Déclaration de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2024, à Paris le 27 septembre 2023.

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Circonstance : Examen PLF 2024

Texte intégral

Je suis très heureux de partager avec vous ce projet de budget 2024 que nous allons présenter avec Bruno Le Maire en conseil des ministres ce matin. Ce budget est le résultat d'une méthode, celle du dialogue, d'un esprit, celui de la responsabilité et d'une boussole, agir pour l'avenir.

1/ D'abord, le projet de loi de finances pour 2024 consacre la transition écologique comme une priorité absolue

Avec ce budget, nous permettons un financement historique de la transition écologique. A côté de notre dette financière, nous avons une dette écologique à laquelle ce budget permet de s'attaquer. Le projet de loi de finances prévoit l'investissement supplémentaire de 10 milliards d'euros annoncé par le Président de la République et la Première Ministre dans le cadre de notre stratégie de planification écologique. Ces 10 milliards d'euros se traduisent par une hausse des crédits de paiement de 7 milliards d'euros en 2024. Ce chiffre ne tombe pas du ciel : il correspond à la mise en œuvre de la trajectoire de planification écologique annoncée par la Première Ministre.

Je vous donne des exemples très concrets :

• en matière de transports, nous permettrons la construction des RER métropolitains dans le cadre de la prochaine génération de contrats État-Régions ;
• pour l'État, 550 M€ pourront être engagés dès 2024 pour la rénovation thermique des bâtiments ;
• pour l'agriculture, un exemple parmi bien d'autres est celui du plan haies, qui bénéficiera de 110 millions d'euros d'engagements ;
• Le fonds chaleur recevra 300 millions d'euros supplémentaires ;
• nos collectivités bénéficieront aussi de cet investissement : le fonds vert est pérennisé, à hauteur de 2,5 milliards d'euros, dont 500 millions d'euros pour la rénovation des écoles comme annoncé par le Président de la République.

Nous inciterons les acteurs à s'engager en faveur de la transition écologique, en créant un crédit d'impôt pour l'investissement dans l'industrie verte pour soutenir la décarbonation de notre industrie, mais aussi en renforçant les malus automobiles pour les voitures les plus polluantes.

Nous cherchons à amplifier tous les leviers de financement de la transition écologique, notamment en mettant à contribution les gestionnaires des infrastructures des transports les plus émetteurs pour financer les transports décarbonés.

Cette étape franchie en 2024 pour la transition écologique est un engagement de long terme. Lundi, lors de l'examen en commission des finances du projet de loi de programmation des finances publiques, j'ai donné un avis favorable à un amendement qui prévoit l'établissement d'une stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique. Nous y sommes très favorables, parce que nous devons à nos concitoyens une visibilité sur les moyens qui seront consacrés à la résorption de notre dette écologique.

Les collectivités ont aussi un rôle majeur à jouer. Nous travaillons avec les associations d'élus pour permettre la généralisation des budgets verts dans les collectivités territoriales. L'enjeu est de nous doter d'une boussole commune.

2/ Ce budget 2024 est aussi celui du réarmement des services publics pour nos concitoyens

Nous investissons massivement dans nos services publics qui sont garants de notre cohésion nationale. L'augmentation est de :

• 3,9 milliards d'euros pour l'Éducation nationale ;
• 1 milliard d'euros en tout pour la recherche et l'enseignement supérieur ;
• 3,3 milliards d'euros pour nos Armées ;
• 1 milliard d'euros pour le ministère de l'Intérieur ;
• 500 millions d'euros pour notre Justice.

Par exemple, nous apportons les financements pour augmenter la rémunération de tous les enseignants. Dans l'armée, le budget permet la poursuite du programme d'investissement dans les matériels prévus dans le cadre de la loi de programmation militaire. Au ministère de l'intérieur, l'acquisition de matériels comme des caméras de protection ou des drones, est prévue pour mettre en œuvre le dispositif exceptionnel de sécurité en vue des jeux olympiques et paralympiques.

