Texte intégral
Le Point - 31 août 1996
Le Point : Allez-vous répondre à l'invitation à débattre sur l'Europe que vient de vous transmettre le Premier ministre via Michel Barnier ?
Robert Hue : La lettre de Michel Barnier est significative des limites que le gouvernement entend imposer par avance au dialogue national pour l'Europe. Il n'a visiblement pas l'intention de susciter une participation active des citoyens. Mais nous, nous sommes pour le débat. Cela fait des mois que je ne cesse de le réclamer sur cette question cruciale. Les communistes ne feront donc pas que répondre à une invitation. Ils agiront pour qu'ait lieu un vrai débat en profondeur, un débat citoyen.
Le Point : En quoi le débat européen peut-il peser sur la rentrée sociale ?
Robert Hue : Les choix européens du gouvernement pèsent – et comment ! – sur la rentrée sociale. Conformément aux choix annoncés par Jacques Chirac le 26 octobre 1995, au nom de la marche à la monnaie unique et des critères de convergence qu'elle implique, Alain Juppé taille à la hache dans les budgets sociaux et publics, impose une super austérité, conduit le pays au recul et à la récession. Il faut d'ailleurs se souvenir que, lors du mouvement social de décembre dernier – dont la trace demeure si vivace –, ces mêmes choix étaient contestés. Il ne s'agit donc pas d'un débat abstrait du genre « Faut-il l'Europe, oui ou non ? ». Nous sommes partisans d'une construction européenne. Mais la construction actuelle conduit au désastre social que chacun constate en cette rentrée.
Nous ferons tout pour qu'apparaisse la possibilité d'autres choix européens pour la France. Ce sera le sens de ma contribution au document introductif annoncé par le ministre délégué aux Affaires européennes et de celle des communistes au cours des huit mois de discussions prévus.
Le Point : Cette invitation ne prouve-t-elle pas que, sur les questions européennes, le gouvernement et la droite sont moins fermés que ne le dit votre parti ?
Robert Hue : Elle prouve surtout – la lecture de la lettre de Michel Barnier est sur ce point édifiante –que le gouvernement est conscient de l'inquiétude et du rejet de sa politique européenne dans une large partie de l'opinion – peut-être même, certains indices en témoignent, majoritaire. Le courage, cela devrait conduire quiconque veut vraiment gouverner ce pays à ne pas se laisser gouverner par les diktats de la Banque de Francfort. Qui ne voit qu'aujourd'hui, pour trouver une issue, il faut avoir le courage de réviser en profondeur les engagements européens de la France ?
Le Point : Pensez-vous que le chef de l'État puisse organiser sur l'Europe le référendum que vous appelez de vos vœux ?
Robert Hue : Je pense que, en ce domaine comme en d'autres, Jacques Chirac devrait se souvenir des engagements de sa campagne électorale. Le référendum sur l'Europe en est un. Et, surtout, il serait totalement inconséquent qu'on invite les Français au débat et qu'on les prive de la possibilité de le conclure en se prononçant souverainement sur le passage ou non à la monnaie unique. Nous allons tout faire pour que cette exigence de bon sens aboutisse.
France Inter - lundi 2 septembre 1996
A. Ardisson : Vous avez participé à l'université d'été des Verts avec d'autres représentants de partis de gauche. De colloque en colloque, les relations se resserrent-elles entre vous dans la perspective des législatives ?
R. Hue : Avant la perspective des législatives, dans le malaise social et moral profond que connaît le pays suite aux agressions de la politique de droite, il est important que les forces de gauche se rencontrent, discutent Là effectivement, il y a eu cette rencontre à l'université des Verts. C'est positif, il faut avancer, mais à condition de rester lucide sur la réalité de ce qui se passe entre ces forces de gauche, rester lucide sur les obstacles qui subsistent et qu'il faut surmonter. Je crois que la pire des choses serait de créer des illusions sur la capacité d'une alternative progressiste dans ce pays alors que les conditions n'en sont pas encore réunies. Je crois qu'il reste beaucoup à faire, et notamment que les citoyens doivent intervenir dans cette situation.
A. Ardisson : Vous voulez dire que les obstacles sont encore plus nombreux que les points de rapprochement ?
R. Hue : Il y a des points de rapprochement que l'on peut constater. Le dialogue, le débat constructif, tout cela permet d'avancer. Mais chacun sait bien que ce n'est pas au niveau des états-majors que vont se régler des problèmes aussi difficiles que ceux qui, par exemple, concernent les choix d'utiliser l'argent autrement ou l'Europe.
A. Ardisson : Ça va se régler où ? Il faudra bien dire aux Français le pourquoi des accords électoraux, s'il y en a.
R. Hue : Actuellement, c'est dans la riposte à la politique du pouvoir que peuvent se faire les rassemblements, que l'on peut avancer sur les questions. Par exemple, on voit bien que l'essentiel, c'est de relancer la consommation par une politique salariale forte, c'est de s'attaquer à l'argent qui écrase tout dans cette société, c'est de prendre des dispositions visant à rompre à cette voie vers une monnaie unique qui entraîne la politique que l'on sait, notamment celle développée par Chirac-Juppé aujourd'hui, avec des conséquences terribles pour les citoyens de ce pays.
