Interview de M. Thomas Cazenave, ministre délégué, chargé des comptes publics, à Sud Radio le 22 novembre 2023, sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et les économies en matière de finances publiques.

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Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bonjour à toutes et à tous, merci d'être avec nous. Nous sommes en direct du Salon des maires de France sur le stand de la Confédération des buralistes. Vous le savez, vous avez le droit de savoir, parlons vrai avec notre invité ce matin, Thierry CAZENAVE (sic) qui est ministre délégué chargé des Comptes publics. Bonjour.

THOMAS CAZENAVE
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
En fait, vous êtes chargé de l'argent de l'Etat, notre argent.

THOMAS CAZENAVE
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes chargé de notre argent, de bien le dépenser, de bien l'utiliser surtout.

THOMAS CAZENAVE
Je veille à l'argent des contribuables.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Alors regardons l'actualité qui vous concerne. Le budget de la Sécurité sociale, le fameux PLFSS, adopté hier au Sénat, bientôt retour à l'Assemblée nationale. Thierry CAZENAVE (sic), les sénateurs ont changé un peu votre texte, l'ont modifié. Ils ont par exemple écrit que l'Etat ne devait pas ponctionner l'AGIRC et l'ARRCO, les retraites complémentaires, ni l'UNEDIC, vous vous conformez à cela ? Vous ne ponctionnerez pas AGIRC-ARRCO et UNEDIC.

THOMAS CAZENAVE
Il y a plusieurs sujets. L'AGIRC-ARRCO, on a annoncé que les partenaires sociaux voulaient dialoguer, négocier et nous privilégions depuis le début - nous l'avons dit - le dialogue social pour voir comment l'AGIRC-ARRCO va pouvoir contribuer aux régimes de solidarité, au financement des petites retraites. Pourquoi ? Parce que la réforme des retraites, décaler de deux ans l'âge de départ à la retraite, génère des recettes supplémentaires pour l'AGIRC-ARRCO donc ce n'est pas anormal de dire comment ces recettes supplémentaires peuvent participer au financement des petites retraites.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que vous allez ponctionner les comptes de l'AGIRC-ARRCO.

THOMAS CAZENAVE
Ça veut dire que nous avons demandé aux partenaires sociaux qui l'ont accepté de discuter, de négocier.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous, votre position reste la même. Ça représenterait combien la ponction ?

THOMAS CAZENAVE
Il s'agit que l'AGIRC-ARRCO contribue au financement de la solidarité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous voulez que l'AGIRC-ARRCO contribue.

THOMAS CAZENAVE
Absolument, et nous avons toujours dit la même chose. Et sans prélever dans le PLFSS, nous avons renvoyé ça à la négociation. Ils ont ouvert la négociation, ils ont d'ailleurs un rendez-vous qui est prévu.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien la contribution ?

THOMAS CAZENAVE
C'est aux partenaires sociaux de le définir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y aura contribution.

THOMAS CAZENAVE
Oui, il y aura contribution.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est très important. Vous avez entendu, c'est une information : il y aura contribution. Le doublement des franchises médicales, oui ou non ?

THOMAS CAZENAVE
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit des économies. Pourquoi il prévoit des économies ? Moi, je tiens à notre modèle social. La pérennité de notre modèle social, c'est que nous le financions et nous devons faire des économies. Nous avons prévu 3,5 milliards d'euros d'économies, donc 1,3 milliard au titre des transports sanitaires, de la participation des laboratoires, baisse des prix des médicaments.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc moins de remboursements de soins.

THOMAS CAZENAVE
Non. Alors l'idée c'est quoi ? C'est nous avons une franchise qui existe. Elle a été créée en 2008, il y a plus de vingt ans, 50 centimes sur les boîtes de médicaments. Ni les gouvernements de droite ni les gouvernements de gauche ne l'ont remis en question, elle n'a jamais été revue. Est-ce qu'on peut l'augmenter de 50 centimes pour faciliter la contribution…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites oui ?

