Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la politique de la pêche, l'organisation de la filière, les mesures de protection de la ressource, la pression européenne en faveur de l'interdiction du filet maillant dérivant et la loi d'orientation pêche dans le cadre européen, Saint-Gilles-Croix-de-Vie le 3 avril 1998.

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Circonstance : Assemblée générale de la FEDOPA à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, (Vendée) le 3 avril 1998

Texte intégral

Parce que vous avez un rôle stratégique essentiel dans la filière des produits de la mer, je me devais de marquer mon soutien à votre action.

J'ai apprécié les différentes interrogations qui montrent le dynamisme des organisations de producteurs à la pêche artisanale dont la capacité d'initiative demeure vive.  Je tiens à remercier l’ARPEVIE, organisateur de cette assemblée générale et les mots de bienvenue de son président Monsieur Barré.

Au cours de ces derniers mois, des temps forts ont marqué la politique des pêches.

S’agissant de la loi d'orientation pêche votée en novembre, elle met l'accent sur une meilleure gestion de la ressource, une organisation de la filière de mise en marché pour lesquelles les organisations de producteurs sont des acteurs de premier rang.

La préparation des 31 décrets d'application est en cours, en concertation avec vos organisations professionnelles.

Le deuxième élément concerne la politique commune des pêches pour la construction de laquelle nous avons dû défendre les intérêts de nos pêcheurs pour ce qui concerne les mesures techniques de protection de la ressource, les TAC et quotas, et bientôt la réforme de l’organisation commune des marchés.

À ce stade de mon propos, je veux évoquer le dernier conseil pêche, tout particulièrement ici, en Vendée, près de l’Île d’Yeu.

Le filet maillant dérivant. C'est un sujet qui agite l'opinion depuis 10 ans, tant au plan nationale qu’au niveau international. Il est grave que, sans argument scientifique fondé, sans argument économique sérieux, sans considération pour les efforts d'adaptation consentis par les pêcheurs, nos partenaires dans la communauté veuillent prendre une décision qui, pour la première fois, condamnerait une pratique professionnelle bien contrôlée et rentable.

Au Conseil pêche du 24 mars, une grande majorité de délégations a insisté pour l'interdiction du filet maillant dérivant en Atlantique et en Méditerranée. Nous nous sommes retrouvés seuls avec l'Italie et l’Irlande. Il a donc fallu manœuvrer pour éviter une décision brutale et sans appel.

Il me paraît désormais clair, que, sur le principe de l'interdiction, le retour à une minorité de blocage est aléatoire. Notre forte mobilisation a permis d'éviter le pire et de faire comprendre à certains que le dossier n'était ni simple, ni sans conséquences.

J'ai demandé au directeur des pêches de présenter, une fois encore, nos arguments auprès de différents pays de la Communauté pour qu'ils comprennent les risques pour l'avenir, d'une décision irréversible.

Sur le terrain, alors que des tensions entre pêcheurs communautaires se développent, j'ai demandé au secrétariat général de la mer que les moyens de contrôle sur zone, en particulier dans le Golfe de Gascogne, soient renforcés pour que nos pêcheurs puissent pratiquer leur métier sans entrave, ceci concerne l'ensemble des pêcheurs de l'Atlantique. Aussi, je vous demande de ne pas aller au-devant des provocations qui pourraient être tentées.

Vous avez, en tant qu’organisateur de producteurs, un rôle essentiel dans l'organisation du marché, dans l'accès à la ressource.

Votre fédération, la FEDOPA, a 9 ans, au cours desquels elle a agi pour faire évoluer la filière. Ceci porte d'abord sur la production, qu'il s'agisse du raccourcissement des marées, de l'organisation des débarquements, des échanges d'informations entre la terre et la mer permettant une meilleure précision des apports. La FEDOPA est à l’origine de nombreuses initiatives en termes d’organisation interne, de partenariat avec l’industrie ou de démarches de qualité.

