteurs de la course au large.

Il ne s'agit pas que nous disions : "Nous allons modifier un petit peu plus nord, plus sud, etc." Il faut réunir tous les gens que cela intéresse et tous les gens qui sont passionnés et qui agissent dans ce sport, qui est un sport passionnant, et établir de nouvelles règles et les faire progresser. Et c'est dans ce sens-là que tout le monde travaille.

Michèle Cotta : Est-ce que Jean Sans, depuis Rennes, donc responsable du règlement, je le rappelle, êtes-vous d'accord avec une volonté quand même de faire des Etats Généraux de la course ?

Jean Sans : C'est sûr qu'en se rencontrant périodiquement on va faire avancer les choses et la sécurité.

Mais vous savez, madame, la sécurité demande de la sérénité et du recul face aux accidents et demande d'être à l'écoute des coureurs. Et la commission de l'UNCL, que je préside, est toujours à l'écoute des coureurs. Elle travaille en permanence. Elle travaille évidemment après l'évènement parce qu'il est très difficile de simuler des conditions extraordinairement dures de mer. Il est difficile d'imaginer que l'on va mettre un bateau dans un port le mât à l'envers.

Donc, on travaille à deux niveaux : on travaille pour éviter les dérives des dessins, des conceptions, mais l'on travaille aussi, lors des contrôles, pour que tous les matériels de sécurité soient à bord.

Il faut savoir que pour le Vendée - Globe, l'équipe de la commission de contrôle de l'UNCL a travaillé pendant 20 jours sur tous les bateaux. C'est quand même extraordinaire. C'est un travail de fourmi. Il a fallu visiter tous les bateaux. Aller voir toutes les cloisons étanches, etc.

Michèle Cotta : Justement, je voulais demander à notre architecte naval qui est présent sur le plateau : êtes-vous sûr que les bateaux sont faits pour la vitesse, qui intéresse beaucoup les gens, nous tous, et pas pour la sécurité qui, quand même, devrait intéresser les coureurs davantage ?

Jean-Marie Finot : Pas du tout, parce que l'objectif que l'on s'est toujours donné, c'est de ramener les bateaux au bord. Il faut finir. C'est pour cela que le règlement est assez léger parce que si l'on enferme tout dans un règlement, cela ne laisse plus de liberté, on va à la limite du règlement. Donc, il faut laisser l'initiative aux coureurs, aux architectes, aux constructeurs, aux sponsors de faire une équipe ensemble, de s'entendre ensemble, de voir les limites. Et le but n° 1 est de ramener les gens au bord. Soit dans le port aux Sables, soit dans le port d'escale s'il y a besoin.

Et, en première sécurité, c'est de préserver le coureur, c'est-à-dire si le bateau se retourne, si le bateau se remplit, de préserver le coureur, d'où d'avoir des cloisons étanches. Même si le bateau n'est pas en état d'arriver, il faut préserver le coureur. Et c'est le problème n° 1, c'est la fiabilité.

Il faut bien voir qu'en un tour du monde on a fait autour de miles qu'un bateau dans toute sa vie ou qu'un navigateur moyen.

Michèle Cotta : Donc, vous récusez toute responsabilité des architectes...

Jean-Marie Finot : Ah ! si...

Non, ce n'est absolument pas ce que je dis. Après, au niveau de la conception des bateaux, il est clair que chaque évènement qui se présente...

Michèle Cotta : Le bateau qui s'est retourné parce que la vague était trop haute, pour des profanes, on est un peu étonnés ?

Alain Gautier : Je crois qu'il faut relativiser encore. Cela fait 8 ans que cette course existe, ou 7 ans, et tous les bateaux qui ont eu des problèmes, excepté celui de Roufs, parce que l'on ne sait pas là encore, on ne sait pas si Roufs n'est peut-être pas en train de voguer vers le Cap Horn, il y a simplement le fait qu'il n'émet plus et qu'il n'y a pas de signal de balise qui vient à nous, mais il n'a pas déclenché...

Michèle Cotta : Vous gardez un espoir ?

Alain Gautier : Mais bien sûr ! Vous savez, un bateau, on est très loin de tout. On ne peut pas décrocher son téléphone comme cela et puis dire : cela va ? Il Y a de l'électricité, il y a des groupes. Et pour que cela marche, il faut qu'il n'y ait pas eu de problèmes. Donc, automatiquement, il y a cette chance. Et les trois autres coureurs qui ont eu des problèmes, ce sont des bateaux de la génération 1989. Ces bateaux sont remis au goût du jour et, automatiquement, la stabilité de ces "vieux" bateaux - parce que c'est cela un peu le problème, c'est que le bateau se retourne - a été un petit peu altérée parce que le coureur n'avait pas forcément un gros budget, et du coup il a fait avec un "vieux" bateau. Mais depuis 8 ans je pense que la sécurité des bateaux a augmenté.