THOMAS CAZENAVE
Oui, en disant une chose : nous ne voulons pas pénaliser les personnes en affection de longue durée, ne pas pénaliser les enfants. Donc comment est-ce que les uns et les autres on contribue à la pérennité de notre modèle ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura donc un doublement des franchises médicales.

THOMAS CAZENAVE
Il n'y aura pas, tant que la discussion et la négociation n'aura pas été menée à son terme par le ministre de la Santé. Je le rappelle, ce n'est pas du domaine de la loi, c'est un arrêté du ministre de la Santé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais. La taxe dite lapin visant à pénaliser les patients qui n'honoreraient pas leurs rendez-vous médicaux, vous y êtes favorable ? Est-ce que le gouvernement y est favorable ?

THOMAS CAZENAVE
Moi, je trouve qu'il y a quand même un gâchis énorme et je partage ce problème soulevé par les médecins, c'est qu'il y a des rendez-vous qui sont pris qui ne sont pas honorés. Donc comment on fait pour que ces rendez-vous soient honorés, et quand ils ne sont pas honorés, comment on permet aussi d'une certaine manière aux patients de dire " ce n'est pas normal, il faut pouvoir y participer, c'est du temps perdu pour les médecins ".

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites oui à cette taxe.

THOMAS CAZENAVE
Moi, je suis favorable à ce qu'il y ait un mécanisme qui permette à ceux qui n'honorent pas les rendez-vous d'être pénalisés d'une manière…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, donc une taxe, pourquoi pas.

THOMAS CAZENAVE
Je ne sais pas si c'est une taxe.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous dis ça parce que le Sénat a voté cette taxe.

THOMAS CAZENAVE
Je suis favorable à un dispositif, donc je comprends tout à fait l'esprit du Sénat qui dit : on ne peut pas laisser sans rien faire des médecins qui sont face à des rendez-vous non honorés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'augmentation des taxes sur les boissons sucrées ?

THOMAS CAZENAVE
Non, moi je ne suis pas favorable, je l'ai dit, ni sur les boissons sucrées, ni sur le vin. Arrêtons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un amendement de la majorité.

THOMAS CAZENAVE
Oui, mais on a ce dialogue et je l'ai dit aux bancs au Sénat. Arrêtons de penser qu'on va résoudre tous nos problèmes par la taxation. Je le dis très clairement. S'il y a des aliments, s'il y a des produits qui sont absolument nocifs pour la santé, il suffit de les interdire, de changer la réglementation. Pourquoi tout devrait passer par la taxe dans notre pays ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, le pouvoir d'achat, parlons du pouvoir d'achat. Un sujet aussi qui vous concerne indirectement, même directement : VINCI. Tout le monde connaît VINCI. VINCI assure que les prix des péages vont augmenter de 5% à cause de la nouvelle taxe sur les infrastructures de transports de longue distance. Alors, oui ou non ? Est-ce que les péages augmenteront de 5% ?

THOMAS CAZENAVE
Ce n'est pas une taxe sur les automobilistes, c'est une contribution des sociétés d'autoroutes et pas seulement des sociétés d'autoroutes, également des aéroports. Quelle est notre idée ? Faire financer les modes de transport polluants, leur faire financer des modes de transport propres, notamment le ferroviaire. Donc il n'y aura pas d'augmentation des péages.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites à VINCI : non, pas d'augmentation de 5%.

THOMAS CAZENAVE
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Nous sommes sur le stand de la Confédération des buralistes. Je voudrais qu'on parle un peu de tabac. Paquet à 12 euros bientôt ? Est-ce qu'il y aura une augmentation du prix des cigarettes en 2024 ?

