Projet de déclaration de Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement, sur les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, la lutte contre la prolifération des cormorans et la simplification de la réglementation de la pêche, Toulouse le 18 novembre 1996.

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Circonstance : Congrès de l'Union nationale de la pêche à Toulouse le 18 novembre 1996

Texte intégral

Monsieur le président de l’Union nationale,
Messieurs les présidents de fédération,
Mesdames et Messieurs,

C’est avec plaisir que je me trouve aujourd’hui parmi vous. Le congrès de l’Union nationale de la pêche est un moment important dans la vie de votre organisation et être à l’écoute de vos travaux est, pour moi, très instructif.

Monsieur Solelhac, j’ai écouté avec le plus grand intérêt votre intervention. Je vous remercie de votre franchise : je crois, comme vous, qu’elle est le signe d’une étroite collaboration entre nous.

Vous venez d’établir un diagnostic sévère de la situation des milieux naturels aquatiques dans notre pays. C’est vrai, la situation est loin d’être parfaite et il reste encore beaucoup à faire. Mais je crois que nous sommes sur la bonne voie.

Je ne m’étendrai pas sur le rôle essentiel de la nature dans le cycle de l’eau. Vous en êtes déjà convaincus comme le montrent toutes les actions que vous entreprenez dans vos associations et vos fédérations.

Sans trop tomber dans l’optimisme, je crois pourtant que les choses avancent. Le coût économique de l’eau est considérable et conduit, par nécessité, à une approche beaucoup plus « naturaliste » du problème. Les investissements considérables réalisés pendant les VIes programmes des agences de l’eau, de 1992 à 1996, ont donné des résultats réels. Ils vont être poursuivis. Ils ne sont pourtant pas suffisants. Une approche beaucoup plus écologique de la politique de l’eau s’impose aujourd’hui. Elle oblige à reconsidérer les pratiques de l’aménagement foncier, de l’irrigation, de l’urbanisme, de l’hydroélectricité, de la navigation.

Cette approche a conduit à modifier les processus de décision. Le péril majeur dans la gestion de l’eau, c’est de la gérer en fonction d’un usage unique, attitude profondément anti-économique et anti-écologique. Bien gérer l’eau, c’est nécessairement avoir une vision ouverte, c’est nécessairement réunir tous les usagers dont vous faites partie, et les confronter aux exigences du milieu naturel pour prendre, en commun, des décisions d’aménagement et de gestion des eaux respectueuses de l’avenir.

Nous trouvons cette conception de la politique de l’eau dans la loi pêche et dans la loi sur l’eau de 1992. Elle s’est dotée d’un outil essentiel : le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, le SDAGE.

Dans chacun de nos six bassins, le SDAGE, à partir d’une analyse en profondeur du fonctionnement des écosystèmes aquatiques et des besoins en eau, doit dégager sur le long terme les modalités d’une gestion des eaux préservant le fonctionnement naturel du cycle de l’eau. Le SDAGE sera un élément déterminant de l’aménagement du territoire, qui redevient une priorité de ce pays.

Les six SDAGE sont prêts. Ils ont été largement débattus entre toutes les catégories d’usagers. Vous y avez participé et je souhaite que vous suiviez de très près leur mise en œuvre, tant dans les comités de bassin que dans les commissions des milieux naturels aquatiques qui seront très prochainement mises en place dans leur nouvelle composition.

Les SDAGE sont des outils de gestion. Ils s’inscrivent dans une perspective de développement durable qui est, de mon point de vue, la base de toute politique d’environnement.

Le développement durable, qu’est-ce que c’est ?

Pour reprendre la définition de la Commission des communautés européennes : c’est mener une politique et une stratégie visant à assurer la continuité du développement économique et social, dans le respect de l’environnement et sans compromettre les ressources naturelles indispensables à l’activité humaine.

Aussi vous pouvez être convaincu que lorsque vous restaurez une rivière en rétablissant les zones de frayères, quand vous fixez des quotas de saumons pour la pêche, vous faites du développement durable.

Je crois que l’environnement aujourd’hui n’est plus l’objet d’une confrontation entre écologistes d’un côté et aménageurs de l’autre. L’environnement s’impose à tous. Nous l’avons vu, les problèmes d’environnement ont des conséquences économiques immédiates : lorsqu’on canalise une rivière, on perd irrémédiablement son caractère auto-épurateur que nulle station d’épuration, si sophistiquée soit-elle, ne peut remplacer.

Je crois que le problème du cormoran, qui vous préoccupe beaucoup, s’inscrit aussi dans ce contexte.

