Interview de M. Pierre Bérégovoy, ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, dans "Le Quotidien du médecin" le 22 septembre 1982, sur la protection sociale.

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Média : Actualité de Paris - FRA - PARIS

Texte intégral

Pierre Bérégovoy
Le sort des professions de santé est lié à l’avenir de notre protection sociale

Un entretien exclusif avec le ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale

Pierre Bérégovoy aux médecins
Parlons !

Considérant qu’« il n’y a jamais rien d’irrémédiable dans la vie sociale », le ministre prend acte des revendications des médecins.

Mais s’il se montre disposé au dialogue, il rappelle à l’ensemble des professions de santé que « leur sort est lié à l’avenir de notre protection sociale ».

À l’heure du « changement dans le changement », les médecins se sont retrouvés à la pointe de l’actualité : parce que le domaine dans lequel ils évoluent – la protection sociale – est au cœur même de la deuxième époque du gouvernement de la gauche ; et parce que le virage a été symboliquement marqué par le départ de Nicole Questiaux et la reprise en mains de son dossier par Pierre Bérégovoy.

Un homme incontestablement plus proche – pour ne pas dire très proche – de François Mitterrand. Plus réaliste que dogmatique.

D’où sa réputation d’homme de compromis, d’ouverture, de négociation. Une réputation que tous ceux qui, dans les professions de santé, ont eu l’occasion, depuis trois mois, de le rencontrer, n’ont guère trouvé usurpée.

Cependant, attention : affable et souriant, le ministre, qui nous a longuement reçus dans son bureau de la rue de Varennes, l’était incontestablement ; mais ferme et précis, il l’était aussi. Une fermeté et une précision tout entières au service d’une volonté : l’application – et si possible la réussite – de la nouvelle politique gouvernementale, vouée à la lutte contre l’inflation. Autrement dit, sur le plan matériel, les médecins ne doivent pas s’attendre à grand-chose. Tout au plus à ne pas être traités plus mal que les autres catégories sociales. Mais, dans tous les autres domaines, Pierre Bérégovoy semble avoir l’intention de se comporter en partenaire positif. Les médecins verront bien ce qu’il en sera.

R.T.

Le Quotidien – Après Raymond Barre et Jacques Barrot, vous ne cessez d’affirmer, depuis que vous avez pris en charge le ministère des Affaires sociales, qu’il faut absolument ramener le niveau des dépenses à celui des recettes. Croyez-vous réellement qu’une telle maîtrise des dépenses soit possible, compte tenu des nombreux facteurs humains qui échappent à toute prévision et à toute possibilité de coercition ? Ne pensez-vous pas au contraire que la seule chose que vous puissiez réellement maîtriser, c’est le niveau de la protection, spécialement pour ce qui concerne l’assurance maladie ?

Pierre Bérégovoy – Oui, il faut adapter les dépenses aux recettes. Le gouvernement s’étant engagé à ne pas augmenter la part des entreprises dans le financement de la Sécurité sociale, cela vaut aussi, dans mon esprit, pour les salariés. Alors, que faire, sinon bien gérer ce que l’on a ? C’est une première différence avec MM. Barre et Barrot, qui ont « laissé faire ». Par exemple, pendant des années, ils ont dit qu’il fallait discipliner la dépense des hôpitaux. Ce n’étaient que des discours. J’entends passer aux actes.

Deuxième différence, et de taille : les plus défavorisés doivent continuer à bénéficier de l’effort de solidarité ; c’est dire qu’ils doivent être épargnés de tout effort ou contribution nouveaux et que, dans toute la mesure du possible, leurs prestations devront être améliorées. Il en sera ainsi des travailleurs payés aux environs du SMIC, des familles nombreuses, des personnes handicapées.

