Texte intégral
Le Parisien - 27 novembre 1996
L. de Charette : Le plan PME présenté par Alain Juppé à Bordeaux l’année dernière fête aujourd’hui son premier anniversaire. Quel bilan tirez-vous ?
Jean-Pierre Raffarin : Les 46 mesures du plan sont quasiment opérationnelles. Pendant longtemps, on a laissé se détériorer les relations entre les PME et leurs interlocuteurs, banques, administration, grandes surfaces. L’ambition du plan PME était de rééquilibrer ce rapport de force. Avec 6 lois, 11 décrets, 8 rapports parlementaires et une multitude d’arrêtés, l’année a été active. De mon côté, je me suis rendu dans 76 départements, et j’ai tenu 340 réunions, avec plus de 100 000 personnes… Et pour 1997, l’effort de l’Etat en faveur des PME s’élève à 81 milliards de francs.
L. de Charette : Le Sénat attaque une des mesures phares du plan : la baisse de l’impôt sur les sociétés pour les PME prévue dans le budget 1997, un mécanisme complexe, qui selon eux, ne bénéficierait qu’à un très petit nombre d’entrepreneurs…
Jean-Pierre Raffarin : Le Sénat n’attaque pas, il propose davantage. Cette mesure permet aux petites et moyennes entreprises de renforcer leurs fonds propres. On ne sait pas combien elle va coûter, mais on a prévu 2,2 milliards. Si réellement cette enveloppe n’est pas consommée, nous élargissons les critères.
L. de Charette : Parmi les revendications de longue date des PME figure la réforme de la taxe professionnelle demandée par l’ensemble du patronat. Ce projet ne semble pas près de voir le jour ?
Jean-Pierre Raffarin : Tout le monde se rend compte que le système est inadapté car aujourd’hui plus vous embauchez plus investissez et plus payez de taxe professionnelle. Il faut à l’inverse imaginer un système qui encourage les créations de richesses. Le Premier ministre a demandé à l’ensemble des ministres concernés de lui transmettre des propositions. Mais il faut bien dire que ce n’est pas évident.
L. de Charette : Le patronat milite pour un assouplissement des seuils de salariés, avec les obligations sociales qui leur sont liées. Etes-vous prêt à ouvrir ce débat ?
Jean-Pierre Raffarin : Tout le monde sait que la question de la flexibilité du travail est posée par un certain nombre de chefs d’entreprises et d’hommes politiques. La situation actuelle doit nous inciter à ne négliger aucune piste. Il faut savoir que d’ici à l’an 2000, le secteur artisanal pourrait créer 300 000 emplois, en passant de 800 000 à 1 million d’entreprises. Si la reprise est au rendez-vous en 1997, les créations d’emplois dans les PME en général se compteront en centaines de milliers. D’où mon inquiétude vis-à-vis du conflit actuel : paralyser le pays porte atteinte au patrimoine des PME. A la suite des mouvements de décembre 1995, nous avons enregistré un pic de faillites en avril…
Le Figaro - 12 décembre 1996
Le Figaro économie : La prise de participation de Carrefour dans le capital de Cora est-elle inquiétante pour la distribution française ?
Jean-Pierre Raffarin : Cette opération de Carrefour dans le capital du groupe Cora est la suite d’une longue série de mouvements financiers dans le secteur de la grande distribution auquel le gouvernement est très attentif. Et ce depuis le rapprochement entre Carrefour et Euromarché voilà plusieurs années… La réussite de la grande distribution à l’international exige des groupes puissants, donc des rapprochements de nécessité. Pour l’avenir ce secteur restera de toute façon hautement concurrentiel.
Le Figaro économique : Estimez-vous qu’il y aura encore d’autres mouvements de concentration ?
Jean-Pierre Raffarin : D’autres mouvements de ce type sont envisageables puisque, en France, nous avons atteint un niveau de saturation en matière d’hypermarchés et les entreprises veulent se renforcer pour se développer à l’international.
Le Figaro économique : Votre loi sur le gel des grandes surfaces a accéléré le tourbillon…
Jean-Pierre Raffarin : Le mouvement était antérieur à cette loi. Cependant ces évolutions ne nous surprennent pas. En effet on voit apparaître dans l’économie de la distribution deux pôles distincts. D’une part, de grandes entreprises de dimension internationale, très concurrentes entre elles. Et, d’autre part, un pôle PME commerciales protégées par les nouvelles règles de l’urbanisme et de la concurrence. Celles-ci sont nécessaires afin de respecter le pluralisme et la proximité dans le commerce. Ceci fait partie du nouvel équilibre du paysage commercial français que nous souhaitons.
Le Figaro économique : Les fournisseurs ne seront-ils pas encore un plus en position de faiblesse par rapport à ces très grands groupes ?
Jean-Pierre Raffarin : Non, car la concentration des centrales d’achat est déjà puissante et la concurrence active. Je crois que le passage progressif d’une distribution agressive et aventurière à un commerce responsable et citoyen est engagé. L’avenir des relations entre la distribution et les PME passe par une plus grande responsabilisation des acteurs.