Texte intégral
AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Bonjour.
AUDREY CRESPO-MARA
L'Arc de Triomphe saccagé. La porte d'un ministère défoncée, la maison du président de l'Assemblée incendiée. Alain FINKIELFRAUT agressé parce qu'il est juif. Faut-il, comme le demande Eric CIOTTI, interdire les manifestations des gilets jaunes ?
MARC FESNEAU
En tout cas, ça n'a pas été la stratégie du gouvernement…
AUDREY CRESPO-MARA
A tort ?
MARC FESNEAU
Le droit de manifester est un droit intangible, pourra se poser un moment la question de savoir si, compte tenu des troubles à l'ordre public, ce, d'autant que la plupart de ces manifestations ne sont pas déclarées ou alors, on déclare un parcours, et on en fait un autre, il y a des mesures d'ordre public qui sont déjà prises, on verra s'il faut graduer la réponse. Le droit de manifester…
AUDREY CRESPO-MARA
On verra, on attend encore ?
MARC FESNEAU
Non, le droit de manifester est un droit intangible, c'est une tradition française, si je peux dire, et c'est constitutionnellement garanti. Simplement, il y a des forces de l'ordre qui sont là pour faire en sorte que l'ordre public soit respecté, et c'est bien ça qui compte, et c'est ça le plus important. Evidemment, vous avez fait une liste assez longue, et on aurait pu ajouter beaucoup d'autres faits qui sont très graves et qui posent des questions d'ordre public…
AUDREY CRESPO-MARA
Jean-Luc MELENCHON affirme qu'autour d'Alain FINKIELKRAUT, il y avait aussi des gilets jaunes qui voulaient le défendre et s'opposer à l'attaque, autrement dit, le gouvernement n'instrumentalise-t-il pas l'antisémitisme ?
MARC FESNEAU
Mais il faut que monsieur MELENCHON regarde les vidéos d'un certain nombre de faits qui se sont déroulés depuis des semaines, et constater qu'il n'y a pas d'instrumentalisation, d'abord, comment pourrait-il y en avoir une, et simplement, ce sont des faits. Et ce n'est pas la peine de dire à chaque fois : oui, j'en ai vu un ou deux ou j'en ai vu trois qui ont essayé d'éviter tel ou tel mouvement j'ai vu aussi ce week-end des gens qui ont essayé de lyncher une camionnette de police, il n'y a pas une question d'instrumentalisation, il y a une violence qui est exacerbée, il y a un certain nombre de gens chez les gilets jaunes, il faut le dire aussi, qui ont des attitudes qui sont absolument déplorables et inconcevables d'ailleurs en démocratie et qu'il faut condamner, ce n'est pas la peine de chercher, parce qu'il y aurait des gens qui s'opposeraient à ça, de ne pas regarder aussi l'essentiel, c'est-à-dire qu'il y a un certain nombre de gens dans les manifestations des gilets jaunes, et pas des gens qui sont forcément extérieurs, qui procèdent à des actes qui sont insupportables.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous aimeriez que les figures des gilets jaunes se désolidarisent de cette agression ?
MARC FESNEAU
Eh bien, on les a entendues beaucoup pour dire des choses sur les plateaux. On aimerait qu'ils viennent se désolidariser d'un certain nombre de faits de violences qu'on a vus, il y a eu une permanence d'un député qui a été saccagée, vous avez cité un certain nombre d'autres faits, jamais on ne les entend prendre la parole sous le motif que le gilet jaune donnerait une espèce d'immunité générale à ceux qui manifestent, non, il n'y pas d'immunité générale quand on fait des actes qui sont répréhensibles, il faut d'abord les condamner, c'est la responsabilité d'un certain nombre de responsables, entre guillemets, des gilets jaunes, parce que je ne vois pas beaucoup de responsabilités, je vois beaucoup d'irresponsabilités, et c'est notre responsabilité collective de les condamner.
AUDREY CRESPO-MARA
Pensez-vous que les figures des gilets jaunes sont donc davantage de dangereux révolutionnaire que de braves gens qui se battent pour remplir leur frigo ?
