Texte intégral
Cher Jean-Luc MOUDENC,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les maires et présidents d'intercommunalité,
Chers élus,
Avant d'entamer mon propos, je tiens à vous remercier pour votre invitation et surtout pour votre aimable compréhension: je m'étais engagée à intervenir en conclusion de cette journée consacrée aux finances publiques.
J'ai pu compter sur votre ouverture d'esprit et votre souplesse pour me donner l'occasion de prendre la parole devant vous, non plus en clôture comme prévu, mais juste après le président de l'Assemblée nationale et avant vos travaux de l'après-midi.
Je ne serai pas trop longue, et me bornerai à vous donner quelques clés de lecture sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités que vous représentez :
1/ Vous me permettrez, en la matière, de préférer la fiabilité à l'originalité : pour les relations financières, le Gouvernement a proposé un cadre général renouvelé à son arrivée en 2017 et depuis, nous avons maintenu ce cadre.
De manière générale, pour l'ensemble des collectivités, le gouvernement a fait le choix depuis 2017 d'une stabilisation du cadre financier. Je passe très brièvement sur ce panorama, encore décrit par le rapport de la Cour des comptes qui vient de sortir :
- de manière symbolique et très significative, nous avons mis fin à la baisse des dotations (27 milliards d'euros) ;
La répartition de la DGF de cette année a permis de répartir une dotation d'intercommunalité rénovée et plus intelligible, votée en loi de finances pour 2019, mais également d'observer une stabilisation sensible des attributions individuelles pour les communes, accompagnée par une hausse mesurée de la péréquation.
- ce panorama c'est également la reconduction à un niveau sans précédent des aides à l'investissement du bloc communal (DSIL, créée en 2016, pour 570 M€ et DETR, dont le montant a augmenté de +40% depuis 2015, à plus d'un milliard d'euros),
- avec pour conséquence, une amélioration de la situation financière des collectivités en 2018. Avec des collectivités tournées de manière évidente vers l'investissement.
2/ A cela s'ajoute bien évidemment la contractualisation financière. Ce sera mon deuxième point.
Nous avons beaucoup échangé avec France urbaine sur la contractualisation financière qui porte sur la croissance des dépenses de fonctionnement des plus importantes collectivités.
Je n'ai pas besoin de rappeler que c'est une idée que vous portiez :
- un mécanisme vertueux permettant aux décideurs locaux de choisir la manière dont ils atteignent l'objectif de dépense ;
- un mécanisme vertueux qui fait participer les grandes collectivités à l'effort de bonne gestion du pays pour lequel l'Etat est souvent considéré comme le seul interlocuteur de Bruxelles. Or, vous le savez bien, l'examen de la dépense publique est global, et l'effort du secteur local n'est pas négligeable dans la réussite du redressement des comptes de la Nation.
En un mot, après une année complète de mise en oeuvre, la contractualisation dite de « Cahors » est un succès et j'aurai très prochainement l'occasion de vous présenter les résultats du premier exercice avec Olivier Dussopt.
Le comité de suivi se réunira mardi prochain (2 juillet) en présence de France urbaine, pour :
- faire le bilan de l'exercice écoulé,
- passer ensemble en revue les points d'amélioration que vous envisagez
- et préparer -déjà- la prochaine génération de contrats. Je crois qu'il n'est pas trop tôt pour parler de ce qui sera fait à compter de 2021.
Ma conviction est qu'il faut tirer les enseignements de cette première année sans fragiliser le dispositif. Beaucoup d'échanges ont eu lieu depuis les premiers comités de suivi : j'ai encouragé mes services à faire preuve d'ouverture.
J'ai en tête la méthode des panels avec des collectivités-test et la construction d'une doctrine riche mais appliquée uniformément par les préfectures et les DDFIP. Ce sont autant de points que je considère comme très positifs.
3/ J'en viens maintenant au sujet le plus « brûlant » du moment : la réforme de la fiscalité locale
J'ai vu que vous y consacriez une table-ronde, c'est bien le moins pour une telle réforme !
Nous nous sommes rencontrés la semaine dernière à Bercy avec François REBSAMEN et Olivier CARRE (et les équipes de France urbaine) pour parler de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et des modalités de sa compensation pour les collectivités.
1/Tout d'abord je voudrais rappeler que c'est une baisse d'impôts sans précédent pour tous les Français. Cela paraît une évidence, mais je tiens à le rappeler.
2/C'est donc aussi un enjeu de finances publiques majeur : ne pas recréer d'impôt tout en garantissant la soutenabilité de la réforme. D'habitude, dans notre pays, on crée de nouveaux impôts plutôt qu'on en supprime : on n'a jamais supprimé plus de 20 Md€ d'impôt sans les remplacer par quelque prélèvement que ce soit.