Rigueur : je compte sur la coopération des médecins

Dans le domaine social, je me dois d’expliquer que si tout n’est pas possible tout de suite, les engagements pris seront tenus. Nous avons le temps qu’il faut pour cela. Les Français sont aptes à le comprendre, d’autant qu’ils savent que nous ne voulons pas réduire le niveau de leur protection sociale. Mais l’on peut, dans les hôpitaux et ailleurs, mieux utiliser nos ressources, supprimer les doubles emplois, réprimer les abus s’il y en a, éviter les gaspillages, bref gérer notre système social avec davantage de rigueur, de manière qu’il soit de meilleure qualité sans que son coût soit  nécessairement plus élevé. Je compte sur la coopération des médecins, des personnels, des directeurs d’hôpital. Ce ne sont pas eux qui sont responsables de la croissance trop rapide des dépenses de santé, mais le système en place et de « tarification à la journée ». Si nous passons, comme je le souhaite, au 1er janvier 1984, au système de la dotation budgétaire en généralisant les expériences engagées, nous aurons les moyens de maîtriser la dépense des hôpitaux. En outre, la réforme hospitalière élaborée sous l’autorité de Jack Ralite permettra de mieux adapter la carte sanitaire aux réalités. Le ministre de la Santé en a la volonté et il veut aller vite.

Le Quotidien – En somme avoir une réelle « géopolitique hospitalière ». Quelle place comptez-vous y laisser à l’initiative privée ?

Pierre Bérégovoy – Notre système de santé, du fait de son financement collectif assuré par les cotisations obligatoires, a déjà un caractère de service public. Mais il est important de préserver le caractère libéral de la médecine, le libre choix des patients. Cela signifie que doivent cohabiter un secteur public, un secteur privé, un secteur – essentiellement mutualiste –  « d’économie sociale ». Le principe que je continuerai d’appliquer est le suivant : mêmes droits et mêmes devoirs pour chacun d’eux, en évitant les compétitions inutiles.

La mutualité est « sans but lucratif »

Le Quotidien – Secteur mutualiste, dites-vous. Expliquez-nous cet attachement dont vous ne vous cachez pas. Pourquoi avoir dit que vous étiez « par instinct » hostile à l’intervention des assurances privées alors que vous savez très bien que, nationalisées ou pas, celles-ci sont sous contrôle étroit du gouvernement ?

Pierre Bérégovoy – L’idée qui me guide est la suivante. Premièrement, on ne peut pas – dès lors que l’on parle de modulation de la protection – appliquer aisément le critère de ressources. Des études sont actuellement engagées qui démontrent que, pour une économie finalement peu importante, il faudrait mettre en place un système très complexe. Je préfère donc une gestion plus rigoureuse à l’institution, à l’alourdissement, du ticket modérateur. Cela dit, des syndicalistes, des hommes politiques se sont posé la question de savoir « quel était le niveau de protection sociale compatible avec le paiement d’une cotisation » et certains envisagent de faire supporter l’éventuel complément par l’assurance.

En effet, d’instinct, je ne suis pas favorable à ce que la couverture des dépenses de maladie – je n’ai pas dit la prestation de soins – donne lieu à un profit. A partir de là, je donne la préférence à la mutualité qui est « sans but lucratif », étant entendu qu’on est libre d’adhérer ou de ne pas adhérer à une mutuelle. Cela étant, nous ne pouvons pas faire jouer ni à l’assurance ni à la mutualité le rôle d’une sécurité sociale bis. Personne n’en voudrait.
Je souhaite, par contre, que se tissent des liens de coopération entre les organismes de sécurité sociale et la mutualité. J’ai d’ailleurs reçu lundi, ensemble, M. Derlin, président de la CNAMTS, et M. Teulade, président de la Fédération nationale de la Mutualité française. Nous avons parlé notamment de la prévention, où il reste tant à faire ; nous avons insisté sur l’éducation sanitaire, dit notre souci d’expliquer les conséquences fâcheuses d’un usage immodéré du tabac, de l’alcool, etc. (NDLR – Voir en page suivante.)

Le Quotidien – Vous croyez donc que PREMUTAM peut faire beaucoup plus encore que la campagne de vaccination antigrippe qui est en cours pour les plus de 75 ans. Mais il faut de l’argent. L’Etat est-il prêt à apporter sa contribution à un tel organisme ?

Pierre Bérégovoy – PREMUTAM peut faire effectivement beaucoup plus avec l’aide des pouvoirs publics. Je n’écarte pas l’idée de l’encourager plus encore sous des formes appropriées, considérant qu’une dépense engagée dans cette direction est utile à la santé et sera source d’économies à plus ou moins long terme.

