Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur les orientations de la politique des transports.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Semaine internationale du transport et de la logistique, Villepinte, mars 1998

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,

C’est la première fois que je participe à la semaine internationale du transport et de la logistique et cette première rencontre est pour moi importante.

Ce grand rendez-vous annuel, est marquée par une double caractéristique : c’est à la fois une occasion de rencontres et d’échanges et une présentation intermodale exceptionnelle du monde des transports. Vous savez combien je suis attaché à la concertation et à l’intermodalité. Cette manifestation a pris désormais une dimension internationale, et s’insère pleinement dans un cadre européen, ce qui correspond bien à la réalité d’aujourd’hui, même s’il nous reste encore beaucoup à faire en matière d’harmonisation européenne.

Les objectifs principaux de la politique que j’entends conduire en matière de transport sont : aménagement équilibré du territoire, efficacité économique et sociale de notre système de transport, prise en compte des aspects environnementaux et contribution au progrès social.

Bien entendu, ces objectifs valent essentiellement par les moyens que l’on met en œuvre pour les atteindre. À mes yeux, trois orientations politiques en découlent principalement :

• La première, c’est de développer une politique de transports résolument pluri et intermodale, basée sur la valorisation des atouts de chaque mode et sur l’organisation de leur complémentarité.

Je veux indiquer de ce point de vue que la conjoncture, qui s’est traduite en 1997 par une progression aussi bien du transport routier de marchandises que du transport de fret assuré par le rail ou encore du transport combiné, du transport aérien ou du transport fluvial, crée des circonstances favorables.

Dans le transport routier, nous avons franchi un pas dans le sens d’un assainissement des conditions d’exercice de la profession avec la loi du 6 février 1998 et j’en reparlerai.

Dans le domaine du transport ferroviaire, vous connaissez notre volonté de redresser ce secteur. Vous le savez, j’ai sur ce sujet, ouvert une large concertation avec les syndicats, les associations d’usagers fret et voyageurs, les groupes parlementaires, les directions. Cette concertation vient de s’achever et j’annoncerai prochainement mes intentions à cet égard.

Nous avons besoin d’une nouvelle maîtrise par la nation du développement de son réseau ferroviaire, dans une optique d’efficacité économique et sociale, d’environnement, de sécurité, d’aménagement du territoire. Les changements intervenus ces derniers mois, les résultats positifs dans le trafic marchandises et voyageurs, la réduction supplémentaire de la dette que j’ai engagée en 1997 constituent autant de signes prometteurs pour placer résolument l’avenir de la SNCF, du rail, sur une perspective de conquête. Mais beaucoup reste à faire.

Enfin, pour la voie d’eau, d’aucuns se sont interrogés sur notre position à l’égard de ce mode suite à la décision du gouvernement d’abandonner le canal Rhin-Rhône ; je pense que nous avons manifesté clairement nos intentions avec la concertation menée sur le projet Seine-Nord, mais aussi avec le lancement d’une nouvelle politique de restauration du réseau et de soutien à la modernisation de la profession.

• Le deuxième axe de notre politique des transports, c’est d’effectuer des choix cohérents et adaptés en matière de financement des infrastructures, tant pour l’investissement et la construction de nouvelles infrastructures que pour l’entretien et la modernisation des infrastructures existantes.

Vous avez abordé, Messieurs les présidents Chapon et Berthod, tous les deux cette question. Vous avez dit, je simplifie, qu’il fallait savoir continuer à faire les infrastructures qui sont nécessaires et les financer correctement. Je suis d’accord.

Cela vaut pour les infrastructures ferroviaires. Lors d’un récent comité interministériel présidé par le Premier ministre, j’ai obtenu que les ressources consacrées par l’État aux investissements ferroviaires passent de 1,3 milliard en 1998, ce qui représentait déjà une augmentation de 55 % par rapport à 1997, à 2,3 milliards d’ici la fin du prochain contrat de plan (2000/2004). Les ressources supplémentaires permettent de mettre en cohérence les projets de liaison TGV avec les capacités de financement.

Ces ressources supplémentaires permettront aussi, et c’est important, de doter d’au moins 500 MF par an la part de l’État des futurs contrats de plan État/région destinée à moderniser les lignes classiques, y compris bien sûr celles qui assurent principalement le transport de marchandises. Dès 1999, une somme de 300 MF sera inscrite au budget de l’État pour enclencher le processus.

Pour les autoroutes et les routes, la démarche est, quant au fond, la même. Le système des concessions tel que jusqu’ici pratiqué, a permis à notre pays de se doter, en quelques décennies, d’un système autoroutier de qualité. Mais il atteint aujourd’hui une certaine limite. Outre le fait qu’il n’est plus compatible avec la directive « travaux » de la CEE, son maintien suppose le versement de subventions sur fonds publics ce qui pose le difficile problème d’arbitrage de l’affectation des crédits, entre ces subventions et l’entretien et le développement du réseau non concédé.

J’ai donc souhaité que soit mené un travail de réflexion approfondi avec le ministère des finances et celui du budget, en vue d’une réforme du financement des infrastructures routières et autoroutières. L’objectif est de permettre une poursuite du maillage autoroutier qui corresponde aux besoins et en même temps de disposer d’une fongibilité suffisante des financements pour mieux équilibrer les opérations entre les autoroutes et l’ensemble du réseau routier.