3/Un principe simple : l'Etat assumera la compensation intégrale des collectivités sur ses propres ressources et supportera le coût de cette suppression d'impôt sans précédent
4/Quant au schéma de financement des collectivités que j'ai présenté avec Gérald Darmanin la semaine dernière, il correspond pour l'essentiel à ce qui est sur la table depuis les premières orientations données à la CNT de juillet 2018. Pour le bloc communal, il est envisagé :
1/ que les communes perçoivent l'actuelle fraction départementale de taxe foncière ;
2/ que les EPCI conservent la taxe foncière qui leur est actuellement affectée ;
3/ et qu'en remplacement des 7,6 Mds€ de taxe d'habitation que touchent les intercommunalités aujourd'hui, leur soit affecté une fraction d'impôt national dynamique, de la TVA.
Pour les communes :
- C'est un choix de lisibilité : Désormais, la TFPB sera perçue uniquement par le bloc communal (commune et EPCI).
C'est un choix de responsabilité : avec le maintien du « pouvoir fiscal » des maires. Les élus de proximité doivent être en mesure de faire leurs choix, en toute responsabilité. Nous avons entendu la demande de conserver un levier de taux.
- Les masses financières n'étant pas ajustées communes par communes et afin de respecter la promesse de compensation à l'euro près nous travaillons avec les services de Bercy et de la DGCL à la mise en place d'un mécanisme innovant de garantie de compensation, qui évite de passer par un fonds et de reproduire les difficultés de la réforme de la taxe professionnelle.
Plusieurs options sont envisageables pour faire fonctionner cette compensation et doivent être discutées. C'est précisément l'objet des réunions de travail que mes services auront avec votre association que de préciser les modalités les plus satisfaisantes pour les collectivités.
- La TFPB est un impôt éminemment local qui favorise les « maires bâtisseurs », même si je connais vos craintes dans les communes pour lesquelles la taxe d'habitation est actuellement supérieure à la taxe foncière départementale. Il reste, au sein de la réforme, à élaborer des mécanismes pour continuer à encourager la construction, là encore, travaillons-y ensemble.
Pour les intercommunalités :
Nous privilégions une fraction de TVA, à l'instar de ce qui existe depuis l'an dernier pour les régions.
C'est une ressource pérenne, dynamique, de compréhension simple et protectrice pour les intercommunalités qui, dans certains territoires, je le rappelle ici, ne peuvent pas espérer de fortes dynamiques des bases locales ou dont le pouvoir de taux est limité (car la population est fragile).
Je le sais, ce n'est pas le scénario privilégié par France urbaine, qui le juge peu responsabilisant et moins en lien avec les compétences des EPCI que la CVAE et la TFPB. Mais je voudrais rappeler que la CVAE ne va pas sans une forte volatilité, ce qui rend l'impôt peu lisible, et qu'affecter des ressources autres que nationales aurait conduit à dupliquer pour les EPCI les mécanismes de correction que nous prévoyons et à construire un système peu lisible.
Enfin, le calendrier de cette réforme est conçu pour les élus : le nouveau panier de ressources sera inscrit dans la prochaine loi de finances (PLF pour 2020) et entrera en vigueur au 1er janvier 2021, à temps pour le premier véritable budget des nouvelles équipes communales et intercommunales.
Le calendrier retenu, avec une entrée en vigueur prévue dans un an et demi, nous offre la possibilité le cas échéant de corriger la réforme en 2020, je pense que c'est une garantie que ce qui s'appliquera à compter de 2021 sera viable et pertinent.
4/ J'ai essayé de dresser à grands traits la philosophie du gouvernement en matière de ressources financières des collectivités locale : responsabilité, stabilité, prévisibilité. Je ne serais pas complète si je n'ajoutais pour conclure le mot solidarité.
Les efforts de péréquation sont essentiels pour que la « cohésion des territoires » puisse être une réalité. Il existe plusieurs formes de péréquation : verticale, horizontale, nationale, francilienne, obligatoire, voulue, financière, de projet…
Je crois que la stabilité choisie pour le FPIC et la hausse mesurée de la péréquation au sein de la DGF, ont permis de ne pas fragiliser les contributeurs, sans obérer les capacités de la péréquation.
Une chose est certaine : pour l'avenir, une fois les ressources fiscales modifiées par la réforme que je viens de vous présenter, il faudra s'atteler à la tâche des indicateurs de richesse, pour moderniser, fiabiliser et rendre plus pertinente la définition financière des collectivités. De ces indicateurs naîtront de nouvelles répartitions des dotations et une péréquation à rénover. Et une solidarité locale à inventer, j'en suis convaincue.
C'est un horizon un peu plus lointain, 2022, l'année après l'entrée en vigueur du nouveau panier de ressources des collectivités, mais je tenais à terminer par cette réflexion un peu plus éloignée dans le temps, pour vous assurer que nous pensons au temps long et aux conséquences de nos réformes.
Je vous remercie.
Source http://franceurbaine.org, le 22 juillet 2019