Interview de M. Claude Goasguen, vice-président et porte-parole de Démocratie libérale, dans "Le Journal du dimanche" du 26 décembre 1999, sur le vote des immigrés.

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Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Florence Murracciole : Pourquoi reparle-t-on aujourd’hui du vote des immigrés ?

Claude Goasguen : Parce que nous sommes à un an des élections municipales. C’est cyclique depuis une quinzaine d’années. Mitterrand était passé maître dans l’art d’agiter le chiffon rouge sous le nez de la droite. Nous assistons à la énième aventure de ce genre. Lionel Jospin, c’est vrai, n’en parle pas, mais il laisse faire le PS et les autres partis de gauche, qui, de même que ceux qui ont l’habitude de se singulariser à l’UDF, comme Gilles de Robien ou Jean-Louis Borloo, emboîtent le pas des communistes.

Florence Murracciole : Pensez-vous qu’il y ait une demande des étrangers établis en France pour voter ?

Claude Goasguen : Non. En tout cas, ce n’est pas la priorité avancée par les Algériens, Marocains ou Maliens quand on leur parle d’intégration. Par ailleurs, les Européens, qui depuis Masstricht ne sont plus des étrangers en France, ont le droit de vote sous réserve de s’inscrire sur les listes municipales. Or, ils ne sont que 5 % à user de ce droit. Cette absence d’engouement ne justifie donc ni un tel battage ni les trois propositions de loi déposées en quinze jours par la gauche. C’est de la pure agitation politicienne, d’autant qu’aucune majorité ne se dégagerait lors d’un vote au congrès. La gauche surenchérit pour conserver son électorat à la veille des municipales. Les communistes ont voulu être plus à gauche que les autres, les socialistes ont suivi immédiatement et les radicaux, pour ne pas être en reste, ont rappelé qu’eux aussi avaient, de temps en temps, des idées de gauche.

Florence Murracciole : Pourtant, d’autres pays ont donné le droit de vote aux étrangers. Pourquoi pas la France ?

Claude Goasguen : Argument fallacieux. Les pays qui ont donné aux étrangers le droit de citoyenneté pour les municipales sont en général dotés de systèmes qui rendent difficile l’acquisition de la nationalité. Les pays scandinaves, par exemple, sont proches du droit du sang. Je ne pense pas que le PC en proposant la citoyenneté aux municipales pour les étrangers, envisage de revenir sur la tradition française du droit du sol ! Quant aux Anglais, ils ont octroyé le droit de vote aux seuls membres du Commonwealth, comme l’Australie, qui vient de garder la reine d’Angleterre pour souverain. Pour l’Angleterre, les membres du Commonwealth ne sont pas des étrangers au sens propre du terme. En France, depuis 1789, c’est l’acquisition de la nationalité qui donne le droit de vote.

Florence Murracciole : Les étrangers ne sont-ils pas moins bien considéré en France que dans d’autres pays ?

Claude Goasguen : Non, car depuis 1982, avec la loi Mauroy sur les associations, les étrangers disposent des mêmes droits civils que les Français. Un étranger peut présider une association, un comité de quartier, voter au prud’hommes.

Florence Murracciole : Mais n’est-il pas trop difficile d’acquérir la nationalité française ?

Claude Goasguen : En effet. On pourrait assouplir le processus de naturalisation pour ceux qui veulent s’intégrer de cette façon, car les délais d’attente sont trop longs : cinq ans de résidence, plus dix-huit mois de procédure… que l’administration dépasse allègrement. Il faudrait diminuer non seulement les conditions juridiques d’accès à la naturalisation, mais aussi les délais administratifs. A Jean-Pierre Chevènement de donner des instructions en ce sens.

Florence Murracciole : Si les étrangers avaient le droit de vote, les politiques ne s’intéresseraient-ils pas un peu plus à eux ?

Claude Goasguen : Derrière cette affaires qui semble toucher — en apparence — aux grandes idées généreuses, il y a de petites réalités électoralistes plus sordides. Les partis de gauche, en déposant leurs propositions de loi constitutionnelle, se conduisent en nostalgiques d’un temps où le FN leur permettait de remporter les élections grâce à des triangulaires. Or le FN, et je m’en félicite, s’est effondré électoralement. Certains cherchent donc à le faire revenir à un niveau « utile » pour eux. Par ailleurs, le droit de vote des étrangers concernerait 2 millions de personnes. Si on votait ce principe — mais pour cela il faut un congrès —, nous aurions une surenchère électorale de l’ensemble des débats opposant la xénophobie des uns à la xénophobie des autres.