THOMAS CAZENAVE
Alors, ce qui a été voté en 2023, c'est une augmentation progressive du prix du paquet de tabac avec une indexation sur l'inflation. C'est une évolution qui a été votée l'année dernière, donc les buralistes le savent, les consommateurs eux-mêmes le savent. C'est une évolution progressive qui a été votée l'an dernier, et donc c'est le schéma que nous avons établi dans la discussion parlementaire l'année dernière.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc en 2024, paquet à 12 euros et plus ?

THOMAS CAZENAVE
Non. Oui, c'est une augmentation progressive qui nous amènera – ça dépend de l'inflation – autour de 13 euros à la fin du quinquennat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
À la fin 2024, autour de 13 euros.

THOMAS CAZENAVE
Non, non, en 2027.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah, d'accord. En 2027, autour de 13 euros, s'il n'y a pas d'ici là de nouvelles augmentations, Dites-moi, les cigarettes de contrebande, les cigarettes que l'on va chercher dans un pays limitrophe, qu'allez-vous faire ? Qu'allez-vous faire pour lutter contre la contrebande ? Je regardais les chiffres : une cigarette sur trois n'est pas achetée dans un bureau de tabac.

THOMAS CAZENAVE
Que faisons-nous vous voulez dire ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, que faites-vous ?

THOMAS CAZENAVE
Moi, je suis à la tête des douanes françaises qui ont pour mission de lutter contre la contrebande de tabac. J'étais encore en fin de semaine dernière à la frontière espagnole, la semaine précédente à la frontière belge, nous avons une forte mobilisation des douanes pour lutter contre tous les trafics dont le trafic de contrebande de tabac. On sait qu'il existe, on sait qu'il faut être extrêmement présent. On démantèle des usines parfois de fabrication de tabac de contrebande. C'est une exigence, 1/ de santé publique ; 2/ vis à vis de nos buralistes, être intraitable parce qu'on a une fiscalité, vous l'avez rappelé, qui est importante. Et en contrepartie d'une fiscalité importante, ce que nous devons notamment aux buralistes, c'est une lutte intraitable contre le trafic.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et un manque à gagner pour l'État en plus.

THOMAS CAZENAVE
Absolument, et un manque à gagner.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Thierry CAZENAVE (sic), très bien, vous luttez vous luttez. Thomas CAZENAVE… Pourquoi je dis Thierry ?

THOMAS CAZENAVE
Je ne sais pas, c'est à vous de me le dire !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Thomas ! Pourquoi est-ce que je dis Thierry CAZENAVE ? Thomas CAZENAVE, oui, vous luttez contre cette contrebande qui bien souvent a lieu dans les ports.

THOMAS CAZENAVE
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'où la difficulté.

THOMAS CAZENAVE
On a un enjeu de sécurisation de tous nos ports dans la lutte contre tous les trafics. On évoquait le tabac, on peut évoquer les stupéfiants. Je souhaite qu'on équipe notamment les ports en scanners qui nous permettent de lutter plus efficacement contre tous les trafics qui passent à travers les containers. Nous avons un enjeu de sécurisation, en France d'ailleurs comme en Europe, de toutes les plaques portuaires.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je pars acheter mes cigarettes à l'étranger, je vais pouvoir acheter combien de cartouches ?

THOMAS CAZENAVE
Aujourd'hui, une seule.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, aujourd'hui une seule. Et bientôt plus.

THOMAS CAZENAVE
Aujourd'hui, on a une réglementation communautaire qui nous impose de passer à quatre. Le Conseil d'Etat nous l'a rappelé. Nous travaillons avec la Confédération des buralistes pour voir comment on peut accompagner cette évolution dans les prochaines semaines et les prochains mois.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment ? Comment ?

THOMAS CAZENAVE
C'est le sens de la discussion. Moi, je ne décide pas tout seul dans mon bureau, je travaille avec la Confédération des buralistes et j'aurai l'occasion d'y revenir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quatre cartouches, c'est ça ?

THOMAS CAZENAVE
C'est ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quatre cartouches. Thomas CAZENAVE, un mot quand même sur les sachets et perles de nicotine. Je sais bien que c'est le ministre de la Santé qui décidera, mais vous êtes favorable à l'interdiction ou pas ?