A. Ardisson : La monnaie unique n'est-elle pas la pierre d'achoppement, la césure qui va au-delà des clivages classiques. Vous allez vous heurter à un Parti socialiste qui a été le chantre de cette monnaie.
R. Hue : Il faut dire les choses avec toute la franchise nécessaire. On ne peut pas, dans ce pays, changer la logique économique, celle du profit, celle qui consiste à se plier aux marchés financiers comme le fait J. Chirac, et à pratiquer la super-austérité ; on ne peut pas rompre avec cette logique sans refuser la monnaie unique qui nous lie totalement à un dispositif dans lequel la France n'aura pas son indépendance, perdra sa souveraineté. Moi, je suis pour que la France puisse mettre en œuvre une réelle politique de gauche et qu'elle ne soit pas en permanence à devoir se plier devant les exigences de la Bundesbank ou de la Banque de Francfort quand elle sera Banque européenne. Voilà la réalité des choses. Je crois que de ce point de vue, il y a la possibilité d'avancer. D’abord, les Français voient de plus en plus que cette monnaie unique conduit la France et d'ailleurs d'autres pays d'Europe, l'Allemagne y compris, dans le mur au niveau social.
A. Ardisson : Est-ce la monnaie unique ou la rigueur des critères ? Est-ce la monnaie unique ou la rigueur des Allemands ?
R. Hue : Les critères de convergence de Maastricht sont les critères nécessaires à la mise en œuvre de la monnaie unique. Ces critères, on voit leurs conséquences. Regardez le budget de l'État cette année : il est partout mutilé, amputé par ces dispositifs de super-austérité avec des conséquences terribles, des milliers et des milliers de licenciements, un pouvoir d'achat qui diminue. Depuis dix ans, il n'a pas reculé autant. Autant de difficultés qui sont étroitement liées à la mise en œuvre des critères de Maastricht. J. Chirac a dit hier, « on tiendra », mais ils ne tiendront pas. Les critères ne seront même pas respectés et actuellement, on pousse le peuple à la déprime, à l'angoisse et à la difficulté. Je crois qu'aujourd’hui, il est évident, pour les Françaises et les Français, que l'essentiel, c'est de ne pas se laisser abattre par cette politique terrible de ce pouvoir et de s'engager dans l'action. Le mouvement qui est en train de se profiler est de bon augure en la matière.
A. Ardisson : Tout le monde prévoit un automne social agité, redoutez-vous ou souhaitez-vous l'orage ?
R. Hue : La pire des choses, je le répète, serait de se laisser abattre par une telle politique. La meilleure des choses, c'est que les citoyens ne se laissent pas faire, qu'ils interviennent pour mettre en échec cette politique. S'il y a un rassemblement large avec des objectifs très précis, on peut faire reculer le pouvoir, on peut arracher des choses en ce moment. J. Chirac, par ses propos volontaristes, joue un peu les gros bras. La situation peut permettre aux salariés, aux citoyens, s'ils se rassemblent, d'empêcher les plans de licenciements, les terribles plans de licenciements et d'obtenir des choses. Ils peuvent compter sur le tonus des communistes pour les aider dans cette affaire.
A. Ardisson : Au-delà, ne souhaitez-vous pas ces mouvements sociaux en substitut d'une absence d’alternative ?
R. Hue : D'abord, ces mouvements sociaux sont essentiels pour résister aux mauvais coups qui tombent et qui pleuvent Mais en même temps, je ne vais pas dire ici, effectivement, qu'il y a une alternative progressiste qui existe. Elle n'existe pas. Donc dans ces mouvements sociaux, avec les citoyens, il faut contribuer à construire ce projet politique neuf. Je crois que c'est possible.
A. Ardisson : S'il y a mouvement social et rien derrière ?
R. Hue : Bien sûr, mais le mouvement social, il faut qu'il ait son prolongement politique. Et je crois que l'on n'a pas une heure à perdre pour, effectivement, avancer dans la construction politique nécessaire. Mais cela ne peut se régler au niveau des états-majors. Il faut donc que les citoyens se mêlent de cette question. Il faut qu'ils interviennent et je crois que, dans la prochaine période, à côté du mouvement social nécessaire, il y a la nécessité d'avancer dans un débat politique approfondi sur comment on fait pour utiliser l'argent autrement dans ce pays. Comment réviser profondément la politique européenne pour qu'elle soit effectivement, non pas au service d'une super-austérité, mais au service de notre peuple, des citoyens.
A. Ardisson : Le grand débat de l'automne, en général, en politique, c'est le débat budgétaire avec en plus, en perspective, la réforme fiscale. Est-ce que vous avez une solution pour une fiscalité, à la fois plus équitable et qui libère les énergies ?
