Interviews de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, dans "Valeurs actuelles" du 17 août 1996, à France-Inter le 23 août, France 2 le 26 et RTL le 27, sur la polémique autour de la visite du pape, l'expulsion des Africains sans papiers de l'église Saint-Bernard et sur la politique gouvernementale notamment en matière monétaire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Expulsion par la police des Africains sans papiers de l'église Saint-Bernard à Paris (18ème arrondissement) le 23 août 1996

Média : Emission L'Invité de RTL - France 2 - France Inter - RTL - Télévision - Valeurs actuelles

Texte intégral

Valeurs actuelles : 17 août 1996

Valeurs actuelles : Certains auraient souhaité que la visite de Jean-Paul II en Vendée se limite à une visite semi-privée à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Vous souhaitez, au contraire, y associer l’ensemble des Vendéens. D’où vient cette polémique ?

Philippe de Villiers : Il n’y a plus de polémique : il était simplement impensable que quiconque tentât d’interdire aux Vendéens d’aller accueillir le pape à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Car pour la Vendée, Saint-Laurent-sur-Sèvre n’est pas un lieu anonyme. C’est à partir de sa basilique et du tombeau de Louis-Marie Grignion de Montfort que s’est organisé le sursaut spirituel de 1793.

En cette année 1996, deuxième centenaire du traité de La Jaunaye, qui marque la fin du génocide des Vendéens, comment oublier que deux cent mille d’entre eux sont morts sans sépulture ?

Un geste pour les martyrs de la foi

Comment oublier que depuis deux cents ans leurs enfants ont attendu de l’État une parole de justice, qui n’est jamais venue ? Comment oublier qu’ils désespéraient même d’entendre de l’Église un seul mot de reconnaissance ?

Valeurs actuelles : Attendez-vous de Jean-Paul II une référence au martyre vendéen ?

Philippe de Villiers : Qu’un pape – et quel pape ! – décide, de son propre chef, de venir honorer la Vendée, c’est déjà un événement.

Qui peut croire sérieusement qu’il s’arrête à Saint-Laurent-sur-Sèvre, la ville aux cent clochers, cœur de la Vendée spirituelle, sans avoir un geste, une parole pour les martyrs de la foi ?

Valeurs actuelles : Au-delà de l’étape vendéenne, le voyage du pape à Tours, Vannes et Reims suscite de multiples réactions de rejet. Comment les interprétez-vous ?

Philippe de Villiers : Reims et le baptême de Clovis ne sont pas des symboles anodins. Il est clair que certains beaux esprits refusent de célébrer l’identité de la France, et rejettent même l’idée qu’elle puisse avoir un passé.

Dans ce contexte, toute commémoration devient suspecte, puisqu’elle menace de rappeler le filigrane spirituel et culturel de notre pays.

L’autre explication que je vois tient au vent mauvais de laïcisme – je dis bien de laïcisme – qui souffle depuis quelques années sur la France, déformant jusqu’à l’inverser le principe universel de laïcité.

Le mot laïc a été inventé par saint Augustin et se rapporte à la cité terrestre, par souci de distinction avec la cité de Dieu. C’est un principe de tolérance, de séparation du spirituel et du temporel, directement hérité du « Rendez à César » qui fonde notre civilisation.

Le laïcisme, au contraire, c’est la négation militante du fait religieux.

À l’aune de M. Pierre Bergé et des militants d’Act Up qui vocifèrent contre la venue du pape, il faudrait débaptiser un cinquième des communes de France, à commencer par tous les Saint-Martin ! Et pourquoi pas, tant qu’ils y sont, faire « emballer » par Cristo nos églises, nos cathédrales, et même nos monuments aux morts ? Pourquoi ne pas censurer Victor Hugo et Notre-Darne de Paris dans les écoles ?

Ce laïcisme absolu n’a été tenté qu’une seule fois dans l’histoire du monde : en Union soviétique à partir de 1917, quand fut imposé l’« athéisme d’État ». Même les révolutionnaires de 1792 toléraient le clergé, pourvu qu’il prêtât serment à la République...