Pas de sécurité sociale « à deux vitesses »

Le Quotidien – Revenons, si vous le voulez bien, au niveau de protection sociale : il y a une alternative à l’éventuel alourdissement du ticket modérateur et qui présente, on le sait aujourd’hui, une réelle souplesse ; c’est le secteur 2 de la convention. Cette solution présente de nombreux avantages :
– elle ne porte pas officiellement atteinte au niveau de la protection ;
– elle est pour le malade relativement indolore, le médecin respectant le tact et la mesure, et le niveau de la démographie médicale ne lui permettant de toute façon pas de gros errements dans ce domaine ;
– elle est extrêmement éducative, dans la mesure où elle dissuade le patient de multiplier les consultations ou les actes plus ou moins utiles ;
– elle constitue enfin, pour les cabinets asphyxiés par la situation tarifaire, une soupape de sécurité.
Dans ces conditions, encouragerez-vous, officiellement ou tacitement, la poursuite de l’expérience du secteur 2, tant au cours de la relecture conventionnelle, qui a lieu en ce moment, qu’à l’occasion de la négociation de la prochaine convention ?

Pierre Bérégovoy – Je préfère laisser aux partenaires sociaux la responsabilité de poursuivre la mise en œuvre de la convention. Ce que je récuse, c’est une sécurité sociale « à deux vitesses » : une protection minimale pour les plus démunis, une protection maximale pour ceux qui en ont les moyens. Je n’écarte pas que ceux qui ont les moyens apportent une contribution supplémentaire, mais je n’accepte pas que ceux qui se trouvent dépourvus ne puissent pas bénéficier de tous les progrès de la technique médicale dans les mêmes conditions que les autres. Je suis attentif à ce que me disent les partenaires sociaux sur ce sujet. Vous savez que l’Etat n’intervient pas directement dans les négociations. J’entends laisser jouer la concertation avant de me prononcer. Mais je vous rejoins quand vous dites qu’il faut que la protection soit la même pour tous, quitte à ce que certains apportent une contribution supérieure.

Il n’y aura pas de rapiéçage de la sécurité sociale

Le Quotidien – Monaco n’est pas la France, mais nous avons, cet été, consacré un reportage au système monégasque de couverture sociale (Le Quotidien nos 2 739 et 2 740). Il y a là-bas trois couleurs de carte d’assuré social. L’une n’autorise au médecin que des tarifs rigoureusement conventionnels, la deuxième des tarifs modulés entre deux niveaux, la troisième, la liberté complète…

Pierre Bérégovoy – Outre le problème des seuils, dont l’application soulève toujours des difficultés, un tel système heurterait profondément l’esprit égalitaire des Français. On peut néanmoins considérer qu’il y a une voie à explorer, car l’égalité absolue n’existe pas. Cela suppose réflexion, effort, pédagogie. C’est pourquoi je suis hostile au rapiéçage de la sécurité sociale.

En présentant les mesures destinées à la couverture des besoins de financement en 1983, j’annoncerai les réformes suivantes :
(Manque texte)


Solidarité : il faut y voir clair

Le Quotidien – A propos de la cotisation de solidarité à laquelle seraient éventuellement soumises les professions libérales – on en avait en tout cas avancé l’hypothèse –, nous avons cru comprendre que vous faisiez largement marche arrière.

Pierre Bérégovoy – Je souhaite que chacun apporte la contribution nécessaire à son propre système de protection sociale. Vous savez très bien que le régime général des salariés paie en ce moment pour beaucoup de monde. Alors, pourquoi demander aujourd’hui une nouvelle contribution de solidarité à telle ou telle catégorie de non-salariés pour aider au financement de l’assurance chômage, alors que ces mêmes professions bénéficient d’une aide au régime des salariés. Je tiens à mettre de l’ordre dans tous ces transferts. Les professions libérales doivent cotiser pour leur protection sociale, les artisans et commerçants pour leur système de protection, les agriculteurs pour le leur. Naturellement, des compensations s’imposent lorsque le nombre des inactifs s’accroît dans telle ou telle catégorie. L’essentiel, c’est d’y voir clair. Avant tout, je rechercherai l’égalité : par exemple, est-il normal qu’un salarié en activité verse 500 F de cotisation sociale s’il gagne 5 000 F, sans compter ce que verse son entreprise comme salaire différé, et qu’une personne disposant d’une garantie de ressources, percevant 8 000 F, ne verse que 160 F ? On ne peut pérenniser de telles inégalités.