Mais au-delà des chiffres, le service public, ce sont des femmes et des hommes. Ce budget 2024 va permettre de recruter près de 8 770 personnes supplémentaires : 6 700 agents publics supplémentaires dans l'État et 1 580 dans les opérateurs de l'État. La justice bénéficiera de plus de 1 900 postes en plus pour réduire les délais des procédures. Dans la police, ce seront plus de 2 600 femmes et hommes en plus sur le terrain, pour protéger nos concitoyens. Pour mettre en œuvre la transition écologique, le projet de loi de finances permet aussi l'augmentation du nombre d'agents au sein du ministère de la transition écologique et de ses opérateurs soit la création de plus de 700 ETP. S'il en était besoin, ces créations sont une réponse à ceux qui nous reprochent d'avoir délaissé nos services publics : rien n'est plus faux.

Et enfin, qu'on arrête d'opposer l'État et les collectivités. Nous portons ensemble les services publics : les concours financiers de l'État aux collectivités s'élèvent à 54,79 Md€ en 2024, et la dotation globale de fonctionnement augmentera à nouveau de 220 millions d'euros, après une hausse en 2023 qui était la première depuis 12 ans. Dès cet exercice budgétaire, pour renforcer les capacités d'investissement des collectivités, nous étendons le fonds de compensation de la TVA aux dépenses d'aménagement. Cela répond à une demande des élus locaux et représente un effort de 250 millions d'euros pour soutenir l'investissement local. Cet appui que nous apportons aux collectivités doit aller de pair avec la réduction du coût des doublons entre l'État, les opérateurs et les collectivités, et avec la réduction du coût des normes. Nous lancerons prochainement une grande mission sur ce sujet.

3/ Ce projet de loi de finances, ce sont aussi de grands équilibres avec un cap clair : celui de la réduction des déficits publics

Investir pour l'avenir, c'est aussi maîtriser nos comptes publics. Si l'État a pu protéger c'est qu'il avait réduit son déficit en 2018 à 2,3 %. Un État qui consacre plus aux intérêts de la dette qu'au budget de l'Éducation nationale, ce qui sera le cas en 2027, ne peut plus prétendre être tourné vers l'avenir.

Les dépenses de l'État vont passer de 496,1 Mds€ à 490,9Mds€. Cette baisse de 5,2Mds€ entre 2023 et 2024 représente 3,6% en volume, ce qui est historique.

La baisse des dépenses de l'État s'explique d'abord par la sortie des dispositifs de crise. Les mesures exceptionnelles mises en place au plus haut de la crise énergétique ne sont pas éternelles, nous n'en avons pas les moyens. Nous dépenserons 14 milliards d'euros de moins sur les mesures exceptionnelles en 2024.

Et en même temps nous luttons contre la vie chère et redonnons du pouvoir d'achat aux Français. C'est pour cela que nous revalorisons les tranches du barème de l'impôt sur le revenu. Avec la revalorisation des pensions et des minimas nous faisons ainsi le choix de dépenser 25 Mds€ pour protéger les Français : c'est un véritable bouclier contre l'inflation.

Les économies sur le budget 2024 viennent aussi des réformes structurelles : nous ferons 350 millions d'euros d'économies sur la politique de l'emploi, en cohérence avec la réduction de notre chômage et plus de 500 millions d'euros en améliorant l'efficience de la politique de formation professionnelle.

Le déficit budgétaire de l'État va baisser de 165 à 145 Mds€. Nous tiendrons ainsi la cible des 4,4 % de solde public en 2024. Nous poursuivons, de manière méthodique, le redressement progressif de nos comptes publics.

Nous devrons continuer sur cette lancée pour les prochaines années. Notre trajectoire prévoit que nous fassions 12 Md€ d'économies en 2025. Cet effort est très conséquent et doit être partagé entre l'État et la sécurité sociale.

Aujourd'hui nous présentons aussi en conseil des ministres le PLFSS, qui représente un enjeu majeur de maîtrise pour la maîtrise de nos finances. La sécurité sociale, représente plus de 45 % de la dépense publique. Avec l'extinction des mesures de crise, le solde de la sécurité sociale s'améliore très nettement en 2023, le montant du déficit étant divisé par plus de deux par rapport à 2022 et s'établissant à 8,8 Md€. Toutefois, la trajectoire, même si elle s'améliorera grâce à la réforme des retraites, devrait voir le déficit s'accentuer progressivement pour atteindre 17 Md€ en 2027. Cela s'explique par une dynamique très forte de la dépense dans les différentes branches. Concernant les dépenses d'assurance maladie en particulier, nous avons fixé une cible de hausse des dépenses de 3,2 % en 2024. C'est supérieur à l'inflation. Pour tenir cet objectif, nécessaire à la soutenabilité du système, l'ONDAM prévoit 3,5 Md€ d'économies. Ces économies passent notamment par une régulation des dépenses de santé, par exemple en termes de consommation de médicaments. Avec Aurélien Rousseau, nous y sommes très attachés.