Valeurs actuelles : Le symbole de Reims mis à part, comment expliquez-vous que les trois précédentes visites du pape en France, en 1980, 1986 et 1988, n’aient pas suscité le dixième des polémiques auxquelles nous assistons aujourd’hui ?

Philippe de Villiers : Il est clair qu’en dix ans nous avons assisté à une vertigineuse dégradation morale, politique et culturelle de notre pays. La France a perdu, au fil des jours, beaucoup de ses repères. Parmi les causes de ce désastre réside la faillite de l’enseignement, producteur exclusif de l’amnésie nationale. Souvenons-nous de ce qu’un pays qui perd sa mémoire perd sa raison même d’exister.

Valeurs actuelles : La gauche n’est-elle pas, cependant, en train de refaire son unité autour de ce voyage ?

Philippe de Villiers : Comme les socialistes ont sacrifié leurs valeurs sur l’autel de Maastricht et de la pensée unique, ils pensent s’offrir une virginité politique en fédérant autour d’eux les nouvelles ligues de vertu : des homosexuels aux intégristes laïcs, tout leur est bon pour accréditer l’idée qu’ils représentent à nouveau une alternative.

Mais une alternative à quoi ?

À l’homme qui, par son seul verbe, son fameux « N’ayez pas peur », a contribué plus que tout autre à renverser le mur de Berlin ?

Ce serait reconnaître qu’ils n’ont pas pardonné à ce pape épris de liberté d’avoir débarrassé le monde du « socialisme réel », d’avoir montré aux peuples que le bonheur était aux antipodes des utopies...

Faire passer pour un homme de régression celui auquel on doit cela, voilà bien l’ultime imposture de la gauche française !

Valeurs actuelles : Au sein même de l’épiscopat, certains s’efforcent de faire la distinction entre le baptême de Clovis et le baptême de la France, qui selon eux serait une idée monarchiste...

Philippe de Villiers : L’évêque de Reims comme Michel Rouche et Pierre Chaunu disent excellemment que cette polémique n’a aucun sens, car le baptême de Reims échappe aux catégories politiques.

Le baptême de Clovis précède et génère la nation française. C’est donc, inextricablement, un événement de l’ordre politique et de l’ordre religieux. Au sens littéral, on ne baptise que des personnes physiques. Mais au sens historique, au sens sacramental du terme, le baptême de Clovis engendre la nation française.

Quand Clovis et ses trois mille guerriers se font baptiser, la France n’existe pas encore. Contrairement à d’autres nations comme la Pologne ou la Russie, la France n’est pas une nation païenne devenue chrétienne par son baptême. La France est née du baptême de son roi.

N’oublions pas que le pape a dessiné de sa propre main l’itinéraire de son périple français. Il a choisi des lieux symboliquement forts : Tours pour célébrer la charité ; Reims pour l’unité ; Sainte-Anne-d’Auray pour la beauté ; Saint-Laurent-sur-Sèvre pour la vérité…

Valeurs actuelles : Que répondez-vous à ceux qui reprochent aux pouvoirs publics et aux collectivités locales de contribuer financièrement à cette visite ?

Philippe de Villiers : Ils se ridiculisent eux-mêmes. Jean-Paul II est un chef d’État. Le chef d’un État membre, à part entière, de l’Organisation des nations unies, au même titre que le roi du Maroc, le chancelier Helmut Kohl, Fidel Castro, la reine d’Angleterre, chef de l’Église anglicane, ou, hier, le général Jaruzelski !

Mais le pape est beaucoup plus que cela : il est une autorité morale hautement significative pour notre époque.

Pour des millions d’hommes rescapés de l’oppression communiste, il est un combattant de la liberté qui suscite, dans le monde entier, enthousiasme et reconnaissance. Ne serait-ce que par respect pour ces hommes-là, il aurait été indigne de ne pas lui rendre hommage. Enfin et surtout, le pape est une autorité religieuse.

D’ailleurs la République laïque n’est-elle pas garante de la liberté de l’esprit et, à ce titre, du libre exercice de toutes les religions ?

