Interviews de M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget et porte-parole du gouvernement, à France 2 le 18 septembre 1996 et "Paris-Match" le 26, sur le projet de budget pour 1997 et sur la réforme et la baisse de l'impôt sur le revenu.

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Média : France 2 - Paris Match

Texte intégral

France 2 - 18 septembre 1996

D. Bilalian : Je vais énumérer un certain nombre d'interrogations des Français, peut-être pourrez-vous y répondre. On vient de parler des astuces du budget 97, mais en 98 quelles autres astuces allez-vous employer ?

A. Lamassoure : Je récuse totalement le mot « astuce ». Et je voudrais rectifier deux choses dites par l'excellente F. Laborde. D'abord, il n'y a pas d'astuce dans ce budget. Nous avons été très rigoureux dans la manière de comptabiliser les dépenses et les recettes, à la fois selon les règles françaises, et puis selon les règles européennes pour ce qui concerne le calcul du déficit de 3 %. Et d'autre part, je voudrais dire que, sur 97, je suis un ministre du budget heureux, parce que j'ai deux bonnes nouvelles, inédites, à annoncer aux Français. La première, c'est que contrairement à ce qui a été indiqué, les dépenses n'augmenteront pas en 1997 par rapport à 1996, cela ne s'était jamais produit dans l'histoire de la République. Et la deuxième bonne nouvelle : grâce à cet effort d'économies sans précédent qu'ont fait les Français, que feront les Français, nous allons pouvoir baisser l'impôt, baisser l'impôt sur le revenu, en commençant dès 1997 et dès le premier tiers provisionnel de 1997, et en continuant sur 5 ans, et nous proposerons au Parlement dans quelques semaines de voter sur la baisse des impôts, non pas simplement sur 97, mais pour les 5 ans.

D. Bilalian : Justement, à propos des impôts, on a annoncé dans un premier temps une baisse d'impôt de 25 milliards. Le ministre des finances, Monsieur Arthuis, parlait ce matin de 13 milliards nets, finalement, parce qu'entre-temps il y a eu les augmentations d'impôts indirects type alcools, tabacs, carburants. Alors, quelle est la vérité ? Quel est le chiffre exact pour 97 ?

A. Lamassoure : Je crois qu'il faut que les Français aient en tête des choses très simples. L'impôt sur le revenu l'année prochaine baissera de 25 milliards de francs, c'est-à-dire environ 9 % en moyenne, et chacun pourra le vérifier en regardant sa feuille d'impôt au début de l'année prochaine. D'autre part, comme chaque année, il y a des impôts, d'autres impôts qui augmentent, d'autres qui baissent. Et au total, on retrouvera le même ordre de grandeur de 25 milliards de francs de moins de la pression fiscale pour l'ensemble des Français. Donc, moins 25 milliards l'année prochaine.

D. Bilalian : Donc, vous êtes en contradiction, si je puis dire, avec votre ministre des finances qui dit 13 milliards nets ?

A. Lamassoure : Non, c'est un peu technique, on lui avait proposé une autre question. Ce qu'il faut bien retenir, c'est que l'impôt sur le revenu baisse de 25 milliards, que - c'est également une première - la redevance télévision n'augmentera pas l'année prochaine, elle restera stable. Et en ce qui concerne l'impôt sur les carburants, il n'y aura pas d'augmentation de pression fiscale non plus, on se contentera de suivre la hausse des prix.

D. Bilalian : Moins de fonctionnaires dans ce budget, l'État confirme qu'il compresse ses dépenses de 60 milliards. Ce sont des économies dans un premier temps mais, bien sûr à terme, on pense que ça peut être aussi facteur de chômage supplémentaire ?

A. Lamassoure : Non, au contraire. Nous allons essayer de recentrer, de mieux dépenser l'argent de l'État. Il faut bien réaliser que la France se trouve dans une situation extraordinaire : l'État prélève chaque année - l'État et la sécurité sociale - presque la moitié du revenu des Français et redistribue la moitié de ces revenus. Et malgré cela, le chômage continue d'augmenter, les exclus continuent d'augmenter, le nombre des sans-logis ou des mal soignés continue d'augmenter. Donc il y a des marges d'économies considérables dans notre budget, et ce que nous faisons à grande échelle en 1997, c'est recentrer les très nombreux systèmes d'aide sur les publics qui en ont le plus besoin. Par exemple, le contrat initiative-emploi - qui est une mesure qui a été créée pour aider les personnes relativement âgées qui étaient au chômage depuis deux ou trois ans, et qui a assez bien réussi - sera concentré sur ceux qui en ont le plus besoin.

 

Paris-Match - 26 septembre 1996

Paris-Match : Michel Sardou est en colère : « J’en ai marre de travailler sept jours sur dix pour les impôts ! J’ai le sentiment de m’être fait avoir ! » Que répondez-vous à ce déçu de Jacques Chirac ?