THOMAS CAZENAVE
Ça, c'est la compétence du ministère de la Santé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Les économies que vous voulez faire, vous voulez faire beaucoup d'économies. Dépenses publiques excessives en France, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Bruxelles. Vous avez vu. Que répondez-vous d'ailleurs à Bruxelles ?

THOMAS CAZENAVE
Qu'on a une trajectoire, et Bruxelles le sait, de baisse du déficit public. On réduit le déficit cette année, il va passer à 4,9%. On va le passer à 4,4% l'année prochaine et moins de 3% en 2027.

JEAN-JACQUES BOURDIN
2,7.

THOMAS CAZENAVE
2,7% en 2027 donc sous les 3%. Pourquoi ? Parce que la charge d'intérêt de la dette, ce que l'on paie pour la dette, elle va passer de plus de 40 milliards d'euros cette année à 75 milliards. Plus que le budget de l'Education nationale. Donc, il y a un enjeu absolu de réduire notre déficit public, donc il faut faire des économies. On a commencé à en faire, on fait 16 milliards d'euros d'économies dans ce budget. L'année prochaine, on doit faire 12 milliards d'euros d'économies supplémentaires.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, ces économies justement, dans l'administration ?

THOMAS CAZENAVE
Bien sûr, l'Etat, la Sécurité sociale, les collectivités territoriales, moi je défends l'effort partagé. L'Etat a protégé tout le monde pendant les crises que nous avons traversées, il est légitime que tout le monde contribue à cet effort.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Au passage, les PGE ça fonctionne bien, le remboursement des PGE ?

THOMAS CAZENAVE
Ah bah oui, puisque par exemple dans le texte qu'on vient d'adopter au Sénat, ça s'appelle un projet de loi de fin de gestion, 500 millions d'euros dépenses en moins au titre des PGE parce que les entreprises remboursent et que notre économie tient. On a 1% de croissance cette année, là où par exemple l'Allemagne rentre en récession.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Thomas CAZENAVE, l'Etat est propriétaire de 192.000 bâtiments, de 30.000 terrains, 192.000 bâtiments, 30.000 terrains, vous allez en vendre ?

THOMAS CAZENAVE
Moi ce que je souhaite c'est qu'on réduise les surfaces de bureaux, de l'Etat, de 25%. Pourquoi ? parce que c'est bon pour les finances publiques, ça nous coûte cher, on dépense 2 milliards d'euros en loyers chaque année, l'Etat, 2 milliards d'euros en loyers chaque année, c'est bon pour l'environnement, parce qu'il faut réduire aussi nos dépenses de chauffage, nos dépenses de climatisation, et je le dis aussi, c'est bon pour les agents, parce qu'on a souvent un patrimoine de piètre qualité et pour le rénover il faut pouvoir aussi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc 25% de bureaux, vous dites ?

THOMAS CAZENAVE
Oui, absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas 25% de bâtiments appartenant à l'Etat, on est bien d'accord ?

THOMAS CAZENAVE
Non, bien sûr, je parle vraiment des bureaux de l'Etat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les ministères vont même devoir payer leur loyer ?

THOMAS CAZENAVE
Oui, parce qu'on va changer complètement le modèle, on aura une foncière publique qui sera propriétaire et les ministères vont, comme ça, louer leurs locaux, c'est plus incitatif pour eux, s'ils veulent à un moment récupérer de l'argent ils vont réduire leurs surfaces.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le Black Friday de l'Etat, si j'ai bien compris Thomas CAZENAVE.

THOMAS CAZENAVE
Non, absolument pas, c'est le modèle, on ne brade rien, vous savez Monsieur BOURDIN, on ne brade rien…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon d'accord, vous ne bradez rien…

THOMAS CAZENAVE
Moi je suis très attentif à l'argent de l'Etat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'allez pas brader notre argent ?