Ceux qui ont financé à fonds perdus tant d’associations parasocialistes ou paracommunistes, sans parler des centaines d’associations musulmanes sustentées par l’argent public, sont les derniers à pouvoir s’opposer à ce que l’État contribue à faciliter le voyage du pape, aux sources de la spiritualité française dominante, aux sources de notre culture.

Une culture infiniment plus haute que toutes les étiquettes : souvenons-nous de Barbara Hendricks entonnant l’« Ave Maria » de Schubert pour le paroissien de Jarnac, sous les voûtes de Notre-Dame de Paris !


France Inter : vendredi 23 août 1996

A. Ardisson : Quelle est votre réaction à l’expulsion des sans-papiers de Saint-Bernard ?

P. de Villiers : Ma réaction est que le gouvernement a retrouvé la fermeté de parole depuis hier soir, après un moment d’hésitation, sans doute grâce à la petite fiole de courage, qu’il est allé chercher au Conseil d’État. Cette affaire n’avait que trop duré. Cette fermeté de parole est suivie, ce matin, semble-t-il par la fermeté des actes. Je salue cette fermeté. Je crois que la gauche serait bien inspirée de venir soutenir le gouvernement pour que nos lois soient appliquées en France et qu’il n’y ait plus de provocations et de défis à l’autorité de l’État.

A. Ardisson : Vous approuvez la fermeté. Mais le moment est-il bien choisi ?

P. de Villiers : Cela fait cinq mois que l’église Saint-Bernard est devenue un lieu de manifestations, de provocations, de manipulations – je pense notamment à Alain Krivine qui y est maintenant hébergé jour et nuit et à la Ligue communiste révolutionnaire ; cinq mois que tout le monde tergiverse ; cinq mois que l’on fait mine de ne pas savoir quel est le droit à appliquer. L’intervention, hier soir, d’Alain Juppé a été nette, claire, sans bavure. Aujourd’hui, il est clair qu’il faut régulariser les situations de détresse. Le Premier ministre a parlé de situations médicales et familiales comme les femmes enceintes. Et donc, il faut appliquer les principes : l’attention aux personnes et la fermeté sur les principes. Et la fermeté sur les principes, cela veut dire qu’un immigrant qui est débouté du droit d’asile, par exemple, et qui reste sur le territoire français sans autorisation doit quitter le territoire national. Il faut donc évacuer l’église Saint-Bernard. Il faut reconduire à la frontière, dans la foulée, les immigrants illégaux et il faut, j’ajoute, renforcer le dispositif des fameuses lois Pasqua parce qu’aujourd’hui – je ne sais pas si les Français le savent – 80 % des décisions de reconduite à la frontière ne sont pas exécutées.

A. Ardisson : Ne faut-il pas tout simplement refaire aussi ces lois ? Car si elles étaient claires et faciles à appliquer, il n’y aurait pas eu ce problème ?

P. de Villiers : Ces lois sont, dans l’ensemble, claires, simples à comprendre et simples à appliquer. Quand elles interdisent, par exemple, l’immigration clandestine, illégale, lorsqu’elles prévoient des reconduites à la frontière, lorsqu’elles interdisent la polygamie, tout cela, c’est le droit français et c’est simple à appliquer. Il peut y avoir quelques cas exceptionnels sur lesquels on peut ergoter. Mais ce qui m’a choqué dans cette affaire, c’est que le président du groupe parlementaire UDF ait fait, un instant, du Parlement, qui est le temple de la loi, le temple de l’illégalité. On ne peut pas, aujourd’hui, dire que les lois Pasqua ne peuvent pas être appliquées. La preuve, c’est qu’il a suffi d’un avis du Conseil d’État pour le rappeler à tous les Français. Le Conseil d’État a dit, en clair, que les lois Pasqua doivent être appliquées, que ceux qui sont en situation légale ont droit à l’hospitalité de la France et que les étrangers, qui sont en situation illégale, doivent quitter le territoire français. C’est aussi simple que cela ! Cela s’appelle l’État de droit. Et l’État de droit, c’est avantageux pour les Français parce que s’il n’y a plus de droit, c’est l’injustice permanente et l’insécurité juridique pour tous les citoyens. Et s’il n’y a plus de droit, c’est l’appel d’air à toute l’immigration illégale de toute l’Europe ou d’ailleurs, au moment où malheureusement, depuis l’application du traité de Schengen, on a bien à tort démanteler tous nos contrôles aux frontières. Et moi, je demande qu’à l’occasion de ce grave incident, alors qu’il y a aujourd’hui 500 000 ou 600 000 immigrants illégaux sur le territoire français, que l’on rétablisse les contrôles aux frontières. On l’a bien vu avec l’affaire de la « vache folle », les frontières, cela sert à quelque chose et non seulement pour les contrôles sanitaires mais aussi pour faire en sorte qu’en matière d’immigration, on puisse endiguer le flot plutôt que de contrôler ensuite à l’intérieur, ce qui est beaucoup plus difficile.