Permettez-moi de citer un exemple local d'initiative pertinente : la démarche de qualité au bénéfice des sardines de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

Les organisations de producteurs disposent d'une situation au sein de la filière qui leur permet d'animer les relations entre ce qui se passe en mer et ce qui se passe à terre. Elles doivent ainsi être impliquées dans toutes les démarches « horizontales » portuaires et interportuaires : circulation d'information, harmonisation des tris sous criée, qualité abord, formation… Je tiens à vous féliciter pour toutes les initiatives prises dans ces domaines.

Il faut aussi consolider les démarches verticales, de nature interprofessionnelle. Vous êtes à la base d'opérations appliquant les producteurs et les marieurs, qu'il s'agisse de Bretagne Qualité Mer, de Normapêche, ou de Codimar, que vous avez abondamment cité, Monsieur Loïk Jagot comme cela méritait de l’être.

Pour persévérer dans ce sens, notamment pour mieux structurer les démarches entre les opérateurs comme la traçabilité, il convient d'encourager le processus de création d'une interprofession. L'interprofession permet de mieux structurer l’amont, constitué par l'ensemble des organisations de producteurs et du mareyage, face à l'organisation de plus en plus structurée de l’aval. Elle prend réellement du sens dès lors que l'ensemble de la production organisée s'y retrouve. Pour ma part, j'appuierai une telle initiative en permettant, dans le projet de loi d'orientation agricole en cours de préparation, que la loi de 1975 sur l'interprofession soit étendue au secteur des produits de la mer.

La loi d’orientation pêche, vous l'avez rappelé, renforce le rôle des organisations de producteurs dans la gestion des quotas de capture. À cet égard, elles occupent, un rôle charnière entre la ressource et le marché, ce qui nécessite qu'elles mettent en place des plans de pêche ou des mesures d'effet équivalent.

Vous craignez, Monsieur le président, une différence de traitement entre un adhérent et un non-adhérent aux OP pour l’accès aux quotas. Je tiens à vous rassurer. Je partage votre souci de ne pas favoriser l'inorganisation par rapport à l'organisation. Le projet de répartition nationale des quotas de pêche pour l'année 1998 vous sera prochainement transmis pour une ultime concertation. Vous avez eu l'occasion déjà, de donner votre point de vue et je considère comme vous, il faut en priorité concentrer l'effort de gestion des quotas sur les espèces qui risquent de faire l'objet de dépassement.

Le développement des activités de notre fédération se situe dans un contexte communautaire en évolution, notamment pour ce qui concerne l'organisation commune des marchés (OCM) du secteur de la pêche et de l'aquaculture. Celle-ci doit faire l'objet d'un débat d'orientation générale au conseil pêche du 8 juin prochain.

J'ai, dès le mois de septembre, indiqué au commissaire européen les grands principes auxquels je suis attaché ; ceci avant même qu'elle ne présente sa communication. J'ai notamment, souligné le rôle vital des organisations de producteurs qu'il convient de renforcer dans le cadre européen.

La commission a présenté, à la fin de l'année 1997, une communication au conseil et au parlement européen sur l’avenir du marché des produits de la pêche dans l’union européenne. Elle se fonde sur la responsabilité, le partenariat et la compétitivité. Si, dans ses grandes lignes, ce document reprend bien des propositions de la France, je voudrais insister sur des points essentiels qui nous préoccupent.

La communication met clairement en évidence la distinction entre le marché du frais et le marché pour la transformation. C'est une bonne chose parce que ce sont deux sujets importants, mais de nature différente. Pour la valorisation du frais, la commission reprend à son compte la stratégie mise en œuvre en France, qu'il s'agisse des règles d'identification du produit ou des démarches volontaires de qualité. Encore faut-il que celle-ci fasse l'objet d'une aide accrue. Pour ma part, j'insisterai dans ce sens.

Un point que je considère comme essentiel. Il concerne les interventions sur le marché pour réguler les cours.

Les outils d'intervention sur le marché du frais doivent non seulement permettre aux OP de réguler le marché au jour le jour, mais aussi, voir surtout, d'anticiper les risques de saturation du marché, ce qui nécessite de l'insérer dans une logique de filière.