THOMAS CAZENAVE
Non, non, non…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que ça nous appartient quand même !

THOMAS CAZENAVE
Je veuille à l'argent du contribuable tous les jours et c'est un exercice difficile, y compris au Parlement, on l'évoquait lors du débat au Sénat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, donc vous allez faire des économies…

THOMAS CAZENAVE
Oui, absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
A ce niveau-là, et des économies aussi dans le mille-feuille administratif, des économies dans le fonctionnement, au moins, du mille-feuille. Je ne sais plus dans quel média vous disiez je ne comprends pas, lors d'une inauguration, nous avons le président de la communauté de communes, le député, le maire, le président de je ne sais trop quoi, tout le monde est là, et finalement on dépense beaucoup d'argent, c'est de la présence inutile.

THOMAS CAZENAVE
Il faut réduire la taille du ruban.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Réduire la taille du ruban, c'est-à-dire ?

THOMAS CAZENAVE
C'est-à-dire que, vous voyez les inaugurations, tout le monde est derrière le ruban, eh bien le ruban il est trop large aujourd'hui. Quand vous avez cinq, six, sept personnes, ça veut dire que vous avez une, deux, trois niveaux de collectivité, un opérateur de l'Etat, les services de l'Etat, un syndicat, une société d'économie mixte, tout ça c'est trop compliqué, tout ça c'est trop coûteux. Nous allons confier, demain, avec Dominique FAURE, à deux grands élus locaux, Catherine VAUTRIN, la présidente du Grand Reims, Boris RAVIGNON, le maire de Charleville-Mézières, une mission, pour dire combien ça coûte, combien nous coûte…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le mille-feuille administratif.

THOMAS CAZENAVE
Le mille-feuille, voire même, il faut le dire, notre désorganisation collective, ça nous coûte cher. Est-ce qu'on a les moyens de se payer un modèle aussi compliqué, on est ici au Salon des maires, dont tout le monde souffre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, justement.

THOMAS CAZENAVE
Dont tout le monde souffre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement.

THOMAS CAZENAVE
Depuis les lois Defferre, il y a 40 ans, qui donnaient une véritable impulsion en termes de liberté, on a complexifié progressivement le système avec des compétences partagées, des cofinancements, donc il faut vraiment qu'on redonne de l'air, de la simplification, et cette mission pour moi elle est fondamentale, elle doit mettre dans le débat combien nous coûte cette organisation extrêmement complexe, combien nous coûtent ces normes et qu'on ait ce débat en disant est-ce qu'on est prêt à faire des économies.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Trop de collectivités ou pas ?

THOMAS CAZENAVE
C'est trop d'empilements, c'est-à-dire vous avez des…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?

THOMAS CAZENAVE
Services de l'Etat, opérateurs, agences, quatre niveaux de collectivités, parfois des syndicats, parfois des sociétés d'économie mixte…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y a trop de niveaux de collectivités, est-ce que vous allez réduire, je ne sais pas, même supprimer certaines collectivités ?

THOMAS CAZENAVE
Je vais vous dire, ce qui ne va pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a trop…

THOMAS CAZENAVE
Non, mais ce qui ne va pas c'est que sur, une politique publique, on soit quatre ou cinq autour de la table. La politique du logement elle est complètement éclatée aujourd'hui, c'est l'Etat, c'est les bailleurs sociaux, c'est le maire qui attribut les permis de construire, c'est l'intercommunalité qui définit, donc moi je pense qu'il faut aller très loin, le président de la République l'a dit, il a d'ailleurs confié une mission à Eric WOERTH…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Exact.

THOMAS CAZENAVE
Il faut une grande clarification des compétences, une responsable…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y aura une suppression de collectivités, il y aura ou pas ?

THOMAS CAZENAVE
Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, il n'y aura pas de suppression de collectivités ?

THOMAS CAZENAVE
Non, notre sujet ce n'est pas supprimer les collectivités…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas de suppression des départements, pas de suppression de… ?