A. Ardisson : Vous êtes actuellement chez vous en Vendée où vous allez inaugurer la ronde des universités des formations politiques, avec l’université d’été des jeunes du Mouvement pour la France. Si j’en juge par la qualité de vos invités, il ne va pas être question que d’immigration tout de même, vous allez parler beaucoup justement d’économie, d’Europe, de fermeture des frontières ?

P. de Villiers : Non, le sujet de l’immigration n’est pas au programme de cette université d’été des jeunes qui va accueillir 800 jeunes du Mouvement pour la France. Nous allons parler aussi des élections législatives, de la préparation des élections législatives et nous allons surtout parler de l’emploi. Et à cette occasion, nous allons lancer un appel au président de la République pour que la France change de politique. On voit bien aujourd’hui que la politique qui est menée depuis un an a échoué sur le front du chômage, sur le front des déficits, sur le front de la croissance et que nous sommes en récession. Il faut oser le dire. Pourquoi a-t-elle échoué ? Parce que la croissance a été cassée par la mécanique de la monnaie unique, des taux d’intérêt trop élevés et par la mécanique des critères de convergence de Maastricht Ce n’est pas moi qui le dit, c’est M. Léotard qui le disait récemment dans un papier à la une d’un grand quotidien. Alors, que faire ? Une autre politique, laquelle ? Il faut arrêter la folie de la monnaie unique, il faut faire une politique à la française, à notre rythme, en faisant baisser les taux d’intérêt par exemple pour favoriser l’investissement, en faisant un franc libre et conquérant pour libérer nos exportateurs, en mettant en place – je pense en ce moment à l’affaire des chaussures Bally qui est la dernière affaire en date de délocalisation – un arsenal protecteur à l’américaine pour protéger nos industries plutôt que de les laisser sacrifier nos entreprises par rapport à des pays à très bas salaire et qui n’ont pas de normes sociales. Si on fait tout cela, on fera une politique qui permettra de rendre du pouvoir d’achat en baissant les impôts aux Français et de relancer à la fois la consommation et l’investissement.


France 2 : lundi 26 août 1996

G. Leclerc : Vous avez, dès vendredi, approuvé l’expulsion des sans-papiers, mais l’opération semble tourner à la confusion puisque seuls quatre ont été expulsés et quarante remis en liberté. Quel est votre sentiment ?

P. de Villiers : Mon sentiment, c’est que si on veut – comme l’a demandé hier le président de la République – avoir une politique de fermeté en matière d’immigration, il faut s’en donner les moyens. Ça veut dire que les reconduites à la frontière, les décisions, doivent être insusceptibles de recours juridictionnel, comme c’était le cas sous la IIIe République. Sinon, il se passe ce qu’il se passe aujourd’hui. Deuxièmement, il faut couper, fermer les pompes aspirantes sociales, des droits sociaux de l’immigration illégale, sinon c’est l’eldorado pour ceux qui se donnent le mot depuis le monde entier, qui disent : « En France c’est la pagaille et on a le droit à tout ». Troisièmement, il faut rétablir le contrôle aux frontières. C’est quand même plus facile de refluer les gens l’entrée du territoire que de chercher à les contrôler, à les récupérer ensuite sur le territoire français et à les reconduire à la frontière. Si on ne fait pas ça, on n’a pas une politique de fermeté contre l’immigration illégale. Je vous rappelle qu’il y a au moins 500 000 immigrés illégaux en France, sur le territoire français aujourd’hui.

