Interview de M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, dans "Le Figaro" du 13 mars 1997, sur le projet de loi sur l'intercommunalité et la réforme de la fiscalité locale, notamment la taxe professionnelle.

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Le Figaro : Vous présentez aujourd'hui devant le Sénat un avant-projet de développement de l’intercommunalité. Est-ce votre contreproposition de réforme de la taxe professionnelle ?

Dominique Perben : Mon propos est entre autre d'apporter une réponse concrète aux critiques contre la taxe professionnelle. Un des éléments négatifs de cette taxe c'est la disparité des taux selon les lieux. Nous allons en développant les modalités de la coopération intercommunale, faire disparaître un certain nombre d'obstacles aux choix par les structures intercommunales de la taxe professionnelle d'agglomération. Cela aura pour effet d'ici à 10 ans d'amener la plupart des agglomérations à ce choix fiscal et donne à ramener les taux des taxes professionnelles dans des proportions comparables d'un site à l'autre. On va faire d'une manière volontaire et à l'initiative des élus une sorte d'unification du taux de TP sans remettre en cause le caractère local de cet impôt.

Le Figaro : Autrement dit vous cherchez à procéder sans bousculer les élus locaux...

Dominique Perben : La proposition du conseil des impôts faisait plus que bousculer les élus ! On ne peut pas avoir un pays décentralisé avec des collectivités locales qui n’ont que 25 % de leurs ressources d’origine fiscale et 75 % d'origine étatique. Ça n'existe dans aucun pays et c'est la raison pour laquelle j'étais très hostile à l’étatisation de la TP. Celle-ci supprimait toute responsabilité locale. La responsabilité de l'élu local, c'est l’obligation d'assumer l’impôt. Le jour où il ne l'assume plus il devient un demandeur permanent de subventions auprès de l'Etat et il n'y a plus de démocratie locale...

Le Figaro : Concrètement comment fonctionnera votre réforme ? Il y a déjà beaucoup trop de structures intercommunales...

Dominique Perben : Nous conservons les syndicats car ce sont des structures simples. Mais nous fusionnerons les communautés de communes, communautés de villes et les districts dans une seule formule intercommunale. II n'y aura donc plus qu'une seule structure de coopération inter-communale de projets ce qui sera plus simple et plus compréhensible pour les citoyens. II y aura une unification des modes de création et de gestions.

Le Figaro : Comment s'appellera cette formule ?

Dominique Perben : Communauté de commune tout simplement.

Le Figaro : Fiscalement quels seront les pouvoirs de ces nouvelles communautés de communes ?

Dominique Perben : Elles auront la liberté de choix entre une fiscalité additionnelle aux quatre taxes communales, une taxe professionnelle globalisée, ou encore un cumul entre les deux systèmes.

Le Figaro : Pourquoi ce troisième choix ?

Dominique Perben : II me paraît avoir deux avantages. Un, il évite que la structure intercommunale ne vive que sur la ressource fiscale prélevée sur les entreprises. En terme de responsabilité fiscale, est important d'avoir une responsabilité en même temps à l'égard des ménages et à regard des entreprises. Deux, il faut éviter que les structures intercommunales soient victimes de la variabilité de la ressource de la taxe professionnelle dont les éléments sont plus sensibles aux fluctuations de la conjoncture économique. Mais ce sera sûrement un des points du débat parlementaire sur cette réforme.

Le Figaro : En termes de démocratie locale et de responsabilité de la pression fiscale, la communauté de commune ne risque-t-elle pas d'être un paravent derrière lequel les élus s'abriteront ?

Dominique Perben : Ces communautés sont dirigées par des conseils qui sentent eux-mêmes l’émanation des conseils municipaux. Honnêtement, il est d'ores et déjà difficile pour un élu de cacher sa responsabilité derrière cette structure. A travers notre projet de texte, nous maintenons le caractère intercommunal de ces structures. C'est le seul choix qui soit possible et compatible avec l'extension que nous souhaitons de la coopération intercommunale. II n'y aura donc pas élection directe des responsables de communautés.

Le Figaro : Vous évoquez un processus de dix ans pour aboutir à l'harmonisation des taux de taxe professionnelle au solo d'une même agglomération. N’est-ce pas un peu long ?

Dominique Perben : Depuis le temps que l'on critique la disparité des taux de taxe professionnelle, dix ans c'est court ! En fait, si aujourd'hui une communauté de communes décidait d'adopter une taxe professionnelle commune, dix ans ce serait le temps maximum qui lui faudrait pour ramener l'ensemble des taux de TP à la moyenne de ce qu’ils sont aujourd'hui.

Le Figaro : Le développement des communautés de communes sera-t-il un moyen d'éviter la multiplication des « affaires » que l’on a constaté ces dernières années ?

Dominique Perben : Ce n’est pas directement l'objet de cette proposition. Mais elle est un moyen de répondre aux questions que l’on se pose sur la décentralisation. On a décentralisé en s'appuyant sur des bases archaïques et un système d'administration locale trop éclaté comprenant 36 000 communes, Aujourd'hui, les communes qui ne peuvent plus gérer leurs nouvelles compétences vont pouvoir, grâce à l’intercommunalité, mieux assumer la décentralisation. C’est là un élément de la réforme de l'Etat. II vient en complément de la déconcentration des services de l'Etat et des autres reformes que nous préparons notamment sur les collectivités locales en difficultés et sur l’économie mixte.