Déclaration de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, sur la compétitivité de la Bourse de Paris, la création des fonds de pension et le contrôle de la COB sur les sociétés de gestion de portefeuille, Paris le 26 septembre 1996.

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Circonstance : Remise des dixièmes corbeilles d'or aux lauréats de la meilleure gestion d'organismes de placements collectifs à Paris le 26 septembre 1996

Texte intégral

Messieurs les Présidents, 
Mesdames, Messieurs,

Je voudrais d'abord vous dire le plaisir que j'ai d'être parmi vous ce soir. L'an dernier, un empêchement de dernière minute m'avait obligé à renoncer à participer à la remise de la dixième corbeille d'or, et je l'avais profondément regretté.

Aussi, c'est avec joie que je peux aujourd'hui féliciter de vive voix les lauréats des corbeilles d'or qui récompensent les meilleures gestionnaires d'organismes de placement collectifs.

Cette performance est celle d'une industrie qui marche et que tous nos partenaires nous envient. Nous sommes aujourd'hui les premiers en Europe. C'est une chance inestimable à l'heure où la concurrence ne joue plus seulement entre les entreprises mais entre les places financières. À l'heure de l'intégration financière européenne, la gestion collective peut être le fer de lance de la compétitivité de la place de Paris.

L'État a son rôle à jouer dans cette ambition. Il doit d'abord façonner l'environnement des entreprises ; il doit ensuite contribuer sans relâche à la modernisation des outils de la gestion collective pour leur permettre d'aller toujours plus loin dans la performance et la sécurité des épargnants.

Il n'est pas de développement harmonieux et d'investissements profitables sans un cadre économique et juridique sain.

Sur le plan économique, vous connaissez les actions menées par le gouvernement depuis maintenant près d'un an et demi. Laissez-moi tout de même vous décrire en deux mots l'enchaînement vertueux et prometteur dans lequel nous sommes engagés. Le budget pour 1997 que j'ai présenté la semaine dernière est historique. Pour la première fois sous la Ve République, les dépenses de l'État vont baisser en francs constants par rapport à l'année précédente. Nous avons pu ainsi engager la décrue fiscale tant souhaitée par nos concitoyens, tout en ramenant le déficit public à 3 % du PIB.

Engager le reflux de la dépense publique, telle était la condition d'une baisse des taux d'intérêt sans laquelle il n'est pas de reprise durable. Les résultats sur ce point sont spectaculaires, les taux à court terme ayant été réduits de plus de moitié par rapport à 1995 et les taux à long terme étant au même niveau que les taux allemands. La reprise de l'activité, dont nous voyons des premiers signes aujourd'hui, est la preuve que nous sommes sur le bon chemin.

Vous l'avez rappelé Monsieur le Président, je me suis attaché, depuis mon arrivée, à engager une série de réformes pour donner à la place financière de Paris tous les atouts lui permettant d'être au rendez-vous de la monnaie unique dans une position fondatrice.

Vous vous êtes réjoui de la mise en place prochaine de l'épargne retraite et m'avez plus particulièrement interrogé sur la question de la sortie en rente ou en capital.

Ce n'est pas un débat académique, mais un débat de fond.

Quel est l'objectif de l'épargne retraite c'est essentiellement la constitution d'un complément de retraite pour les salariés qui le désireront. Le socle de la solidarité restera bien sur la retraite par répartition.

Or, qu'est-ce qu'un complément de retraite, sinon, un revenu supplémentaire régulier c'est-à-dire le versement d'une rente ?

L'objectif social et économique de ce projet, ce n'est pas un nouveau produit d'épargne longue assorti d'un avantage fiscal à l'entrée. Et que ferait-on d'autre si l'on choisissait de créer des fonds de pension avec sortie exclusive en capital ? Le paysage français est déjà riche de ce type de produits d'épargne assurance-vie, plan d'épargne en actions, plan épargne populaire, plan d'épargne logement et plan d'épargne entreprise sont déjà à la disposition de l'épargnant. Il n'est à l'évidence pas nécessaire d'ajouter un nouveau produit de ce type.

J'observe d'ailleurs qu'aucun des régimes complémentaires de retraite par capitalisation existants ne prévoit de sortie en capital. Veillons à ne pas les déstabiliser.

Le deuxième objectif de l'épargne-retraite, c'est d'abonder les fonds propres de nos entreprises. Il est en effet capital que l'épargne investie dans les fonds de pension soit la plus longue possible.

Or permettre une sortie en capital a une conséquence mécanique : la réduction de l'horizon de placement des gestionnaires de fonds. Et plus l'horizon de placement est court, plus les gestionnaires sont amenés à privilégier des placements en obligations par rapport à des placements en actions.

Voilà les deux raisons qui plaident en faveur d'une sortie en rente.

Bien entendu, cela ne veut pas dire qu'aucune sortie en capital n'est possible. Je réfléchis actuellement au moyen de permettre une sortie en capital dans un cadre strictement défini. Certaines circonstances imprévisibles, particulièrement éprouvantes, justifient un traitement équitable. Il conviendra au surplus d'adapter le régime fiscal. Je crois devoir insister sur le caractère exceptionnel de cette issue.