R. Hue : D'une part, je pense que les 20 milliards de Laisse annoncée par le Gouvernement sur l'impôt sur le revenu est à mettre en regard des 120 milliards qui ont déjà été prélevés et des 60 milliards que l'on va encore tirer dans le budget pour diminuer les déficits publics. On a déjà terriblement étranglé les Français au plan fiscal et également au plan de la fiscalité locale et en même temps, on avance là cette fameuse réforme de l'impôt sur le revenu de 20 milliards – seulement, je serais tenté de dire. Je pense qu'il faut effectivement taxer sensiblement les profits dans ce pays. Il faut que l'on sache que l'argent, il y en a en France ! Et qu'il faut taxer ces revenus financiers et avec cela, dégager les moyens d'une autre politique. Mais cela, il faut avoir le courage de le faire. Il n'y a pas de secret. Il n'y aura pas de politique de gauche en ce pays, il n'y aura pas d'alternative progressiste si on ne s'en prend pas à l'argent, si on n'inverse pas la logique actuelle.
France 2 - vendredi 6 septembre 1996
France 2 : L'annonce de la baisse d'impôt sur le revenu, c'est une bonne nouvelle, vous devriez être content ?
R. Hue : Vous savez, les Français sont suffisamment écrasés par l'impôt pour que, s'il y a la moindre possibilité d'une baisse pour une certaine catégorie de l'impôt sur le revenu, on ne va pas faire la fine bouche. Malheureusement, je dis bien, « malheureusement », ce qu'a annoncé hier Monsieur Juppé c'est du domaine de la grande illusion et je vais le démontrer. En fait les prélèvements fiscaux vont augmenter. On voit bien que sur les 25 milliards annoncés, ce sont les plus hauts revenus, les revenus les plus riches qui vont bénéficier de ces allégements. Sur 25 milliards, il y aura un tiers pour les revenus les plus élevés. Par contre, les revenus les plus modestes, les revenus moyens, ceux qui payent toujours et partout, eux, vont être pénalisés par une augmentation des impôts indirects, c'était dit d'ailleurs par certains de vos invités tout à l'heure. Les impôts indirects, à savoir la TVA, la CSG, les taxes dans tous les domaines. Et je voudrais ajouter quelque chose. Je suis maire d'une commune, quand je vois ce qu'actuellement l'État transfère sur les collectivités locales, cc que cela entraîne du point de vue de l'explosion de la fiscalité locale, et là je dis, sans étroitesse, qu'on soit maire de gauche ou de droite : actuellement les contribuables locaux sont écrasés par la fiscalité locale qui augmente et augmentera en 96 de 22 milliards. Monsieur Juppé ne l'a pas dit, ça, hier. Autant de prélèvements terribles pour les foyers.
France 2 : Rien ne trouve grâce à vos yeux ? La suppression de la décote, c'est tout de même favorable aux familles modestes ? On estime à 1,5 million les foyers supplémentaires exonérés.
R. Hue : J'ai rencontré ce matin des gens qui vont être exonérés ou qui ne paient même pas actuellement d'impôt sur le revenu, des gens très modestes. Ils me disent « on ne paie pas d'impôt sur le revenu, mais l'augmentation des impôts indirects va être très lourd pour nous », donc ils vont, au bout du compte payer davantage. Vous dites « rien ne trouve grâce à mes yeux » mais moi j'ai des propositions et des propositions constructives. Je pense qu'il faut ne pas écorner les revenus financiers, mais les taxer. J'ai proposé qu'on multiplie par quatre l'impôt sur les grandes fortunes dans ce pays. Cela rapporterai 32 milliards. Quand je dis c'est possible, que l'argent dans ce pays, il y en a, regardez : l'INSEE a présenté un rapport qui montre que 5 % des ménages les plus riches dans notre pays ont 40 % du patrimoine. Donc vous voyez qu'on peut faire autrement. Et on pourrait imaginer une fiscalité locale très incitative à la création d'emplois. Je suis prêt à ce qu'on diminue l'impôt sur les PME si elles participent de la création d'emploi et souvent c'est le cas, mais actuellement elles sont pénalisées elles aussi ainsi que les ménages.
France 2 : La réforme du scrutin serait une bonne chose pour vous parce que le groupe communiste est plutôt squelettique à l'Assemblée nationale.
R. Hue : Je crois que le mode de scrutin actuel est tout à fait injuste. Si effectivement nous avions un nombre de députés correspondant au nombre de voix qu'on a dans notre pays, on aurait bien plus de députés qu'aujourd'hui. Mais il faut la proportionnelle intégrale. Il ne faut pas simplement une dose de proportionnelle. Il faut que chaque voix de citoyen compte et corresponde à tant d'élus. Ce n'est pas le cas s'il y a cette instillation de -proportionnelle parce qu'on va donner un peu de proportionnelle par là. Il faut attendre le texte, naturellement, mais il faut la proportionnelle intégrale, c'est le sens de la proposition communiste.