Michèle Cotta : C'est votre avis, Marc Geffroy ?

Marc Geffroy : Je voudrais tout d'abord saluer l'action des sauveteurs australiens qui ont fait un travail tout à fait considérable. Dire aussi que notre société est une société de sauvetage côtier animée par des bénévoles. Mais dire que, pour tout le monde, le sauvetage d'une vie humaine n'a. pas de prix. Donc, c'est d'abord sauver, avec la seule limite qui est celle d'engager en fait la vie des sauveteurs eux-mêmes.

Michèle Cotta : Et puis la limite qu'on ne veuille pas faire courir aux gens des risques pour attirer le challenge ?

Marc Geffroy : Tout à fait. Alors, il y a ensuite le problème du risque et il y a ensuite le problème du coût et du financement du sauvetage, qui est l'un des thèmes que vous avez abordé.

Il est évident que le risque, Gautier l'a dit comme notre ami Finot, est de plus en plus maîtrisé. L'essentiel est d'arriver au port. Mais on se trouve, et là nous en parlions tout à l'heure aussi, dans des circonstances qui sont limites ou dans des conditions qui sont limites. On sait toujours en mer qu'il y a des conditions, parfois... vous savez qu'il y en a un qui passe...

Michèle Cotta : C'est comme Bernard Kouchner tout à l'heure, vous diriez qu'il n'y a pas de risque thérapeutique nul, si je comprends bien ?

Marc Geffroy : Mais il n'y a pas de risque thérapeutique nul, - je m'excuse de m'immiscer dans le domaine médical -, il n'y a jamais de risque nul. Quand vous traversez la rue, vous risquez de vous faire renverser par une voiture.

Michèle Cotta : Je voudrais vous demander, avant de passer la parole à Gérard Holtz et à Hubert Auriol qui sont dans le circuit de Dakar, qu'est-ce qui vous pousse à vous engager à ce point-là ? Qu'est-ce qui vous fait courir ? Qu'est-ce qui vous amène à l'extrême ? Gérard Holtz, vous aussi, vous êtes en train de vivre la même chose, les coureurs automobiles s'engagent dans des circonstances absolument terribles dont ils ne ressortent de temps en temps pas. Que dit Hubert Auriol qui est à côté de vous ?

Gérard Holtz : Michèle, c'est très simple. Je vais parler juste en tant que journaliste et spécialiste de sport : qu'est-ce qui fait courir ces gens-là ? C'est tout simplement le même plaisir que, vous, vous avez, par exemple, tous les dimanches à animer un débat polémique.

Michèle Cotta : Oh ! Ce n'est pas toujours un plaisir, mais enfin !

Gérard Holtz : C'est exactement la même chose, parce que tous ces grands rédacteurs en chef risquent leur vie aussi toute la semaine, avec leur plume.

Non, je plaisante ! Mais il y a une notion de passion. Je vais être un peu manichéiste : ou on a la passion ou on ne l'a pas. Et quand on l'a, c'est vrai que l'on peut mettre sa vie en question avec une extrême facilité. On n'a pas du tout envie de la perdre. Hubert va vous le confirmer.

Il est évident qu'aucun des concurrents qui sont ici, n'a envie de se blesser, n'a envie de la perdre. Mais ils ont envie d'aller au bout de leur passion, au bout de leur rêve. C'est un rêve de traverser l'Afrique avec une moto, avec un camion ou avec une voiture. C'est un rêve que de découvrir ces pays, c'est ce que l'on essaie de montrer d'ailleurs sur France-Télévision. Et ils essaient d'aller simplement - comme des grands gosses - au bout du rêve.

Hubert, prennent-ils trop de risques ?

Michèle Cotta : Je me rappelle avoir vu Hubert Auriol grimacer de douleur après un accident, et je m'étais dit à l'époque que, jamais plus de sa vie, il ne remonterait sur une moto, et je remarque qu'il est là ? Hubert Auriol, qu'est-ce qui vous fait courir ?

Hubert Auriol : Oui, je suis là, mais je crois que maintenant j'emmène avec les autres avec moi. Et vous savez, je crois que la chose la plus importante a été évoquée tout à l'heure : on n'a pas le droit de décider de la vie de chacun. S'il y a des gens qui ont envie de vivre leur passion, de vivre de leur passion, c'est leur droit.