4/ Ce PLF est aussi un PLF anti-fraude

Avant d'être un enjeu financier, la lutte contre la fraude est un enjeu de cohésion et de justice sociale. Il n'y a pas de consentement à l'impôt si l'État n'est pas en mesure de garantir à nos concitoyens que tous ceux qui doivent payer des impôts les payent effectivement

Le projet loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale vont instaurer une dizaine d'outils juridiques supplémentaires pour mieux lutter contre la fraude :

- face à la nouvelle donne numérique, nos administrations pourront déréférencer les vendeurs des plateformes numériques qui ne respectent pas leurs obligations fiscales ou permettre aux agents de mener des cyber-enquêtes sous pseudonyme. Par ailleurs, nous lutterons contre ceux qui achètent à l'étranger sur internet et revendent en France sans payer la TVA ;
- nous créerons une peine complémentaire de privation du bénéfice des crédits et réductions d'impôt pour les particuliers condamnés pour fraude fiscale ;
- nous mettrons en place un nouveau délit d'incitation à la fraude fiscale, afin de poursuivre tous les intermédiaires qui proposent des montages d'évasion fiscale, sans attendre la condamnation de leurs clients. C'est une manière d'empêcher la fraude à la source pour ceux qui vendent la fraude. Ce délit concernera aussi les personnes promouvant la fraude aux aides sociales, comme l'a fait récemment un Youtuber : nous y travaillons.
- Nous créerons une sanction administrative pour lutter contre la fraude aux aides publiques.
- nous mettrons aussi en place dans le PLFSS le précompte des cotisations des travailleurs de plateformes pour leur créer des droits et éviter la fraude ;
- une mesure renforcera aussi le contrôle des arrêts maladie dans le PLFSS.

En parallèle de la création de 1 500 postes au sein du contrôle fiscal à Bercy d'ici 2027, on prévoit l'arrivée de 1 000 agents supplémentaires chargés de la lutte contre la fraude au sein des caisses de Sécurité sociale.

Enfin, nous devons renforcer la sécurité des agents qui effectuent les contrôles, en permettant la délocalisation de certains contrôles et en assouplissant la procédure d'anonymisation des contrôles. C'est une évolution essentielle après le drame que nous avons connu l'an dernier [l'assassinat le 21 novembre 2022 de Ludovic Montuelle, chef de brigade à Arras].

Il s'agit là des mesures que nous proposons dès le texte initial. Mais nous sommes prêts à l'enrichir ! Lors des dialogues de Bercy, la lutte contre la fraude a été évoquée par la plupart des participants. Il a été proposé de pérenniser le dispositif des "aviseurs fiscaux" : nous y sommes favorables car ils jouent un rôle important, nous allons la reprendre.

5/ Enfin, ce PLF est une méthode, celle du dialogue

Je suis attaché à cette méthode du dialogue : c'est pourquoi, depuis mon arrivée j'ai réuni les parlementaires de tous bords, lors des dialogues de Bercy ou de réunions bilatérales, mais aussi lors de multiples échanges préalables avec toutes les parties prenantes : les associations d'élus, les entreprises, les Français, j'ai souhaité construire notre projet avec tous.

Lundi en commission des finances sur le projet de loi de programmation des finances publiques nous avons donné un avis favorable à quinze amendements de la majorité et des oppositions, qui encadrent mieux les niches fiscales, par exemple.

C'est aussi main dans la main avec les collectivités territoriales que nous avons travaillé ce budget. Dans l'esprit du "pacte girondin" du président de la République, nous avons créé avec Bruno Le Maire le Haut Conseil aux finances publiques locales pour échanger d'égal à égal entre l'État et les collectivités locales.

S'agissant du PLF, plusieurs thématiques sont ressorties fortement de nos dialogues : par exemple la question du logement, et la question de la justice fiscale. Nous sommes ouverts à des propositions : texte que vous avez dans les mains est le texte initial, ce n'est pas le texte final.

Je vous remercie.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2023