RMC - lundi 9 septembre 1996
P. Lapousterle : Jeudi dernier, A. Juppé, annonçait des baisses d'impôts sur le revenu dès l'an prochain et pour tout le monde. Vous qui avez dénoncé l'an dernier la hausse des impôts, approuvez-vous cette baisse ?
R. Hue : Les impôts sont tellement écrasants dans ce pays que dès qu'on peut imaginer une baisse, on ne va pas faire la fine bouche. Mais il faut regarder les choses telles qu'elles sont car le compte n'y est pas. L'injustice perdure. D'un côté, il y a eu ces milliards déjà prélevés dans la poche des Français, entre 100 et 120 milliards, sous forme d'impôts indirects, de taxes. Et puis là il y a ces 25 milliards, qui, par ailleurs, ne vont pas aller alléger de la même façon les hauts revenus et les revenus modestes et moyens. Les premiers seront les principaux bénéficiaires de cette démarche. On sait en gros qu'un tiers des 25 milliards iront à ces allégements. Par contre, les revenus modestes, les revenus moyens, ceux qui sont très sollicités, toujours et partout, ceux-là vont aujourd'hui voir arriver à la fois ces allégements très limités, mais aussi des taxes nouvelles comme l'augmentation des carburants, de la CSG. Il faut une autre politique fiscale.
P. Lapousterle : Ça veut dire qu'au moment où ce projet passera devant les députés, les députés communistes voteront contre ?
R. Hue : Les députés communistes ne peuvent pas s'inscrire dans une démarche visant à dissimuler une illusion, par rapport à la réalité de la réforme fiscale. Il faut pénaliser les placements financiers qui ne le sont pas dans ce pays. Il y a des moyens qui existent de ce point de vue, de toucher les grandes fortunes. J'ai proposé que l'on multiplie par quatre l'impôt sur les grandes fortunes. Quand je disais cela dans la campagne présidentielle, on pouvait dire que c'était un argument de campagne. Regardez la réalité aujourd'hui : 5 % des ménages les plus riches dans le pays, selon l'INSEE, se partagent 40 % du patrimoine. Je pense qu'il faut aussi aller vers une réduction de la TVA pour les produits de première nécessité ainsi que toute une série de réformes nécessaires. Franchement, il faut voir ce qui se passe dans les communes, les départements, les régions. La fiscalité locale est écrasante car l'Etat qui dit faire d'un côté des réductions d'impôts, transfert terriblement sur les communes. Plus de 20 milliards cette année d'augmentation des impôts locaux. Les gens reçoivent les feuilles en ce moment et ils le voient.
P. Lapousterle : Donc les députés communistes n'approuveront pas ?
R. Hue : C'est le groupe communiste qui donnera sa position.
P. Lapousterle : Chirac et Juppé ont réaffirmé haut et fort pendant cette rentrée que « le cap serait maintenu » : choix de la monnaie unique, baisse des déficits publics et baisse des impôts. Que prévoyez-vous, maintenant que la décision a été prise de maintenir ce cap, pour cette rentrée 96 ?
R. Hue : Je crois que ce sont des choix qui sont dramatiques pour le pays, pour les Français. C'est une banalité que de dire combien en cette rentrée, les Français sont habités par l'angoisse, la colère, le sentiment que la coupe est pleine et déborde. Il y a un très profond malaise. Leurs préoccupations, à l'état, sont loin des discours que j'ai pu entendre encore ce week-end, des discours très politiciens. J'ai rencontré encore hier dans ma commune mes concitoyens et je note que c'est cette rentrée scolaire où on a payé les fournitures, où on a du mal à y arriver, ce sont les impôts qui écrasent tout, ce sont les plans de licenciements. Tout ça est terriblement accablant pour les gens. Il y a vraiment le sentiment que ça ne peut pas durer ainsi ! Les communistes dans cette affaire sont à l'initiative sur tous les terrains de la vie des gens pour être utiles.
P. Lapousterle : J. Chirac a dit que les gens qui disaient ce que vous dites maintenant, sont des gens qui étaient des pessimistes et qui ne permettaient pas au pays de se relever.
R. Hue : Je crois que ce qui ne permet pas au pays de se relever, ce sont les choix persistants que vient de réaffirmer J. Chirac : rester fidèle, de se plier aux marchés financiers. La situation visant, au nom de la voie à la monnaie unique, à faire appliquer des critères de convergence de Maastricht qui sont terriblement mutilants pour les budgets, pour les gens. C'est tout ça qui casse le moral des Français.
P. Lapousterle : A. Juppé a dit que le Gouvernement et la majorité réfléchissaient à un changement de mode de scrutin avec introduction d'une dose de proportionnelle, pour les prochaines élections de 98. Vous avez toujours prêché pour la proportionnelle. Pensez-vous que cette proposition est une possibilité de progrès ou un piège ?
R. Hue : La proportionnelle, si elle est intégrale, est un progrès réel. Mais là, cela a une odeur de tripatouillage électoral. Qui applaudit, du reste ?