A. Lamassoure : Je ne suis pas choqué que des citoyens français comme lui, qui, grâce à leur talent, touchent des revenus considérables, participent au financement des dépenses publiques et d'une politique sociale ou bénéfice de ceux qui ont eu moins de chance qu'eux.

Paris-Match : Mais la majorité des Français pensent, comme Sardou, qu'on se moque d'eux, et que 25 milliards d'allègement d'impôts ne compensent pas les 100 milliards de taxes supplémentaires depuis l'élection présidentielle. Que dites-vous à ceux-là ?

A. Lamassoure : Pour les 15 millions de Français qui paient l'impôt sur le revenu, celui-ci va baisser en moyenne de 9 % l’an prochain. Plus leur revenu est bas et leur famille nombreuse, plus la baisse sera importante. Voici quelques exemples :
     – un couple qui gagne 2 Smic, soit 10 000 francs net par mois : il paie en impôts sur le revenu annuel l'équivalent de quinze jours de salaire, soit 5 000 francs. En 1997, il paiera 3 700 francs, dans cinq ans 420 francs ;
     – une famille qui touche 2 revenus de cadres moyens ou 1 revenu de cadre supérieur, soit 25 000 francs net par mois : si elle a deux enfants, elle paie un peu plus d'un mois de salaire, soit 26 000 francs. L’an prochain, elle paiera 23 000 francs et dans cinq ans 15 000 francs ;
     – si elle a trois enfants, soit une part de plus, elle paie aujourd’hui trois semaines de salaire. Elle en paiera deux l’an prochain et une dans cinq ans ;
     – quant au célibataire payé ou niveau du smic, son impôt sur le revenu disparaîtra.

Paris-Match : N'êtes-vous pas inquiet de voir nombre de cadres supérieurs, notamment dans la haute finance, s'expatrier vers Londres, Genève ou New York, pour payer moins d’impôts ? Pourquoi n'avoir pas abaissé fortement la tranche supérieure actuellement imposée à 56,8 % ?

A. Lamassoure : Concernant le soi-disant « exode des riches » hors des frontières, il faut relativiser. Je constate que les rentrées d'impôts sur la fortune seront supérieures cette année à celles de l'an dernier. Quant à la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, elle est comparable à celle de nos grands voisins européens, comme l'Allemagne où elle est aujourd'hui de 53 %. Dès l'an prochain, elle s'en rapprochera et, en 1998, elle se situera nettement au-dessous.

Paris-Match : Pourquoi étalez-vous cette réforme tant attendue de l'impôt sur cinq ans ?

A. Lamassoure : Parce que nous proposons un contrat de croissance durable aux Français. Si, dans les cinq ans à venir, la croissance atteint 2,5 % chaque année, on pourra baisser les déficits et les impôts, conformément au plan d'allégement voté par le Parlement. Si la croissance dépasse 2,5 %, nous pourrons consacrer le supplément à baisser la TVA et les autres augmentations provisoires instituées dans le collectif de 1995. En somme, on intéresse directement les Français à la réussite de la politique économique et à la croissance.

Paris-Match : Des économistes réputés comme René Monory estiment qu'il est illusoire de croire que la France va retrouver une croissance supérieure à 2 % dans les dix années à venir. Qui dit vrai ?

A. Lamassoure : Je suis en désaccord complet avec cette affirmation. Je ne vois pas au nom de quoi l'Europe resterait seule plombée par une croissance lente pendant que le monde qui nous entoure, à commencer par les États-Unis et l’Asie du Sud-Est, connaît une croissance forte. Si nous nous résignons à la croissance lente, aucun des grands problèmes de la France n’est soluble.

Paris-Match : Pendant que vous commencez à alléger les impôts, les élus locaux, eux, font grimper la note de 20 milliards. N’est-ce pas une politique de gribouille ?

A. Lamassoure : Ce chiffre de 20 milliards lancé dans la nature est faux. Sur ce total, la moitié représente la taxe professionnelle payée par les entreprises. Sur l'autre moitié, il faut retirer les exonérations que l'État accorde aux familles pour la taxe foncière et la taxe d'habitation. On aboutit au total à 4 milliards en plus pour les particuliers en 1996. Cela dit, chaque contribuable peut vérifier sur sa feuille d'impôts locaux quels sont les responsables des housses et des baisses.

Paris-Match : Après la balladurette et la juppette, allez-vous créer une nouvelle prime aux achats d'automobiles ?

A. Lamassoure : La décision n'est pas encore prise mais je suis personnellement réservé. On ne peut pas recommencer à augmenter les impôts pour payer des subventions afin que les consommateurs achètent ! Il est temps de revenir à la logique économique. À cet égard, je rends hommage au bon sens de M. Schweitzer, patron de Renault, qui déclare : « Pour vendre mes voilures, je vais baisser les prix.