Interview de M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence, dans "La Croix" du 6 septembre 1996, sur les objectifs de la mission interministérielle de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants.

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Média : La Croix

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La Croix : En quoi consiste la mission de pilotage interministérielle en matière d’abus sexuels sur les enfants que vous a confié le Premier ministre ?

Xavier Emmanuelli : Le récent congrès de Stockholm a fait bouger les choses : les gouvernements se sont sentis impliqués ; on a compris qu’en aucun cas, à aucun moment, en aucun lieu, on ne pouvait considérer l’enfant comme un partenaire sexuel ; face aux réseaux de pédophiles, l’État, les organisations non gouvernementales et les organisations internationales doivent s’organiser en réseau. En France, dans la foulée, le gouvernement s’est mobilisé. L’instance interministérielle se met en place au niveau politique et non plus administratif. Elle agit en lien avec les associations. C’est pour moi une arme puissante.

La Croix : Débouchera-t-elle sur une réforme législative ?

Xavier Emmanuelli : Cela est de la compétence du garde des Sceaux. Ce que je sais, c’est qu’il faut une avancée juridique dans ce domaine. En commençant par faire connaître les textes existants. C’est le cas de la loi de février 1994 qui permet de poursuivre en France une personne se livrant au tourisme sexuel à l’étranger et dont personne ne se sort. J’ai mobilisé les ambassadeurs sur ce sujet.

La Croix : Une campagne nationale de prévention des abus sexuels a été annoncée ? Quelle forme prendra-t-elle ?

Xavier Emmanuelli : Cette campagne est à mon avis délicate. Elle devra être à plusieurs niveaux : c’est-à-dire axée non seulement vers le grand public mais aussi à destination d’un public de spécialistes et des enfants eux-mêmes. On ne peut se contenter en effet de faire un « coup ».

La Croix : Et pour les victimes d’abus sexuels ?

Xavier Emmanuelli : Comme médecin, je suis extrêmement attentif à cette question. Je sais combien le traumatisme psychologique est fort. Pour les aider, il faut qu’on puisse renforcer, faire connaître ce qui a déjà été mis en place (numéro vert, action des conseils généraux, aide sociale à l’enfance). Il faut [texte illisible], lorsque cela est nécessaire, cette culture de l’approche de l’enfant aux magistrats, aux policiers, aux médecins généralistes et enfin soutenir les familles.

La Croix : Est-il aussi prévu de développer des structures d’accueil spécialisées et quel serait le coût ?

Xavier Emmanuelli : C’est exactement cela qu’il faudrait faire. Certes, on ne sait pas encore ce que cela coûterait, mais la volonté politique est là et on trouvera les fonds. De toute façon, nous ne [texte illisible] de la prise de conscience.

La Croix : En matière de prévention, l’éducation nationale a aussi son rôle à jouer.

Xavier Emmanuelli : Elle fait partie des [texte illisible]. Il est clair que là où il y a des enfants il faut réfléchir à la pédophilie : tous ceux qui travaillent avec des enfants doivent être sensibilisés. Le 29 novembre, date de la première journée nationale des droits de l’enfant, des réformes législatives seront [texte illisible]. Il faut aller [texte illisible]. J’en fais mon affaire.