Interview de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, dans "La Tribune", le 29 janvier 1998, sur le projet de loi sur l'audiovisuel.

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Média : La Tribune

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La Tribune : Le futur projet de loi reprend-t-il les promesses de la campagne électorale ?

Catherine Trautmann : En matière d’entreprises attributaires de marchés publics, je réponds oui. L’indépendance reposera sur un faisceau de mesures, y compris la non-compatibilité entre mandats sociaux. En matière de concurrence, je réponds également oui. Dans le domaine de la concentration, on a trop longtemps confondu la notion de seuil capitalistique avec des mesures anti-concentration. Le législateur a élevé le seuil de détention d’une chaîne par un seul actionnaire à 49 % au lieu de 25 %. Qu’est-ce que cela a changé ? C’est pourquoi je propose des mesures beaucoup plus directes.

La Tribune : Les principaux opérateurs peuvent-ils être rassurés aujourd’hui ?

Catherine Trautmann : Ma première aspiration n’est pas de fragiliser le secteur. Je souhaite au contraire que les groupes français puissent largement affronter la concurrence internationale, mais dégagés d’un certain nombre de particularités à la française. Mais jusqu’à présent, les lois se sont surtout attachées à préserver l’indépendance de l’information par rapport au pouvoir politique. Aujourd’hui, il est impossible de ne pas s’attacher au contexte technologique et économique qui évolue rapidement.

La Tribune : Quel est votre calendrier ?

Catherine Trautmann : Nous entrons à partir d’aujourd’hui dans une phase de concertation très large avec les entreprises, les syndicats professionnels et les parlementaires. Je souhaite un débat dépassionné, au regard des enjeux dans le domaine de l’emploi. L’audiovisuel recèle un fort potentiel de création d’emplois. Pour éviter les rumeurs et les palabres entre deux portes qui peuvent déstabiliser le secteur, je souhaite que les contributions de tous soient écrites et rendues publiques. Elles devront m’être rendues avant la fin du mois de février. Le dépôt du texte devrait intervenir au mois d’avril et son examen, si possible, avant la fin de la législation parlementaire. Je ne suis pas maître du calendrier parlementaire, mais il faut faire vite, s’agissant notamment de la fusion d’Arte et de La Cinquième et de la création de l’entité juridique France Télévision.

La Tribune : Hormis ces derniers points, le projet de loi englobera-t-il le service public ?

Catherine Trautmann : Les mandats des présidents des entreprises sera allongé. À trois ans, il est impossible de piloter une chaîne. Mais pour ce qui concerne le financement du service public, il relève de la loi de finances. C’est un point auquel j’attache beaucoup d’importance. Dans ma communication au Conseil des ministres, j’ai donc pris l’engagement formel de passer à la pluriannualité budgétaire pour les services publics audiovisuels, lors de la prochaine loi de finances. Cet examen du mode de financement des chaînes devrait logiquement s’accompagner d’une augmentation des ressources.

La Tribune : À quand alors une réforme du service public audiovisuel ?

Catherine Trautmann : Les chaînes doivent construire leur plan stratégique d’ici le mois d’avril. À ce moment-là, nous pourrons en reparler. Mais il est certain que je souhaite réformer le rôle de la tutelle sur les entreprises

La Tribune : Votre projet ne donne-t-il pas quitus au CSA, alors que son action a néanmoins été beaucoup critiquée ?

Catherine Trautmann : Dès lors que le CSA n’a pas toujours eu les moyens d’exercer ses compétences, on ne peut lui reprocher son manque d’efficacité. C’est en repérant les manques et en les comblant qu’il lui sera possible d’être efficace. Je souhaite que le projet de loi apportera de surcroît une clarification du rôle de l’État et du CSA.