P. Lapousterle : L. Jospin.
R. Hue : Non, il n'applaudit pas, je ne crois pas. Il ne dit pas en effet te que je dis, à savoir qu'il y a là une forte odeur de tripatouillage. Ceux qui applaudissent, ce sont les gens du Front national. Ils ont dit que ça allait dans le bon sens, qu’il fallait encourager ces propositions. Je pense qu'il faut un mode de scrutin qui, en effet, soit équitable. Regardez aujourd'hui les députés communistes : nous avons 9,1 % des voix en 93 aux législatives et seulement 4,5 % de députés. Ce mode de scrutin est totalement injuste et il faut donc aller vers une réforme réelle. La dose de proportionnelle à mon avis ne suffit pas. Je voudrais ce matin ne pas trop épiloguer sur des propositions qui ne sont pas, pour l'instant, concrètes. Ce qui a été proposé, c'est le ballon d'essai de vendredi ou samedi, un ballon d'essai qui, en fait, apparait même non constitutionnel à bien des égards. Tout cela est donc à regarder quand on aura les textes.
P. Lapousterle : Sur les élections de 98 dont on parle : pensez-vous qu'une majorité de gauche peut l'emporter ? On a entendu Jospin dire que « l'alternative avait commencé », et on vous a remarqué plus prudent. Est-ce un objectif possible que de les gagner ?
R. Hue : Je ne sais pas où en est le rapport des forces politiques dans le pays. Je vois les sondages, ils sont plus favorables à la gauche aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a quelques mois. La politique de ce pouvoir est tellement désastreuse que les gens, en effet, cherchent une issue. J'ai voulu dire que, autant nous sommes pour, en effet, que la gauche gagne les élections, mais qu'elle les gagne pour changer de politique. Or actuellement, il faut dire les choses honnêtement, il y a la droite qui a une politique désastreuse, mais la gauche n'a pas d'alternative progressiste à offrir dans l'immédiat Il faut donc construire cette alternative progressiste. Je crois que celle-ci ne peut pas être construite seulement à la veille des élections, on ne peut pas avoir seulement les yeux fixés sur l'horizon 98. C'est tout de suite, dans l'action nécessaire, pour soulager la souffrance des gens, pour riposter au pouvoir, dans les luttes quotidiennes, et faire ainsi avancer cette construction politique.
P. Lapousterle : Après ce week-end la majorité vous apparaît-elle variée ou divisée, pour gagner 98 ?
R. Hue : Je crois qu'il y a beaucoup de divisions de tons, peut-être moins de divisions de fond. Ce qui est certain, c'est que la droite voit bien dans les circonscriptions, là où elle est sur le terrain, qu'il y a un rejet de sa politique. Ce cap maintenu de la monnaie unique est désastreux. J'ai entendu, dans les propos de Pasqua, apparaître que cette Europe, avec les critères de Maastricht, était désastreuse pour l'électorat de droite comme pour celui de gauche. Tout cela, certainement, participe à cet état d'esprit Ce qui est terrible, c'est que j’ai le sentiment, vraiment, que les Français, après un tel week-end, doivent se dire : mais ces hommes politiques sont bien loin de nos préoccupations quotidiennes ! C'est vraiment par le petit bout que sont prises les choses !
P. Lapousterle : Clovis en France : faut-il soutenir ?
R. Hue : Il y a la séparation de l'Église et de l'État et je crois qu'il faut, dans le respect de toutes les sensibilités, que l'État ne s'engage pas financièrement à soutenir quelque chose qui pourrait apparaître en discordance avec la loi.
RTL - mercredi 11 septembre 1996
M. Cotta : H. Emmanuelli a demandé hier l'interdiction du Front national. Est-ce une bonne idée, selon vous ?
R. Hue : Je vais vous donner mon sentiment à ce propos. Mais Le Pen est un raciste, je veux le dire ici avec force. Prétendre, comme il le fait, qu'il y a des races et que certaines sont supérieures aux autres, c'est la définition même du racisme. La preuve est faite plus que jamais que l'existence des races, leur « inégalité », n'a aucun fondement scientifique. De la part de Le Pen, l'étalage de la bêtise raciste c'est la reprise de ce qui a été le cœur de l'idéologie nazie, c'est dramatique. Maintenant, la propagande raciste que se fait Le Pen doit être considérée non comme une affaire d'opinion mais comme un délit et la loi, de ce point de vue, doit passer.
M. Cotta : Donc vous êtes partisan de l'interdiction ?
R. Hue : Il faut s'attaquer à ce qui fait qu'aujourd'hui Le Pen peut avoir de tels propos. Et ça, c'est quoi ? C'est la situation de ce pays qui s'est aggravée depuis des années, la crise qui a fait que, aujourd'hui, les propos de Le Pen peuvent passer comme ça parce qu'ils peuvent être entendus. C'est tout à fait inacceptable.
M. Cotta : Mais l'interdiction du mouvement, c'est transformer le Front national en victime ou ça peut avoir des effets ?