G. Leclerc : Jacques Chirac a dit qu’il ne changerait pas la politique de la France en matière d’immigration. On parle cependant d’amélioration, d’adaptation de la loi Pasqua.

P. de Villiers : Amélioration, à condition que ça soit pour la renforcer.

G. Leclerc : Dans les deux sens : l’adopter pour éviter des cas individuels, humains.

P. de Villiers : Oui, mais ce qui compte aujourd’hui, c’est de ne pas donner de droits à ceux qui ignorent le droit. Sinon la France n’est plus une communauté nationale, à l’heure du chômage et au moment où l’on veut vraiment résoudre le problème de l’immigration. Si on veut le résoudre, alors il faut des moyens législatifs supplémentaires. Il faut donc renforcer la loi Pasqua. Par exemple, revenir à la carte de séjour d’avant François Mitterrand. Aujourd’hui, un étranger a une carte de séjour renouvelable par tacite reconduction alors que, avant François Mitterrand, c’était une carte renouvelable tous les dix ans, mais avec un certain nombre de conditions.

G. Leclerc : Vous avec dit ce week-end que la politique du gouvernement est un échec or on a vu Jacques Chirac affirmer sa convergence de vue avec Alain Juppé.

P. de Villiers : Moi, j’ai lancé un appel à Jacques Chirac pour lui dire ceci très simplement la politique du gouvernement, depuis un an, échoue sur le plan économique, sur le front des déficits, sur le front du chômage, sur le front de la croissance. Pourquoi elle échoue ? Parce que la croissance a été brisée par la machine infernale, la mécanique de la monnaie unique, sur une politique d’argent cher, de ponction fiscale pour rentrer dans les fameux critères de convergence de la bétaillère de Maastricht. Il faut donc en sortir. Proposition : il faut changer de politique.

G. Leclerc : Il faut changer de gouvernement aussi ?

P. de Villiers : Les hommes suivent. Ce sont les principes qui commandent. Il faut rompre avec la monnaie unique, rompre avec la pensée unique. Ça veut dire une politique d’argent pas cher, donc avec un franc libre et non pas accroché au mark. Ça veut dire un arsenal protecteur pour nos entreprises en voie de délocalisation ; je pense aux gens de Bally France, en ce moment donc un arsenal douanier au niveau européen, sinon l’Europe est une passoire. Je ne cesse de le dire mais c’est le cas de plus en plus. On voit bien Moulinex, toutes les entreprises qui se délocalisent. Troisièmement, une politique de basse pression fiscale. J’entends le gouvernement qui nous dit : « On va faire la baisse des impôts ».

G. Leclerc : Ça a été redit ce week-end.

P. de Villiers : Les téléspectateurs contribuables qui nous regardent auront noté que dans la même année, et à quelques semaines d’intervalle, d’un côté on nous prend 130 milliards d’impôt supplémentaires, et après on nous dit : « On va vous en rendre 60 en cinq ans ». Comme diraient les Anglais, « I want my money back ».

G. Leclerc : Un sondage du « Parisien » indique que 54 % des Français sont pessimistes pour cette rentrée, notamment sur le chômage, les mouvements sociaux la pauvreté. Cela vous surprend-il ?