Permettez-moi de m'arrêter un instant sur la gestion collective. Nous avons beaucoup fait pour lui donner le cadre juridique dont elle a besoin. La loi de modernisation des activités financières comporte trois innovations majeures :
    – elle simplifie les outils en créant les sociétés de gestion de portefeuille à objet multiple qui mettent un terme à la distinction, aujourd'hui inutile, entre gestion collective et gestion sous mandat ; 
    – elle améliore le contrôle en confiant à la COB un bloc de compétence en matière de gestion pour compte de tiers, qu'il s'agisse de l'approbation des programmes d'activité ou du contrôle et de l'agrément des sociétés de gestion de portefeuille ;
    – elle associe enfin les professionnels aux réflexions à venir en leur donnant une large représentation dans le comité consultatif de la gestion financière nouvellement créé. Placé auprès de la COB, ce comité rendra des avis sur tous les projets de règlement en matière de gestion ainsi que sur les programmes d'activité et les agréments soumis à la COB. Je vous informe d'ailleurs que je procéderai à la nomination des membres de ce comité dès que seront installés la COB et le Conseil des marchés financiers. Cette échéance est proche puisque j'installerai ce Conseil le 9 octobre.

Vous le voyez, nous avons déjà fait beaucoup. Mais faut-il aller plus loin ? La Commission que préside M. Gérard de La Martinière, nous fera prochainement des propositions que je compte étudier avec soin. Permettez-moi d'ores et déjà d'évoquer deux pistes de réflexion :
    – d'abord, la filialisation de la gestion. Ce serait l'aboutissement logique des évolutions enregistrées jusqu'à aujourd'hui. J'entends par là renforcer encore les « murailles de Chine » entre gestion pour compte propre et gestion pour compte de tiers, et entre gestionnaire et dépositaire. Mais en cette matière, rien ne pourra être décidé sans une large concertation avec les professionnels. Je serai bien entendu attentif aux résultats des travaux de la commission présidée par M. Gérard de la Martinière ; 
    – ensuite, la création d'une véritable autorité professionnelle en termes de gestion, dans le prolongement du Comité consultatif de la gestion, par exemple. Là aussi, il ne s'agit pas aujourd'hui de trancher. Sur le plan des principes, je vous dirai simplement que je suis favorable à l'implication et la responsabilisation croissante des professionnels dans la mesure où les autorités publiques ne sont pas dessaisies de leurs pouvoirs de tutelle et de contrôle.

Les objectifs sont identifiés et l'environnement économique est porteur. Il reste maintenant à améliorer encore les outils de la gestion collective pour toujours plus renforcer leur compétitivité et pour consolider la sécurité des épargnants.

Renforcer la compétitivité de la gestion pour compte de tiers, c'est affiner notre réglementation en fonction de la nature des produits proposés. Les OPCVM non offerts au public n'appellent pas les mêmes exigences que les autres. Je pense qu'un assouplissement de la réglementation de ces produits est envisageable notamment en termes d'emploi des fonds, voire d'agrément.

C'est d'ailleurs cette logique que le gouvernement a retenue pour les fonds communs de placement à risque (FCPR) dont le régime a été modifié par la loi du 12 avril 1996. Ce texte, dont le décret d'application sera publié dans les prochaines semaines, distingue en effet les FCPR selon qu'ils sont ou non ouverts au grand public, et module en conséquence les règles d'emploi des fonds et de contrôle prudentiel.

En étendant cette politique, nous répondrions, me semble-t-il, à une attente réelle des investisseurs français et internationaux. Là encore, je vous soumets une piste de réflexion dont j'attends qu'elle soit enrichie par la concertation et par les travaux de la COB.

Notre second souci, peut-être le principal, est la sécurité des épargnants. Je me félicite de la prise de conscience de l'importance de ce sujet au sein de votre profession. L'adoption en avril dernier à l'initiative de l'ASFFI, d'un code de déontologie des gérants d'OPCVM est une initiative tout à fait heureuse. 
Mais nous devons aller encore plus loin et des progrès restent à faire, qu'il s'agisse des relations entre dépositaire et société de gestion, des modalités de contrôle des gestionnaires ou du respect des grands principes déontologiques. J'ajoute que notre rigueur sur ce point sera déterminante pour asseoir la crédibilité de la place de Paris.

C'est dans cet esprit que j'ai décidé la suppression de la dérogation aux règles de division des risques introduite en 1991 au profit des OPCVM monétaires leur permettant de détenir 25 % de leur actif au lieu de 10 % en titres d'un même émetteur. Cette possibilité de dérogation s'est en effet révélée, à l'usage, potentiellement dangereuse. Je vous confirme donc - le décret sera publié dans moins de deux semaines - que l'article 13-1 sera abrogé à compter du 30 juin 1997. J'ai prévu une sortie progressive (17,5 % au 1er janvier 1997) qui permettra de ne pas renchérir à l'excès le refinancement des établissements qui utilisent aujourd'hui cette dérogation.

Voilà ce que je voulais vous dire aujourd'hui sur l'avenir de la gestion pour compte de tiers. Vous voyez que de nombreux chantiers ont déjà été ouverts. Mais nous devons sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier.

En matière financière comme en toute activité humaine, immobilisme signifie vite recul et marginalisation. C'est à la profession qu'il appartient aujourd'hui de jouer ce rôle de moteur du changement. Faites-nous des propositions et, soyez en convaincu, la puissance publique vous soutiendra pour tout ce qui ira dans le sens de l'essor et du succès de votre industrie. Les progrès qui caractérisent votre parcours sont autant de gages de votre réussite. Avec mes compliments et ma gratitude pour les services éminents que vous rendez à notre économie, je veux vous exprimer mes vœux les plus chaleureux.