MARC FESNEAU
Enfin, moi, je n'ai pas entendu, dans les propos qu'ils ont tenus, j'ai entendu monsieur CHALENÇON qui appelait à l'insurrection et qui dit que les brigades paramilitaires étaient prêtes, j'ai entendu un certain nombre de gens parmi eux, parmi les responsables, qui parlaient dictature, c'est eux qui sont en train d'essayer d'organiser un pays qui soit un pays dictatorial, un pays où finalement, on n'a plus le droit d'exercer sa profession, je pense à la profession de la presse, on n'a plus le droit d'exercer son métier ou son travail de parlementaire ou d'élu local simplement parce qu'on est à la pression d'un certain nombre de gens, et ça, c'est inacceptable.
AUDREY CRESPO-MARA
Marc FESNEAU, en tant que ministre, vous rendrez-vous demain à la manifestation contre l'antisémitisme ?
MARC FESNEAU
Oui, je pense que c'est la responsabilité de l'exécutif, des ministres, des parlementaires que de s'y rendre, parce que je pense qu'il faut…
AUDREY CRESPO-MARA
Donc tout le gouvernement s'y rendra ?
MARC FESNEAU
Oui, on verra comment on organise les choses, il y a toujours des sujets de sécurité, mais en tout cas, la volonté gouvernementale, c'est bien d'y être présent pour marquer l'unité nationale derrière des faits qui sont incroyables et qu'on voit se multiplier de semaine en semaine ; il y a quelque chose de latent, il faut qu'on mette un coup d'arrêt à ces éléments-là pour mettre hors de la société, au sens politique du terme, ceux qui s'expriment de cette façon-là.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc on peut s'attendre à une image forte, tous les ministres côte à côte demain ?
MARC FESNEAU
Mais je pense qu'il faut qu'on ait une image forte, mais il n'y a pas que les ministres, c'est une initiative des partis politiques…
AUDREY CRESPO-MARA
Le Premier ministre, le président aussi ?
MARC FESNEAU
Je pense que ça n'est pas une affaire : gouvernement ou pas gouvernement, c'est une affaire de la société française qui doit se défendre contre ceux qui, au fond, en attaquant FINKIELKRAUT ou en attaquant telle ou telle communauté, font défaut à ce qui est l'image et ce qui est la France.
AUDREY CRESPO-MARA
On peut s'attendre à voir le Premier ministre et le président de la République ?
MARC FESNEAU
On verra, on verra, on verra, c'est eux qui détermineront leur choix, ce n'est pas à moi de le dire.
AUDREY CRESPO-MARA
Marc FESNEAU, plus de 80 parlementaires ont été agressés ou menacés de mort, l'antiparlementarisme est intolérable, l'antisémitisme est intolérable, et pourtant, les gilets jaunes attaqueront dans cinq jours leur 15ème samedi de mobilisation qui donnera lieu à de nouveaux débordements, faut-il en déduire qu'Emmanuel MACRON ne sait pas défendre la démocratie ?
MARC FESNEAU
Ecoutez, c'est ce que nous faisons depuis trois mois, donc s'il y a bien quelque chose qu'on peut constater, c'est notre volonté à la fois de laisser s'exprimer ce que peuvent être des revendications légitimes, et par ailleurs, de défendre la démocratie, ses symboles et ceux qui la repr��sentent, et ceux qui la font vivre, et j'ai entendu…
AUDREY CRESPO-MARA
Il y a des symboles malmenés…
MARC FESNEAU
J'ai entendu monsieur DUPONT-AIGNAN sur des ondes dire qu'il appelait une foule lors d'une manifestation à ne pas laisser sortir vivants – vous entendez mes mots – à ne pas laisser sortir vivants des députés, parce qu'ils voteraient une loi Pacte, ça, c'est de l'irresponsabilité, mais c'est plus grave que de l'irresponsabilité. Alors…
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, il appelle effectivement à ne pas laisser repartir vivants les députés En Marche s'ils votent la loi Pacte, du second degré, assure-t-il…
MARC FESNEAU
Oui, il n'y a pas de second degré dans la période qu'on vit, c'est une incitation, d'une certaine façon, à la haine à l'endroit des parlementaires, il n'y a pas de second degré…
AUDREY CRESPO-MARA
Il est lui-même député…
MARC FESNEAU
Monsieur DUPONT-AIGNAN n'est plus dans le second degré, et ce n'est pas la peine qu'il se cache derrière le second degré pour justifier des propos qui sont inqualifiables, parce que quand vous dites ça, vous accréditez toutes les thèses, et donc ça, c'est inacceptable en démocratie, et je pense que monsieur DUPONT-AIGNAN prend une très lourde responsabilité en jetant à la vindicte populaire. Et puis, ça a un deuxième effet, c'est, en gros, et finalement, de dire aux parlementaires : vous êtes sous la menace physique de ceux qui vous regardent, et donc si vous ne votez pas comme ils le veulent, et c'est une minorité, et si vous ne votez pas comme ceux qui le veulent, eh bien, vous serez menacés physiquement, dans quelle démocratie on vit, quelle démocratie peut supporter qu'on menace à ce point la liberté de choix, la liberté de vote…
AUDREY CRESPO-MARA
Il est député lui-même, je le rappelle…
MARC FESNEAU
Oui, et c'est d'autant plus grave qu'il est député lui-même, la liberté de vote d'un parlementaire, c'est un élément fondamental d'une démocratie, il vote en conscience, et donc en faisant ça, monsieur DUPONT-AIGNAN essaye de menacer les consciences et d'empêcher la démocratie de fonctionner.