R. Hue : Il ne faut rien faire qui puisse être repris par Le Pen sous forme de provocation lui permettant une fois de plus de faire passer ses idées. La meilleure façon de s'attaquer à Le Pen – c'est ce que veulent les communistes – c'est de relever le défi du Front national dans les quartiers difficiles, en faisant des propositions différentes, une politique différente. Ce n'est pas dans des dispositions d'interdiction, même si, je le répète, il faut que la loi passe quand il y a délit.
M. Cotta : Vous pensez qu'il n’y a pas besoin d'interdiction pour cela ?
R. Hue : Ce n'est pas par l'interdiction elle-même qu'on réglera ce problème. Maintenant, il est évident qu'on ne peut pas être insensible à de tels propos et je comprends qu'on puisse exiger que la loi passe.
M. Cotta : Contestez-vous tout intérêt à la baisse de l'IRPP, y compris pour un certain nombre de foyers modestes ?
R. Hue : Les gens subissent suffisamment et terriblement le poids de la fiscalité pour ne rien négliger qui puisse effectivement se traduire par une baisse. Sauf que, décidément, ce pouvoir – on vient de le voir une fois de plus avec ce qu'il a annoncé en matière de fiscalité – est un pouvoir trompeur. Le manque de sincérité et de franchise devient une méthode de gouvernement Monsieur Juppé, à grand renfort médiatique, annonce une baisse des impôts : 25 milliards. Mais l'effet d'annonce passé, on apprend au fil des jours qui suivent que les impôts indirects vont augmenter, que ce sont les revenus les plus hauts qui bénéficieront en fait d'abord de cette réduction. Donc, il y a là une méthode qui n'est pas sincère.
M. Cotta : Vous pensez que cette baisse n'est pas de nature à relancer la consommation ?
R. Hue : D'autant plus qu'on ne peut pas parler de l'impôt sur le revenu sans parler des impôts indirects, des taxes et parler aussi des impôts locaux.
M. Cotta : Ce n'est pas de même nature.
R. Hue : Oui, mais ça sort du même porte-monnaie, c'est clair. Les gens ont à débourser à la fois les impôts sur le revenu pour certains, les impôts indirects pour pratiquement tout le monde, et puis la fiscalité locale qui est écrasante. J'ai vu hier que le pouvoir tentait de faire porter aux maires la responsabilité de la fiscalité locale. Mais ce sont principalement des transferts financiers de l'État vers les communes, donc de la responsabilité de l'État, qui conduisent à cette augmentation massive de la pression fiscale dans les localités.
M. Cotta : Vous appelez les mécontents à vous rejoindre à la fête de l'Humanité, mais vous leur proposez quoi ? Y a-t-il un programme de gauche, des perspectives ouvertes par la gauche en général ?
R. Hue : Vous avez évoqué la fête de l'Humanité, ce sera un temps très fort à la fois de spectacles, de convivialité, de solidarité. Je ne vais pas développer le programme, avec des invités tout à fait marquants.
M. Cotta : Mais un rassemblement des mécontents, pour quoi faire ?
R. Hue : Je vais y venir. Le rassemblement des mécontents, mais surtout un rassemblement pour proposer, dans l'action et dans la lutte, de faire reculer le pouvoir par rapport aux mesures qu'il avance aujourd'hui. Il y a une véritable fuite en avant de la part du pouvoir, une fuite en avant ultra-capitaliste avec des conséquences désastreuses sur les gens. Il faut résister, il faut lutter. Les communistes appellent à cette résistance. Mais pour répondre à votre question – je ne vais pas y échapper naturellement –, en même temps nous voyons bien que dans cette riposte forte, dans les luttes, il faut avancer des éléments de construction politique.
M. Cotta : Justement, où en est cette construction politique de la gauche ?
R. Hue : La situation faite par ce pouvoir, à elle seule, ne suffit pas à donner à la gauche une politique. Actuellement, il n'y a pas cette alternative progressiste qui serait nécessaire au pays. Je crois qu'il faut avoir le courage, quand on avance l'idée d'une perspective progressiste en France, de s'attaquer à ce qui fait que la société est comme elle est, c'est-à-dire la domination des marchés financiers, de l'argent Il faut avoir le courage de s'attaquer à cet argent qui écrase tout dans la société, je le répète une nouvelle fois.
M. Cotta : De ce point de vue-là, vous trouvez que le Parti socialiste est encore trop lié à l'exercice du pouvoir ?
R. Hue : Quand on entend parfois le Parti socialiste, il est vrai qu'on a le sentiment qu'il est encore aux affaires du pays. Je crois qu'il faut prendre les choses à bras le corps. Ce n'est pas une alternance dont on a besoin en 98, c'est une véritable alternative, c'est-à-dire d'avancer des mesures qui permettent réellement de dépasser un certain nombre d'inégalités. Je voudrais dire à ce sujet que par exemple, on ne pourra pas avancer une politique de gauche en ne s’attaquant pas aux marchés financiers, aux revenus financiers. On ne fera pas une politique de gauche si on reste collé à ce qui fait aujourd'hui la politique dramatique du pays, à savoir les critères de convergence de Maastricht, la monnaie unique.