Nous, en tant qu'organisateurs, la seule chose que nous devons faire, c'est de les informer des risques qu'ils prennent, de respecter les règlements, quand il y en a, et c'est le cas des Fédérations qui nous encadrent, que ce soit pour l'auto ou pour la moto. Et, après, une fois qu'on reste dans les règles qui ont été définies, nous assurons, nous, en tant qu'organisateurs, la sécurité des concurrents, mais ils sont là, ce sont eux qui veulent vivre cette aventure.

Et comme le disait Gérard, il n'yen a pas qui vient ici en disant : je viens pour mourir. Il vient pour vivre sa passion. Il vient pour vivre ce qu'il a envie de vivre. Et je crois que le drame de notre Société, c'est qu'il y a trop de gens qui ont envie de répondre et de décider pour les autres. Laissons les gens vivre et faire ce qu'ils veulent. Que cela anime un débat et qu'on pose des questions, d'accord ! Mais on n'a pas le droit de décider pour les autres.

Michèle Cotta : Denis Horeau, c'est votre avis ?

Denis Horeau : Je voudrais revenir sur un point essentiel : Jean-Marie Finot parlait tout à l'heure de l'évolution de l'architecture, parce qu'il s'agit bien de cela, il s'agit de sécurité. Je suis organisateur de compétitions, j'ai organisé le premier Vendée - Globe pour Philippe Jeantot, maintenant j'organise la course en "Solitaire du Figaro". Notre souci est d'abord la sécurité, Mais les marins qui partent en mer, veulent d'abord vivre. Ce sont des gens qui adorent la vie. Ce sont des gens qui sont pleins de vie. Et plus ils sont isolés sur leur bateau, et plus ils aiment la vie en Société. Questionnez-les, vous verrez, ils vous diront tous cela.

J'ai participé à l'élaboration du bateau d'Isabelle Autissier qui a beaucoup travaillé avec Jean-Marie Finot, et à chaque fois qu'une décision était prise, en matière d'architecture, la question était double. Elle était : cela va-t-il faire avancer mon bateau plus vite, Et cela gagne-t-il en sécurité ? Témoin, la quille qui bouge. La fameuse quille mobile qu'Isabelle a mise sur les grands bateaux. Elle a deux objectifs : le premier, c'est d'aller plus vite, mais surtout c'est de renforcer la sécurité. Et on l'a bien vu, puisqu'elle s'est redressée à plusieurs reprises, grâce à cette quille mobile. Donc, on progresse, l'idée, c'est qu'on progresse.

Michèle Cotta : Alain Gautier, pour rester dans l'interrogation, qu'est-ce qui vous fait courir ? Vous, vous tenez à la vie. Vous avez raté de peu un accident terrible....

Alain Gautier : Raté de peu, vous êtes gentille !

Michèle Cotta : Oui, c'est cela, vous l'avez eu mais il n'a pas été terrible !

Alain Gautier : Il n'a pas été terrible, c'est vrai qu'à partir du moment où vous prenez la mer en solitaire, vous vous exposez à quelque chose. Comme à partir du moment où vous escaladez un grand sommet, à partir du moment...

Michèle Cotta : Mais qu'est-ce que vous aimez ? Vous aimez le risque ou vous aimez la voile ?

Alain Gautier : Non, non, pas du tout. J'ai horreur du risque. J'aime ma passion. Ma passion, c'est la mer, c'est le sport. J'aime vivre cette passion à fond et, automatiquement, cette passion m'a mené à cette course un peu extrême, il est vrai.

Mais c'est comme les gens qui aiment le ski hors pistes, qui coûte, je vous le rappelle, beaucoup d'argent chaque année en hélicoptère, etc. Mais on ne va pas polémiquer là-dessus, ce n'est pas le problème. Si l'on reste cloisonné chez soi, devant sa télé, excusez-moi, mais elle n'apporte pas toujours la dose de rêve nécessaire et, en plus, de temps en temps, il y a le risque... Demandez aux gens dans le métro, est-ce parce qu'ils voient des horreurs à la télé, suite à une bombe, qu'ils vont arrêter de prendre le métro ? C'est vrai que la notion est un peu différente, mais, hélas, la vie aujourd'hui est toujours un peu pleine de risques. On en prend un peu plus ou un peu moins, mais ceci dit, quand on a la passion, il faut aller au bout.

Michèle Cotta : Philippe Jeantot, votre avis, votre expérience de directeur de course ?

Philippe Jeantot : Je suis aujourd'hui organisateur, mais j'ai quand même fait de la compétition pendant 12 ans. J'ai fait 4 fois le tour du monde en solitaire. J'en ai gagné deux. J'ai traversé l'Atlantique une trentaine de fois en solitaire. Evidemment que le moteur de tout cela, c'est la passion. Quelque part, c'est un état d'esprit.