Le Quotidien – C’est sûrement une position courageuse, mais peut-être électoralement risquée. Je vous rappelle la seconde partie de notre question. A savoir qu’il y a eu, après le 10 mai, des engagements sur le maintien, dans ses grandes lignes, du système de santé actuel. Les médecins proches de l’actuelle majorité – un tiers ou un quart des effectifs – ont aujourd’hui l’impression d’avoir été plus ou moins dupés. Le président de la médecine de groupe, par exemple, qui a la réputation, justifiée ou non, d’un homme de gauche, a été obligé dans son propre cabinet de commencer à licencier du personnel, de diminuer donc relativement la qualité de la médecine qu’il pratique. Qu’avez-vous à dire à ces gens, qui sont aujourd’hui des opposants de bonne foi, puisqu’on ne saurait leur prêter des arrière-pensées politiques ?

Pierre Bérégovoy – Il y a un an, nous avions pris un certain nombre d'engagements sur les bas salaires, les familles, les personnes âgées, vous savez l'effort qu'on a consenti puisque le minimum vieillesse a augmenté de 50 %. L'amélioration du pouvoir d'achat des catégories sociales les plus défavorisées est une réalité dont notre économie a profité.

J'en viens maintenant à la crise. Les socialistes n'ont jamais prétendu qu'elle n'existait pas. Au contraire, ils ont dit, dès le début, qu'elle serait longue et qu'elle serait internationale. Et nous avons affirmé que les gouvernements précédents n'avaient pas mis la France en position de l'affronter, en laissant courir l'inflation et le chômage. Actuellement, l'effort de solidarité auquel nous appelons les Français vise à juguler l'inflation pour nous permettre d'affronter la compétition internationale, de façon à régler durablement le problème de l'emploi.

Aux professions de santé, j'entends dire notamment ceci : tout le monde se doit de participer à la lutte contre l'inflation, chacun à sa place. C'est une tâche d'intérêt national. On me dit que les médecins sont mécontents. Ils manifestaient déjà contre le gouvernement de M. Barre. C'est dire que leurs problèmes ne datent pas d'aujourd'hui.

Le Quotidien – En médecine, lorsqu'on emploie une médication un peu forte, on dit que « le malade meurt guéri ». C'est ce qui risque de se passer concrètement aujourd'hui. Regardez la composante libérale du monde médical – qui fait quand même l'originalité de ce qu'on appelle le « système de santé à la française » –, elle a les difficultés que rencontre toute petite entreprise : un cabinet qui emploie une femme de ménage ne serait-ce qu'une journée par semaine...

Pierre Bérégovoy – Sans doute y a-t-il quelques difficultés. Reconnaissez que ce n'est pas un secteur où l'on enregistre fermetures ou faillites. Gardons la tête froide. Les professions de santé peuvent contribuer à bien ordonner la dépense, à supprimer les gaspillages ; si nous laissons aller les choses, notre économie en subirait les conséquences et les professions de santé aussi. La démographie médicale est aujourd'hui préoccupante. Ce sont les médecins eux-mêmes qui me l'ont dit : il se trouve même des jeunes médecins qui ont tendance à ne pas respecter les engagements pris par leurs propres organisations. Chacun doit y mettre du sien. On peut assurément mieux maîtriser la dépense de médicaments, d'analyses, des examens radiologiques. Ce n'est pas en multipliant les actes qu'on assurera l'équilibre des comptes sociaux mais, au contraire, en essayant de développer une thérapeutique adaptée aux difficultés que nous connaissons. Je connais beaucoup de médecins – certains partageant mes opinions et d'autres pas – qui sont tout à fait prêts à entendre ce langage. Vous-même m'y aidez, le concours de la presse médicale, la diffusion d'informations précises sur les possibilités des nouvelles techniques de soins sont très utiles.

Le Quotidien – Sont-ce ces amis qui vous ont soufflé qu'au-delà de deux médicaments inscrits sur une ordonnance, cela fait courir un risque au malade ?

