Texte intégral
Les Échos : Les hausses constatées des impôts locaux en 1996 vous inquiètent-elles outre mesure ?
Dominique Perben : Le débat est complexe. Le chiffre de 20 à 22 milliards de francs, qui semble être le produit supplémentaire voté par les collectivités locales cette année, n'a pas une signification simple et recouvre plusieurs phénomènes qu'il ne faut pas mélanger. L'augmentation du produit de la fiscalité locale résulte tout d'abord, d'une augmentation des bases fiscales. Donc, en soi, il est normal que le produit fiscal augmente quand la richesse imposable augmente. Ensuite, elle provient aussi de l'intégration de l'inflation dans le calcul des bases. Enfin, il y a l'effet taux, c'est-à-dire la progression des taux votée par les assemblées locales. Du coup, il est très difficile de savoir en cours d'année, comment jouent ces différents paramètres.
Par ailleurs, il est impossible, comme je l'ai vu faire ici ou là, à des fins polémiques, de rapprocher ce chiffre de celui de la baisse de l'impôt sur le revenu. Faut-il rappeler, par exemple, que la fiscalité locale ne porte pas seulement sur les personnes, mais aussi sur les entreprises ? En matière d'impôts sur le revenu, je me permets d'insister sur le sens de la réforme proposée par le gouvernement. Il s'agit d'une perspective de réduction d'un quart, en cinq ans, de cet impôt. C'est tout à fait considérable.
Les Échos : Sur une longue période, la fiscalité locale a augmenté à un rythme important. N'est-ce pas pour cela que les contribuables sont de plus en plus sensibles à l'évolution de leurs impôts locaux ?
Dominique Perben : Attention là encore aux interprétations rapides. L'augmentation de la fiscalité locale que l'on observe depuis une dizaine d'années ne s'est pas faite à prestations constantes. Les services rendus à nos concitoyens ne sont pas, en 1996, ceux qui étaient rendus en 1980, avant les lois de décentralisation.
Il y a eu entre ces deux dates, une amélioration qualitative des services rendus considérable. En matière scolaire, par exemple, ou encore dans les domaines sportifs et culturel, il est évident que la qualité des prestations offertes aujourd'hui par les collectivités locales est sans commune mesure.
Plus que pour aucune autre fiscalité, quand on parle de fiscalité locale, il faut voir que l'on paye en fait des prestations. Les gens ne s'y trompent pas. Ils savent très bien, chez eux, quel est le niveau des équipements proposés et quel est le niveau de la fiscalité qu'ils payent. Il faut que le débat local porte là-dessus : faut-il continuer à améliorer les prestations, même si cela veut dire l'augmentation de la fiscalité ? C'est un débat qui n'est pas très facile, car il est technique, mais que les élus doivent favoriser en faisant des efforts de pédagogie et de transparence, en présentant les budgets locaux, en expliquant le coût réel des prestations.
Les Échos : Beaucoup d'élus locaux justifient pour partie, les hausses fiscales par le désengagement financier de l'État. Cet argument, quasiment aussi vieux que la décentralisation, est-il encore réellement d'actualité ?
Dominique Perben : C'est effectivement un vieux débat mais qui, aujourd'hui doit être envisagé à la lumière des études qui ont été soumises à la commission consultative d'évaluation des charges.
Premier enseignement incontestable : les ressources réelles mises par l'État à la disposition des collectivités locales ont toujours été supérieures à ce qu'on appelle le droit à compensation. C'est-à-dire ce qui, du fait de la décentralisation, devait être apporté aux collectivités locales, soit sous forme de dotations, soit sous forme de ressources fiscales.
Il est aussi exact, c'est le deuxième constat, que dans un certain nombre de domaines, les dépenses réelles engagées par les régions et les départements, à leur initiative, ont été parfois supérieures aux droits à compensation. Mais dans ces cas-là, les dépenses supplémentaires ont été engagées librement par les collectivités locales elles-mêmes.
Les Échos : Il y a aussi les nombreuses obligations réglementaires qui pèsent, et pèseront de plus en plus, sur les budgets locaux, par exemple, en matière de sécurité, comme l'amiante, ou d'environnement, comme l'eau et les déchets…
Dominique Perben : Sur ce point, les collectivités locales ne sont pas les seules concernées. Les entreprises, elles aussi, se voient imposer par les pouvoirs publics, des dépenses pour des raisons qui tiennent à la sécurité, au droit du travail, à l'environnement, etc. Dès lors, je ne vois pas à quel titre les collectivités locales pourraient exiger un droit de compensation. Les entreprises n'en bénéficient pas. Cela étant, dans certains cas, là où les charges sont très importantes, l'État accepte néanmoins d'accompagner les collectivités locales, c'est le cas du plan amiante.
De la même manière, pour éviter une dérive des charges des collectivités locales du fait de la réglementation, le Premier ministre a demandé à tous ses ministres de ne pas proposer de mesures législatives ou réglementaires pouvant entraîner des coûts supplémentaires aux collectivités locales, sans que cela ait été chiffré et discuté.
Les Échos : Pour rendre plus juste la fiscalité locale, le gouvernement s'était engagé à présenter, devant le Parlement, le projet de révision des valeurs locatives. Ce texte est-il toujours d'actualité ?
Dominique Perben : Le Premier ministre devrait trancher rapidement. Notre idée, c'est d'aller rapidement vers la révision des bases fiscales pour actualiser les indicateurs de richesse des collectivités locales. Mais nous voulons le faire de manière étalée afin de limiter les effets de transferts de charges entre les différents types de contribuables.
Les Échos : Le texte doit-il toujours être discuté cet automne ?
Dominique Perben : Cet automne, ce sera peut-être un peu rapide compte tenu de l'encombrement du calendrier parlementaire. Je souhaiterais, pour ma part, que la discussion intervienne en 1997.
Les Échos : Avez-vous toujours en tête l'idée d'une taxe professionnelle d'agglomération ?
Dominique Perben : Cette réforme est, à mon avis, une nécessité. Cela aboutirait, à terme, par le jeu des moyennes, à une quasi-unification du taux de la taxe professionnelle au niveau national. Et les entreprises vivraient mieux cet impôt. Nous n'imposerons pas, bien sûr, la taxe professionnelle d'agglomération, mais à partir du moment où nous proposerons aux élus des dispositifs permettant d'aller dans ce sens, ils y verront tellement d'avantages qu'ils y adhéreront.
Mon objectif est de boucler le projet de loi sur l'intercommunalité, dans lequel figurera cette disposition, avant la fin de cette année.
Les Échos : Que réserve le projet de loi de finance pour 1997, aux collectivités locales ?
Dominique Perben : Le Pacte de stabilité sera évidemment respecté. Mais, au sein de ce pacte, nous aurons une évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui, cette année, sera plus faible que l'année dernière, aux alentours de 1,2 %, la croissance et la hausse des prix ayant été moins fortes que prévu l'année dernière.