THOMAS CAZENAVE
Non, notre problème il n'est pas là, notre problème c'est que pour une politique publique vous avez trois, quatre, des fois, niveaux de collectivité qui contribuent, c'est trop compliqué, moi je souhaite un modèle de responsabilité, vous avez une politique publique, vous avez un responsable. Parce que tout ça, je vais vous dire, il y a un coût financier, mais il y a un coût démocratique…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr.

THOMAS CAZENAVE
Les gens ne se déplacent plus dans les urnes, pour élire les conseillers départementaux, les conseillers régionaux…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais enfin, intercommunalité, communauté de communes, enfin bon, les gens ne comprennent plus rien…

THOMAS CAZENAVE
Mais bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et parallèlement on manque de services publics.

THOMAS CAZENAVE
Et les élus…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et parallèlement on manque de services publics, notamment en zones rurales.

THOMAS CAZENAVE
C'est la raison pour laquelle moi je suis pour une opération vérité, qu'on se dise combien ce système nous coûte et comment on peut faire des économies, parce que je crois personnellement qu'on ne peut plus se payer le luxe d'une telle désorganisation collective.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Thomas CAZENAVE, nous sommes ici au Salon des maires de France, les maires ne sont pas contents, l'AMF alerte sans cesse sur la baisse des dotations et l'absence de compensation, à l'euro près, des recettes perdues, avec l'inflation, ça coûte 7 milliards, plus de 7 milliards d'euros aux collectivités, c'est ce que j'entends moi.

THOMAS CAZENAVE
Mais vous savez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que dit l'AMF.

THOMAS CAZENAVE
Non, mais alors là il faut quand même redire les choses. Baisse des dotations c'est faux…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est faux ?

THOMAS CAZENAVE
Bah non, c'est faux, nous sommes la majorité… vous savez, elles avaient baissé de plus de 10 milliards d'euros depuis 2017, on les a stabilisées, on les a augmentées l'année dernière, on les augmente encore. Pourquoi les recettes des collectivités augmentent ? la base des taxes foncières, d'ailleurs les Français l'ont vu, elle a augmenté de 7% la taxe foncière, donc il n'y a pas de baisse de ressources des collectivités territoriales. Moi je vais vous dire, ce débat…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais l'inflation n'est pas couverte.

THOMAS CAZENAVE
Non, mais si, dans les faits si…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment si ?

THOMAS CAZENAVE
Mais parce que la taxe foncière vous croyez que si elle augmente de 7%…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais il n'y a pas que la taxe foncière.

THOMAS CAZENAVE
C'est 30% des recettes quand même !

JEAN-JACQUES BOURDIN
30%, et le reste ?

THOMAS CAZENAVE
Je vais vous dire Monsieur BOURDIN, le débat qu'on a… moi j'en ai marre qu'on oppose systématiquement l'Etat et les collectivités, on forme un seul ensemble, c'est la République, on doit travailler ensemble, il faut arrêter de se renvoyer la balle, ce n'est pas moi, c'est

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais que dites-vous alors à l'AMF, que lui dites-vous ?

THOMAS CAZENAVE
Je leur dis, un, la situation financière des collectivités, bloc communal, se tiennent bien, ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour des comptes, mais en fait il faut… derrière tout ça, c'est quoi le malaise ? un, il y a une incertitude, on l'a vu sur le prix de l'énergie, on l'a vu avec la crise internationale, les maires, ils sont comme vous et moi, ils sont inquiets des fois du contexte. Et deuxièmement, j'en reviens au coût du millefeuille, c'est trop compliqué pour les maires, pour les élus, maintenant, notre organisation elle est trop compliquée, donc il y a une forme parfois de lassitude des élus, donc derrière ce débat sur les finances, se logent en fait deux sujets, l'inquiétude des maires, mais face à l'avenir, et deux la complexité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Si je comprends bien vous venez à la rescousse des maires.