P. de Villiers : Non, ça ne me surprend pas car la France glisse le long d’une spirale de récession. Les Français sont découragés, démotivés. Surtout depuis un an, ils ont l’impression qu’il ne se passe rien et que rien n’a changé. On a beau remplacer la gauche par la droite – j’allais faire un lapsus, c’était comme si la gauche remplaçait la droite –, il ne se passe rien. Il faut une vraie politique de l’immigration, une vraie politique de la famille. Je pense aux mères de famille qui vont aller chercher les cartables des enfants puisque cette année, l’aide diminue de 500 francs. Il faut une vraie politique de l’école, de liberté de l’école. Il faut faire les grandes réformes que le pays attend et d’abord arrêter de nous expliquer que la politique se réduit en France à une seule chose, faire la monnaie unique pour se mettre sous contrôle allemand. C’est complètement fou, c’est complètement aberrant. Il faut changer de politique.

G. Leclerc : Deux nouveaux attentats, la nuit dernière en Corse, comme toutes les nuits.

P. de Villiers : Ça aussi. Moi, je suis parti en vacances, il y avait les attentats en Corse. On revient de vacances, il y a les attentats en Corse. On a l’impression que rien ne change. Où est la police ? Les CRS ? La gendarmerie et même l’armée ? On doit rétablir l’ordre en Corse, c’est-à-dire que l’État a pour première caractéristique d’exercer l’autorité et de garantir la probité. Par les temps qui courent, exercer l’autorité, garantir la probité, si l’État fait ça, la confiance reviendra.

G. Leclerc : Gagner les élections en 1998, est-ce encore possible et à quelles conditions ?

P. de Villiers : Oui, à condition qu’il y ait une grande diversité de choix à droite, c’est-à-dire qu’il y aura des candidats du Mouvement pour la France – le mouvement que j’ai créé – qui seront l’autre voix de la majorité. La majorité silencieuse, la majorité des électeurs qui ne veulent pas du retour du socialisme et qui veulent que ça change, qu’il y ait une vraie rupture avec le socialisme.


RTL : mardi 27 août 1996

J.-M. Lefebvre : Êtes-vous toujours favorable à une autre politique qui est toujours aussi critique vis-à-vis de la politique suivie par le gouvernement Juppé ?

P. de Villiers : Je constate, comme beaucoup de Français, que la politique menée depuis un an a échoué sur le front du chômage, sur le front des déficits et sur le front de la croissance, puisque le pays glisse le long d’une spirale de récession et que beaucoup de Français sont aujourd’hui découragés. Il faut donc leur rendre l’espoir. Pourquoi cette politique a-t-elle échoué ? Parce que la croissance a été cassée par la mécanique de la monnaie unique – c’est-à-dire une politique d’argent cher – et de ponctions fiscales du pouvoir d’achat. Que faire ? Une autre politique. C’est-à-dire une autre politique qui soit une politique de relance de la croissance. Donc une autre politique monétaire, pour faire baisser les taux d’intérêt, et avoir un franc libre et conquérant pour nos exportateurs. Une autre politique européenne pour avoir un véritable arsenal de protection de nos industries – je pense à Moulinex, à Bally France, etc. Et une politique de relance de la croissance par une véritable réduction annuelle de l’impôt, plutôt que de suivre les critères de convergence de Maastricht qui font, non pas la politique de la France, mais la politique de l’Allemagne, et qui, plutôt que de nous amener à lutter contre ce qui est aujourd’hui la déflation, nous amène à lutter contre l’inflation alors qu’il n’y a plus d’inflation.

J.-M. Lefebvre : Mais comment concilier votre volonté d’abandonner la marche vers la monnaie unique avec un développement européen ? Est-ce que ce n’est pas au jour d’aujourd’hui totalement irréaliste ?

P. de Villiers : Il y a deux manières de construire l’Europe : il y a la manière la plus simple, conforme au bon sens l’Europe des nations. La France fait sa politique économique par rapport à ses besoins, par rapport à l’immense problème du chômage, avec sa monnaie. Il vaut mieux, comme les Américains, avoir une monnaie faible et une économie forte qui crée des emplois – tout comme les Anglais, ou même comme les Italiens d’une certaine manière – plutôt que d’avoir une monnaie forte, comme les Français, accroché au mark, et une économie faible. En d’autres termes, on va bientôt « mourir guéri ». On nous explique que l’alpha et l’oméga de la politique aujourd’hui en France, c’est la monnaie unique, c’est-à-dire qu’on subordonne tout le chemin économique, la vie de nos entreprises et de nos emplois, à la monnaie unique. Et quand on aura fait la monnaie unique, on sera combien de millions de chômeurs ? C’est affolant ! Il faut, aujourd’hui, changer de voie. Nous sommes dans une impasse. Il faut sortir de cette impasse. Il faut mettre la monnaie au service des hommes et non pas les hommes au service de la monnaie…