Les mesures prises jusqu’à ce jour pour prévenir la prolifération des cormorans se sont avérées insuffisantes. C’est pourquoi j’ai décidé de porter les quotas de prélèvement de 5 à 10 %, un dépassement de cette limite pouvant même être autorisé par le préfet dans les cas particuliers de départements à très forte concentration d’étangs.

De plus, cette année, pour simplifier les démarches administratives, j’ai décidé d’aller plus loin dans la voie d’une déconcentration aux préfets de ces autorisations. Il appartient désormais aux préfets, en fonction de la situation locale et après avoir pris l’avis d’un comité réunissant les différents acteurs concernés, de déterminer les secteurs géographiques du département où les tirs seront autorisés.

Enfin, j’ai confié une mission d’expertise à deux directeurs de recherche, l’un du CNRS spécialiste en ornithologie, l’autre de l’INRA spécialiste en ichtyologie, afin qu’ils procèdent à une analyse globale de la situation et me proposent des solutions de régulation conformes au droit, à la prise en compte des activités économiques et au respect des équilibres écologiques.
 
Les mesures que je prendrais à la suite de ce rapport feront l’objet d’une large concertation auprès de tous les acteurs concernés (associations de protection aquatiques, associations de protection des oiseaux, pêcheurs, pisciculteurs, scientifiques…). Le groupe national de réflexion sur les grands cormorans, auxquels participent vos représentants, se réunira à cet effet dès le 27 novembre prochain.

D’ores et déjà, je vais proposer des opérations expérimentales sur quelques sites naturels accueillant une faune piscicole particulièrement menacée. C’est ainsi que les mesures de régulation de l’espèce seront appliquées pour la première fois sur les eaux libres.

Toutefois, l’essentiel des populations européennes de grands cormorans se reproduisant aux Pays-Bas et au Danemark, c’est également dans ces pays et au niveau de l’Union européenne que des mesures de régulation efficaces peuvent et doivent être prises.

Je me suis entretenue récemment de ce problème avec mon homologue allemand, Mme Angela Merkel, en marge du sommet franco-allemand de Bliesbruck-Reinheim. Nous envisageons de faire une démarche commune auprès de Mme Ritt Bjerregaard, commissaire européen à l’environnement, pour obtenir le déclassement partiel du cormoran de l’annexe 1 de la directive sur la conservation des oiseaux sauvages adoptée le 2 avril 1979.

Vous avez aussi, monsieur le président, abordé les problèmes plus directement liés à la pêche. Comme vous l’avez dit, le sujet est sans doute moins dramatique, mais il n’en est pas moins aussi important.

La simplification de la réglementation de la pêche a été entreprise en 1994. Le sujet a donné lieu à un vrai débat dans vos instances pour aboutir à une situation d’équilibre satisfaisante. Il y a certes encore quelques difficultés liées, semble-t-il, aux périodes d’ouverture de la pêche. Elles peuvent être rapidement levées avec l’élaboration des plans de gestion. Un projet de décret vous sera rapidement présenté sur ce point.
 
La simplification, c’est aussi la décision de transférer la taxe piscicole de base sur la taxe complète. Je crois néanmoins qu’il faudra, dès l’année prochaine, être très attentif au taux de cette taxe qui ne peut augmenter indéfiniment. Un conseil d’administration exceptionnel du Conseil supérieur de la pêche se tiendra d’ailleurs au début de l’année prochaine sur les perspectives budgétaires de l’établissement. J’en examinerai les conclusions avec la plus grande attention.

J’ai bien noté le succès rencontré par les cartes « Jeune » et les cartes « Vacances ». C’est encourageant et cela doit vous conforter dans l’idée de la diversification du produit pêche. Le monde évolue et vous devez vous adapter à la demande sociale, très favorable aux activités de nature. Vos structures sont un atout.

En 1997, vous aurez la possibilité de proposer des cartes de pêche à la journée. Après la carte « Vacances » et la carte « Jeune », c’est une « petite révolution ».

J’ai bien compris que certains d’entre vous hésitent à s’y engager de peur sans doute d’y perdre un peu de leurs racines, mais je crois que l’expérience mérite d’être tentée.

Associations de pêche et de protection du milieu aquatique vous êtes depuis toujours nos partenaires pour la préservation de l’environnement. Représentants de millions de passionnés vous êtes l’expression bien vivante de la société. Participant à un chiffre d’affaires de plus de 6 milliards de francs vous êtes facteurs de développement économique.

Vous êtes ainsi parmi les meilleurs acteurs du développement durable que j’appelle de mes vœux. Je vous en félicite et vous remercie de m’avoir accueilli si chaleureusement parmi vous.