THOMAS CAZENAVE
Mais bien sûr, mais tous les jours, mais tous les jours. Moi, je vais vous dire, j'ai implanté, j'ai inauguré, à Charleville-Mézières, un centre des Finances publiques, 50 personnes qui arrivent de région Ile-de-France, et comment on a réussi ça ? parce qu'on s'est mis autour de la table avec le maire, services de l'Etat, c'est quand on collabore qu'on réussit, ce n'est pas quand on s'oppose.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez vu que David LISNARD propose un impôt résidentiel, ça vous dit ou, vous recevez cette idée ?

THOMAS CAZENAVE
Non mais, moi je vais vous dire, on a aujourd'hui une taxe foncière, et nous ne sommes pas la majorité qui va augmenter les impôts, on les a baissés depuis 2017, on a baissé les impôts à hauteur de plus de 25 milliards…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Même si la taxe foncière augmente, ce n'est pas vous.

THOMAS CAZENAVE
La taxe d'habitation, la redevance audiovisuelle, l'impôt sur le revenu, moi je pense que les Français n'attendent pas de nous que nous augmentions les impôts. Moi je défends le pouvoir d'achat, c'était votre première question, je ne défends pas la création, ni l'augmentation d'un impôt, je crois que les Français ils ont besoin qu'on fasse tout pour défendre leur pouvoir d'achat, c'est ce que nous faisons, y compris dans le budget que je défends au Parlement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Thomas CAZENAVE, puisque vous parlez d'impôts, où est passé l'impôt minimal mondial à 25 %, impôt sur les bénéfices des sociétés, il est passé où cet impôt ?

THOMAS CAZENAVE
Il est passé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était une promesse.

THOMAS CAZENAVE
Il est passé dans notre budget, il y est, noir sur blanc. Ce n'est pas 25%, c'est 15%, c'est un accord international…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est 15%, mais…

THOMAS CAZENAVE
Pour l'impôt sur les sociétés…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il s'agit de réfléchir à un impôt mondial de 25%.

THOMAS CAZENAVE
Non, non, mais sur…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?

THOMAS CAZENAVE
Attendez. Une initiative entre l'Allemagne et la France, en 2018, qui se traduit enfin aujourd'hui grâce à un accord international, l'OCDE, une directive européenne, c'est chose faite, l'engagement pris a été tenu. Un impôt minimal, aucune multinationale ne pourra échapper à un impôt minimal de 15%, c'est une avancée considérable, c'est une avancée en termes de justice, c'est une avancée en termes aussi de coopération internationale en matière de lutte contre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Taxe européenne de 2 % pour les milliardaires ?

THOMAS CAZENAVE
Alors moi je l'ai dit, je pense qu'il faut qu'on fasse exactement la même méthode qu'on a fait pour les entreprises, pour les particuliers, les grandes fortunes qui parfois peuvent échapper à l'impôt…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc taxe de 2 % pour les grandes fortunes.

THOMAS CAZENAVE
Je vous réponds, moi j'ai proposé à tous les groupes politiques qu'on travaille ensemble pour nourrir une initiative diplomatique française exactement comme on l'a fait, je ne vais pas vous donner la solution, on n'a pas commencé les discussions, je les ai invités à venir faire part de leurs propositions, nous sommes ouverts sur cette question de justice fiscale, mais à l'échelle internationale.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous êtes favorable à cette taxe européenne de 2% ?

THOMAS CAZENAVE
Je suis favorable à une initiative internationale, j'ai lancé la démarche, je ne vais pas commencer à vous dire ça y est, on va faire 2 %, alors que j'ai invité tous les partis politiques à venir en discuter.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je vous dis 2 % parce que le chiffre a été rendu public, c'est pour ça que je dis 2%.

THOMAS CAZENAVE
Oui, oui, donc moi je suis ouvert à toutes les propositions qui nous permettront de nourrir une initiative de la France.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je voulais parler de la lutte contre l'évasion fiscale, sommes recouvertes par le fisc, combien en 2022 et 2023 ?