AUDREY CRESPO-MARA
Marc FESNEAU, vous êtes le ministre chargé des Relations avec le Parlement, les 40 % de Français qui ont voté Marine LE PEN et Jean-Luc MELENCHON au premier tour de la présidentielle ne sont représentés que par 4 % des députés, ça veut dire que lorsque l'opposition est mal représentée à l'Assemblée, peu représentée, elle s'exprime dans la rue ?
MARC FESNEAU
Pas forcément, mais en tout cas, la question de la représentation de la pluralité des opinions françaises est une question posée, c'est d'ailleurs la question qui est posée y compris au travers du grand débat national, l'occasion quand même de saluer les millions et les centaines de millions de Français qui jouent le jeu du grand débat contrairement à ceux qui, dans la rue, procèdent de la façon dont on a pu le décrire tout à l'heure, et je pense que la question de la proportionnelle est posée pour mieux représenter le pluralisme politique.
AUDREY CRESPO-MARA
Parce que le Rassemblement national – premier parti d'opposition en France – n'a pas assez de députés aujourd'hui pour former un groupe parlementaire…
MARC FESNEAU
Absolument, absolument.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous trouvez ça peut démocratique ?
MARC FESNEAU
Mais moi, j'ai siégé dans une assemblée régionale où le Front national était représenté au travers d'un groupe, moi, je trouve ça assez légitime dès lors que les Français leur ont accordé leurs suffrages qu'ils puissent s'exprimer, je préfère les avoir en face de moi pour combattre leurs idées, pour combattre d'ailleurs leurs dérives, et parfois, combattre leurs incohérences, plutôt que les avoir finalement tapis dans l'ombre et profitant… et se victimisant eux-mêmes d'une absence de représentation.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc vous appelez de vos voeux la proportionnelle…
MARC FESNEAU
Oui, je crois que c'était un engagement du président de la République pour ce motif-là, pour que chaque Français puisse avoir le sentiment qu'une part de lui-même est représentée, une part de ce qu'il pense est représentée à l'Assemblée nationale.
AUDREY CRESPO-MARA
Et quand est-ce que ça peut être envisagé, très concrètement ?
MARC FESNEAU
Eh bien, à l'issue du grand débat, il y aura un certain nombre de propositions, notamment de propositions institutionnelles, ça n'est pas l'alpha et l'oméga, c'est un des éléments de la réponse institutionnelle qu'il faudra qu'on porte. Attendons quelques semaines, et il y aura des propositions qui seront faites.
AUDREY CRESPO-MARA
La proportionnelle sera parmi les questions du référendum ?
MARC FESNEAU
Je vous rappelle qu'elle était déjà dans les textes qui ont été interrompus l'été dernier, et donc elle était sur la table.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais elle pourrait être…
MARC FESNEAU
Elle pourrait être au travers du référendum, mais on a une démocratie représentative, il faut faire vivre la démocratie représentative, et c'est bien que les lois soient votées au Parlement aussi.
AUDREY CRESPO-MARA
Merci Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2019