M. Cotta : Le PS est plutôt favorable à la construction de Maastricht, le PCF contre. C'est une énorme divergence : comment espérez-vous la surmonter ?
R. Hue : Je crois que c'est l'intervention des citoyens qui peut faire les choses. A droite comme à gauche, mais c'est à gauche que ça nous intéresse davantage, j'entends des gens avoir une opinion de plus en plus nuancée – pour le moins – à propos de l'Europe. Je lisais l'autre jour un papier de L. Fabius dans Le Monde où on trouvait l'idée que cette Europe, elle pèse, elle est difficile pour les Français. Je crois que si les Français se mobilisent pour dire : « il faut un autre type de construction européenne, une autre Europe que celle des marchés financiers, de Maastricht, de la monnaie unique », on peut faire avancer les choses. C'est dans ce sens-là. Ce n'est pas au niveau des états-majors et des accords politiques qu'on réglera le problème, c'est avec les citoyens, dans le débat. A la fête de l'Huma, il y aura beaucoup de débats. Il y aura même la présence de gens comme E. Cresson, comme D. Mitterrand, ce n'est pas inintéressant de le noter.
TF1 - vendredi 13 septembre 1996
TF1 : D'abord un mot de J.-M. Le Pen, J. Toubon propose de renforcer la législation antiraciste, en tout cas il prépare un projet de loi dans ce sens, qu'est-ce que vous en pensez ?
R. Hue : Tout d'abord je veux répéter ce que j'ai dit à propos de Le Pen : Le Pen se comporte ostensiblement en raciste et il ne s'agit pas d'affaire d'opinion, il s'agit d'un délit. Et je crois que, lorsqu'on évoque – et on vient de le voir à l'instant avec le sujet précédent – l'inégalité des races, il s'agit bien de racisme. C'est le cœur de ce qu'a été l'idéologie nazie. Je dois dire que je suis choqué que le Gouvernement, et je l'ai dit, ne saisisse pas la justice dans cette affaire et ça crée un certain malaise parce que, quand il s'agit de pauvres gens, on investit à la hache les portes de l'église Saint-Bernard, et quand il s'agit du milliardaire Le Pen, on semble mettre l'éteignoir. Ce n'est pas supportable une telle chose.
TF1 : Mais vous savez que certains juristes disent qu'on ne peut pas porter plainte contre lui, que l'on n'a pas l'arsenal juridique pour le faire ?
R. Hue : Je considère qu'avec l'arsenal juridique – d'ailleurs un certain nombre d'experts en ont attesté – existant, il peut y avoir des poursuites contre Le Pen. Je n'évoque pas l'interdiction du Front national. Je parle de Le Pen, de ce qu'il a dit et il y a par exemple dans la loi actuelle la possibilité de privation de droit civique pour les gens qui se comportent ainsi. Je crois qu'il faut vraiment que l'on prenne les dispositions ainsi et que la justice passe. Et je dois dire qu'il est particulièrement odieux la façon, c'est ignoble la façon dont Le Pen récupère les choses à Marseille. Et j'entendais tout à l'heure le procureur de la République qui disait qu'il s'agissait de bien voir les problèmes de société qui s'imposent. Il a complètement raison. Quand une société se délite comme ça, lorsqu'il y a des drames, la violence, l'insécurité, je crois qu'il faut tout faire pour essayer de trouver des réponses de société aux questions posées. Et les communistes entendent prendre leur part pour relever ce terrible défi posé à notre société aujourd'hui.
TF1 : Justement parlons de cette société et du climat social en cette rentrée. On a vu certains conflits s'amorcer, par exemple à la SNCF ou encore à Air France Europe, est-ce que vous pensez que cette rentrée va être difficile, est-ce que vous sentez les travailleurs combattifs, vindicatifs en ce moment ?
R. Hue : Oui mais écoutez, je crois d'abord qu'il y a cette terrible déferlante, les coups pleuvent tous les jours, on en apprend tous les jours. Et ce sont 200 000 licenciements annoncés, c'est la précarité qui explose. Je vois à la fois beaucoup d'angoisse mais en même temps de la combattivité. Et je dois dire que la fête de l'Humanité sera un rassemblement déjà qui marquera cette profonde volonté. Les communistes entendent être utiles dans cette société à tout ce qui peut faire reculer le pouvoir par rapport aux mauvais coups qui pleuvent, je répète, et tout ce qui peut faire reculer une souffrance, les difficultés des gens, le chômage. Nous allons œuvrer pour cela. En même temps, nous allons être engagés sur tous les terrains dans la lutte à venir, nous voulons imaginer ce que peut être une construction politique différente. Les Françaises et les Français ont besoin d'une alternative politique dans ce pays. A gauche, on voit bien dans les enquêtes d'opinions, il y a un rejet massif de l'action du Gouvernement Mais en même temps, accordons-nous le, il n'y a pas cette alternative. Nous, nous voulons mettre tout ce que nous pouvons au service de cette construction, cette union nécessaire à gauche, aux forces de progrès écologistes pour effectivement qu'il y ait un changement de politique. Il ne s'agit pas d'aller à une petite alternance, il faut profondément changer les choses et c'est à cela que nous voulons nous consacrer. Dans la préparation de notre 29ème congrès, c'est le sens de la démarche qui est la nôtre de rapport à la société, d'action pour cette construction politique.