• Le troisième axe de cette politique concerne le volet européen : dans le cadre d’une démarche constructive, défendre les intérêts de la France et de nos entreprises dans les instances communautaires, implique notamment, dans notre secteur, d’œuvrer en faveur d’une harmonisation par le haut des législations sociales pour éviter l’instauration d’un système de concurrence malsaine et déloyale. C’est particulièrement vrai pour le transport routier, où je me suis efforcé depuis mon entrée au gouvernement, de faire progresser concrètement l’harmonisation sur les temps de service, sur les formations et sur la sécurité. Or, je me réjouis de l’avancement des travaux actuels, notamment sur le plan paritaire, même s’il reste beaucoup à faire. J’attends avec impatience le résultat de la négociation en cours, et j’ai demandé qu’en tout état de cause, nous ayons en juin une proposition de la commission.

J’ajoute que de manière générale, les objectifs que j’assigne à la politique des transports en France me semblent aussi valoir pour l’Europe. Ainsi, dans le domaine du financement des infrastructures d’intérêt communautaire et dans celui de l’emploi, nous nous efforçons d’engager nos partenaires sur les voies d’une coopération plus dynamique. Je suis euro-constructif, ce qui signifie que je souhaite orienter différemment les choix de la construction européenne.

Je voudrais maintenant aborder les priorités pour 1998 concernant plus particulièrement le secteur des transports et de la logistique.

1. Première priorité : la mise en œuvre de la loi du 6 février 1998 et les relations chargeurs/transporteurs

La loi du 6 février 1998 doit être dès cette année effectivement mise en œuvre sur le terrain. Certaines de ses dispositions sont d’ores-et-déjà applicables et les instructions correspondantes ont été adressées aux préfets dès le 18 février. Le projet de décret d’application de cette loi va être l’occasion de refondre le décret de mars 1986 et de reformuler notamment les nouvelles conditions d’accès à la profession et d’inscription au registre des transporteurs et des loueurs. Il a déjà été soumis à la concertation des professionnels concernés et il sera prochainement soumis pour avis au Conseil national des transports à qui j’entends donner une nouvelle dimension.

Si la loi donne un cadre, ce cadre n’est pas tout et c’est pourquoi j’ai réuni mi-février une table ronde avec les chargeurs et les transporteurs. Ces réflexions, il convient de les poursuivre et j’ai demandé au CNT d’en être le cadre privilégié. Je lui ai ainsi demandé d’accélérer ses travaux sur la mise à jour des contrats type dans le domaine du transport routier que vous avez évoqué, Monsieur le président Chapon.

De même, en ce qui concerne le transport fluvial, les projets de décrets définissant les contrats type à temps, au tonnage et de sous-traitance lui seront très prochainement soumis. Il faut, à l’occasion de l’examen de ces projets, réfléchir à la meilleure façon de réussir la modernisation de l’organisation commerciale de ce secteur.

2. Deuxième priorité : les schémas de services

Le conseil interministériel d’aménagement du territoire du 15 décembre dernier a décidé, dans le cadre de la préparation de la réforme de la loi d’orientation et d’aménagement du territoire, que l’État élaborerait un certain nombre de schémas de services collectifs. Dans le secteur des transports, un schéma multimodal des transports de personnes et un schéma multimodal des transports de marchandises sont appelés à se substituer progressivement aux schémas sectoriels, ce qui ne signifie pas la disparition des schémas modaux, notamment pour prendre en compte les besoins de maillage des réseaux.

Ces schémas de services s’intègrent bien dans la politique des transports telle que je l’ai définie au début de mon intervention. Ils devront s’attacher à définir les services à rendre et non seulement les équipements à réaliser. Ils seront construits à partir d’une évaluation des besoins reposant sur l’analyse des évolutions prévisibles à partir de différentes hypothèses. Ils seront par nature plurimodaux.

Cette concertation sera conduite auprès des élus, des professionnels, des opérateurs de services, des représentants des salariés et des usagers ainsi que des associations qui œuvrent dans le domaine de l’aménagement du territoire et du développement durable.

3. Troisième priorité : le transport combiné

Le transport combiné (on devrait dire les transports combinés) associe les différents types de modes et a connu un très fort développement ces derniers temps. Il représente évidemment un très bon exemple de cette politique intermodale que nous voulons mener. Pourtant, ce développement ne va pas de soi. Si nous voulons le poursuivre, et même l’amplifier, il faut choisir ce qui apporte à ce mode le soutien dont il a besoin. J’ai chargé un groupe de travail sous la direction de Monsieur Pierre Perrod, nouveau président du Conseil national des transports, d’examiner l’ensemble des mesures qui doivent être prises pour assurer ce développement. Cela devrait nous permettre de préciser les éléments de cadrage à retenir pour les schémas de service en matière de plateforme logistique et de chantiers.

Voilà ce que je voulais vous dire sur nos priorités dans le domaine des transports et sur l’action que je mène. J’espère vous avoir convaincu de notre ambition pour ce secteur vital pour notre économie et pour l’emploi.

Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, de cotre attention.