Le prix de retrait constitue un filet de sécurité indispensable qui doit être préservé. En revanche, le soutien doit évoluer du retrait destruction vers le retrait report et, au-delà, le retrait préventif. Je m'explique, le régime des retraits ne doit pas être remis en cause dans son principe général mais doit être revu dans ses modalités d'application. Il faut diminuer le volume des produits destinés à la destruction qui ne peut être durablement envisagée, en revanche, il faut prendre plus attractif le report destiné au marché du surgelé mais surtout, il convient de favoriser de façon préventive les retraits du marché du frais. Dans ce cas les produits orientés, par des accords contractés en début de campagne vers l'industrie de la transformation, comme cela se produit, par exemple, pour la coquille Saint Jacques des Côtes-d'Armor. Le retrait report comme le retrait préventif contractualisé en début de campagne doivent être rendus attractifs par la Communauté.

Pour ce qui concerne l'industrie de transformation, deuxième volet du marché des produits, l'industrie communautaire est structurellement dépendante des importations des pays tiers. Celles-ci se réalisent aujourd'hui, pour les deux tiers, sous des régimes tarifaires préférentiels, donc à prix compétitifs. Il convient de préserver les conditions actuelles de cet approvisionnement. En effet, je doute que l'incitation des transformateurs à passer des contrats d'approvisionnement avec les producteurs communautaires soit d'un niveau suffisant pour modifier le caractère structurellement déficitaire de l'approvisionnement des industries de transformation. L'idée d'une aide à l'approvisionnement contractualisé de l'industrie de la transformation risque fort de justifier un démantèlement nouveau de la préférence communautaire : ce serait un marché de « dupes », pour l'écoulement de nos produits frais.

En outre, il convient d'étendre, pour les pays tiers, les règles de nature à garantir la qualité, les normes d'hygiène et de sécurité des produits alimentaires et à garantir des conditions de pêche allant dans le sens d'une gestion responsable des ressources. J'insisterai sur la nécessité de renforcer le contrôle du respect des règles de la politique commune des pêches et particulièrement le contrôle des importations, notamment pour ce qui concerne les règles d'origine et les règles sanitaires.

Enfin, je m'étonne et je me méfie, l'histoire récente m’y encourage, de la notion de commerce responsable évoquée par la commission, notion floue qui, si elle ne peut être clairement définie, ne peut être retenue dans ce cadre. Trop souvent, ces notions mises en avant cachent des stratégies de domination par ceux qui occupent les positions les plus avantageuses.

Vous avez fait état, Monsieur Jagot, à juste titre, du problème des conditions de reconnaissance des organisations de producteurs. Je demande à mes services d'engager une réflexion avec la FEDOPA et l’ANOP, sur les critères de reconnaissance des OP, de manière à bien caractériser les conditions d’une OP active, de façon que la commission prenne en compte ces critères.

Au-delà des préoccupations à moyen terme de la réforme de l'OCM, je veux vous tenir informer de l'évolution de la mise en place de l’OFIMER.

La FEDOPA est un partenaire constructif du FIOM, il est donc naturel que vous soyez intéressés par l'évolution du décret créant l’OFIMER. Celui-ci reprend les dispositions arrêtées en concertation avec la profession. Comme je l'ai déjà annoncé pour développer l'esprit de filière, la représentation entre l’amont et l’aval sera équilibrée au sein du conseil de direction.

La consultation interministérielle sur le projet est en cours. Après examen au Conseil d'État, le décret devrait pouvoir être publié avant l'été. Je vous demanderais, comme aux autres organisations représentées au conseil d'administration, de proposer un nombre de représentants égal au nombre de postes dont vous disposez.

J'espère, Monsieur le président, avoir répondu à l'ensemble des interrogations que vous avez exprimées. Vous avez montré la volonté des organisations de producteurs d'être un rouage essentiel de la filière capable de prendre des initiatives pour mieux répondre aux évolutions du marché. J'ai le sentiment que vous avez pleinement intégré de fait, ce qu'est une pêche responsable.

L'organisation de producteurs, c'est une assemblée d'hommes et de femmes qui œuvrent pour le bien-être des professionnels ; je suis heureux de pouvoir honorer l'un des vôtres pour son parcours au service de la profession. Je veux parler de Monsieur Daniel Lozach à qui j’ai le plaisir de remettre la légion d’honneur.