Conférence de presse de M. André Henry, ministre du temps libre, pour présenter le chèque vacances, Paris le 26 mars 1982.

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Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,


Peu avant la dernière guerre, se constituait en Suisse la société « Reka », qui peut être considérée dans le monde comme le pionnier du chèque-vacances.

En 1971, était créée en France une société coopérative « chèque-vacances » par les représentants des centrales syndicales et des grandes organisations du tourisme social.

C'est cette société coopérative qui a élaboré et porte l'idée « chèque-vacances » dans notre pays.

En 1974, un rapport politique des amis de Giscard d'Estaing reprenait cette idée et l'inscrivait dans le programme d'engagement du candidat. Engagement non tenu, faut-il le rappeler ?

En 1981, monsieur François Mitterrand, candidat à la présidence de la République prononce à Vieux-Boucau un important discours sur le thème du loisir social dans lequel il s'engage à réaliser, s'il est élu, le chèque-vacances en faveur des travailleurs les plus défavorisés.

Le 8 janvier 1982, le Parlement adopte la loi autorisant le gouvernement à prendre des mesures d'ordre social par ordonnance. Cette loi inclut le chèque-vacances.

Le 25 mars 1982, le Conseil des ministres adopte l'ordonnance créant le chèque-vacances, ordonnance qui sera promulguée dans quelques jours.

* L'engagement pris est tenu :

C'est un engagement clair. Le chèque-vacances devient un outil de lutte contre l'inégalité. Il s'inscrit dans l'une des deux grandes orientations majeures du ministère du Temps libre, la démocratisation du loisir.

L'institution du chèque-vacances est la première des quatre réalisations clés du temps libre. Il répond à l'attente des travailleurs les plus modestes auxquels il devrait apporter les moyens de partir en vacances, et de choisir des vacances.

Certes, l'ordonnance adoptée le 25 mars ne règle pas tout ; elle n'est pas une solution magique. Elle est un point de départ et une espérance.

* Plus de 8 millions de bénéficiaires potentiels :

Bénéficieront du chèque-vacances les salariés qui paient moins de mille francs d'impôts sur le revenu, soit près de six millions de foyers fiscaux.

L'objectif du gouvernement est de faire en sorte que, dans les dix ans qui viennent, entre trois et cinq millions de Français en plus puissent partir en vacances. C'est dire que le plafond retenu pour l'achat de chèque-vacances, et qui est rigoureusement identique à celui du livret d'épargne populaire, permet un démarrage normal du chèque-vacances.

Chaque année, pendant au moins huit mois, chaque travailleur concerné pourra acheter chaque mois des chèques-vacances pour une valeur de 2 % à 10 % du SMIC.

Mais de plus, les personnels non salariés, les retraités et les travailleurs de l'État pourront bénéficier du chèque-vacances par le biais des caisses sociales ou des services sociaux. L'ordonnance ouvre ainsi une voie extrêmement importante que les partenaires sociaux ne manqueront pas d'explorer pour donner au chèque-vacances toute son ampleur.

* Un acte de solidarité :

L'attribution des chèques-vacances résultera de négociations entre les salariés et les employeurs, sur la base du volontariat et de la solidarité.

L'institution du chèque-vacances est à l'opposé de la notion d'assistance : elle traduit au contraire un acte de solidarité.

C'est dans l'entreprise que sera déterminée en pourcentage la fourchette d'attribution des chèques-vacances selon le niveau des salaires. L'ordonnance fixe les termes extrêmes de la part du salarié dans l'achat d'un chèque-vacances : 20 % à 80 %.
 
Mais il faut surtout noter que le troisième alinéa de l'article 3 de l'ordonnance permet aux comités d'entreprise de participer pleinement à l'ensemble de l'opération achat chèque-vacances par une contribution spécifique.

Cette disposition est une des pièces maîtresses de l'édifice qui peut ouvrir de très grandes possibilités si les employeurs et les salariés veulent l'utiliser utilement.

* D'importants avantages pour les salariés :

La contribution de l'employeur peut multiplier par quatre celle du travailleur. Cette contribution de l'employeur est exonérée de l'impôt sur le revenu dans la limite du SMIC, appréciée sur une base mensuelle.

L'utilisation du chèque-vacances est imaginée de manière très large, souple et libérale.

Enfin, le chèque-vacances pourra être bonifié par l'entreprise, par les collectivités ou par les professionnels du tourisme.

Le chèque-vacances devra être un moyen commode et simple d'utilisation.

* L'exonération des charges sociales reste un objectif à atteindre

Cette exonération n'a pas pu être retenue par le gouvernement, compte tenu des contraintes économiques actuelles et surtout à cause de la refonte prévue du système de sécurité sociale. Le problème de l'exonération des charges sociales, qui pourrait être revu dès l'adoption de cette réforme, peut sans doute représenter un frein dans la mise en oeuvre du chèque-vacances. Il ne saurait être un obstacle déterminant. D'autant que la part patronale est exonérée de la taxe sur les salaires, ce qui est une incitation non négligeable.

* Un organisme émetteur unique :

Un établissement public à caractère industriel et commercial, administré majoritairement par les représentants des salariés, des employeurs et prestataires de services, émettra, vendra et remboursera les chèques-vacances.

Nous tenions beaucoup au caractère unique de l'émetteur, ce qui nous a obligé à cette formule d'établissement public parce que l'institution du chèque-vacances doit également permettre par le réinvestissement des produits de l'épargne populaire le financement d'équipements de tourisme et de loisir à vocation sociale.

Au total, je me réjouis que cette grande idée de chèque-vacances soit enfin devenue réalité.

Il faudra sans doute trois ou quatre ans pour que la montée en puissance du chèque-vacances atteigne son rythme de croisière.
 
Tout est à construire dans les entreprises et c'est dans les petites et moyennes que les difficultés seront les plus grandes.

C'est dans cette direction que le gouvernement entend diriger une action d'impulsion en vue d'une plus grande égalité face aux loisirs et au droit aux vacances pour tous.

Mais en définitive, le chèque-vacances est une grande espérance parce qu'il est porteur de création d'emplois et générateur de développement économique.

Le ministère du Temps libre va maintenant préparer les décrets d'application, et les premiers chèques-vacances verront le jour vraisemblablement avant Noël.