J.-M. Lefebvre : Ce qu’on a appris de ce qui s’est passé à Brégançon pendant le week-end, c’est que Jacques Chirac et Alain Juppé n’ont pas l’intention de changer de politique. C’est toujours la réduction des déficits, et l’objectif c’est la monnaie unique que certains même dans la majorité, comme François Léotard voulait qu’on fasse plus rapidement, même si on abandonnait certains critères ou si on disait que les critères n’étaient pas les tables de la loi ?

P. de Villiers : Oui, j’ai lu un papier de François Léotard qui était en deux parties. La première partie consistait à dire : la croissance est cassée par la monnaie unique. Alors, ça c’est bien. En d’autres termes, on va dans le mur. Puis la deuxième partie, c’était : il faut accélérer. Alors ça, ça me paraît tout à fait incohérent. Moi je pense au contraire qu’il faut sortir de cette impasse, et faire un autre choix, et je pense que la majorité silencieuse de tous ceux qui ont voté pour Jacques Chirac souhaite aujourd’hui une autre politique. C’est la raison pour laquelle le mouvement que j’ai l’honneur de présider, le Mouvement pour la France, entends rassembler tous les gens qui sont déçus de tout ce qui se passe aujourd’hui, qui veulent une autre politique, qu’on essaye autre chose et qui, en même temps, ne veulent pas du retour des socialistes.

J.-M. Lefebvre : Sur l’affaire des sans-papiers, vous avez félicité le gouvernement pour ses paroles et l’action ?

P. de Villiers : J’ai considéré que l’évacuation de l’église Saint-Bernard était une chose normale. Un pays qui n’a plus de droit n’est plus une communauté nationale. Il ne faut pas donner des droits ceux qui ne respectent pas le droit. Mais il faut aller plus loin aujourd’hui. Il faut lutter vraiment contre l’immigration illégale. 500 000 ou 600 000 immigrés illégaux en France, aujourd’hui, et 80 % des décisions de reconduite à la frontière ne sont pas exécutées. Il faut donc faire trois ou quatre choses simples, essentielles : il faut changer la loi sur les décisions de reconduite à la frontière pour qu’elles ne soient plus contestables devant la justice, et donc que l’autorité administrative puisse les appliquer. Il faut couper les pompes aspirantes sociales de l’immigration illégale, sinon c’est l’eldorado pour la terre entière ; il faut que les contrôles aux frontières soient rétablis et dénoncer le traité de Schengen. Et il nous faut naturellement une grande politique de coopération décentralisée notamment avec l’Afrique, sans laquelle toute politique de lutte contre l’immigration illégale est une politique de gribouille.

J.-M. Lefebvre : Un mot sur Bernard Tapie. L’homme politique annonce qu’il reste au Parlement européen, mais a pris les devants en annonçant sa démission de l’Assemblée nationale ?

P. de Villiers : Je crois qu’il y a un film qui reste à faire sur Bernard Tapie qui pourrait s’appeler « L’imposteur ». Tapie, c’est le contraire du roi Midas, ce roi de la mythologie : tout ce qu’il touchait, il le transformait en or ; lui, tout ce qu’il a touché, il l’a transformé en scandale. Alors, il y aurait un long travelling sur des décors successifs. Premier décor : l’entreprise, le magicien repreneur, le fabricant de faux bilans. Deuxième décor : le stade, les matches truqués pour le football. Troisième décor : la politique, le flambeur des médias. Quatrième décor : les salles obscures, la dernière séance. Et cinquième décor : la taule.