TF1 : Est-ce que cette alternative à gauche passe par une alliance avec le Parti socialiste ? Vous avez parlé des Verts mais avec le Parti socialiste aussi ?
R. Hue : Mais je pense que ça passe par une union nouvelle de toutes les forces de gauche, socialistes, communistes, les différentes forces de gauche représentées dans différents partis, les écologistes. Mais ça ne peut pas se faire comme ça s'est fait dans le passé. Dans le passé, il y a eu un programme commun et en fait, au gouvernement les socialistes ont tourné le dos à ce programme. Il faut faire autrement aujourd'hui et pour faire autrement, il faut vraiment que ça soit l'affaire des gens eux-mêmes, des citoyens eux-mêmes. C'est pourquoi je ne crois pas que l'heure immédiatement maintenant soit à rédiger des programmes au niveau des états-majors, à imaginer des contrats de gouvernement. Ça, c'est électoraliste, politicien. Ce qu'il faut maintenant, c'est sur les grandes questions posées à notre peuple qu'avec les citoyens, les forces progressistes élaborent dans l'action, dans le débat cette construction politique neuve. Si nous pouvons, en 1998, apporter la réponse – et je pense que c'est possible si nous savons nous rassembler – mais à, condition, je le répète, que ce soit pour une autre politique, une politique de changement réel et pas une simple alternance, pas pour recommencer ce qui a échoué précédemment.
France 3 - dimanche 15 septembre 1996
France 3 : D. Mitterrand, hier soir à la Courneuve, faisant l'éloge du PCF ; aujourd'hui, le Parti radical socialiste vous propose un contrat de majorité. Qu'en dites-vous ?
R. Hue : La France va mal, et il nous faut une autre politique. Les communistes n'ont pas la prétention de construire seuls cette politique. Donc, il faut bien l'union. Mais il faut une union nouvelle. Il ne faut pas recommencer ce qui a échoué, et qui a échoué terriblement. Il faut ne pas, non plus, se précipiter dans une perspective gouvernementale de contrat de gouvernement, de contrat de majorité si loin des élections législatives, alors qu'il y a beaucoup de choses à faire dans l'union immédiatement, sur le terrain du chômage, sur le terrain des difficultés, de la précarité, de la violence. Donc, aujourd'hui, pour le PC, il s'agit de contribuer par tous les moyens à construire, avancer dans cette construction politique avec d'autres forces de gauche, de progrès, écologistes.
France 3 : Quelles vont être vos conditions ?
R. Hue : La condition essentielle c'est de changer de politique. Si, aller au gouvernement c'est mettre en œuvre une politique semblable à ce qui se fait en ce moment, ou ce qui a été fait dans le passé avec les conséquences que l'on sait, cela ne va pas, il faut donc une véritable alternative. Et pour Cette véritable alternative, il faut avoir le courage, dans ce pays, de s'attaquer à des choses essentielles. Notamment, l'argent-roi, l'argent qui écrase tout. Donc, imaginer une autre utilisation de l'argent, pour s'attaquer aux inégalités, au chômage. Cette France possède des atouts énormes, il y a de l'argent dans ce pays, il faut l'utiliser autrement, c'est une des questions clés. Autre question essentielle pour nous, pour que changent les choses dans ce pays, c'est l’intervention des citoyens eux-mêmes. C'est-à-dire, plus de démocratie, plus de participation.
France 3 : A ce sujet, vous vous sentez compris par L. Jospin, et les autres ?
R. Hue : Un certain nombre de choses ont avancé, mais en même temps, des obstacles importants existent. Pourquoi cacher les choses aux Françaises et au Français ? Par exemple, je pense qu'il y a un certain nombre de mesures qui sont avancées par les uns et les autres qui vont dans le bon sens, mais encore faut-il se donner les moyens que ces réformes soient appliquées. Il faut pour cela s'attaquer à la croissance financière, l'argent-roi. Pour le moment, du côté socialiste, de ce point de vue les choses ne sont pas suffisamment nettes. De même, la monnaie unique – ce qui entraîne aujourd'hui une super-austérité avec les critères de Maastricht – cette monnaie unique est un obstacle.
France 3 : J. Toubon va présenter au Parlement un nouveau texte sur le racisme. Vous le voterez ?
R. Hue : Déjà, avec la loi telle qu'elle existe, on pourrait juger Le Pen pour ses propos racistes. Naturellement, s'il y a un renforcement du dispositif, il faudra regarder ce qu'il en sera, mais déjà, il serait nécessaire de juger Le Pen sur son attitude. Le Pen s'attaque à ce qu'est la devise de la République française. Il veut casser cette devise de liberté, d'égalité, de fraternité. Il ne faut pas le laisser faire.