Pierre Bérégovoy – Non, il s'agit d'un rapport qui m'a littéralement effaré et selon lequel les maladies iatrogènes avaient tendance à se développer. C'est une personnalité de renom qui l'affirme. Elle dit aussi que des fiches de compatibilité mises en place chez les pharmaciens devraient être informatisées. Mais cela ne serait pas le plus grave. Il m'a été dit que de nombreux malades, surtout parmi les personnes âgées, changeaient fréquemment de médecins. Ainsi, chaque ordonnance prise individuellement peut constituer une bonne thérapeutique mais peut présenter de graves inconvénients si le malade la cumule avec une autre. Alors, le nombre de maladies iatrogènes – je fais ici référence aux rapports dont je dispose – a tendance à augmenter. Il y a là, à mon sens, une bonne source d'économies. Je souhaite avancer vite sur cette voie :
– d'une part, en encourageant l'informatisation de la profession pharmaceutique ;
– d'autre part, en mettant en place un livret de santé individuel qui permettra au médecin de savoir quelles consultations ont été faites, quels examens pratiqués, quels médicaments prescrits.

Le Quotidien – Vous n'ignorez pas que vous ne pourrez obliger le malade à présenter ce livret à tout médecin qu'il vient consulter. Dans notre droit, c'est le malade qui reste dépositaire de « son » secret médical.

Pierre Bérégovoy – Bien entendu, le secret médical devra être respecté. On peut espérer que chacun comprendra où est son intérêt. Nous ne voulons rien imposer. Nous ne sommes pas dans un système autoritaire mais il faut compter sur l'intelligence de chacun. Regardez ce qui s'est passé avec le livret de santé des enfants. Cela marche bien, et depuis longtemps.

1 % d'économie sur les hôpitaux = 700 millions

Le Quotidien – Est-ce que vous avez fait chiffrer le bénéfice qu'on peut attendre des mesures que vous avancez aujourd'hui : budget global, forfait hôtelier, livret de santé ?

Pierre Bérégovoy – Toutes ces mesures ne sont pas chiffrables de la même façon. Il serait d'ailleurs prématuré d'entrer dans le détail. Quel est notre objectif ? Réduire la dépense tout en maintenant, et même en améliorant le réseau de protection sanitaire. Tous les moyens envisagés, mis bout à bout, aboutiront, j'en suis convaincu, à des économies. Reprenons l'exemple des hôpitaux. Si l'on freine les dépenses de 1 % on économise 700 millions de francs. Si nous ramenons la croissance des dépenses hospitalières au niveau de l'inflation majorée de 3 à 4 %, on pourra épargner plus de 2 milliards de francs. C'est affaire de voloné : Jack Ralite s'en préoccupe lui aussi. Nous avons besoin pour réussir du concours des directeurs d'hôpital et de tous les personnels.

Il conviendra aussi de mieux tenir compte de l'évolution technique. J'ai lu dans votre journal que le scanner allait être bientôt dépassé. On parle maintenant de résonance magnétique nucléaire. La nécessité d'une programmation minutieuse est évidente. Commençons dès maintenant à penser à ce qui servira dans dix ans.

Ne confondons pas revendications et politique 

Le Quotidien – On a lu dans une récente rubrique d'« indiscrétions » que vous souhaitiez la création d'un secrétariat d'Etat à la Sécurité sociale. Est-ce à dire que la charge est si lourde ? Ne vaut-il pas mieux chercher une solution en rompant la dualité : santé d'un côté et sécurité sociale de l'autre ?

Pierre Bérégovoy – C'est le président de la République et le Premier ministre qui sont responsables d'un éventuel remaniement. Je n'ai personnellement rien demandé ni rien proposé.

Le Quotidien – Ultime question : qu'avez-vous à dire aux professionnels de santé qui seront dans la rue le 30 septembre, tous exercices confondus, médecins de « gauche » et les autres ? Y a-t-il une fatalité du divorce entre les médecins et la gauche ?

Pierre Bérégovoy – Quand les médecins manifestent, ils utilisent un droit inscrit dans la Constitution. Rien à dire. Je souhaite simplement qu'il n'y ait pas confusion entre la défense de leurs revendications et une opération exploitée à des fins politiques. Pour le reste, parlons. Il n'y a jamais rien d'irrémédiable dans la vie sociale. Je prends acte avec réalisme des revendications exprimées, tout en estimant que la grande majorité des médecins est certainement consciente des difficultés que rencontre notre pays. Je demande aux professions de santé de comprendre que leur sort est lié à l'avenir de notre protection sociale.

Propos recueillis par
Bruno Keller
Jean-Pol Durand et
Robert Toubon