Interview de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, dans "L'Est républicain" le 20 juin 1998, sur le vote d'une loi sur les dates d'ouverture de la chasse contraire à une directive communautaire.

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Média : L'Est éclair

Texte intégral

Q. : Comment le ministre délégué aux Affaires européennes a-t-il réagi en voyant le Parlement voter une loi contraire à une directive communautaire ?

R. : Ce débat ne s’est pas déroulé dans les meilleures conditions. Il est parti sur des discussions entre pro-chasse et anti-chasse qui ont, sans nul doute, contribué à crisper les positions des uns et des autres. Je ne suis pas chasseur moi-même, mais j’en connais beaucoup. C’est une activité économique, un loisir et même, pour certains, une passion qu’on ne doit pas écarter d’un revers de main. En ce qui me concerne, j’aurais souhaité que cette proposition de loi soit amendée par les députés, de telle manière qu’elle soit plus « négociable » avec la commission européenne. Cela n’a pas été le cas.

Q. : Était-il possible de l’améliorer ?

R. : Certainement ! La directive en question n’est pas rigide, elle prévoit toutes sortes de dérogations, par espèces, par périodes, par zones. Et d’autres pays vivent très bien avec ce texte. J’ai manifesté clairement mon soutien à Dominique Voynet, tant au sein du Gouvernement qu’à l’extérieur, parce que sur ce dossier les préoccupations européennes et environnementales se rejoignent. Il me semblait que nous pouvions parvenir à un accord équilibré qui permette aux chasseurs de chasser, ce qui était important, mais dans des conditions qui soient compatibles avec la philosophie et la norme européennes. Or, je suis le garant, au sein du Gouvernement, de cette compatibilité entre la France et l’Union européenne. Cela dit, maintenant que cette loi a été votée, il nous faut tenter d’apaiser les relations entre les partenaires de la majorité plurielle et éviter de céder à la facilité du conflit.

Q : Le discours parfois anti-européen qui s’est exprimé à cette occasion a dû vous inquiéter…

R. : En qualité de ministre délégué aux Affaires européennes, les choses, pour moi, sont claires. Je regrette qu’on ait, dans cette affaire, semblé critiquer à bon compte l’Europe. Il ne s’agissait pas, en l’occurrence, d’une décision prise par d’obscurs technocrates à Bruxelles mais d’une directive adoptée par le conseil des ministres à l’unanimité ! France comprise, d’ailleurs, puisque c’est même elle qui avait été l’origine de l’initiative, qui avait manifesté la première le désir qu’on respecte l’environnement et la nature dans ce domaine précis. J’estime qu’on doit se montrer beaucoup plus responsable vis-à-vis de l’Europe. Je suis un partisan du principe de subsidiarité mais je pense, en même temps, qu’il ne signifie pas qu’on puisse s’abstraire « à la carte » de toute loi européenne. Sinon, ce serait un formidable retour en arrière. Je suis favorable à l’exception française mais pas à l’isolement ou au repli sur soi.

Q. : Cette fronde crée un précédent, qui risque de valoir à la France une sanction financière de 200 000 francs par jour d’infraction aux dates d’ouverture. Quels sont les recours envisageables ?

R. : Ne dramatisons pas. La loi est maintenant votée, c’est un fait. Certes, des procédures contentieuses peuvent s’ouvrir devant la Cour de justice mais elles ne surviendront pas forcément. Et si elles sont engagées, l’issue ne me paraît pas certaine. Nous disposons d’un peu de temps pour réfléchir à cette situation et, le moment venu, nous y adapter et négocier.