THOMAS CAZENAVE
On notifie, sur le champ fiscal, près de 15 milliards d'euros de redressement fiscal.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Redressement fiscal, 15 milliards d'euros.

THOMAS CAZENAVE
Redressement fiscal, c'est-à-dire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
En 2023 on sera à combien ?

THOMAS CAZENAVE
Oui, c'est à peu près le même ordre de grandeur aujourd'hui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc 15 milliards sur 2023.

THOMAS CAZENAVE
C'est l'ordre de grandeur. On connaît le chiffre de 2022, on ne connaît pas encore le chiffre

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était 12 milliards en 2015.

THOMAS CAZENAVE
Donc ça progresse.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Légèrement, en huit ans.

THOMAS CAZENAVE
Notre sujet, c'est que nous allons mettre 1 500 personnes de plus pour mieux lutter contre la fraude fiscale. Dans ce projet de loi de finances, le budget que je défends…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il paraît qu'il faut des redéploiements en fait.

THOMAS CAZENAVE
Mais oui, mais c'est des gens nouveaux sur le contrôle fiscal. On fait des économies par ailleurs, et moi je vais vous dire, ça me plaît quand on fait des économies…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Même sur l'évasion fiscale, vous êtes prêt à faire des économies ?

THOMAS CAZENAVE
Non, non, on ne fait aucune économie sur le contrôle fiscal. Vous savez que la Direction générale des finances publiques, c'est beaucoup de métiers. Quand vous supprimez par exemple la redevance audiovisuelle, vous faites des économies parce qu'avant il y avait des équipes qui s'occupaient de la redevance audiovisuelle. Elles ne sont plus en charge de ça. Donc 1 500 personnes de plus dans la lutte contre le contrôle fiscal et on crée 20 dispositifs dans le budget. Délit d'incitation à la fraude fiscale : ceux qui vont promouvoir, vivre de la fraude fiscale, sanction pénale dans le texte que je défends au Parlement aujourd'hui. Permettre, on évoquait les douaniers dans la lutte contre le tabac, de faire des cyber-enquêtes sur Internet parce qu'on sait aussi que les trafics ont lieu sur Internet, c'est des nouvelles dispositions. C'est 20 dispositions nouvelles pour mieux défendre, et j'aurai l'occasion de défendre un projet de loi de lutte contre la fraude l'année prochaine.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'année prochaine, projet de loi.

THOMAS CAZENAVE
Je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous disiez 1 500 postes supplémentaires pour le contrôle fiscal, mais 450 postes supprimés dans les effectifs du fisc. Budget 2024, c'est bien ça ?

THOMAS CAZENAVE
Non, on stabilise, on stabilise. Vous savez, la Direction générale des finances publiques a fait des efforts considérables de transformation, d'ailleurs reconnus par les Français. Vous voyez, impots.gouv.fr est une magnifique réussite. Ça fonctionne.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fonctionne bien.

THOMAS CAZENAVE
Voici une vraie administration qui s'est vraiment modernisée. Aujourd'hui, on stabilise les effectifs et par la transformation, par les économies qu'on fait, on peut mettre d'ici 2027, 1 500 personnes de plus sur tous les métiers du contrôle fiscal. Nous sommes attendus sur le sujet par les Français, c'est un enjeu d'équité. Il n'y a pas de consentement à l'impôt si des gens échappent à l'impôt, et c'est un enjeu aussi de recettes pour le budget.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci beaucoup, Thomas CAZENAVE, d'être venu nous voir ce matin. C'était concret, c'était riche. Vous pouvez réagir évidemment à ce que vous venez d'entendre, n'hésitez pas, et puis nous sommes au Salon des maires de France. Évidemment, nous recevrons deux maires tout à l'heure pour débattre entre 9 heures et demie et 10 heures. Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 novembre 2023