Alain parle beaucoup de la montagne. Je suis complètement d'accord avec lui. J'ai aussi beaucoup d'amis à la montagne, et je pense que cela correspond plutôt à un caractère que vous avez devant vous.

Je suis né au bord de la mer, je fais du bateau. Je serais né à la montagne, j'aurais fait de la montagne parce que je retrouve chez les montagnards les mêmes valeurs. Quelque part, c'est le terrain qui est comme cela. Cela correspond à des gens qui ont envie d'un idéal, qui refusent la médiocrité, qui se son! fixés un objectif, qui veulent reculer leurs limites, qui ont envie de se surpasser. Et ces gens-là, on n'a pas le droit de leur mettre des barrières, de leur mettre des freins, de les empêcher de partir. Il faut les encadrer, il faut leur donner le maximum de sécurité, mais il ne faut surtout pas leur mettre des chaînes parce qu'à ce moment-là il n'y a plus d'aventure, il n'y a plus de sport, il n'y a plus de passion, et l'on vit dans un monde qui est terne.

Et puis, en dehors de cela, je dirais aussi qu'il y a aussi une notion d'exemple ..

Michèle Cotta : Sur le Dakar, vous m'entendez. Qu'en pense Hubert Auriol ?

Hubert Auriol : Je crois qu'il y a une chose qui est très importante et qui a été dite tout à l'heure, c'est la notion de sécurité. Vous savez que l'on a fait un nouveau Dakar cette année où l'on a axé l'organisation sur la sécurité. On a amélioré la sécurité. Il faut toujours progresser à ce niveau-là, mais la sécurité ne doit pas étouffer la passion. Donc, il faut canaliser la passion et c'est à nous de faire en sorte. On le voit cette année, quand il y a une décision où il y a le moindre risque, on prend la décision, on n'hésite pas. Par contre, les concurrents font ce qu'ils veulent. Mais la chose la plus importante, et le mot a été dit plusieurs fois, c'est le mot "passion". Demandez aux concurrents pourquoi ils sont là, ils vous disent tous qu'ils sont là pour vivre leur passion, et cela, on n'a pas le droit de les empêcher.

Gérard Holtz : Pour résumer en une phrase : il n'y a pas d'instinct de mort dans le sport. C'est un hymne à la vie. Alain Gautier l'a dit, Philippe Jeantot l'a dit : le sport, c'est la vie. Mais c'est la vie avec le maximum de sensations, avec le maximum de bonheur. Aucun d'entre eux ne veut mourir. Ils veulent avoir des sensations. Ils veulent avoir des émotions. Ils veulent vivre "plus".

Michèle Cotta : Merci, Gérard.

Marc Geffroy : Il y a un mot tout à fait important qui a été dit, c'est la passion. La passion, c'est la volonté de se réaliser, et c'est valable autant pour le coureur que pour les sauveteurs. Chacun s'étonne souvent de dire : les sauveteurs en mer, ce sont des bénévoles, et vous avez toujours des bénévoles. Mais nous en avons toujours. Et nous n'avons aucun problème de bénévolat parce que c'est un problème de passion. Ils sont prêts à aller sauver les autres parce qu'on ne laisse pas un homme à la mer lorsqu'il est tombé, lorsqu'il est seul.

Michèle Cotta : Alain Gautier, le mot de la fin ?

Alain Gautier : Vous savez, on n'est pas des inconscients, que ce soit à la montagne... C'est vrai que, quelquefois, on a des exemples d'inconscience, de gens qui partent en short escalader le Mont Blanc. On n'est pas des inconscients. Ceci dit, il est vrai que l'on a une passion qui est un petit peu à risques. Mais, s'il vous plaît, laissez-nous cette passion et cet espace de liberté.

Jacques Julliard : Juste un mot, je suis d'accord avec tout ce qui a été dit sur la passion ou sur le risque. Mais le spectacle du risque est autre chose. Et ce qui me gêne, ce qui me paraît un peu pervers dans la Société, c'est ce mélange de spectacle du risque sans risques, le téléspectateur, si vous voulez, et en même temps la passion infantile pour la sécurité, que l'on a vu se développer, par exemple à Montélimar au moment des chutes de neige.

Michèle Cotta : Merci, Jacques Julliard.

Pour assister à l'émission, vous tapez 3615 Code France 2.

A 13 heures, le Journal est présenté par Daniel Bilalian.

Le journal reviendra sur la nouvelle de la matinée : décès de Jean Edern-Hallier pour embolie cérébrale.

A la semaine prochaine.